Articles de la catégorie : Initiatives

Pratiques communautaires et développement local

Le 30 Déc 20

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Bruxelles

30 septembre 2010

Conférence «La santé communautaire: le défi de la participation de la communauté»

La participation et l’ empowerment demeurent les pierres d’achoppement des pratiques communautaires. Souvent, les porteurs de projets ont l’impression que les personnes impliquées dans les actions ne représentent pas «vraiment» les membres de la communauté, que le passage ne se réalise pas entre un groupe restreint conscientisé et l’ensemble de la communauté.
Comment impulser et maintenir durablement la participation de la communauté et favoriser l’ empowerment de celle-ci? Avec quelles méthodes de planification, de diagnostic et d’évaluation? Comment ces méthodes mettent-elles en place des processus d’apprentissages individuels et collectifs?
Bernard Goudet , sociologue, enseignant à l’Université Victor-Segalen de Bordeaux abordera ces questions au fil d’une série de situations concrètes. Il clarifiera les liens entre le cadre de l’action (entre dispositifs inducteurs et actions issues du terrain) et les méthodes déployées pour induire un mouvement, un changement, pour impulser une mobilisation.
La conférence se déroulera en trois temps. L’intervention de Bernard Goudet sera introduite par une brève allocution d’ Alda Greoli , Secrétaire nationale des Mutualités chrétiennes, qui situera les convergences de cette intervention avec les options du mouvement de l’éducation permanente.
La fin de la conférence laissera une large place au débat avec la salle.
Le livre de Bernard Goudet, « Développer des pratiques communautaires en santé et développement local », paru chez «Chroniques sociales» (Lyon), pourra être acquis à cette occasion au prix de 17 euros.
La date : 30 septembre 2010 .
Le lieu : salle de Conférence du FARES , rue de la Concorde 56 , 1050 Bruxelles .
L’heure : de 15h à 17h ( accueil à 14h30 ).
PAF : gratuit .
Inscription : exclusivement par courriel adressé avant le 20 septembre 2010 à christian.debock@mc.be, précisant l’organisation et le nom du ou des participant ( s ) – nombre de places limité .

Liège

1er octobre 2010

Séminaire «L’action, la mobilisation et l’évaluation, quelles articulations?»

Ce séminaire est ouvert aux professionnels de terrain et aux chercheurs afin de mutualiser leurs expertises autour des questions suivantes.
Comment se composent les liens entre action et évaluation? Quel est le rôle de l’évaluation dans la dynamique des actions? Comment le choix d’un paradigme sociologique de référence facilite et soutient le changement et l’empowerment au travers de la démarche d’évaluation?
La démarche d’évaluation devrait être une partie intégrante de tout projet. Dans le cadre des actions communautaires et de mobilisation, elle présente deux faces. La première est celle de la production de résultats en lien avec les objectifs des actions. La deuxième s’intègre dans un processus de mobilisation et de changement généré par l’évaluation elle-même. Ainsi, l’évaluation devient un des moteurs de la mobilisation, de la participation et de l’empowerment.
Comment l’évaluation et l’action peuvent-elles s’articuler? Quelles sont les théories et les méthodologies qui peuvent être mises en place pour assurer la couture entre évaluation et action? Comment les paradigmes « stratégique » (Crozier) et « actionniste » (Touraine) réalisent-ils cette articulation?
Les questions ne manqueront pas au cours de ce séminaire ouvert à une vingtaine de participants. Il sera organisé en trois parties. Le matin, après une introduction par Bernard Goudet et un membre de l’APES, les participants auront l’occasion de présenter des actions, des projets, des recherches, des réflexions ayant trait à ces questions. Après une pause de midi où une collation sera offerte, l’après-midi sera consacrée à la discussion et à la confrontation des pratiques avec l’éclairage de B. Goudet. Les débats seront synthétisés et publiés dans la revue Éducation Santé.
Le livre de Bernard Goudet, « Développer des pratiques communautaires en santé et développement local », paru chez «Chroniques sociales» (Lyon), pourra être acquis à cette occasion au prix de 17 euros.
La date : 1er octobre 2010
Le lieu : salle des professeurs de l’Université de Liège , place du XX août 7 , 4000 Liège
L’heure : de 10h à 16h ( accueil à 9h30 )
PAF : gratuit .
Inscription : exclusivement par courriel adressé avant le 20 septembre 2010 à gaetan.absil@ulg.ac.be, précisant l’organisation et le nom du ou des participant ( s ) – nombre de places limité à 20 personnes .

L’invité de l’APES et d’Éducation Santé

Bernard Goudet est intervenant en sociologie, anthropologie et psychologie sociale.
Sa pratique se situe entre le monde de la recherche (il enseigne à l’Université Victor-Segalen Bordeaux 2) et le développement d’interventions dans le champ de l’action sociale et de la promotion de la santé (consultant en santé publique).
Par ses conseils, il contribue à la réflexion et à l’action de différentes institutions locales ou régionales tout comme il soutient de nombreux acteurs qui travaillent au plus près des populations.
Dans son ouvrage « Développer des pratiques communautaires en santé et développement local », il nous fournit à la fois un rappel des principaux documents de référence en matière de promotion de la santé, développement social et développement durable, des repères théoriques et des schémas méthodologiques utiles, efficaces et facilement mobilisables pour l’action. Les réflexions qu’il partage avec le lecteur sont le fruit de trente années d’expériences et de réflexions sur la dynamique du changement social et les processus qui la soutiennent.

La France et la prévention de l’obésité

Le 30 Déc 20

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L’an dernier, le Président Nicolas Sarkozy a chargé une Commission pour la prévention et la prise en charge de l’obésité de lui adresser un rapport et des propositions d’actions en la matière. Le résultat de ses (rapides) travaux est un document de 37 pages, qui présente un état des lieux de la situation en France, résume les connaissances actuelles sur le sujet, rappelle les efforts de mobilisation déjà entrepris (les deux PNNS, le programme Epode, les efforts de l’industrie), et souligne les résultats engrangés par cette mobilisation, ainsi que les faiblesses et insuffisances de cette ‘grande cause de santé publique’.
Ce rapport ne bouleversera probablement pas le futur de la prise en charge de ce qui est devenu pour certains scientifiques une véritable ‘maladie chronique’ là où d’autres voient un facteur de risque associé à certaines maladies chroniques. Il comprend néanmoins quelques informations intéressantes comme la mise en évidence d’une stabilisation de la prévalence de l’obésité chez les enfants (pour autant que les données disponibles puissent permettre de l’affirmer).
À retenir aussi, le fait que la France ne se situe pas trop mal dans le concert européen, l’importance du fait gastronomique (et donc de la grande richesse de la palette alimentaire française) et les rituels de convivialité hexagonaux autour de l’acte de se nourrir jouant là sans doute un rôle positif. Par contre, la grande sédentarité de la population constitue un handicap incontestable (sûrement transposable à notre pays !).
Parmi les points noirs, les auteurs du rapport relèvent une capacité de mobilisation inadaptée à l’importance de l’enjeu, en particulier du côté du secteur privé et des régions; une compréhension insuffisante des facteurs favorisant l’obésité et de grosses lacunes en épidémiologie; un dépistage parcellaire des personnes à risque; un ‘ostracisme insupportable à l’égard des personnes obèses’ (et l’insistance virulente sur ce point est assurément un des apports majeurs du travail de la commission); le manque d’attention portée à l’activité physique; le caractère culpabilisant et la mauvaise compréhension par le public des messages sanitaires ‘lardant’ les publicités; les insuffisances de l’évaluation.
Venons-en aux recommandations. Certaines ont fait l’objet d’un consensus au sein de la commission. En voici quelques-unes : développer des actions ciblées en direction des publics fragiles; développer la culture alimentaire des enfants; mettre en place les conditions d’un développement de l’activité physique; développer l’information sur les bonnes pratiques du ‘temps d’écran’ quotidien des enfants; proposer au niveau européen l’indication obligatoire du nombre de calories sur la face avant des emballages, et par portion; établir des recommandations de bonnes pratiques médicales pour la prise en charge; promouvoir l’allaitement maternel.
À noter aussi, la suggestion d’organiser une gouvernance nationale forte avec un pilotage interministériel dont le responsable viendra du secteur de la santé. Assurément une excellente idée !
Trois sujets n’ont pu faire l’objet d’un consensus : les mesures relatives à la publicité pour les produits alimentaires transformés dans les écrans destinés aux jeunes; l’instauration d’un dispositif d’orientation du consommateur de type ‘green keyhole’ suédois (nous publierons prochainement un article de David Leloup narrant les malheurs des ‘feux tricolores’ au niveau européen); la fin de l’exonération du paiement de la ‘taxe INPES’ en cas d’apposition du bandeau « manger bouger » (1).
Il n’est peut-être pas innocent que deux des trois sujets de discorde au sein de la commission soient directement liés aux intérêts de l’industrie agroalimentaire, qui est très puissante en France, et qui est d’ailleurs remerciée en fin de rapport pour sa ‘participation très active aux travaux de la commission’ à travers la responsable des relations institutionnelles de l’ANIA (Association nationale des industries alimentaires, l’équivalent de ‘notre’ FEVIA). Un ‘engagement’ qui n’aura donc pas été inutile…

Des recommandations plus musclées

Au moment où la commission démarrait ses travaux, 20 sociétés médicales d’experts et de spécialistes ont identifié 17 chantiers permettant de maintenir et amplifier la dynamique lancée par les deux PNNS et de mettre en place des mesures complémentaires qui n’ont pu voir le jour.
L’objectif est de réduire les écarts, la fracture nutritionnelle, qui se développent en France entre les groupes sociaux. Les populations défavorisées sur le plan économique sont particulièrement vulnérables sur le plan nutritionnel, associant risque élevé d’obésité et de carences. Pour agir contre ces inégalités sociales et atteindre l’ensemble des objectifs du PNNS, l’information et l’éducation sont certes nécessaires mais notoirement insuffisantes. Il faut également agir sur l’offre alimentaire (notamment en termes d’accessibilité et d’amélioration de la qualité nutritionnelle), ainsi que sur l’activité physique.
Voici ces chantiers jugés prioritaires.

Actions en milieu scolaire

Améliorer l’offre alimentaire , les actions pédagogiques, et le dépistage des problèmes
nutritionnels dans les établissements scolaires :
– inscrire des normes en termes de composition des repas servis en restauration scolaire dans un texte réglementaire ayant force d’obligation;
– rendre obligatoire l’installation de fontaines d’eau dans toutes les enceintes
scolaires;
– renforcer l’interdiction de mentionner des marques alimentaires à l’école sur les
menus, affiches, dépliants, matériel scolaire ou sportif et réserver réglementairement la possibilité de diffuser des outils pédagogiques sur la nutrition aux seuls bénéficiaires du logo PNNS;
– renforcer le dépistage et les actions de prévention par les services de médecine
scolaire : visite obligatoire de dépistage de l’obésité ou du risque d’obésité (au
moins à une occasion en maternelle, à l’école élémentaire, au collège et au lycée) et
renforcer l’articulation avec les réseaux de prise en charge de l’obésité (ou leurs
équivalents);
– introduire au minimum en CE2 et en 5e des cours sur les groupes
d’aliments et les repères de consommation du PNNS, des actions favorisant le
développement du goût et la pratique de la cuisine.
Augmenter l’activité physique à l’école et durant le temps périscolaire : augmenter le
temps d’activité physique effective, aménager les cours de récréation, les gymnases et
fournir les compétences d’encadrement pour favoriser le jeu et la pratique de l’activité
physique pendant et en dehors du temps scolaire.
Recueillir de façon systématique, anonymisée et standardisée dans les structures
scolaires, les données anthropométriques concernant l’ensemble des enfants (école,
collège, lycée). Ces données seront centralisées, chaque année, et traitées pour la
surveillance de l’évolution de la prévalence du surpoids et de l’obésité chez l’enfant par
l’Institut de veille sanitaire.

Actions en population générale

Renforcer les actions de communication de l’INPES (informations pratiques et appliquées
à la vie quotidienne des populations, notamment les plus défavorisées) par une
exonération du prix d’achat d’espace pour ses campagnes de promotion de la nutrition
sur les chaînes publiques de télévision et de radio, notamment lors des tranches horaires
visant les enfants.
Interdire par voie réglementaire la publicité télévisuelle destinée aux enfants pour tous les produits alimentaires (à l’exception des aliments dont la promotion est compatible
avec les objectifs du PNNS), aux horaires du matin avant l’école, ainsi que les mercredi,
samedi et dimanche matin.
Interdire par voie réglementaire dans les télé-achats ou autre système de promotion
grand public la vente de produits alimentaires de régime ou de compléments alimentaires
ou de vêtements spéciaux ou d’appareils de gymnastique passive
suggérant une efficacité
sur le contrôle du poids, et dont l’intérêt n’a pas été validé par un comité d’experts
nommé par les pouvoirs publics.
Créer , en s’inspirant de ce qui existe en Suède, un logo « la clé plaisir-nutrition PNNS» décliné du logo du PNNS (applicable sur les emballages ou dans des documents d’information sur les lieux de vente) destiné à informer rapidement et clairement les consommateurs, au moment de leur achat, sur les aliments dont le PNNS recommande une augmentation de consommation pour la population (attribution sur la base des profils nutritionnels, des repères de consommation et des objectifs nutritionnels du PNNS).
Promouvoir l’allaitement maternel et adapter la législation du congé maternité
en augmentant sa durée.
Rendre obligatoire l’installation des fontaines d’eau (réfrigérées ou non) dans tous les
lieux publics (écoles, collèges, lycées, universités, piscines et établissements sportifs,
administrations, ministères, mairies, préfectures, entreprises publiques et parapubliques),
les lieux de passages (gares SNCF, stations de métro, aéroport, etc.) et dans les
entreprises privées.
Promouvoir et favoriser l’accessibilité, pour toute la population, des pains utilisant une
farine plus riche en glucides complexes et fibres
, fabriqués avec une quantité de sel inférieure à 18 g par kg de farine, agir sur les prix, la disponibilité et l’accessibilité.

Actions vers le système de santé

Former les professionnels de santé, de l’éducation et du social :
– introduire de façon obligatoire dans les cursus de base des médecins, dentistes,
pharmaciens, infirmières et aides soignantes, une formation en nutrition intégrant
des notions sur les comportements alimentaires et les repères de consommation du
PNNS et des informations sur le dépistage, la prévention, et la prise en charge de
l’obésité et de la dénutrition;
– introduire de façon obligatoire dans les cursus des enseignants (en particulier pour
l’éducation physique et sportive et les sciences et vie de la terre), travailleurs
sociaux, conseillères en éducation familiale et sociale, des notions de base de
nutrition (les groupes d’aliments et les repères de consommation du PNNS).
Clarifier les compétences reconnues aux divers professionnels de santé en matière de
nutrition (favoriser la délégation de tâche entre professionnels, définir un statut de
médecin nutritionniste, harmoniser les formations au niveau européen).
Améliorer la prise en charge de l’obésité infantile et adulte par la mise en place de réseaux
régionaux de prise en charge de l’obésité et fondés sur les bonnes pratiques développées
avec la Haute Autorité de Santé.
Améliorer la prise en charge des problèmes nutritionnels à l’hôpital :
– de manière spécifique pour permettre une évaluation de l’état nutritionnel et une approche globale, médicale, diététique, psychologique et sociale;
– rendre obligatoire les comités de liaison alimentation nutrition (CLAN) dans les
hôpitaux et leur fournir les moyens d’agir;
– nommer un médecin référent nutrition dans chaque établissement hospitalier et
médico-social, en relation avec les unités de diététique.
Inscrire le PNNS comme plan prioritaire de santé publique et l’intégrer dans chacun des
projets régionaux de santé publique (dans le cadre de la mise en place des Agences régionales de santé) avec mise en place d’un mécanisme unique de coordination des actions ayant un impact direct sur la santé et soutenues par les directions/agences sectorielles régionales.

Actions vers les milieux défavorisés

Instaurer pour les personnes défavorisées sur le plan social et économique des coupons exclusifs de fruits et légumes frais (10 € par mois devant permettre un apport de l’ordre de 100 à 200 g de fruits et légumes frais par jour).
Soutenir les structures d’aide alimentaire pour l’approvisionnement en aliments dont la
consommation doit être accrue.

La suite des opérations

Le Président de la République n’a pas tardé à réagir au rapport de la commission, et a confié au Professeur Arnaud Basdevant , chef du service de Nutrition à l’Hôpital de la Pitié-Salpêtrière la mission de piloter le Plan obésité, dont les contours sont précisés ainsi:
« Sur la base des propositions faites par la commission, je souhaite qu’un plan obésité, comprenant notamment les actions suivantes, soit mis en œuvre d’ici 2012 :
-animer et intensifier l’effort de recherche, créer une fondation de coopération scientifique associant l’Alliance nationale pour les sciences de la vie et de la santé à des partenaires publics et privés;
-développer la prévention, faciliter l’application des recommandations existantes en améliorant l’alimentation scolaire, la restauration collective et la restauration solidaire et en développant l’activité physique pour la santé à l’école;
-renforcer les liens entre prévention et prise en charge, organiser d’ici 2012 le dépistage de l’obésité des enfants et une prise en charge de qualité sur tout le territoire, y compris l’outre-mer, en apportant une attention particulière aux populations fragiles.
L’État consacrera 140 millions d’euros sur trois ans à la mise en œuvre de ces mesures. Ces dépenses seront financées par redéploiement. »

Le Prof. Basdevant sera vice-président du comité de pilotage du PNNS, dont le plan obésité sera le volet ‘lutte contre l’obésité’. Il animera aussi les travaux de rédaction d’une charte conférant un caractère solennel aux engagements des acteurs de santé, ainsi que des acteurs institutionnels, des associations, des médias, des entreprises. Cette charte devra être signée avant le 30 juin 2011.

Reste à espérer que cette grande cause nationale ne fasse pas la part trop belle aux intérêts de l’industrie agroalimentaire et de l’industrie pharmaceutique, toutes les deux très préoccupées par la question de l’obésité, comme chacun sait…
Christian De Bock (1) La loi du 9 août 2004 relative à la politique de santé publique prévoit que les messages publicitaires en faveur de boissons avec ajout de sucre, de sel ou d’édulcorant de synthèse et des produits alimentaires manufacturés contiennent une information à caractère sanitaire.
À défaut de l’apposition de ce message sanitaire, l’annonceur ou le promoteur doit s’acquitter d’une contribution financière reversée à l’Institut national pour la prévention et l’éducation pour la santé (INPES) pour lui permettre de conduire des actions d’éducation nutritionnelle.
Il était attendu que cette taxe rapporte à l’INPES de 1 à 3 millions d’euros par an, il n’en a rien été (elle rapporte à peine 100.000 euros par an), la plupart des annonceurs optant pour l’apposition du bandeau avec message sanitaire.

Le poids moral du surpoids

Le 30 Déc 20

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«Notre société crée des obèses mais ne les supporte pas», disait le nutritionniste Jean Trémolières. Et le phénomène s’accentue. Notre monde occidental est familier du XXL dans la vie réelle, tandis que nos écrans, nos magazines, nos imaginaires sont des monomaniaques du svelte. Hommes et femmes confondus.
L’ampleur de l’obésité et du surpoids alarme certains acteurs de la santé, et l’OMS va jusqu’à parler d’épidémie. De cette manière, utilisant un qualificatif réservé ordinairement aux maladies infectieuses, elle frappe les esprits, remarque Francis Delpeuch , un des auteurs de ‘Tous obèses?’ (1).
En parallèle et comme en corrélation, s’accroissent stigmatisation du surpoids et souffrances de ceux qui le portent. On craint pour l’avenir de son enfant lorsqu’il dépasse les courbes admises. On associe le surpoids certes à la bonhommie mais aussi à la paresse, au manque de volonté, à la saleté… La discrimination dont sont victimes les personnes obèses est presque inconsciente et ne suscite guère de levée de boucliers. Ils se font rares l’embonpoint signe d’opulence, le bourrelet signe de beauté, la chair signe de bonne santé. Et quand, dans le roman ‘Le sumo qui ne pouvait pas grossir’ d’ Eric-Emmanuel Schmitt , un homme sage déclare à un gamin «Je vois un gros en toi», on comprend bien qu’il soit déstabilisé, qu’il ne l’associe pas directement à une promesse de sagesse. L’étiquette «gros» est, de nos jours, lourde à porter (2). La norme, le conforme, l’acceptable sont du côté de la minceur, voire de la maigreur.

En souffrance

Ainsi, face à leurs patients en mal-être, des professionnels de la santé réagissent. C’est le cas du groupe français GROS (pour Groupe de réflexion sur l’obésité et le surpoids). Il réunit des cliniciens, c’est-à-dire des médecins, des psychologues, des diététiciens… qui viennent en aide à des «personnes de chair et de sang, en difficulté avec leur poids ou leur comportement alimentaire».
Ce qui les préoccupe: la nature des difficultés rencontrées par ces personnes, les solutions qui leur sont proposées et ce qui est susceptible de les aider véritablement. Car le groupe GROS est convaincu que s’il est généralement préférable de ne pas être gros, tant d’un point de vue médical que psychologique et social, la perte de poids ne suffit pas à régler la totalité des ennuis auxquels sont confrontées les personnes en difficulté avec leur poids. « Les problèmes de nos patients dépassent largement le cadre de la diététique », estime le docteur Gérard Apfeldorfer , co-fondateur de GROS. « À la souffrance somatique s’ajoutent celles , encore plus terribles , de la marginalisation et de la culpabilisation ». Et les remèdes proposés aggraveraient bien souvent le mal.

Cacophonie alimentaire

Lorsqu’ils éloignent la personne des signaux que lui envoie son corps, lorsqu’ils imposent un plan alimentaire fait essentiellement de contrôle mental, de restrictions standardisées, les régimes et autres traitements amaigrissants risquent de faire pire que mieux. Manger peut devenir une activité cérébrale, plus qu’une sensation gustative et corporelle. Manger peut quitter définitivement la sphère du plaisir. Au bout du compte, on craque, l’échec est au rendez-vous et pour certains, ouvre la voie à un cercle vicieux où se mêlent culpabilisation, perte de l’estime de soi et déprime. Le GROS plaide pour une véritable «éducation alimentaire». Il s’agirait d’apprendre à s’observer d’abord, à repérer ses émotions face à la nourriture ou ses sensations en mangeant, à prendre le temps de déguster.

Paradoxes pour le mangeur

Mais le mangeur contemporain doit faire face à des pressions bien contradictoires. En circulant dans les allées de sa grande surface préférée, en déterminant son menu face à la télé dans l’attente du JT, il sera l’objet de prescriptions fatales pour sa taille. Impossible de suivre les invitations à la consommation qui l’assaillent tout en s’approchant de la taille 36 (et encore) du mannequin qui les vante. « Dans nos sociétés d’abondance et de marketing , l’ensemble de notre environnement se révèle obésogène’ », indique Francis Delpeuch. L’individu ne porte pas seul la responsabilité de ses kilos. Le terrain d’action doit prendre en compte la publicité ou l’industrie alimentaire dans sa manière d’étiqueter, d’informer, de fabriquer des produits aux calories parfois bien cachées.
Mais il concerne aussi l’agriculture, l’urbanisme, les cantines scolaires, le cadre de travail… Pourquoi ne pas valoriser la production de fruits et légumes? Pourquoi ne pas agir en faveur de la dépense énergétique en aménageant l’espace pour favoriser la marche? Pourquoi ne pas soigner le temps des repas à l’école? Pourquoi ne pas ménager, dans le cadre du travail, des pauses-midis suffisamment longues pour le personnel et outiller les espaces lunch en conséquence?
Mangeurs, nous ne sommes pas totalement libres de nos choix. Certains d’entre nous en subissent les conséquences plus que d’autres. «Supportons»-les!
Catherine Daloze , rédactrice en chef En Marche
Cet article est paru le 4 février 2010 dans le journal En Marche des Mutualités chrétiennes. Nous le reproduisons avec son aimable autorisation.

(1) Voir l’article «Un monde en XXL. Comment l’obésité envahit la planète», dans «Imagine demain le monde», janvier-février 2010. Référence du livre: Francis Delpeuch, Bernard Maire, Emmanuel Monnier, «Tous obèses?», éd. Dunod, 2006.
(2) «Obésité, les normes en question», brochure de l’asbl Question Santé (02 512 41 74 – https://www.questionsante.be )

Palou, le petit garçon qui voulait devenir l’ami du soleil

Le 30 Déc 20

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La campagne «Apprivoisons le soleil» (1) s’appuie sur un projet éducatif mené dans plusieurs écoles du Hainaut concernant la prévention du mélanome malin. Ce projet est mené par l’Association pour la lutte contre le mélanome malin (asbl), en partenariat avec le Réseau hospitalier de médecine sociale, le Centre local de promotion de la santé du Hainaut Occidental, l’Observatoire de la santé du Hainaut et des services de promotion de la santé à l’école (PSE).
Pour diffuser plus largement les messages de prévention, le ministère de l’Enfance, de l’Aide à la jeunesse et de la Santé a chargé, en 2007, le Service communautaire de promotion de la santé Question Santé, de réaliser une campagne de communication pour l’ensemble de la Communauté française.
S’appuyant sur l’approche pédagogique faite dans le Hainaut, Question Santé s’est tourné vers le conte…

Il était une fois

Il était une fois , il suffit de lancer ces quelques mots dans une classe ou dans une chambre à coucher pour que le silence se fasse, et que des expressions de contentement se lisent sur les visages. L’auditoire sait qu’il va voyager dans un monde certes imaginaire mais d’où émergent des thèmes et des valeurs universels et intemporels comme le courage, le danger, la récompense, l’amitié, la bravoure. S’ils prennent des formes bien différentes selon notre culture, notre âge, notre vie, ils sont pourtant toujours présents.

Pourquoi un conte ?

Le conte est un outil de partage, transversal, compréhensible de tous.
Les enseignants l’ont bien compris et l’utilisent fréquemment. Parfois pour le patrimoine culturel et historique qu’il véhicule, parfois pour accrocher les élèves car ils ne dédaignent pas une histoire simple où les personnages sont jeunes ou vieux, enfants ou parents, amis ou ennemis et où les situations sont claires: une princesse orgueilleuse qui traite mal son soupirant , un paysan pauvre qui va chercher conseil auprès du roi … Cette simplicité offre des repères faciles aux enfants pour reproduire des pensées ou des sentiments difficiles à exprimer dans la vie.

En promotion de la santé

C’est sans doute pour ces raisons que nous nous sommes tournés vers le conte pour expliquer aux enfants qu’il fallait prendre quelques précautions quand le soleil luisait. Il s’agissait de présenter les quatre recommandations de base (mettre des lunettes de soleil, porter un couvre-chef, un vêtement à manches longues, et ne pas s’exposer entre 12 h et16 h) de manière non-injonctive de façon à ce qu’elles soient comprises et acceptées.
Un conte se raconte, se transmet oralement, c’est un moment privilégié, entre un parent et son enfant, entre un enseignant et ses élèves, entre un animateur et son groupe d’apprenants. Ces actions de proximité ont plus d’impact et de durabilité auprès du public visé.

À exploiter en classe ?

Vinciane Trigalet , une enseignante de 4e primaire à l’école communale d’Houdeng (2) exploite l’histoire de Palou en classe depuis trois ans. Elle suit les élèves pendant deux ans (3e et 4e) et enseigne le français et l’histoire tandis que sa collègue professe les maths et les sciences. Vinciane a ainsi instauré depuis la troisième année un système de lecture obligatoire par fiches. Elle s’est peu à peu constitué une bibliothèque personnelle de livres en autant d’exemplaires que d’élèves.
Dans ces lectures imposées figurent déjà des contes. « J’en fais lire beaucoup , c’est un bon entraînement , ça leur plaît et ça fait partie des classiques ». Chaque livre fait l’objet d’une fiche qui mêle des questions ouvertes, des «vrais/faux», des mots à retrouver etc. Les élèves de 3e année ont un livre à lire et une fiche à compléter par semaine. En 4e, le livre est à lire en 10 jours mais livres et fiches sont plus longs et «difficiles».
Bettina Cerisier: Selon votre expérience, pour quelles années le conte convient-il le mieux?
Vinciane Trigalet : Chaque année, en mai, je ressors Palou. Il plaît beaucoup: les images sont belles, le vocabulaire est riche et le niveau de difficulté du texte correspond bien à un degré moyen (3e et 4e années primaire). En 3e année, on verra essentiellement le conte; en 4e année, on exploitera en plus la deuxième partie plus «scientifique». Celle-ci intéresse beaucoup les enfants, qui ont plein d’anecdotes à raconter sur le soleil. Pour le 3e degré (5e et 6e), je pense que c’est trop «bébé», et pour le premier degré, ce serait bien que le récit soit écrit avec deux niveaux de lecture. L’écriture la plus simple serait destinée aux enfants qui commencent à lire seuls. Un petit truc pour faciliter la lecture, quand un dialogue commence, c’est de mettre la tête du personnage avant la ligne, ainsi les enfants savent qui parle.
B.C.: Comment exploitez-vous ce matériel éducatif?
V . T . J’exploite Palou un peu comme l’histoire de Christian Merveille «Qui es-tu Léon?» Cette histoire est conçue et réalisée dans le cadre de l’évaluation externe des acquis des élèves de 3e année primaire en Communauté française. Moi, je «vois» «Qui es-tu Léon» comme une évaluation: les enfants lisent l’histoire et répondent ensuite aux questions seuls car le vocabulaire et l’histoire sont simples.
Pour Palou, je consacre deux fois trois séances à l’exploitation entière du livret. Les deux premiers cours, je lis le conte et j’entrecoupe ma lecture de questions orales qui se trouvent dans la fiche, mais aussi je réponds à toutes les questions, anecdotes des enfants au sujet du soleil. Ensuite lors du troisième cours, les élèves répondent par écrit au questionnaire portant sur le conte. La deuxième partie consacrée aux vrais / faux se déroule de la même manière en trois séances avec beaucoup de recherche de vocabulaire dans le dictionnaire.

Le questionnaire (extraits)

2. Réponds à ces deux questions
Pourquoi les gens du village ne rient-ils plus?
……………………………………………………………………………………………………………………………………………….
Palou, que décide-t-il de faire?
………………………………………………………………………………………………………………………………………………..
3. Place dans l’ordre chronologique les rencontres de Palou
– une belle jeune fille
– un vieil homme
– un pic-vert
– un chat
4. Qui donne chacun de ces conseils ?
– Tu devrais mettre un chapeau……………………………………………..
– Tu devrais mettre des lunettes de soleil………………………………………..
– Tu devrais te reposer à l’ombre……………………………………………
– Tu devrais mettre des habits………………………………………………….
5. Comment est Palou? Entoure en rouge les adjectifs qui le décrivent le mieux .
Comment est le soleil? Souligne en bleu les adjectifs qui le décrivent le mieux .
vieux – fier – charmant – malade – résolu –
dangereux – fidèle – brûlant – obéissant – espiègle –
courageux – poli – lumineux – extravagant – petit

Pour le conte, les élèves doivent repérer l’auteur, l’illustrateur et le site. Il y a des questions de vocabulaire et de recherche dans le texte suivies de questions ouvertes portant sur le sens de l’histoire. Les différentes recommandations sont repérées dans le texte et les élèves doivent retrouver qui parle. L’élève doit aussi entourer de couleurs les adjectifs qui qualifient Palou et le soleil: vieux, fier, charmant, malade, résolu, dangereux, fidèle, brûlant, obéissant, espiègle. Des images de Palou sont à compléter pour qu’il soit prêt à rencontrer le soleil.
Pour la deuxième partie, il faudra distinguer les «vrais» du «vrai ou faux» en barrant et corrigeant la faute dans chacune des phrases. Ensuite, des petites questions qui demandent de petites réponses comme: comment s’appelle le cancer de la peau? Qu’est ce que les UV?
La question n°3 reprend une horloge sans aiguilles où il faut colorier la période où il n’est pas conseillé de s’exposer au soleil.
Les «pourquoi» font l’objet de la question n°4: «pourquoi le soleil est-il utile pour les os?», «Pourquoi l’eau ne protège-t-elle pas du soleil?» La dernière question demande de résumer en quelques phrases ce que l’on doit faire quand il y a du soleil.

Un éclairage pédagogique

Cette approche permet aux élèves d’apprendre à faire des inférences.
L’ inférence est une opération mentale qui consiste à tirer une conclusion d’une série de propositions reconnues pour vraies. Elle fait comprendre aux élèves qu’ils ont besoin tant du texte que de leurs connaissances sur le sujet pour répondre aux questions. Les élèves développent ainsi un comportement stratégique en lecture pour s’adapter à chacune des sources où peut se trouver l’information. On distingue deux sources d’informations: «le texte et la tête de l’enfant» qui, elles-mêmes, se divisent en deux autres sous-catégories («dans une phrase ou plusieurs phrases» et «dans ma tête et le texte ou dans ma tête seulement»).

B . C .: Utilisez vous les autres supports de la campagne ( signets , affiches , site internet , enregistrement audio ?
V . T .: J’exploite le conte souvent en même temps que sont diffusés les spots en radio. C’est donc une accroche supplémentaire pour les élèves. Certains enfants me racontent avoir été sur le site. Malheureusement, le parc informatique de l’école ne permet pas l’exploitation de www.palou.be.
B.C.: Seriez-vous intéressée par la visite d’un dermatologue en soutien à Palou?
V . T .: Ça dépend, il faut voir son approche avec les élèves, il doit alors être pédagogue.
B.C.: Replacez-vous la lecture du conte dans le contexte de la campagne (réduction des risques de mélanome liés à l’exposition solaire) de la Communauté française?
V . T .: Non, par contre, on a étudié l’état fédéral, les communautés et les régions et donc ils identifient très bien le logo de la Communauté française.
B.C.: Est-ce que vous seriez intéressée à recevoir d’autres types de brochures en lien avec la santé?
V . T .: Oui bien sûr. En variant les supports, j’aborde par exemple l’alimentation au départ d’un article de presse du genre «un Belge sur deux mange mal». Nous débutons en septembre notre nouveau projet d’établissement triennal «le jeu au service de la pédagogie». Un nouveau jeu serait donc apprécié!
B.C.: Quelle serait la meilleure façon à votre avis d’informer les enseignants de l’existence de ces outils?
V . T .: Si vous pouviez envoyer 25 exemplaires du conte par école accompagnés des leçons à photocopier et les placer sur le site en téléchargement je suis persuadée que les enseignants seraient enchantés (je mets bien volontiers mon questionnaire à disposition de tout un chacun).
Propos recueillis par Bettina Cerisier (1) Voir C. DE BOCK, ‘Le petit garçon qui voulait devenir l’ami du soleil’, Éducation Santé n° 225, juillet-août 2007, p. 6 et 7 : www.educationsante.be/es/article.php?id=926; B. TAEYMANS, ‘Apprivoisons le soleil – le deuxième épisode de Palou’, Éducation Santé n° 234, mai 2008, p. 7 à 13 : www.educationsante.be/es/article.php?id=1014.
(2) École communale, rue de l’Abattoir, 7110 Houdeng.

La cigarette peut être considérée comme un anxiolytique sans ordonnance’

Le 30 Déc 20

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Sociologue du risque, Patrick Peretti-Watel (Inserm, Marseille), a réalisé une série d’entretiens avec des gros fumeurs issus de populations défavorisées. Il souligne l’échec relatif de la prévention du tabagisme chez ces fumeurs, qui n’ont pas les mêmes représentations du risque et pour lesquels une démarche de prévention spécifique est nécessaire. Il formule des recommandations pour éviter la stigmatisation de ces fumeurs. Nous reproduisons ci-dessous son interview publiée dans la Santé de l’Homme.
La Santé de l’homme: Dans vos dernières enquêtes concernant le tabagisme, vous indiquez que les inégalités sociales ne facilitent pas la prévention. Est-ce dû à la nature des messages?
Patrick Peretti Watel : Je ne souhaite pas jouer sur les mots mais votre question me permet d’aborder un point que beaucoup d’acteurs de prévention occultent. Quand nous faisons de la prévention, nous ne sommes pas dans une salle de classe où nous donnerions de l’information à des gens qui sont soit de bons, soit de mauvais élèves. De plus, les informations que nous donnons ne sont pas culturellement neutres; nous nous adressons à des personnes qui occupent d’autres positions sociales.
Dans les milieux populaires ou défavorisés — j’opère une distinction entre ces deux milieux —, le message préventif est plutôt assimilé à un produit qui vient de l’autorité, d’ailleurs, et qui aurait tendance à les montrer du doigt. Quand nous interrogeons sur d’autres sujets les gens en situation de précarité, par exemple, nous nous apercevons qu’ils sont très distants par rapport aux discours en général et à l’autorité en particulier. Face aux messages de santé publique, ils affichent une franche méfiance. Ils ne sont pas vraiment persuadés qu’ils peuvent avoir besoin de nous.
S. H.: Vous soulignez que, chez les personnes en grande précarité, la pauvreté induit une «myopie» peu propice à la bonne réception des messages préventifs. Qu’entendez-vous par là?
P . P . W .: Le message préventif, en particulier sur le tabac, informe qu’en fumant vous réduisez votre espérance de vie future et vous risquez d’avoir une maladie très grave dans vingt, trente ou quarante ans. Pour que ce discours soit efficace, il faut qu’il s’adresse à des gens qui sont capables de se projeter dans vingt, trente ou quarante ans. Les personnes qui vivent dans une situation de précarité, au jour le jour, ceux qui ne savent pas comment ils vont boucler la fin du mois ne sont pas concernés par ce type de message. Voilà ce que veut dire le mot « myopie».
Plus globalement, s’intéresser aux conduites à risque, et notamment devant des personnes en situation défavorisée, c’est se plonger dans l’interprétation particulière suivante: parce que ces gens sont moins diplômés, moins éduqués, ils seraient moins capables de comprendre des messages préventifs qui sont un petit peu complexes. Ils seraient moins incités à avoir des bonnes conduites parce qu’ils ont moins d’argent. Nous sommes dans une interprétation que je qualifie «de manque». Et les messages de prévention sont construits sur cette base. Or, les travaux scientifiques démontrent depuis longtemps qu’en termes de message nous ne mettons pas suffisamment l’accent sur les spécificités culturelles positives.
Par exemple, l’une des caractéristiques de la culture populaire représente un hédonisme inscrit dans le présent. Il vaut mieux en profiter tout de suite. Donc, en matière de prévention, et c’est le sens de nos travaux, nous devons prendre en compte les spécificités culturelles positives par rapport aux fumeurs pauvres, aux fumeurs de milieu défavorisé, aux fumeurs de milieu populaire. Tous ces termes-là ne sont pas, forcément, équivalents. Un milieu populaire, selon moi, n’est pas un milieu défavorisé. Dans l’idée de populaire, il y a l’idée de gens qui ont une spécificité culturelle.
S. H.: En quoi un «fumeur pauvre» serait-il plus vulnérable?
P . P . W .: Tout simplement parce que les personnes qui sont dans une situation très précaire sont moins incitées à avoir des bons comportements de santé. Car elles ont un horizon temporel plus court. Et puis elles sont peut-être plus vulnérables car elles ont des motivations un peu différentes de la population générale dans leurs conduites. Nous nous sommes aperçus, dans nos enquêtes et observations, que les gens des milieux populaires utilisent la cigarette comme moyen de lutte contre le stress et l’anxiété. Nous connaissons la notion de stress socio-économique, c’est-à-dire l’idée que de mauvaises conditions de travail, de logement, d’environnement provoquent du stress. Oui, la précarité est anxiogène. La cigarette peut, donc, être considérée comme un anxiolytique sans ordonnance.
S. H.: Que vous disent, dans vos entretiens, ces fumeurs pour illustrer leur parcours de vie?
P . P . W .: Quand un fumeur raconte sa première cigarette, il indique souvent qu’elle lui a été offerte par un proche à l’occasion d’un événement douloureux. En réalité, il apprend de fait à gérer ce moment avec cette cigarette. Mais j’ai dans l’esprit le cas de cette dame, d’une soixantaine d’années, qui vit avec à peine trois cents euros par mois, isolée de tous. La cigarette est vécue comme une compagnie. Quand elle raconte son parcours, la cigarette est le fil conducteur. « C’est tout ce qu ‘il me reste » dit-elle. Et c’est aussi ce qui lui rappelle le passé. À 10 ans, elle regardait avec envie son père fumer, elle se souvient de l’odeur de miel du tabac. C’est son père qui lui a offert sa première cigarette, à 15 ans, qu’elle n’a pas aimée d’ailleurs. Jusqu’à son premier amour, qui fumait le même tabac que son père… Vous imaginez ce message fort…
S. H.: Comment faites-vous de la prévention dans ce cas?
P . P . W .: La question est complexe. Quand on explique aux jeunes garçons que fumer donne une mauvaise haleine et que ce n’est pas terrible pour embrasser une fille ou quand on dit aux femmes que fumer n’est pas bon pour la peau, ces deux messages de prévention pointent les effets néfastes du tabagisme. Peut-être faudrait-il trouver, pour les personnes les plus isolées ou en situation difficile, des ressorts différents de l’impact sur la santé.
Il faut être modeste et pour ma part je n’ai pas trouvé de démarche modèle de prévention à recommander. Si je reprends le cas de notre dame, elle fume car elle s’ennuie. Même chose pour les chômeurs. La meilleure prévention serait sans doute de faire en sorte qu’il y ait moins de pauvreté.
S. H.: Faisant référence aux fumeurs en situation de grande précarité et à l’échec de la prévention, vous dites aussi que «celle-ci peut contribuer à creuser les inégalités sociales de santé». Pourquoi?
P . P . W .: Les fumeurs les plus diplômés ont une propension plus forte à arrêter que les fumeurs pauvres. C’est un fait. Autre constat: nous observons que les messages de prévention ne fonctionnent pas auprès des fumeurs en grande précarité. Il y a, mécaniquement, un écart qui se creuse. Regardez la hausse des prix. Nous avons pensé que celle-ci aurait automatiquement un effet bénéfique sur la consommation des fumeurs. Oui, mais pas en direction des fumeurs en grande précarité. Des recherches ont été menées, notamment aux États-Unis. Quand le prix augmente, les fumeurs qui, au départ, ne sont pas capables de réduire leur consommation, vont donc voir leur budget tabac en hausse. Des études qualitatives menées en Angleterre indiquent que des fumeurs très précaires ou issus de milieu populaire préfèrent renoncer à d’autres achats de consommation courante que ceux de tabac. Comme si la cigarette n’était pas un poste budgétaire.
S. H.: Face aux addictions en général, y a-t-il des différences sur la manière dont les représentations sociales influent sur la prise de risque?
P . P . W .: La difficulté pour moi est dans le terme addiction. Il recouvre beaucoup d’éléments disparates. Et là, les sociologues ont un regard assez critique. De plus en plus, la tendance est à la médicalisation des conduites déviantes. Quand des personnes ont des conduites considérées comme non appropriées ou mauvaises, ils sont traités comme porteurs d’une pathologie et, en général, cette pathologie est renvoyée à un problème de compulsion ou de dépendance.
Les fumeurs fument car ils sont dépendants au tabac. D’autres à l’alcool, aux jeux, etc. On assiste aujourd’hui à une explosion des addictions. Je ne suis pas d’accord avec l’idée qui consiste à dire que tous ces comportements sont l’expression d’un même problème qui va être traité de la même façon. Ce n’est pas rendre service à la diversité des pratiques et des motivations.
Propos recueillis par Denis Dangaix , journaliste
Article publié précédemment dans ‘La Santé de l’homme’ n° 403, septembre-octobre 2009, et reproduit avec son aimable autorisation. Site: [L]www.inpes.sante.fr[/L].

Les premiers secours en milieu (extra) scolaire. Utilité et pertinence des formations dispensées par la Croix-Rouge de Belgique – 2e partie

Le 30 Déc 20

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Résumé de l’épisode précédent

Il y a deux ans, la Croix-Rouge a entrepris l’évaluation d’une de ses formations phares, le Brevet Européen des Premiers Secours (BEPS) (1), dispensée auprès d’un public spécifique, les accueillantes temps libres (2). Après le temps des résultats et de leur exposition (3), voici venu celui de la compréhension et du changement où l’évaluation se fait évolution.
Pour synthétiser en quelques lignes un rapport de cent vingt pages (4), il nous a fallu condenser, caricaturer et ainsi trahir en de regrettables, mais inévitables raccourcis la complexité et, osons le dire, la richesse de notre étude. Riche en effet car réconfortante: l’enquête établit clairement que le BEPS est apprécié par les participants, leur apporte des connaissances utiles, augmente leur confiance en soi et les sensibilise à la problématique des secours. Étude interpellante également par le doute que jettent certains résultats sur l’impact réel de la formation:
-les personnes interrogées n’utilisent pas ou utilisent peu les apprentissages réalisés en formation, les problèmes abordés ne se présentant que très rarement sur le terrain;
-en cas d’accident sérieux, peu de personnes formées disent se sentir capables d’intervenir, notamment par défaut de savoir-faire en matière de gestion du stress ou de prise de décision;
suivre un BEPS ne modifie pas ou modifie peu l’image de soi que les participants pensent avoir auprès de leurs collègues et de leur direction; la grande majorité d’entre eux ne se considère pas comme une personne-ressource en matière de premiers secours;
-le cadre institutionnel et l’environnement matériel ne fournissent pas toujours ou ne fournissent pas entièrement les conditions nécessaires à l’application des consignes propres aux premiers soins.
Si l’apprentissage des premiers secours reste une nécessité d’utilité publique, si, pour le mettre en œuvre, la Croix-Rouge est plus que jamais incontournable par son expérience, son professionnalisme et l’enrichissante introspection réalisée tout au long de cette enquête, il n’en demeure pas moins impérieux de s’interroger sur le sens de ces résultats et les pistes à suivre pour rendre le BEPS (encore) plus efficace.

Le temps de l’analyse

En principe, au terme d’une évaluation, les acteurs du changement sont invités à porter leur attention et leurs efforts sur ce qui dépend d’eux, ce qu’ils peuvent modifier, ce qui émarge à leur champ de connaissances et de compétences. Conseil éclairé, certes, mais qui assombrit plutôt le moral de la Croix-Rouge dans notre cas. En effet, les raisons avancées pour expliquer l’incapacité (supposée) des personnes formées à intervenir dans des cas graves concernent, pour l’essentiel, des facteurs que l’on pourrait qualifier de «génétiques» dans la mesure où ils renvoient:
-à l’essence même des premiers secours, à la matière enseignée elle-même;
-aux limites et contraintes propres à (presque) tout processus de formation;
-au profil même de la personne formée, à son identité professionnelle et à ses conditions de travail, parfois incompatibles avec les actes et les responsabilités propres aux premiers secours.
Autant de paramètres sur lesquels l’opérateur de formation a peu d’influence en soi, mais qu’il devra, d’une façon ou d’une autre, prendre en considération. Examinons rapidement quelques-uns de ces facteurs avant de proposer des solutions pour les contourner ou en réduire la portée.

Des soins bien réels à usage virtuel

Le BEPS repose sur un principe clé: «il faut tout prévoir, surtout le pire». Pour éviter le chaos, prévoyons «le cas où».
On privilégiera les traumas sévères (l’enfant a perdu connaissance) qui exigent des gestes précis (pratiquer une réanimation cardio-pulmonaire), mais aussi de solides savoir-faire (gérer son propre stress, ainsi que celui des autres), quitte à transmettre des savoirs qui ne serviront peut-être jamais, mieux, dont on espère qu’ils ne serviront jamais. Dur, dur.
En principe, une formation transmet des connaissances, des aptitudes, des modes de réflexion répondant à des besoins réels, transférables dans les pratiques professionnelles, destinés à améliorer le bien-être, la qualité du travail, la gestion de problèmes récurrents. Impossible qu’il en soit ainsi dans le cas du BEPS. « On ne saura jamais si on sait , puisque cela n’arrivera jamais », prédit un participant. Quels seront dès lors les repères d’efficacité et d’efficience pour une formation qui aborde des problèmes jamais vécus et qui ne surviendront peut-être jamais?
Rares voire inexistantes sont en effet les occasions où l’accueillante pourra appliquer ses connaissances, s’aguerrir aux techniques, tester sa volonté, son esprit de décision, son sens du devoir… D’où oubli, inexpérience, absence de repères. « On voudrait bien , mais on saurait point » chantent en chœur les Bepsés (5), convaincus à juste titre que « faute de pouvoir s’exercer pour « de vrai », on perd ses capacités
À moins de promouvoir le rugby dans les cours de récré, la Croix-Rouge ne peut pas faire grand-chose en la matière. Quoique. Des stratégies pour intégrer cet état de fait dans la formation ont déjà été testées avec succès. Nous y reviendrons.

Limites humaines…

Au cas où le «cas où» se présente, le Bepsé portera-t-il secours à la victime?
Rien n’est moins sûr. Seuls, 11% des personnes interrogées se disent capables de gérer une crise de convulsions et à peine 31%, une perte de connaissance. Manque d’expérience et de pratiques sûrement. Mais aussi blocage pour passer à l’acte. Porter secours engage la santé, l’intégrité physique, parfois la vie de la victime. Il faut agir vite, anticiper, prendre des responsabilités. La crainte de mal faire, le manque de confiance en soi, l’absence de soutien ou de reconnaissance… peuvent opérer comme autant de facteurs inhibants.
Le secouriste amateur n’échappe pas aux lois énoncées par la psychologie sociale. La peur du regard d’autrui, l’anticipation des conséquences négatives, la disposition à ne pas intervenir si d’autres personnes sont présentes… risquent bien de tétaniser le sauveteur potentiel (virtuel?). «On voudrait bien, mais on ne pourrait point» s’excusent des Bepsés pourtant motivés et techniquement au point. À moins d’ «encourager» chaque témoin d’un accident avec un gourdin, la Croix-Rouge semble bien impuissante.

… et pédagogiques

En outre, soucieux d’efficacité et cohérents avec leurs objectifs, les formateurs privilégient les gestes techniques au détriment des savoir-faire psychosociaux (rester calme, gérer le stress, prendre une décision…), pourtant indispensables pour poser les dits gestes. Impossible de faire autrement. La formation ne peut tout aborder, tout approfondir, tout expérimenter. Des choix doivent être faits. Le BEPS va donc à l’essentiel et enseigne les règles à observer en toutes circonstances d’une part, les cas graves d’autre part, abordés dans leurs dimensions techniques (que faire?) plutôt que sous un angle psychosocial (comment être pour bien faire?).
Nul n’ignore à la Croix-Rouge que l’application des premiers soins suppose la maîtrise d’attitudes et d’aptitudes tels que l’écoute, la prise de décision, le contrôle de soi,… Mais l’exploration de ces compétences obligerait les formateurs à sacrifier d’autres apprentissages. Le(s)quel(s)? Le soin des plaies? L’appel du 112? L’intervention en cas d’intoxication? Tout semble si important!

Le choc des maux, le poids du boulot

Si l’on met en perspective les gestes qui sauvent avec le profil professionnel et les conditions de travail des accueillantes, on se retrouve à nouveau dans une impasse où le virtuel le dispute à l’impossible. Il n’est pas évident pour des personnes peu ou mal intégrées dans leur milieu professionnel, peu ou mal reconnues par leurs collègues et leur employeur, soumises à des statuts précaires et à des horaires décalés, parfois seules avec un nombre élevé d’enfants, de prendre des décisions aussi délicates que l’appel du 112, la réanimation d’une victime ou le soin d’une brûlure au troisième degré.
Nous ne doutons pas de la (bonne) volonté ou des compétences des accueillantes, mais relevons, sur base de leurs propres témoignages, les distorsions entre les exigences des premiers secours et les réalités de leur vécu quotidien, qui les amènent à s’exclamer: « On voudrait bien , mais on n’oserait point .» Soulignons, pour le regretter que, si le BEPS est considéré par l’ONE, les pouvoirs organisateurs ou les directions d’école, comme une formation prioritaire, elle ne jouit, à de rares exceptions près, d’aucun suivi, ni d’aucune reconnaissance institutionnelle, les compétences acquises étant, au même titre que les participants, aussi peu exploitées que valorisées.

On aurait pu évoquer également la difficulté d’adapter pour un public profane des notions essentiellement médicales, les effets parfois contre-productifs des mises en situation ou les carences institutionnelles (pharmacie de secours inexistante, procédures à suivre en cas d’accident méconnues, absence de local de soins…) qui rendent les consignes de la Croix-Rouge parfois inapplicables sur le terrain.
Sous des atours sobres et limpides, l‘enseignement des premiers secours recèle, on le voit, bien des pièges que l’enquête a sinon révélés, du moins mis en lumière pour mieux les comprendre et partant, mieux les gérer. Comme nous l’évoquions dans notre premier article, «le cadre conceptuel qui fonde la promotion de la santé et les repères méthodologiques qui l’animent nous sont apparus comme une grille de lecture et d’interprétation performante (…) pour structurer notre réflexion et proposer une rénovation substantielle du BEPS (…)». En voici quelques lignes de force.

Le temps des (bonnes) résolutions

Placer le bénéficiaire au cœur du processus

Les résultats de l’enquête, les opinions exprimées par les formateurs et les observations que nous avons réalisées convergent vers la nécessité de (re)placer les bénéficiaires (la personne formée, mais aussi la victime potentielle) au cœur de la formation (6). Ce recentrage du produit «formation» sur l’utilisateur implique:
-d’intégrer dans le projet pédagogique, les spécificités des personnes formées (manque de reconnaissance…), leurs conditions de travail (seul adulte…), mais aussi leurs atouts, leurs forces, leurs compétences;
-d’inscrire le bénéficiaire dans un continuum, c’est-à-dire de l’impliquer comme acteur avant la formation (motivation, responsabilisation…), pendant (représentations mentales…) et après (référent, porteur de normes…);
-d’envisager comme objectifs de formation, les apprentissages spécifiques aux premiers secours (soigner une plaie, effectuer une réanimation…), mais aussi les capacités psychosociales (gérer le stress, savoir écouter…) à acquérir ou à confirmer.
Développer les compétences psychosociales aura un double effet: augmenter la probabilité que les gens interviennent en cas de problème et leur permettre de disposer de compétences transversales, utiles en d’autres situations (conflits, rencontres avec les parents…). Ce «bagage» trouvera dans les premiers secours un champ d’expression aussi vivant que vital.
Comme le sera (vivante et vitale!) l’expression des représentations mentales des participants en matière de soins. Que vaudra la consigne «ne jamais donner de médicaments» face à des opinions telles que « une aspirine , ce n’est pas vraiment un médicament » ou « les parents m’en voudraient si je ne soulageais pas leur gosse »? S’adapter aux personnes formées, c’est partir de «là où elles sont» et construire, avec (et non contre ou malgré) leurs savoirs actuels, préexistant à la formation, des connaissances nouvelles.
Des modifications sensibles ont déjà été apportées au BEPS pour intégrer cette réalité. Dans la même optique, la Croix-Rouge tend à remplacer (ou accompagner, compléter…) les incitants négatifs de nature parfois stressante et hypothétique par des motivations positives, ancrées dans la réalité, exprimées en termes de bénéfices personnels et professionnels (confiance en soi, sécurisation de l’environnement…).

Définir des finalités et des objectifs clairs, réalistes et vérifiables

Évidence méthodologique certes, mais toujours bonne à rappeler: la nécessité de formuler les objectifs à partir des besoins de la personne formée tout en tenant compte des facteurs déterminant les comportements. Ainsi, on énoncera ce dont a besoin une accueillante pour soigner efficacement une victime, à savoir:
-les connaissances techniques et «médicales» nécessaires: savoir comment la soigner, pouvoir reconnaître les cas graves…
-les attitudes pour passer à l’acte: se sentir capable, reconnu, «autorisé»…
-les aptitudes: gérer le stress, être à l’écoute…
-les conditions matérielles: disposer d’un local, d’une trousse de secours…
-les conditions organisationnelles: pouvoir confier les enfants à un collègue…
-un cadre légal: connaître et pouvoir agir selon le règlement, la législation, les procédures.
Sur cette base, il sera possible de différencier les objectifs cognitifs, psychomoteurs et psychosociaux et d’identifier d’autres stratégies (advocacy, lobbying…) pour compléter et soutenir la démarche formative.
Cette approche, certes bien connue des formateurs, mais qu’il était bon de réanimer, a permis de réduire l’écart entre objectifs et ressources. Mieux, elle sert de socle à une concertation ONE/Croix-Rouge pour bâtir, sur le modèle de la «formation en spirale», des recyclages ciblés et réguliers.
La réalisation de ces objectifs pourrait (devrait) passer par la mise en œuvre de synergies avec d’autres opérateurs de formation (École des Parents et des Éducateurs, Intercommunale sociale du Brabant wallon…), actifs auprès des accueillantes temps libre, avec et pour lesquelles ils développent certaines des fameuses compétences transversales évoquées plus haut.
L’offre de formation de la Croix-Rouge a également évolué vers une meilleure prise en compte de l’environnement matériel et des attentes des personnes formées en proposant aux enseignants et aux accueillantes des formations in situ : « Plutôt que de faire comme la réalité , nous (les formateurs) nous efforçons d’être dans la réalité en mettant les gens en situation réelle dans leur crèche ou leur école , en reconstituant un accident sur leur lieu de travail .» Dans ce cas, il ne s’agit plus d’aborder toutes les situations possibles et imaginables, mais d’en analyser une seule et de (re)constituer les gestes et attitudes qui l’accompagnent, accordant ainsi une place plus grande aux savoir-faire et savoir-être déjà évoqués.

Responsabiliser les décideurs

« Aucune organisation interne , aucune consigne , pas de planning : qui appeler , que faire ; c’est le plus souvent n’importe quoi », affirme un formateur à propos des premiers secours en milieu scolaire. Par ailleurs, nous l’avons vu, les personnes formées sont peu reconnues et valorisées à leur retour sur le terrain. Aussi s’agira-t-il de sensibiliser les décideurs sans lesquels les conditions minimales de gestion des accidents ne peuvent être réunies. Trois priorités se dégagent:
-la reconnaissance de la personne formée comme personne-ressource en premiers secours: ce statut de «personne de référence» est complexe; il faudra le définir, le circonscrire, lui attribuer les moyens des fins qui lui seront prêtées, notamment en matière de certification, d’identification et de communication;
-la gestion des aspects matériels: il est essentiel que les responsables investissent de l’attention, du temps et des moyens dans l’application des normes minimales pour assurer des soins de qualité: trousse de secours en ordre, procédure connue et applicable, local de soin accessible…
-la concertation locale: il serait pertinent de mettre en place des réunions «secours et santé» consacrées à l’organisation des secours dans l’école; cette initiative rassemblant tous les membres (ou leurs représentants) de la communauté scolaire rencontrerait le besoin de travailler en équipe souvent exprimé par les ATL: « Assurer des moments d’échange réguliers au sein même de leur école leur serait profitable à plus d’un titre

Conclusion

Sur le plan méthodologique, la promotion de la santé et les stratégies, notamment éducatives, qu’elle véhicule a fourni à notre recherche un paradigme réellement bâtisseur et un cadre conceptuel structurant.
Pourquoi? Sans doute parce que les premiers secours ne concernent pas que la transmission d’automatismes ou la prescription de normes hors desquelles point de salut, pas plus que l’éducation nutritionnelle ne se résume à une liste d’interdits ou à quelques recettes équilibrées. Les gestes qui soignent et qui sauvent cristallisent des attitudes promotrices de bien-être et de citoyenneté que savourent avec bonheur le secouru comme le secourant. Ils déclinent et animent ainsi des valeurs porteuses et faiseuses de santé et de bien-être, autant que d’humanité (respect et compréhension de la personne), d’impartialité (secours et santé pour tous sans discrimination), de neutralité (indifférence aux conflits et aux controverses), d’indépendance (autonomie), soit quatre des sept principes fondamentaux de la Croix-Rouge que ne renierait certainement pas la promotion de la santé telle que définie dans la Charte d’Ottawa.
André Lufin , Conseiller pédagogique, Département Action sociale, Croix-Rouge de Belgique

(1) Formation de 12 heures ayant pour objet d’apprendre «à pouvoir agir en cas d’accident, en présence d’une fracture, d’un traumatisme crânien, d’une plaie ou d’une intoxication».
(2) Chargées de l’accueil des enfants à l’école, les accueillantes temps libre (ATL) suivent un BEPS dans le cadre des formations subventionnées par l’ONE.
(3) Lire ou relire à ce sujet l’article paru dans la revue Éducation Santé n°254 en mars 2010 : https://www.educationsante.be/es/article.php?id=1235 .
(4) Toute personne souhaitant obtenir la version intégrale du rapport peut s’adresser à André Lufin, Département Action sociale, Croix-Rouge de Belgique, par mail andre.lufin@redcross-fr.be ou par téléphone au 02 371 33 21.
(5) Autorisons-nous désormais ce néologisme désignant une personne ayant suivi un BEPS.
(6)… et, plus largement, au cœur de la problématique des secours en milieu scolaire, comme nous n’aurons malheureusement pas le temps de le développer dans cet article.

Une analyse commune pour l’action

Le 30 Déc 20

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Une nouvelle publication réalisée dans le cadre des Stratégies concertées de la prévention des IST/sida en Communauté française de Belgique

Les Stratégies concertées IST / sida : une analyse commune pour l’action est la troisième publication diffusée largement depuis la mise en place du processus des Stratégies concertées en 2004. Elle propose une synthèse d’un travail collectif effectué par les intervenants actifs en prévention du VIH/sida et des autres infections sexuellement transmissibles (IST) en 2008 et 2009.

Le processus des Stratégies concertées

Ce processus a été présenté dans le numéro 227 d’Éducation Santé (1). Nous en rappelons ici les grandes lignes.
La prévention du VIH/sida et des autres IST est une priorité en Communauté française de Belgique. Plusieurs organismes interviennent en matière de prévention, de dépistage et de soins afin de diminuer le nombre annuel de nouveaux cas de VIH/sida et d’autres IST, de réduire les vulnérabilités des différents publics cibles, de lutter contre les discriminations envers les publics vulnérables et plus particulièrement les personnes séropositives, et de promouvoir la solidarité.
Afin d’apporter une réponse adaptée aux défis de la prévention et à la complexité des problématiques rencontrées sur le terrain, ces organismes sont engagés depuis 2004 dans une démarche participative et systémique de planification, dont la méthodologie est basée sur la gestion de cycle de projet (2) et une adaptation de la méthode PRECEDE/PROCEED (3).
L’objectif de cette démarche est d’améliorer la qualité des actions de prévention et de promotion de la santé, en définissant de manière participative un cadre de référence commun aux intervenants. Ce dernier est mis à jour périodiquement afin de tenir compte des évolutions des réalités de terrain et d’identifier de nouveaux acteurs en lien avec la problématique. Le processus des «Stratégies concertées» est encadré par un Comité de pilotage et d’appui méthodologique (CPAM) (4). Il respecte les principes de la promotion de la santé tels que définis dans la charte d’Ottawa (5) et dans le Programme quinquennal de la Communauté française (6). Il contribue également au Plan communautaire opérationnel de promotion de la santé (7).
Depuis l’année 2008, un processus comparable a également été mis en place avec le réseau des intervenants actifs dans le domaine de la prévention des mutilations génitales féminines (8), en collaboration avec le GAMS (Groupe pour l’abolition des mutilations sexuelles féminines).

Une analyse commune pour l’action

Un travail collectif de mises à jour

Au cours du premier cycle (2004-2007), les intervenants avaient dans un premier temps réalisé des analyses de situations pour les publics cibles de la prévention IST/sida. Sur la base de ces analyses, ils avaient ensuite construit un plan opérationnel pour chaque public, définissant ainsi les objectifs, stratégies, critères et indicateurs d’évaluation.
La synthèse des plans opérationnels a été publiée sous la forme de deux brochures en 2005 (9) et 2006 (10). En 2008, pour commencer le second cycle quatre ans après le début du processus des Stratégies concertées, le CPAM a souhaité approfondir, préciser, compléter et actualiser les analyses de situations existantes en mobilisant un panel élargi d’acteurs concernés.
À cette fin, des points focaux (organismes spécialisés dans le travail de terrain avec un public cible particulier) ont été constitués pour coordonner les mises à jour des analyses de situations. Chaque point focal a organisé en moyenne deux journées d’ateliers participatifs rassemblant le réseau des intervenants concernés. Au terme de ces ateliers, une journée stratégique invitant l’ensemble des participants a permis de valider collectivement les productions.

Objectif et contenu du document de synthèse

L’objectif de ce nouveau document est de partager les constats et analyses qui fondent l’action des intervenants dans le domaine de la prévention des IST/sida, en proposant une synthèse des analyses de situations actualisées. Il est ainsi complémentaire d’autres documents comme le Tableau de bord de la santé (11) et s’adresse aux personnes et organismes qui, de près ou de loin, sont concernés par ce sujet: les acteurs politiques et administratifs qui soutiennent des actions spécifiquement orientées vers la prévention des IST/sida et la promotion de la santé et les organismes qui mettent en place ces actions, ainsi que tous les acteurs qui, dans divers secteurs sanitaires ou non sanitaires, sont concernés par les thématiques abordées dans ces analyses.
Cette publication se présente sous la forme d’un dossier contenant onze cahiers: le premier cahier (cahier 0) présente le processus et les aspects méthodologiques ainsi que des éléments d’analyse transversale. Les cahiers 1 à 10 sont consacrés chacun à un public cible de la prévention:
Cahier 0 – Présentation et transversalités
Cahier 1 – La population générale
Cahier 2 – Les enfants et les jeunes
Cahier 3 – Les personnes séropositives
Cahier 4 – Les migrants
Cahier 5 – Les hommes qui ont des rapports sexuels avec des hommes (HSH) et les femmes qui ont des rapports sexuels avec des femmes (FSF)
Cahier 6 – Les usagers de drogues injecteurs (UDI)
Cahier 7 – Les prostituées féminines
Cahier 8 – Les prostitués masculins
Cahier 9 – Les personnes détenues en milieu carcéral
Cahier 10 – Le public festif
Pour chaque public, les cahiers présentent (12):
1. les principales données épidémiologiques et sociales;
2. la synthèse de l’analyse de situation construite et mise à jour par les intervenants à partir des données disponibles et des constats réalisés sur le terrain;
3. un « focus » sur les acteurs, c’est-à-dire un tableau descriptif des divers acteurs qui ont un lien avec la problématique et qui peuvent jouer un rôle en matière de prévention IST/sida et plus largement en matière de promotion de la santé;
4. les objectifs opérationnels définis pour chaque public cible dans le cadre des Stratégies concertées 2007-2008;
5. les sources bibliographiques.

Mise en ligne du site https://www.strategiesconcertees.be

Depuis le 1er décembre 2009, un site Internet spécialement dédié aux Stratégies concertées IST/sida est également accessible.
Ce site comprend:
– une présentation détaillée du processus et de la méthodologie;
– les diverses publications des Stratégies concertées en format PDF;
– un calendrier des activités liées aux Stratégies concertées;
– un répertoire des acteurs de la prévention des IST/sida en Communauté française;
– les divers documents de travail (analyses de situations et plans opérationnels pour l’ensemble des publics cibles ainsi que d’autres documents), accessibles uniquement aux personnes qui participent au processus via l’utilisation d’un nom d’utilisateur et d’un mot de passe.

Perspectives

La phase de mise à jour a marqué le début d’un nouveau cycle des Stratégies concertées. Après plus de cinq ans, les acquis sont nombreux et une évaluation réalisée auprès des participants a montré la diversité des bénéfices qu’ils en retirent. Cette évaluation a également permis de mettre en évidence quelques enjeux pour les mois et années à venir, notamment:
– le maintien, voire le renforcement du dynamisme du processus;
– les attentes concernant le développement d’outils d’évaluation opérationnels pour la pratique quotidienne des intervenants;
– l’exploration de pistes concrètes pour permettre une plus grande participation des publics cibles aux analyses de situations et à la définition des stratégies qui les concernent;
– la nécessité de faire évoluer les stratégies de prévention en fonction des évolutions de l’épidémiologie d’une part et des constats posés à travers les enquêtes et la pratique de terrain, d’autre part.
Vladimir Martens , en collaboration avec le Comité de pilotage et d’appui méthodologique (CPAM) des Stratégies concertées IST/sida
Référence complète du document: MARTENS V., PARENT F. et les acteurs de la prévention des IST/sida en Communauté française. Stratégies concertées de la prévention des IST/sida en Communauté française. Une analyse commune pour l’action. Bruxelles, Observatoire du sida et des sexualités (FUSL), Décembre 2009.
La publication est disponible en version électronique sur le site https://www.strategiesconcertees.be et en version imprimée sur demande adressée à l’Observatoire du sida et des sexualités (observatoire@fusl.ac), 02 211 79 10).

(1)Voir https://www.educationsante.be/es/article.php?id=958
(2)Office de Coopération EuropeAid. Lignes directrices. Gestion du cycle de projet. Bruxelles: Commission européenne, 2004.
(3)Green L.W., Kreuter M.W. Health Program Planning, An Educational and Ecological Approach. 4th Ed. Mc Graw Hill, 2005. https://www.lgreen.net
(4)Le CPAM est composé de personnes et d’organismes actifs en prévention des IST/sida et promotion de la santé: F. Arends (Ex æquo), C. Cheront (Espace P…), J. Defourny (Sid’action et Centre de référence sida ULg), A-F. Gennotte (Centre de référence sida ULB-Hôpital Saint-Pierre), M. Houbiers (Service éducation pour la santé de Huy), J-C. Legrand (Sida-IST Charleroi-Mons/CHU de Charleroi), M. Louhenapessy (Siréas), V. Martens (Observatoire du sida et des sexualités-FuSL), T. Martin (Plate-forme prévention sida), F. Parent (Sipes-ULB), B. Rusingizandekwe (Coordination provinciale sida assuétudes Namur), C. Van Huyck (Modus Vivendi).
(5)Organisation Mondiale de la Santé (OMS). Charte d’Ottawa pour la promotion de la santé. Bureau régional de l’OMS pour l’Europe, Copenhague, 1986.
(6)Ministère de la Communauté française. Programme quinquennal de promotion de la santé 2004-2008. Bruxelles, 2004.
(7)Ministère de la Communauté française. Plan communautaire opérationnel. Bruxelles, 2006.
(8)Dieleman M., Richard F., Martens V., Parent F. Stratégies concertées de lutte contre les mutilations génitales féminines. Un cadre de référence pour l’action en Communauté française de Belgique, Bruxelles, Ed. GAMS Belgique.
(9)Martens V., Parent F. et al. Stratégies concertées du secteur de la prévention des IST/sida en Communauté française. Observatoire du sida et des sexualités (Facultés universitaires Saint-Louis), 2005.
(10)Martens V, Parent F et al. Stratégies concertées du secteur de la prévention des IST/Sida en Communauté française 2007-2008. Observatoire du sida et des sexualités (FUSL), Bruxelles, Décembre 2006.
(11)Godin I., De Smet P., Favresse D., Moreau N., Parent F. (Eds). Tableau de bord de la santé en Communauté française de Belgique, Service Communautaire en Promotion Santé SIPES (ESP-ULB), Bruxelles, 2007.
(12)Pour trois publics, les cahiers sont plus courts car les mises à jour n’ont pu être réalisées de manière approfondie; ils pourront être actualisés dans le futur dans leur version électronique et seront alors disponibles sur le site https://www.strategiesconcertees.be

L’éducation sexuelle en Equateur entre religion catholique et tradition indienne

Le 30 Déc 20

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“Dans notre société conservatrice et patriarcale , on parle difficilement de la sexualité . Par crainte d’éveiller ou d’inciter les jeunes à avoir des relations sexuelles , on préfère utiliser le registre de l’interdit , de la peur , de la menace …”, déclare Raul Mideros , professeur et chercheur à l’Université andine Simon Bolivar à Quito. Pour illustrer ses propos, Raul Mideros montre un prospectus destiné aux jeunes qui affiche un slogan pour le moins édifiant: «13 conséquences mortelles des relations sexuelles avant le mariage». Parmi les dangers de l’acte sexuel avant le mariage auxquels les jeunes s’exposent, sont cités la perte de la virginité, l’avortement, le sentiment de culpabilité, la destruction des organes reproducteurs suite à un avortement clandestin. Si ce prospectus émane d’une institution catholique, il n’en illustre pas moins le contexte du pays en général. “ En Équateur , le système éducatif est fort rigide et moralisateur . Il y a peu de culture de la démocratie , de la participation . L’éducation à la liberté , à l’autonomie est encore embryonnaire ”, explique-t-il.
En Équateur, le nombre de grossesses non désirées des adolescentes et jeunes femmes est élevé. Avec pour conséquences de nombreux avortements clandestins, souvent à risque. Côté chiffres, on peut tirer la sonnette d’alarme: 17 % des adolescentes de moins de 15 ans ont déjà subi un avortement. Et, l’avortement est la seconde cause de mortalité chez les adolescentes de moins de 20 ans. Pour les jeunes filles qui mènent leur grossesse à terme, les risques d’hémorragies, d’anémie, de malnutrition sont importants. « Ne pas parler de sexualité à l’adolescence , c’est comme tenter de cacher le sol avec un doigt !», s’indigne Raul Mideros. Certes, l’État équatorien a pris une série de mesures. En 1994, la loi sur la maternité gratuite est instaurée. Elle garantit le droit au suivi médical gratuit pendant la grossesse, l’accouchement et le post-accouchement, ainsi que l’accès aux programmes de santé reproductive. De la même façon, les nouveau-nés et les enfants de moins de 5 ans bénéficient d’un suivi médical gratuit.
En 1998, la loi sur l’éducation à la sexualité est votée. Il s’agit d’un axe transversal qui touche l’ensemble des programmes des écoles publiques et privées. “ Comme c’est souvent le cas dans notre pays , cette loi n’est pas assortie de mesures réelles ”, regrette Raul Mideros. D’où le travail important mené par les ONG et les associations de jeunes pour combler ce vide. Parmi elles, l’ONG Plan a mis sur pied de nombreux ateliers sur le thème de la sexualité, pour briser les tabous et faire valoir les droits des jeunes. Plan a concentré son action dans différentes zones du pays, marquées par la précarité et la discrimination envers les populations d’origine indigène.

Quand culture et prévention font bon ménage

Au sein de l’école de la communauté de Maca, nichée à 2800 mètres d’altitude sur la Cordillère des Andes, près de Latacunga, plusieurs groupes de jeunes suivent régulièrement les ateliers de Plan. « Pour s’adapter à l’évolution de chacun , les groupes se retrouvent par tranche d’âge . Mais ils sont mixtes pour permettre aux participants d’apprendre à connaître l’autre et pour s’épanouir pleinement et ensemble », précise Angélica Palacios , Responsable des programmes droits sexuels et reproductifs de Plan.
Dans la méthodologie de Plan appelée «Pas à pas», l’interactivité dans le déroulement des séances est prônée. Ainsi par exemple, à la question ouverte : «qu’est-ce que l’amour?» posée par l’animateur, le mariage est la première réponse. Cette institution est une norme bien présente dans les communautés traditionnelles andines.
À la question «Qu’est-ce que la coquetterie?», une jeune fille se lève et répond: «On est coquette avant d’être enceinte, après on ne l’est plus». Ce commentaire reflète une croyance fortement ancrée. Selon certaines filles, il y a les femmes «bien» que les hommes choisissent pour être mères et les «mauvaises» femmes avec qui ils ont du plaisir.
Dans la mentalité andine, le couple femme-mère est indissociable. Comme la Pachamama, la terre mère à laquelle les peuples indigènes vouent une véritable adoration, la femme doit être féconde. Et l’infertilité est vécue comme une anormalité, voire comme une véritable malédiction. Ces croyances ont fait naître un mythe encore fort présent, celui de la pilule qui rendrait stérile.
Pour certains peuples d’Amazonie, le nombre d’enfants est une preuve de virilité. « Quand on parle de planification familiale au sein des communautés , il faut faire attention . Certains pensent qu’il s’agit d’une tentative pour éradiquer leur peuple », relève Angélica Palacios. « L’Équateur est un pays pluriethnique . Nous devons adapter à chaque fois notre méthodologie au public . Il y a autant de manières de vivre la sexualité que de cultures ».
La conception de l’adolescence est différente dans certaines populations indigènes. Par exemple, à Otavalo, au sein du peuple Kichwa, l’adolescence est vécue comme une continuité entre l’enfance et l’âge adulte. Il n’existe pas une étape spécifique appelée adolescence.
Dans les communautés indigènes d’Équateur, le corps relève du domaine de l’intime et du sacré. La femme ne le dévoile pas, même lorsqu’elle met un enfant au monde. Pour aborder plus facilement le corps et son langage, Plan mise sur les danses folkloriques. “ Les danses traditionnelles andines font partie intégrante de notre culture . Elles sont l’occasion de rencontres entre filles et garçons . Il y a pour nous beaucoup de sensualité . La danse est la manifestation verticale de ce qui se fait à l’horizontale ”, explique une animatrice. D’autres méthodes privilégient le dessin. « Il s’agit de dessiner les parties de son corps pour lesquelles les jeunes ressentent de la gêne , de la honte …», poursuit-elle.

Mon corps est mon territoire

Un tiers des jeunes entre 15 et 17 ans n’utilisent pas de moyens contraceptifs lors de leur premier rapport sexuel. En matière de contraception, l’ONG Plan lutte contre certains mythes et croyances entretenus sur les méthodes dites «naturelles». Boire du vinaigre ou se laver les parties génitales avec du citron pour ne pas tomber enceinte en font partie.
« Le travail que nous faisons va bien au delà de la connaissance des moyens contraceptifs », soutient Angélica Palacios. Dans la ligne des valeurs prônées par la charte d’Ottawa, la santé sexuelle et reproductive résulte, pour Plan Équateur, de l’aptitude à prendre des décisions sur la manière de vivre ses relations affectives et sexuelles.
« À travers nos ateliers , nous montrons aux jeunes que leur corps est le bien le plus précieux qu’ils possèdent . Et , qu’ils ont le droit , au même titre que leurs parents , à vivre une sexualité sans peur , sans honte , sans culpabilité , sans fausse croyance et à résister à tout ce qui empêche la libre expression de leurs désirs », relève Angélica. Quand on sait que dans la culture andine, la plupart des décisions se prennent à l’échelle de la communauté et non de l’individu, c’est loin d’être évident.
«Qui décide du nombre d’enfants?», pose l’animateur devant un cercle de jeunes âgés entre 8 et 15 ans. «L’homme», répond une fillette. «Non, c’est les deux», souffle une autre. Dans le mode de pensée andin, le principe de complémentarité implique que le couple constitue une unité inséparable. Malgré ces valeurs culturelles sur la complémentarité homme-femme, les relations sont asymétriques. Les femmes doivent soumission et respect à l’homme. La souveraineté du corps de la femme revient au mari. Ces relations inégalitaires forment d’ailleurs le terreau pour l’apparition de la violence dans les couples. 6% des filles entre 15 et 19 ans ont subi un acte de violence sexuelle.
Pour Plan, le bien-être des jeunes passe par le fait d’apprendre à poser des limites, à s’affirmer et à dire non. Des apprentissages qui chamboulent les comportements stéréotypés. «Ton premier droit est celui de ne pas te faire du mal». Des phrases à méditer comme celle-ci, Plan en a compilé plusieurs au sein de carnets confectionnés à l’intention des jeunes.
Dans la même veine, une émission radio animée par le Docteur Marillès et diffusée via le Net dans plusieurs pays d’Amérique latine assure la promotion d’une sexualité libre et épanouie. «Mon corps est mon territoire», scande le slogan de l’émission. La notion de plaisir y est même abordée. Les jeunes peuvent librement faire part au Docteur Marillès de leurs inquiétudes, de leurs doutes et de leurs histoires de cœur. Une stratégie sans nul doute plus efficace que celle de l’induction de la peur et de l’interdit…
Laurence Biron
L’auteure de cet article a eu l’occasion de faire un voyage d’études en Équateur l’an dernier, avec un intérêt particulier pour la médecine traditionnelle et le chamanisme, auxquels les populations indiennes sont toujours très fidèles de nos jours. Éducation Santé lui a suggéré d’en profiter pour aborder un sujet à caractère préventif. La question de l’éducation sexuelle et affective dans une société fortement imprégnée par les traditions indienne et catholique s’est imposée naturellement (ndlr).

Ma classe à pleines dents. Zoom sur des projets de santé dentaire en maternelle

Le 30 Déc 20

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Une mâchoire en papier mâché, une chanson sur le brossage des dents, des jeux coopératifs, un atelier brossage… Les exemples ne manquent pas pour parler des dents aux enfants. Pourtant, certains instituteurs(trices) hésitent parfois à aborder ce sujet en classe. Le DVD «Ma classe à pleines dents» devrait les y aider.
Depuis septembre 2005, les soins dentaires sont totalement remboursés chez les enfants (et actuellement jusqu’à 18 ans!). Toutefois, cette mesure est encore largement méconnue.
Infor Santé, le service de promotion de la santé de la Mutualité chrétienne, souhaitait, à travers un projet de promotion de la santé dentaire, participer à la diffusion de cette information, précieuse pour toutes les familles et en particulier les familles précarisées, ainsi que promouvoir la santé dentaire auprès des petits.
En parallèle, la Fondation pour la Santé Dentaire, déjà très active dans l’enseignement primaire, avait la volonté de mettre sur pied un outil à destination des écoles maternelles.
Nous avons donc décidé de travailler ensemble pour réaliser un outil destiné aux instituteurs(trices) de l’enseignement maternel.

Pourquoi travailler avec l’enseignement maternel sur le thème des dents ?

L’école maternelle est un lieu de développement, de socialisation et d’apprentissage.
Parler de la santé, du corps, et donc de l’alimentation ou des dents, fait bien partie de son rôle. Et, peut-on aborder l’hygiène corporelle et/ou l’alimentation sans évoquer les dents?
Et la santé dentaire ne constitue-t-elle pas une excellente porte d’entrée pour évoquer les autres thématiques?
Parler de la santé dentaire dès la première année de maternelle permet aux enfants d’acquérir de bonnes habitudes. On y revient les années suivantes, en variant les approches, et surtout en dépassant le cadre de la simple activité ponctuelle pour en faire un élément quotidien de la vie à l’école.

Partager son expérience

Dans un premier temps, nous avons rencontré des enseignants et des infirmières scolaires, afin de connaître leurs besoins, leurs ressources et leurs souhaits pour mener un projet sur la santé dentaire dans leur classe.
Divers constats ont émergé de ces rencontres:
-il existe peu d’outils adaptés à l’enseignement maternel;
-les infirmières scolaires sont les premières personnes ressources des enseignants dans la mise en place d’activités sur les dents;
-la thématique est souvent traitée dans la classe ou l’école, et ce durant plusieurs semaines;
-certains instituteurs se reposent sur leur propre créativité pour proposer des activités aux enfants.
D’autres enseignants exprimaient des craintes à se lancer dans un projet de santé dentaire avec des petits enfants…
Nous avons dès lors décidé de mettre en avant les témoignages et les expériences d’enseignants, leurs difficultés, leur enthousiasme, le but étant de stimuler d’autres classes, d’autres écoles à se mettre en projet.

Un DVD

Les projets mis en lumière dans cet outil n’ont pas été choisis pour leur caractère innovant ou particulièrement remarquable, mais bien pour montrer que dans le quotidien d’une école maternelle, avec parfois peu de moyens, il est possible d’intégrer la thématique de la santé dentaire tout comme on le fait déjà souvent pour la thématique de l’alimentation.
En partenariat avec quelques services de Promotion de la Santé à l’École intéressés par la démarche, nous avons filmé des projets de classes, à Bruxelles (Ixelles), en Hainaut Picardie (Bon Secours et Péruwelz) et en Hainaut oriental (Jumet).
Le résultat: un DVD accompagné d’un carnet proposant un éclairage sur l’importance d’aborder la santé dentaire à l’école, des points d’attention sur le processus à mettre en place et des repères pour faire appel à la créativité des enseignants, ainsi qu’à celle des enfants.

Et demain ?

Notre volonté est de prolonger la dynamique et le partage des expériences.
Vous êtes enseignant de maternelle? Si vous avez mené un projet de promotion de la santé dentaire dans votre école, et si vous souhaitez le mettre en évidence, nous vous proposons de compléter une fiche de description de votre projet. Avec votre accord, nous la mettrons en ligne aux côtés des différents projets rencontrés tout au long de cette année.
La fiche d’encodage est disponible sur le site https://www.mc.be/fr/100/avantages_et_services/conseils_et_services_aide/service_de_promotion_de_la_sante/dents/
Vous trouverez également dans ces pages la description du DVD, le livret au format pdf, ou encore des paroles de chansons, un conte…
Vous êtes instituteur ( trice ) ou directeur ( trice ) d’une école maternelle ; vous travaillez dans un service de Promotion de la Santé à l’École ou un centre PMS ? Commandez gratuitement le DVD « Ma classe à pleines dents » à infor.sante@mc.be.
Maryse Van Audenhaege , chargée de projets Infor Santé

Vive l’OMC!

Le 30 Déc 20

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Rassurez-vous, Éducation Santé n’a pas viré de bord, rien à voir avec l’Organisation mondiale du commerce.
OMC est l’abréviation anglaise pour ‘méthode ouverte de coordination’, un outil de concertation développé par l’Union européenne suite à la signature du Traité de Lisbonne en 2000.
L’application de cette méthode est à l’origine d’une conférence organisée le 27 avril dernier par la Fondation Roi Baudouin et l’association ‘Pour la solidarité’ sur un thème particulier (et particulièrement important) de l’inclusion sociale, ‘Pauvreté et vieillissement’.
Plusieurs centaines de personnes, du Nord comme du Sud du pays, ont participé activement à cette journée. Un signe encourageant par les temps perturbés que connaît notre pays, prouvant que le travail de ‘liant’ entre les communautés poursuivi avec acharnement par la Fondation depuis plusieurs années garde tout son sens!

Un peu de méthode

La méthode ouverte de coordination fournit un cadre de coopération entre les États membres en vue de faire converger les politiques nationales pour réaliser certains objectifs communs. Dans cette méthode intergouvernementale, les États membres sont évalués par d’autres États membres (« peer pressure ») et le rôle de la Commission est limité à de la surveillance.
La méthode ouverte de coordination prend place dans des domaines qui relèvent de la compétence des États membres tels que l’emploi, la protection sociale, l’inclusion sociale, l’éducation, la jeunesse et la formation. Elle se base principalement sur:
– l’identification et la définition en commun d’objectifs à remplir (adoptés par le Conseil);
– des instruments de mesure définis en commun (statistiques, indicateurs, lignes directrices);
– le «benchmarking», c’est-à-dire la comparaison des performances des États membres et l’échange des meilleures pratiques.
Selon les différents domaines, la méthode ouverte de coordination implique des mesures dites de «soft law» qui sont plus ou moins contraignantes pour les États membres, mais qui ne prennent jamais la forme de directives, de règlements ou de décisions. Elle impose aussi aux États membres d’élaborer des plans d’action nationaux bisannuels.
Dans sa présentation du concept, Koen Vleminckx (SPF Sécurité sociale) a souligné l’intérêt de la méthode en termes de concrétisation de procédures de concertation, de levier pour des échanges de bonnes pratiques, d’instrument de pression sur les politiques. Il a aussi reconnu la faiblesse de l’impact de la méthode sur la réduction effective de l’exclusion sociale au sein de l’Union.

Les chiffres de la pauvreté

Michel Englert , Conseiller au Bureau du Plan, a commencé par dire que ‘la pauvreté est un sujet riche’, avant de le prouver en alignant quelques chiffres clés sur la question, en Belgique et dans les autres États membres. Une présentation qui nous rappelait les multiples dimensions de la pauvreté, ainsi que son caractère relatif, tant dans le temps que dans l’espace.
On ne s’étonnera pas bien sûr du fait que les personnes âgées de plus de 65 ans sont plus «à risque de pauvreté» que les autres.
On retiendra aussi que ce ne sont pas les pays ayant le produit intérieur brut (PIB) le plus confortable qui offrent la meilleure protection contre le risque de pauvreté, loin de là. Ainsi par exemple, en 2007, la République tchèque est la mieux placée en termes de protection contre la pauvreté, alors que son PIB la place en 18e place. Et le Royaume-Uni, dans le peloton de tête du PIB (6e), est en queue de peloton pour le taux de risque de pauvreté des 65 ans et + (23e place).

Ateliers

Lorsque la Fondation Roi Baudouin organise une journée de ce genre, elle a l’habitude de mettre les participants activement à contribution, de façon à faire émerger quelques recommandations à l’intention des autorités politiques. Ce fut encore le cas cette fois-ci, puisque pas moins de huit ateliers ont occupé la majeure partie du temps.
La ‘méthode’ fonctionne à tous les coups, comme nous avons pu le constater au cours de l’atelier ‘soins et santé’. Les participants ont été stimulés par un exposé statistique très précis d’Olivier Gillis (Service Recherche & Développement des Mutualités chrétiennes) sur les problèmes spécifiques auxquels les personnes âgées, souvent malades chroniques, cumulant toutes sortes de handicaps, sont confrontées.
Un exposé rendu remarquablement concret par le témoignage de Solange (lu par une tierce personne, une ‘discrétion’ que nous avons appréciée), et par le récit fait par Geneviève Aubouy (Aide et Soins à Domicile Bruxelles) des difficultés vécues au quotidien par les personnes âgées en situation de pauvreté que les professionnels de l’aide à domicile ne manquent pas d’observer. Des anecdotes qui font parfois froid dans le dos.
Les participants à cet atelier se sont ensuite penchés sur les défis majeurs à relever: accessibilité financière des soins, mais également de l’information, des transports non urgents, homogénéisation de la législation… La route vers une prise en charge de qualité et vers plus d’équité en matière de santé pour les seniors semble encore longue…
Les participants ont aussi planché, par petits groupes, sur des pistes concrètes d’actions en la matière. Conformément à l’objectif de l’atelier, une d’entre elles a été retenue par le groupe pour être présentée en plénière aux ministres présents pour l’occasion. On a retenu la volonté de soutenir, voire de renforcer, le secteur de l’aide à domicile et les acteurs de première ligne, d’étendre la facturation au forfait au plus grand nombre de maisons médicales, ainsi que l’importance de la formation du personnel soignant pour une approche moins mercantile des soins.
Une journée riche en réflexion pour laquelle nous attendons avec intérêt les recommandations issues de tous les groupes de travail.
Christian De Bock et Carole Feulien , rapporteure de l’atelier ‘soins et santé’
Cette conférence, qui s’est tenue dans les locaux remarquablement confortables de l’European Management Centre à Bruxelles, était organisée dans le cadre du projet ‘Raising awareness campaign on social inclusion and social protection in Belgium, Romania and Bulgaria’, financé par la Commission européenne, ‘Emploi, Affaires sociales et Egalité des Chances’.

Bref coup de projecteur sur le PNNS français

Le 30 Déc 20

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Pour sa première assemblée générale sous la présidence du Prof . Jean Nève (1), le Conseil supérieur de la santé a invité le Prof . Serge Hercberg , président du Comité de pilotage du Programme National Nutrition Santé en France, à présenter les réalisations et les enjeux futurs de cette très ambitieuse initiative.
Le choix du conférencier n’était pas dû au hasard, vu que Jean Nève est un des acteurs du PNNS belge, dont les responsables suivent par ailleurs de près les avancées et les freins rencontrés chez nos voisins français. D’autre part, la thématique ‘nutrition, alimentation et santé, y compris sécurité alimentaire’ est un des principaux centres d’intérêt du Conseil (2), qui vient d’ailleurs de terminer un gros travail de mise à jour des recommandations nutritionnelles pour la Belgique.
Il était d’autant plus intéressant d’entendre l’orateur, que la Belgique planche pour le moment sur l’évaluation de son premier plan et la définition de nouveaux objectifs pour le second.
La France s’est dotée, dès 2001, d’une véritable politique nutritionnelle de santé publique, en mettant en place, sous l’égide du Ministère de la Santé, le «Programme National Nutrition Santé (PNNS)». Planifié sur une durée de 5 ans (PNNS1 2001-2005) et prolongé en 2006 pour 5 nouvelles années (PNNS2 2006-2010), il constitue un des plans de santé publique les plus ambitieux dans le domaine de la nutrition, jamais développés en Europe.
Les actions mises en oeuvre par le PNNS ont comme finalité de promouvoir, dans l’alimentation et l’activité physique, les facteurs de protection et de réduire l’exposition aux facteurs de risque vis-à-vis des maladies chroniques et, au niveau des groupes à risque, de diminuer l’exposition aux problèmes spécifiques.
Multisectoriel, il associe tous les acteurs concernés: l’ensemble des ministères (santé, agriculture, consommation, éducation nationale, jeunesse et sport, intérieur, recherche), les agences sanitaires, la Haute autorité de santé, la Caisse nationale d’assurance maladie, la Mutualité, l’Association nationale des industries alimentaires (équivalent de ‘notre’ FEVIA, mais avec un pouvoir d’influence plus considérable sur le monde politique), les associations de consommateurs, les associations des Maires de France et des Départements de France et divers experts scientifiques.
Sur un plan opérationnel, pour atteindre les objectifs qu’il s’est fixé, le PNNS développe un ensemble d’actions, de mesures, voire de réglementations. Ses différents axes stratégiques sont orientés vers la communication, l’information, l’éducation, l’environnement nutritionnel et l’offre alimentaire. Il intègre la formation, la recherche, la surveillance et l’évaluation.
Le PNNS s’articule entre le niveau national et le niveau loco-régional. Le niveau national conçoit des outils validés et offre un cadre de référence pour le développement essentiel des actions de terrain.
Les actions mises en place sont orientées vers différentes cibles: population générale, groupes à risque, professionnels de santé, professionnels de l’éducation, travailleurs sociaux, collectivités locales et territoriales, le monde associatif et les acteurs économiques.
Il repose sur un ensemble de grands principes: le respect du plaisir, de la convivialité, et de la gastronomie; une approche positive, fortement orientée vers la promotion des facteurs de protection, ne se situant jamais dans le champ de l’interdit; le développement de messages toujours adaptés avec les modes de vie; la synergie, la complémentarité et la cohérence des messages et de l’ensemble des actions développées.
Le Prof. Hercberg nous a présenté un inventaire impressionnant de réalisations, dont la suppression des distributeurs automatiques payants dans les écoles est un bel exemple. À noter aussi une ‘charte d’engagement de progrès nutritionnel’ signée par une vingtaine d’entreprises depuis 2008 (c’est peu, mais il y a quelques poids lourds du secteur parmi les signataires, comme Lesieur, Unilever France ou Findus).
En faisant état du bilan provisoire actuel du PNNS 2, le conférencier se félicita du fait que 85% des 140 actions spécifiques sont achevées ou engagées, tout en reconnaissant qu’un des objectifs fondamentaux du Programme, à savoir la réduction de 20% du surpoids et de l’obésité chez les adultes est très loin d’être atteint.
Plus encourageant pour terminer, l’objectif de freiner la progression régulière de surpoids et obésité chez les enfants semble atteint, avec une prévalence stable autour de 18%, comme en 2000.
Christian De Bock
L’ensemble des documents utilisés à l’occasion de cette conférence sont disponibles à l’adresse [L]www.css-hgr.be/ag2010[/L]. (1) Malheureusement absent pour cause de ‘nuage islandais’ le jour fatidique!
(2) En 2009, l’alimentation a représenté un quart des avis du Conseil, à égalité avec la vaccination.

A votre santé capitaine! Plaies, bosses et traumas au pays de Tintin

Le 30 Déc 20

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Un classique de la littérature populaire

On a beau connaître les albums des aventures de Tintin et Milou dessinées par Hergé, on reste stupéfait, en parcourant les cases et les pages de cette célèbre série, du nombre incroyable de références à l’Histoire, à la géographie, aux techniques et aux sciences qui ont marqué le vingtième siècle.
Lire un épisode de cette création légendaire, c’est parcourir par le détail les grands faits de société des dernières décennies, mais aussi revisiter les us et coutumes de bon nombre de nos parents, grands-parents, voire de nos arrière-grands-parents.
Il y a toujours chez le dessinateur Hergé ce parfait et savant équilibre entre le tragique et le comique, l’universel et le particulier, l’extraordinaire et l’ordinaire, le sensationnel et le commun.
Directement influencée par les goûts et les expériences de l’auteur, l’œuvre contient tous les ingrédients du pur récit d’aventures, mais aussi les traces profondes et continues de son propre parcours, vie essentiellement passée dans sa Belgique natale, entre ville et campagne, à la lisière des grandes forêts de chênes ou des doux vallonnements de son terroir brabançon, dans un environnement aux antipodes des steppes glacées ou des déserts brûlants.
La lecture des aventures de Tintin et Milou constitue une véritable aubaine pour tout chercheur soucieux de cerner les grandes tendances et caractéristiques du vingtième siècle, et par extension pour toute personne qui s’intéresse tout simplement au fonctionnement d’une société, qu’elle soit d’ici ou d’ailleurs.
Diffusée presque partout dans le monde, traduite dans plus de quatre-vingts langues, dialectes et parlers régionaux, cette série dessinée rivalise sans complexe avec de grandes oeuvres de la littérature classique. Nous n’en voulons pour preuve que les très nombreux ouvrages savants et érudits qui dissèquent inlassablement le fond et la forme de cette matière qui semble tellement inspirer, voire fasciner, des spécialistes de toutes catégories, du psychanalyste distingué au sémiologue de renom en passant par le philosophe de réputation internationale.

Reporter, un métier à risques

À l’origine (10 janvier 1929), Tintin est un reporter, au service du Petit XXième (“ toujours désireux de satisfaire ses lecteurs et de les tenir au courant de ce qui se passe à l’étranger ”), mais très rapidement il va se métamorphoser en une sorte de détective justicier. Aidé de son fidèle fox-terrier Milou, il partira dès lors à la conquête du monde pour déjouer les plans de malfaiteurs de toutes natures, déclarant la guerre au grand banditisme et au Mal sous toutes ses formes.
Loin des super-héros à l’américaine qui verront le jour dix ans plus tard (la presse made in USA publie déjà dans les années trente de nombreux comics mettant en scène des Superman (1938), Batman (1939) et autres personnages du même acabit), Tintin est un adolescent âgé au départ d’une quinzaine d’années qui ne peut opposer aux méchants que son courage, sa détermination et son intelligence.
Sportif, capable de déjouer tous les pièges, résistant à toutes les agressions, le petit reporter n’échappera pourtant pas à bien des déconvenues et ses lecteurs le verront ainsi subir d’une aventure à l’autre quantité de coups, de traumatismes et de voies de fait plus ou moins graves.
Une constatation d’ordre statistique s’impose immédiatement: plus le temps passe et moins Tintin, tout comme ses amis d’ailleurs, sera confronté à la violence directe. Un dessinateur âgé d’une cinquantaine d’années n’a sans doute plus la même fougue ni le même entrain qu’un confrère de vingt ans son cadet. Il en est ainsi des aventures du petit reporter à la houppe: l’âge, l’expérience et une certaine philosophie de vie feront de son créateur un scénariste moins enclin à mêler ses personnages à des contextes où l’on fait le coup de poing presque à chaque case ou à chaque page d’un album.
À partir des années soixante, Hergé, comme d’autres grands noms du Neuvième Art, privilégie l’aventure intérieure, la quête spirituelle et la remise en question des grands poncifs de la bande dessinée… Tant pis pour les amateurs de premier degré, d’action musclée, de sensations fortes et d’hémoglobine, tant mieux pour les pionniers d’un genre nouveau qui verra émerger dans la dernière partie du vingtième siècle quelques chefs-d’oeuvre qui auront pour signataires des Comès, Tardi, Moebius, Pratt ou encore François Schuiten.
Mais n’anticipons pas et reprenons le menu par le détail; nous y faisions déjà allusion tout à l’heure, tout est dans l’oeuvre d’Hergé, ou presque. Ainsi en va-t-il du vaste sujet de la santé, santé mentale, physique et de tout ce qui s’y rapporte, des aspects les plus graves aux plus légers et des allusions les plus évidentes aux plus discrètes, aussi inconscientes soient-elles.

Il y a violence et violence…

En feuilletant les pages des albums des aventures de Tintin et Milou, on comprend qu’il n’est pas toujours facile d’être un héros, défenseur du bon droit, de la morale, de la veuve, de tous les orphelins et des peuples opprimés du monde. Parcourant les cinq continents, d’abord seulement flanqué de Milou, ensuite accompagné par le capitaine Haddock, occasionnellement par les Dupond(t), le professeur Tournesol ou encore la Bianca Castafiore, notre jeune reporter en prend bien souvent pour son grade, je dirais même plus , sur sa tronche, aucune partie de sa belle anatomie n’étant vraiment épargnée. Les fans de la série vous le diront, Hergé répugne à la violence gratuite, la vulgarité et les effets inutiles. Toutefois, il ne nous épargnera pas maints effets visuels où les uppercuts disputent la vedette aux coups les plus bas, mais toujours portés pour la bonne cause graphique et celle non moins honorable, du bon déroulement du scénario.
Distinguons malgré tout deux cas de figures: soit les scènes de violence directe et partant, de souffrance directe et celles, plus “impressionnistes”, édulcorées et labélisées “flou artistique” où les grosses baffes et les pifs sanglants font place à une harmonieuse brochette de signes diacritiques, savamment disposés et montrant à quel niveau d’excellence le dessinateur était capable de prétendre avec ses étoiles, petits nuages et autres vibrantes spirales.
Par la même occasion, l’homme évitait ainsi de subir les foudres de la censure, particulièrement zélée dans l’immédiate après-guerre, avec l’entrée en scène, en 1949, de la loi sur la protection de la jeunesse, véritable Inquisition qui cachait mal son nom et encore moins ses véritables objectifs: lutter contre l’influence grandissante de la BD américaine, faisant montre d’un protectionnisme outrancier à l’égard des productions franco-belges.
Quels que soient les modes de représentation de ces scènes de combats, de luttes et de pugilats, les mêmes causes produisent inévitablement les mêmes effets: ecchymoses, lésions, contusions, cocards, bleus, bosses et, dans les cas les plus graves, évanouissement, coma, voire issue fatale. Mais, confronté à ce genre de scènes, Hergé ne fera jamais dans la démesure, jouant presque à chaque fois des attraits de sa marque graphique: un semi-réalisme à la frontière du sérieux et du comique.
Ne perdons jamais de vue que le dessinateur s’adressait d’abord à un public d’enfants et d’adolescents, public qu’il ne fallait en aucun cas choquer par des représentations trop crues de la souffrance, du mal et de la maladie. Si tel avait été le cas, son abondant courrier aurait été truffé de lettres de réclamation. Il fut un temps, pas si lointain, où l’on ne badinait pas avec les codes de bonne conduite et de morale.
De même, lorsque l’inventeur de la ligne claire revenait sur les débuts de sa carrière, il ne cessait jamais de répéter combien tout cela lui paraissait une farce, un feuilleton à rebondissements, sans véritable perspective professionnelle…
Bref, Hergé ne se voyait pas forcément dessinateur de bandes dessinées toute son existence et jusqu’en1934 (rencontre avec le jeune étudiant chinois Tchang Tchong-jen de l’Académie des Beaux-Arts de Bruxelles et épisode du “Lotus bleu”), ses histoires connurent d’innombrables rebondissements, tenant souvent plus de l’improvisation de dernière minute que du véritable roman graphique. Les personnages, comme les situations dans lesquelles ils évoluaient, tenaient principalement de la caricature et l’univers médical n’échappait pas à cette règle.

La santé: le décor, le matériel et les personnages

Progressivement et surtout à partir des années cinquante, le travail en équipe, les conseils et avis de spécialistes dans les plus variées des disciplines, le recours systématique à des fiches documentaires sur d’innombrables sujets transformèrent peu à peu les approches mal dégrossies des débuts en véritables romans dessinés, romans comportant des profils psychologiques dignes des productions de la littérature classique.
Pourtant, d’un bout à l’autre de la carrière du dessinateur, certains archétypes auront la peau dure. Ainsi en sera-t-il pour les hommes de science, les savants et les médecins. Presque toujours barbus (à l’exception du médecin généraliste des “Bijoux de la Castafiore”) ou porteurs de lunettes (à l’exception de l’officier médecin du Thysville dans “Tintin au Congo”), leurs compétences ne semblent souffrir d’aucune critique. Plutôt efficaces, on ne peut pas affirmer qu’ils dégagent une grande chaleur humaine… Une image sans doute bien en rapport avec la représentation traditionnelle que l’on se fit longtemps de cette profession.
Tous pareils et tous différents, ils ont pour nom Daumière, Fan Se Yeng, Finney, Rotule, Simon ou Triboulet.
Quant aux infirmières, elles n’échappent pas non plus à la règle du formatage: en uniforme impeccable, le col fermé jusqu’au dernier bouton, la mine austère, elles évoquent plutôt un régiment d’infanterie que la corporation des “blouses blanches” souriantes et dévouées, comme nous les connaissons souvent.
À la décharge d’Hergé, on évoquera le politiquement correct qui obligeait les dessinateurs à la plus grande des sobriétés lorsqu’ils représentaient les femmes. Rien ne devait donner lieu à la moindre équivoque, rien ne devait susciter le trouble chez les adolescents “boutonneux et inquiets” de la première moitié du vingtième siècle!
À l’image de leurs occupants, patients et personnel médical, les cliniques et les hôpitaux dessinés sont plutôt tristounets, d’un confort assez relatif et d’un équipement que l’on pourrait qualifier de spartiate. Seule exception qui confirme la règle: la clinique de Nyon (Suisse) dans “L’Affaire Tournesol” qui semble appartenir à une catégorie supérieure, avec ses couloirs rutilants, sentant bon l’encaustique. Les Helvètes ne badinent pas avec la cire: les Dupond(t) en feront immédiatement les frais!
L’aspect général de ces bâtiments témoigne aussi d’une époque où la convivialité et le confort n’étaient pas le souci principal de leurs concepteurs: il est connu que les prisons, les grands établissements scolaires et les hôpitaux étaient conçus selon un même plan architectural inspiré essentiellement par l’esprit de contrôle: il fallait que d’un seul coup d’oeil, un surveillant puisse embrasser du regard la plus grande partie possible de la structure de l’institution.
L’équipement médical est, à de rares exceptions près (voir la chaise roulante du capitaine Haddock dans “Les Bijoux de la Castafiore”), limité à sa plus simple expression: civières, quelques flacons de chloroforme, lits en fer blanc émaillé, tables de consultation et ambulances, voilà pour l’essentiel. Dans ce cas, comme dans ceux qui précèdent, il est bon de revenir sur un principe fondamental: Hergé suggère plus qu’il ne montre; il s’agit avant tout de créer des ambiances, des atmosphères immédiatement identifiables par le lecteur, jeune ou moins jeune. En tentant d’être plus précis, en ajoutant une série de détails documentaires (parfois exigés par le lecteur ou son éditeur), l’artiste n’arriverait en fait qu’à surcharger son dessin et à noyer l’action dans une surenchère de traits et de lignes parasites.

Des cases et des bulles pleines de malades…

S’il arrive que les plus terribles des maladies infectieuses soient citées: la peste pulmonaire, le choléra ou la rougeole annoncés par le dément Philipillus (le “prophète” dans “L’Étoile mystérieuse”) en passant par la peste bubonique qui mettra en quarantaine Le Pachacamac dans “Le Temple du soleil”, rien ne semble vraiment mettre en péril la santé de nos amis. Pas même la scarlatine que semble particulièrement craindre l’assureur le plus casse-pieds de l’univers, le très envahissant Séraphin Lampion. Encore moins la psittacose qui aurait pu affecter Milou après la morsure d’un perroquet au début de “Tintin au Congo”.
Bien plus redoutables et fréquents sont les bosses, plaies, traumas et autres problèmes d’agressions corporelles dues aux modes de vie particuliers de Tintin, Milou, le capitaine Haddock, le professeur Tournesol ou encore les Dupond(t). Ces personnages vedettes, comme des centaines d’autres d’ailleurs, sont souvent mêlés à des histoires pleines de rebondissements et d’actions musclées. Quoi de plus normal donc de les voir régulièrement assommés, intoxiqués, blessés, mordus, électrocutés ou encore hypnotisés!
Une constante à travers les années et dans les différents récits: les éléments anxyogènes, les scènes de souffrance, les moments pathétiques sont distillés avec parcimonie et obéissent aux lois du genre humoristique-réaliste qui est la marque de fabrique du dessinateur et une des raisons principales de son succès. Comme une partition musicale bien rythmée, Hergé alterne toujours les séquences de tension et de suspense avec celles qui illustrent son goût pour le burlesque, le comique de situation ou de mots. La charge est en grande partie vidée de sa substance explosive. Rien ne doit être totalement pris au sérieux… Devrait-on comprendre que l’homme aurait toujours cherché à édulcorer son discours, à arrondir les angles, à fuir dans le flou artistique? Un comble pour le grand maître de la ligne claire ! Hergé le démineur ne serait-il décidément qu’un auteur pour des mineurs? Les choses ne s’avèrent pas aussi simples.
Nous l’avons souligné plus haut, plus leur créateur avancera en âge, plus il mettra une sourdine aux péripéties mouvementées de ses créatures d’encre et de papier. À partir des années soixante, sa “comédie humaine” prendra de plus en plus des accents de maturité et, n’ayons pas peur des mots, de profondeur psychologique.
Quelle évolution entre les mouvements très cahotiques, le travail quasi improvisé des premiers épisodes et plus tard, le découpage sophistiqué de récits comme “Tintin au Tibet” ou “Les bijoux de la Castafiore”! Que de différences entre le jeune Georges Remi de l’entre-deux-guerres, scout master jusqu’au bout du béret, royaliste et catholique psychorigide et l’homme mûr et sceptique des seventies qui se passionne pour la peinture d’avant-garde, défend la révolution de mai 1968, admire les Pink Floyd, Reiser, Wolinski et dévore tous les ouvrages qu’il trouve à propos de la psychanalyse et des philosophies orientales!

Une ligne claire trouble?

Mais qui est donc ce “Renard curieux” (son totem chez les scouts), ce Georges Prosper Remi né à Etterbeek le 22 mai 1907 et mort le 3 mars 1983 à Woluwé-Saint-Lambert, ce dessinateur autodidacte au destin prestigieux et dont la notoriété commence à croître dès le début des années 30, non seulement en Belgique, mais aussi en France, en Suisse et même au Portugal?
À première vue, un homme sans histoires… mis à part les fabuleux récits qu’il imaginera tout au long de son existence. Toutefois, malgré les nombreuses tentatives de l’intéressé lui-même pour offrir au monde et à ses lecteurs une image aussi lisse que le visage de Tintin, son enfant de papier, il apparaît de plus en plus évident que ce virtuose du crayon a connu des souffrances, voire des traumatismes, dans sa jeunesse et sa petite enfance probablement responsables de nombreux problèmes de santé, tant sur le plan physique que psychologique.
Il y aura ce lourd secret jamais dévoilé à propos de l’identité de son grand-père maternel; il y aura aussi certains chapitres délicats liés à l’apprentissage du scoutisme; il y aura encore l’humiliation ressentie alors qu’adolescent il se fera éconduire par les parents de son premier grand amour… Et il faudrait aussi mentionner les difficultés en rapport avec la conquête amoureuse de celle qui allait devenir le 20 juillet 1932 sa première épouse, Germaine Kieckens.
Et que dire alors de ses problèmes de fertilité qui le priveront à jamais du bonheur d’être parent, et que de commentaires pourrait-on encore faire à propos de l’immense frustration, associée à un profond sentiment d’injustice, alors que les foudres de l’épuration s’abattront sur lui et son entourage à la fin de la seconde guerre mondiale. Et puis, comme c’est très souvent le cas chez les artistes, Hergé fut à maintes reprises envahi par le doute profond, incapable de créer, de dessiner et d’écrire la suite des aventures de ses héros. Sa charge de travail, énorme pendant de longues années, lui jouera bien des tours, de mauvais tours qui le paralyseront littéralement, l’empêchant d’assumer ses responsabilités professionnelles. Dans ces moments-là, Hergé redevenait alors simplement Georges Remi, en proie aux démons existentiels, fourbu et complètement désabusé, allant même jusqu’à haïr au plus haut point son enfant de papier.
La rencontre avec sa seconde épouse le propulsa vers des horizons nouveaux et bouleversa son existence, autant sur le plan professionnel que privé. Par exemple, lui qui n’avait jamais voyagé ( ou si peu ) se mit à faire le tour du monde en compagnie de sa belle et jeune compagne Fanny Vlamynck, coloriste aux Studios Hergé à partir de 1956 et qui deviendra enfin son épouse, en 1977. Mais la liaison avec Fanny connut des débuts également très difficiles Hergé étant partagé entre son nouvel amour et le respect d’une parole donnée à Germaine un quart de siècle plus tôt.
Un profond sentiment de culpabilité le poursuivait et se traduisit notamment chez le dessinateur par de terribles cauchemars et diverses affections psychosomatiques. Fort sensibilisé aux philosophies orientales et à la psychanalyse à partir des années soixante, Hergé entama une thérapie auprès d’un disciple de Jung, pratique qu’il abandonna rapidement pour se remettre au travail, contre l’avis même du thérapeute. C’est ainsi qu’il réussit à boucler un album hors norme “Tintin au Tibet”, très représentatif de l’état d’esprit de son créateur, à la recherche de la pureté et de la sagesse.
L’homme avait enfin réussi à “vaincre le démon de la pureté”.
Hergé nous a quittés le 3 mars 1983, après s’être courageusement battu contre une leucémie. Même très affaibli et conscient de sa fin proche, le dessinateur ne se départit jamais de son formidable et très british sens de l’humour: ainsi, lorsqu’il devait se rendre à l’hôpital pour une transfusion de sang, il prenait congé de ses hôtes en disant “Bon sang ne peut languir”…

Conclusion

Sous son apparente simplicité, l’oeuvre d’Hergé est d’une incroyable richesse en références en tous genres et le domaine de la santé n’est pas en manque d’exemples, à chaque page ou presque, dans chaque aventure vécue par Tintin et ses amis, mais aussi, dans les autres séries que nous n’avons pas eu l’occasion d’évoquer dans cette trop brève présentation. Il est dès lors vivement conseillé de vous replonger dans les albums de Quick et Flupke ou dans ceux de Jo, Zette et Jocko, série trop méconnue et qui pourtant recèle d’abondantes perles graphiques et scénaristiques.
Rarement, un dessinateur de bandes dessinées n’aura autant investi de lui-même dans son travail. Hergé a déclaré un jour: “ Tintin , c’est moi ”. On serait bien tenté de le croire, tant la charge affective et psychologique de l’auteur se devine dans ses cases et ses bulles. Lorsqu’on met en perspective les événements de la vie d’Hergé, ses préoccupations, ses joies et ses peines avec les péripéties vécues par ses héros, on est frappé de voir à quel point la réalité et la fiction se rejoignent, se recoupent et s’éclairent mutuellement. Ce n’est pas un hasard si autant de psychanalystes, de psychologues, de sémiologues, de sociologues et de simples curieux se sont penchés sur un tel phénomène. Mais je m’en voudrais de terminer par une note trop cérébrale cette petite réflexion qui n’a finalement qu’une seule ambition: celle de vous inciter à une (re)lecture assidue des tribulations du petit reporter à la houppe, l’indémodable Tintin!
Dominique Maricq
Article basé sur le texte d’une conférence donnée par l’auteur le 27 novembre 2009 à l’occasion de la parution du numéro 250 d’Éducation Santé.
Dominique Maricq est responsable des archives aux Studios Hergé et auteur de nombreux ouvrages sur la bande dessinée en général et sur l’oeuvre d’Hergé en particulier. Il a réalisé récemment le catalogue et l’audioguide du Musée Hergé de Louvain-la-Neuve ( https://www.museeherge.com ). Il publiera cet automne ‘Hergé côté jardin’ évoquant la place du Brabant wallon dans la vie et l’œuvre de l’auteur de ‘Quick et Flupke’.

Les attitudes saines en Communauté française

Le 30 Déc 20

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La Ministre de la Santé Fadila Laanan le rappelait encore récemment dans nos colonnes, elle poursuivra dans le futur la politique de promotion des attitudes saines lancée sous la précédente législature, en collaboration avec sa collègue responsable de l’Enseignement, Marie Dominique Simonet .
Vous trouverez ci-dessous de larges extraits de son allocution à l’occasion de la remise des labels MangerBouger 2010 , qui encouragent les écoles mettant en œuvre des projets poursuivant les mêmes objectifs.

La promotion des attitudes saines au menu des prochaines années

Pour ne parler que de l’obésité, le Belge est, en moyenne, trop gros. Presque la moitié de la population présente une surcharge pondérale et un jeune de 2 à 17 ans sur cinq se trouve déjà en surcharge pondérale.
D’après l’«Enquête de santé par interview» de 2008 qui vient de publier son premier rapport, l’indice de masse corporelle moyen et le pourcentage de surpoids chez les adultes ont augmenté linéairement depuis 1997.
Comme vous le savez, l’obésité est fortement liée au mode de vie. Les régimes alimentaires déséquilibrés et le manque d’activité physique sont des facteurs de risque sur lesquels nous pouvons et nous devons agir en tant que pouvoirs et services publics.
Mais ce n’est pas tout.
Il faut savoir que ce qui permet le mieux à nos concitoyens de préserver une bonne santé, c’est:
-de disposer de revenus suffisants pour avoir accès à un logement adapté aux besoins de la famille;
-de pouvoir se nourrir correctement (fruits et légumes, meilleurs pour la santé, remplissent cependant moins bien un estomac que graisses et féculents);
-d’avoir le sentiment d’être «maître de sa vie et de ses choix»;
-de pouvoir offrir un réel avenir à ses enfants;
-d’avoir accès à des loisirs diversifiés…
Une fois ces réalités identifiées, il devient évident qu’une stratégie intersectorielle est primordiale en promotion de la santé, ceci afin de mettre en place des actions efficaces à long terme.

Le rôle essentiel de l’école

Il est reconnu internationalement que le gradient le plus important en matière de santé, c’est le niveau scolaire. Plus une personne sera scolarisée, plus elle aura de «chances» d’être en bonne santé.
L’école constitue un milieu de vie privilégié pour favoriser l’apprentissage, pour mettre en place un processus de réflexion et une dynamique sur la santé, ainsi que pour offrir des outils utiles.
Les labels MangerBouger de la Communauté française constituent un bel exemple concret de sensibilisation à l’alimentation saine et équilibrée et à l’activité physique en milieu scolaire. Les actions et les dynamiques mises en place dans de nombreuses écoles ont impliqué les enfants, les parents, les enseignants, les éducateurs, mais aussi les différents partenaires que sont les services de promotion de la santé des écoles concernées (PSE), les centres psycho-médico-sociaux (CPMS), ainsi que des acteurs du secteur non-marchand.
Je tiens, ici, à souligner le rôle essentiel des PSE et CPMS dans la mise en œuvre de tels projets relatifs aux attitudes saines dans les écoles. Ce sont des services de première ligne indispensables, qui connaissent bien leur population scolaire, qui bénéficient de contacts privilégiés avec les écoles et qui disposent d’une longue expérience en promotion de la santé à l’école. Parmi leurs missions figurent, d’ailleurs, la réalisation d’un «projet de Service de promotion de la santé à l’école» et l’accomplissement des bilans de santé.
Je voudrais aussi relever l’effort réalisé, en matière d’attitudes saines, pour impliquer tous ces intervenants. Cette démarche de concertation et d’implication est essentielle.

L’action de la Communauté française

Sous la précédente législature, la Communauté française a développé un plan «attitudes saines». Il se déclinait en plusieurs axes, dont la promotion des attitudes saines dans les écoles, avec notamment les labels «alimentation saine».
En outre, le Programme quinquennal de promotion de la santé et son Plan communautaire opérationnel comptent la promotion des attitudes saines en matière d’alimentation et d’exercice physique parmi leurs thématiques prioritaires.

Les labels mangerbouger 2010

Le 19 mars 2010, un label MangerBouger a récompensé pour la troisième année consécutive les écoles actives dans le développement de projets d’alimentation saine et d’activité physique.
Ce qui motive les écoles c’est une reconnaissance des efforts fournis par l’équipe mais aussi un fleuron pour l’établissement à l’heure où les parents sont de plus en plus soucieux de l’offre alimentaire proposée par l’école et de sa cohérence avec des objectifs pédagogique, éthique et écologique.
Septante implantations scolaires ont remis un dossier de candidature, et cinquante-deux ont reçu le label. Les lauréats ne sont pas répartis dans les mêmes proportions que les populations desservies selon les provinces. Par exemple, seulement deux écoles bruxelloises ont été retenues. La palme revient aux établissements scolaires du Hainaut, qui représentent une petite moitié des écoles labellisées!
Le dossier de candidature les invitait à détailler les actions entreprises, comment elles s’intégraient dans le projet d’établissement mais aussi à réaliser un cadastre complet de l’offre alimentaire proposée par l’école et de préciser le cadre dans lequel sont pris les repas. Une attention toute particulière a été apportée à l’accès à l’eau de distribution et à la présence (ou de préférence l’absence!) de distributeurs de snacks sucrés et salés.
La deuxième partie du dossier portait sur l’activité physique: quelles sont les actions menées pendant les cours et durant le temps libre et l’accès à celles-ci ainsi que l’équipement de la cour de récréation.
Le dossier interrogeait aussi l’établissement sur les partenariats qu’il avait pu tisser afin d’améliorer l’alimentation et/ou l’activité physique. Les partenaires suggérés sont un service PSE, un centre PMS, un CLPS, une école de devoir, une association de parents, le conseil de participation etc.
Un autre aspect développé est le respect de l’article 41 du Pacte scolaire («Toute activité et propagande politique ainsi que toute activité commerciale sont interdites dans les établissements organisés par les personnes publiques et dans les établissements d’enseignement libre subventionnés»). Ce sont les activités commerciales qui sont ici visées.
Le label est accordé pour une année, renouvelable lors du prochain appel à candidatures.
Vous trouverez la liste des lauréats à l’adresse https://www.mangerbouger.be/Label-mangerbouger-2010

C’est dans ce cadre que sont subventionnés des projets de promotion de la santé, tels que les outils «Carnets de voyage» ou encore «En rang d’oignons», réalisés pour les enseignants des classes maternelles et primaires. Ils proposent une multitude d’idées pour aborder l’alimentation saine de manière ludique.
De manière plus générale, la Communauté française contribue au Plan national nutrition santé, qui a pour objectif de lutter contre les désordres physiologiques liés à une alimentation inappropriée et à un manque d’activité physique.
Enfin, le dispositif de promotion de la santé en Communauté française permet aux organismes qui le souhaitent d’obtenir de l’aide gratuitement pour concevoir et mettre en place leurs projets de promotion de la santé.

Perspectives

Les actions mises en place pour favoriser les attitudes saines dans les établissements scolaires sont nécessaires et utiles.
Citons, notamment:
-la création d’ateliers de discussion avec les enfants, les parents et le personnel scolaire;
-les cours pratiques de cuisine adaptés aux habitudes alimentaires;
-l’augmentation du nombre d’heures d’éducation physique;
-l’instauration d’une collation soupe ou fruit à 10 heures.
L’école constitue un modèle important dans ce qu’elle propose comme boissons et aliments à nos jeunes, que ce soit via les distributeurs installés dans ses murs ou via les cantines scolaires.
Pour ces dernières, améliorer la qualité des repas passe par une sélection des produits, une attention à la technique culinaire, un respect de l’équilibre alimentaire. Mais il faut également y être attentif au coût des repas, qui doivent rester accessibles à tout le monde.
Il faut par ailleurs améliorer la formation du personnel; restaurer l’image des cantines pour optimaliser leur fréquentation; rendre le cadre convivial et attrayant; faire participer les enfants à l’élaboration des repas; promouvoir l’éducation au goût.
Il faut, enfin, veiller à ce que la cantine soit un lieu calme, confortable, de détente, avec un temps de repas suffisant.
C’est dans cette logique que je m’inscris et que s’inscrit le gouvernement de la Communauté française.
La Déclaration de politique communautaire prévoit d’ailleurs, pour ces matières:
-de poursuivre la politique de promotion des attitudes saines en matière d’alimentation et d’activité physique, en tenant compte de l’évaluation réalisée, en cohérence avec le Plan National Nutrition Santé;
-de construire un programme relatif au contexte et au contenu alimentaire des collectivités (cahier des charges, type de produits, qualité du lieu…).
Tous ces éléments montrent combien il est important de continuer à soutenir une approche coordonnée et concertée entre tous les acteurs du milieu scolaire et tous les secteurs concernés: l’enseignement, la santé, sans oublier les parents et les enfants.
De nombreuses actions de promotion de l’alimentation saine sont déjà en cours dans les établissements scolaires grâce à la prise de conscience et au dynamisme des équipes éducatives et à leur partenariat avec les équipes PSE/PMS.
J’entends valoriser ces actions et j’entends renforcer le dispositif «facilitateur», ceci afin d’appuyer positivement ces démarches et de donner un support opérationnel et didactique aux équipes éducatives, pour travailler dans une optique participative et partenariale au sein des écoles.
Fadila Laanan

Leviers pour les pratiques communautaires et le développement local

Le 30 Déc 20

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Les jeudi 30 septembre et vendredi 1er octobre, l’APES-ULg (www.apes.be) et Éducation Santé (www.educationsante.be) accueillent Bernard Goudet , à l’occasion de la sortie récente de son livre «Développement des pratiques communautaires en santé et développement local ».
Bernard Goudet est intervenant en sociologie, anthropologie et psychologie sociale. Sa pratique se situe entre le monde de la recherche (il enseigne à l’Université Victor Segalen Bordeaux 2) et le développement d’interventions dans le champ de l’action sociale et de la promotion de la santé (consultant en santé publique). Par ses conseils, il contribue à la réflexion et à l’action de différentes institutions locales ou régionales tout comme il soutient de nombreux acteurs qui travaillent au plus près des populations. Dans son ouvrage, il nous fournit à la fois un rappel des principaux documents de référence en matière de promotion de la santé, développement social et développement durable, des repères théoriques et des schémas méthodologiques utiles, efficaces et facilement mobilisables pour l’action. Les réflexions qu’il partage avec le lecteur sont le fruit de trente années d’expériences et de réflexions sur la dynamique du changement social et les processus qui la soutiennent.

Conférence «La santé communautaire: le défi de la participation de la communauté» à Bruxelles

Le jeudi 30 septembre de 14h30 à 17h (accueil à 14h) en la salle de Conférence du FARES, rue de la Concorde 56, 1050 Bruxelles.
Cette conférence s’adresse aux acteurs déjà impliqués dans des actions de santé communautaire, ou qui souhaiteraient s’y lancer, autour de la question de la participation.
La participation et l’ empowerment de la communauté demeurent les pierres d’achoppement des pratiques communautaires. Souvent, les porteurs de projets ont l’impression que les personnes impliquées dans les actions ne représentent pas «vraiment» les membres de la communauté, que le passage ne se réalise pas entre un groupe restreint conscientisé et l’ensemble de la communauté.
Il arrive aussi que la participation se limite aux actions et qu’elle ne parvienne pas à s’installer durablement dans la culture de la communauté.
Comment impulser et maintenir durablement la participation de la communauté et favoriser l’empowerment de celle-ci? Avec quelles méthodes de planification, de diagnostic et d’évaluation? Comment ces méthodes mettent-elles en place des processus d’apprentissages individuels et collectifs?
Les réponses à ces questions seront présentées au fil d’une série de situations types au sein desquelles se développent les actions communautaires. Ainsi, seront abordés pour chaque type de situation, le cadre de l’action (entre dispositifs inducteurs et actions issues du terrain) et ses liens avec les méthodes déployées pour induire un mouvement, un changement, pour impulser une mobilisation.
La conférence se déroulera en trois temps. L’intervention de Bernard Goudet sera introduite par une allocution de Madame Alda Greoli , secrétaire nationale des Mutualités chrétiennes, qui situera les convergences de cette intervention avec les options du mouvement de l’éducation permanente.
La fin de l’après-midi laissera une large place au débat avec la salle.
Le livre de Bernard Goudet, paru chez «Chroniques sociales» (Lyon), pourra être acquis à cette occasion au prix de 16,9 euros.
Les personnes intéressées par cette conférence peuvent déjà marquer leur intérêt auprès d’Éducation Santé en adressant un courriel à christian.debock@mc.be. Elles recevront une invitation en bonne et due forme avant la fin des vacances.

Séminaire «L’action et l’évaluation, quelles articulations?» à Liège

Le vendredi 1er octobre de 10h à 16h (accueil à 9h30) en la salle des Professeurs de l’Université de Liège, place du XX août 7, 4000 Liège.

Comment se composent les liens entre action et évaluation? Quel est le rôle de l’évaluation dans la dynamique des actions? Comment le choix d’un paradigme sociologique de référence facilite et soutient le changement et l’ empowerment au travers de la démarche d’évaluation?
La démarche d’évaluation devrait être une partie intégrante de tout projet. Dans le cadre des actions communautaires et de mobilisation, elle présente deux faces. La première est celle de la production de résultats en lien avec les objectifs des actions. La deuxième s’intègre dans un processus de mobilisation et de changement généré par l’évaluation elle-même. Ainsi, l’évaluation devient un des moteurs de la mobilisation, de la participation et de l’ empowerment .
Comment l’évaluation et l’action peuvent-elles s’articuler? Quelles sont les théories et les méthodologies qui peuvent être mises en place pour assurer la couture entre évaluation et action? Comment les paradigmes « stratégique » (Crozier) et « actionniste » (Touraine) réalisent-ils cette articulation?
Quelles sont les méthodes qui permettent la participation des acteurs? Comment mettre en place une évaluation participative à composante éducative telle que l’ empowerment évaluation (Fetterman)?
Quelle est la place de l’évaluateur, et plus largement du chercheur par rapport à l’action? Comment doit-il s’impliquer dans l’action? Comment devient-il, parfois par devers lui, le porte-parole des porteurs de projet?
Les questions ne manqueront pas au cours de ce séminaire ouvert à une vingtaine de participants. Il sera organisé en trois parties. Le matin, après une introduction par B. Goudet et un membre de l’APES, les participants auront l’occasion de présenter, s’ils le souhaitent, des actions, des projets, des recherches, des réflexions ayant trait à ces questions. Après une pause de midi où une collation sera offerte, l’après-midi sera consacrée à la discussion et à la confrontation des pratiques avec l’éclairage de B. Goudet. Les débats seront synthétisés et publiés dans la revue Éducation Santé.
Les personnes intéressées par ce séminaire peuvent marquer leur intérêt auprès de l’APES-ULg avant le 20 août 2010 (stes.apes@ulg.ac.be ou 04 366 28 97) en proposant en quelques lignes une expérience, une réflexion ou une question qu’ils souhaitent partager à l’occasion de ce séminaire.
Un programme complet sera fourni ultérieurement aux personnes inscrites. Toute demande d’information complémentaire peut être adressée à Gaëtan Absil au SCPS APES-ULg (gaetan.absil@ulg.ac.be).

Gaëtan Absil , Chantal Vandoorne (SCPS APES-ULg) et Christian De Bock

Les tables rondes consacrées aux assuétudes

Le 30 Déc 20

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Les consommations problématiques ou abusives de substances licites (tabac, alcool, médicaments) ou illicites (cannabis, cocaïne…) et les dépendances diverses (Internet, jeux…) posent de véritables questions de santé publique et de société. Le gouvernement de la Communauté française a prévu, dans sa Déclaration de politique communautaire 2009-2014, une gestion et une prévention renforcées des assuétudes.

Cette Déclaration de politique communautaire mentionne notamment l’organisation, en partenariat avec les gouvernements wallon et bruxellois, d’une table ronde sur les assuétudes réunissant tous les niveaux de pouvoir concernés.

Temps 1

La première rencontre s’est déroulée le 21 mai 2010 au Parlement de la Communauté française. Elle a recueilli un franc succès auprès des travailleurs actifs dans le secteur, et les organisateurs ont d’ailleurs dû refuser du monde, malgré le petit nombre de parlementaires présents.
Cinq ateliers ont été proposés aux participants: les deux premiers étaient consacrés à la prévention et à la réduction des risques, et les trois suivants au tabac, à l’alcool et aux ‘drogues’. D’aucuns ont relevé que ce découpage ‘classique’ par produits était quelque peu contradictoire par rapport à l’approche globale et intégrée que les professionnels recommandent…
Chaque atelier, placé sous la présidence d’un parlementaire, débutait par une mise en contexte de la situation en Communauté française par quelques intervenants. Une façon comme une autre de mettre en valeur des réalisations pertinentes, mais qui eut l’inconvénient de réduire fortement les échanges avec le public, ce qui était pourtant l’objectif.
Ainsi, dans l’atelier prévention, animé par Alain Onkelinx , Philippe Bastin (Infor-Drogues) put à peine esquisser une véritable mise en perspective de la problématique, devant céder le micro à des présentations sans doute intéressantes, mais par trop anecdotiques pour nourrir un débat (1). Il put néanmoins rappeler utilement que la prévention devrait reposer sur un travail éducatif de qualité et sur la promotion de milieux de vie le moins ‘toxicomanogènes’ possible…
Dans l’atelier ‘réduction des risques’, modéré par Sophie Pécriaux , le débat fut également très court. On en retiendra surtout que, malgré l’intérêt des pouvoirs locaux pour la question, les opérateurs en réduction des risques sont en manque de reconnaissance. Ils souhaitent bénéficier d’un cadre légal qui se justifie pleinement à leurs yeux. Le public est en effet très demandeur d’actions du type ‘comptoir d’échange de seringues’ ou ‘testing de substances dans les festivals’, etc.
Après la pause, place aux ‘thématiques’ donc.
L’atelier’ Alcool’, dirigé par André du Bus nous offrit l’occasion d’entendre un remarquable plaidoyer de Pascale Anceaux (Infor-Drogues elle aussi) pour ‘ramener un peu de plaisir dans le discours éducatif’, après une introduction ironique sur le ‘binge drinking’ socialement correct des adultes… Elle souligna aussi avec des mots choisis la fascination exercée par la sensorialité et la sensualité des publicités en faveur des boissons alcooliques, et le paradoxe du produit, objet à la fois d’une forte valorisation sociale et d’une non moins forte dévalorisation de l’individu alcoolique.
Pour sa part Martin de Duve (Univers santé), chevalier blanc de la régulation du secteur de l’alcool par les pouvoirs publics, rappelait qu’il est ‘hallucinant’ (c’est le mot exact qu’il a employé) d’observer que dans notre pays, le code de bonne conduite (en état d’ivresse?) du secteur a quasi force de loi. La Belgique n’est pas le pays de la bière pour rien !
Dans l’atelier ‘tabac’, qui mobilisa un faible nombre de participants, Caroline Rasson (FARES) planta le décor de la prévention du tabagisme aux niveaux européen, régional et associatif. Elle s’étendit ensuite sur l’aide et l’accompagnement spécifique du public jeune, avec des pistes concrètes d’intervention.
Valérie Hubens (Fédération des maisons médicales) souligna l’intérêt que revêt la première ligne et ses équipes pluridisciplinaires pour effectuer un travail tant curatif que préventif.
Catherine Dungelhoeff (Centre Alfa) souleva la problématique de la lourdeur administrative et du financement par projets, inadapté à une approche globale et pérenne des assuétudes. Point de vue largement partagé !
L’après-midi, sous la présidence de Chantal Leva , la Présidente du Conseil supérieur de promotion de la santé, fut consacrée aux synthèses des ateliers de la matinée, suivies de brèves mises au point des ministres Fadila Laanan et Evelyne Huytebroeck et de représentants de certains de leurs collègues wallons, bruxellois et communautaire.
La Ministre de la Santé de la Communauté put ainsi rassurer les travailleurs des ‘points d’appui assuétudes’ logés dans les CLPS en leur annonçant le renouvellement prochain de leur financement.
Les autres équipes soutenues par la Communauté entendirent avec envie la représentante de Benoît Cerexhe dire que les agréments bruxellois sont maintenant à durée indéterminée (avec toutefois une légitime exigence d’évaluation régulière), et celle d’ Eliane Tillieux annoncer qu’il en sera prochainement de même en Région wallonne. Intéressant !
Chantal Leva résuma avec à propos les points d’attention de la journée: concertation – partenariat – ‘contrat de confiance sur le long terme entre le politique et les opérateurs’ – ‘créativité des équipes pour dépasser une certaine précarité et des financements limités’ – communication avec le monde politique.
Ce dernier élément venait à son heure après le discours d’ Olivier Saint-Amand (2e vice-président du Parlement) sur ‘les assuétudes (qui) gagnent du terrain’, quelque peu en porte-à-faux par rapport aux échanges de la journée. Une approche convenue, trouveront certains, mais néanmoins intéressante en ce sens qu’elle exprimait un point de vue sans doute majoritaire dans l’opinion publique…Cette première table ronde visait, à partir d’un état des lieux et de l’analyse des points forts et des points faibles du dispositif de prévention en Communauté française, à repérer les besoins non couverts par les structures actuelles, à recueillir les propositions d’amélioration ainsi qu’à identifier des perspectives et des priorités pour le futur. L’avenir dira si cet objectif a été rencontré. Ce qui est évident en tout cas, c’est que le secteur abrite bien des talents, qui auront eu pour une fois l’occasion de se mettre en évidence. Rien que pour cela, la journée aura été utile !

Temps 2

Deuxième volet de la démarche des Ministres Tillieux et Laanan, la Table ronde du 28 mai s’inscrivait dans le champ de l’accompagnement et des soins.
Il y eut quelques parlementaires de plus dans la salle, mais cette fois, on nous avait prévenu que tel n’était pas l’objectif… Les échanges furent moins frustrants. Meilleure organisation réfléchie avec le terrain ou résignation des participants?
D’emblée le champ de la réflexion fut d’une part celui du décret relatif au Plan de cohésion sociale dans les villes et communes de Wallonie et, d’autre part, des recommandations du Collège d’experts (2005).
Le Plan de cohésion sociale, c’est un peu la promotion de la santé appliquée à la gestion des villes et communes. En effet, il se décline en actions coordonnées autour de quatre axes: l’insertion socioprofessionnelle, l’accès à un logement décent, l’accès à la santé en ce compris le traitement des assuétudes et le retissage des liens sociaux, intergénérationnels et interculturels. Il est donc heureux qu’il ait été identifié dès le départ comme toile de fond de la réflexion. Une idée à porter peut-être: celle d’une vision de la santé solidement ancrée dans le secteur psycho-social, ce qui permettrait de s’éloigner de la prévention pasteurienne et des soins hygiénistes et parasités par le fantasme du risque zéro.
Les recommandations du Collège d’experts, c’est son président, Benoît Declerck , qui les rappela. Il souligna la disparition de la notion de tolérance dans la Note du Gouvernement conjoint, notion bien présente dans le texte initial. Oubli significatif? Il rappela la nécessité d’inscrire la promotion d’un mode de vie non-dépendant dans un continuum, de clarifier les rôles, de reconnaître la légitimité de la stratégie de réduction des risques et de dénoncer les interventions sécuritaires. Il rappella aussi le manque cruel de concertation des acteurs de terrain par le pouvoir fédéral, cette situation semblant ne pas être de mise au niveau wallon où les acteurs se sont félicités d’un dialogue accru avec l’administration.
Quatre ateliers ont favorisé de véritables discussions:
– les réseaux dans tous leurs états: pour quelle complémentarité?
– la famille dans tous ses états: quelle place pour chacun?
– la transversalité dans tous ses états: vers quelle approche?
– la réduction des risques dans tous ses états: pour quelles perspectives?
Les échanges ont permis de relayer certaines attentes et demandes du terrain: stabilisation des équipes en général et particulièrement en Communauté française, augmentation des moyens et allègement des procédures administratives, décloisonnement des politiques menées en matière de drogues, inscription des projets dans la durée, décloisonnement de la prévention.
Autre élément émergeant: l’intérêt de placer la charte associative du 12 février 2009 au centre des réflexions.
Que retenir de cette journée? Certainement la volonté réaffirmée des deux ministres Tillieux et Laanan de réinscrire la problématique des assuétudes comme un des axes prioritaires de leurs politiques ainsi que leur volonté d’entendre le secteur dans son besoin de pérennisation des actions et des équipes. Mais aussi, retenir, ainsi que l’a rappelé Benoît Declerck, que la prévention est un vrai métier, à part entière, qui n’appartient pas au secteur des soins, ni à celui de l’éducation ni au sécuritaire. Nos ministres l’auront-elles entendu?Les journées du 21 et 28 mai s’inscrivent dans une démarche continue. La Communauté française et la Région wallonne prévoient en effet, dès l’automne, l’organisation d’une troisième table ronde regroupant les différents niveaux de pouvoir. Cette concertation permettra d’établir des stratégies de travail pour optimaliser la cohérence de la politique de lutte contre les assuétudes et l’articulation entre les trois piliers (prévention, réduction des risques, traitement), tout en tenant compte de la réalité et de la contribution de chaque niveau de pouvoir eu égard à ses compétences.Christian De Bock , avec l’aide de Carole Feulien (RESO UCL) pour la table ronde de la Communauté française et de Pascale Anceaux (Infor-Drogues) pour celle de la Région wallonne(1) Nous espérons vous proposer prochainement l’intégralité du texte qu’il avait préparé pour l’occasion.

On se (uni)lève tous pour la santé

Le 30 Déc 20

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Le 6 mars, dernier, le Unilever Health Institute Belgium organisait à Wolubilis un symposium au titre appétissant: promouvoir des comportements sains, quels challenges à relever?
En une demi-journée, les organisateurs entendaient sensibiliser un public de professionnels et d’étudiants sur trois sujets: un état des lieux des facteurs de risque des maladies non contagieuses, les environnements favorables au changement au niveau collectif et les changements d’habitudes individuels.
Passons sur l’intervention absurde de la représentante de la firme Unilever elle-même, qui cita triomphalement des chiffres astronomiques de diminution de sucre, sel, acides gras trans et graisses saturées dans les produits maison: sans éléments de comparaison, cela ne veut strictement rien dire!
Nous retiendrons plutôt de cette matinée l’intervention très vivante de Caroline Bollars , une Belge qui travaille à l’OMS Europe, et qui souligna avec verve le poids des déterminants sociaux, économiques et culturels sur la bonne ou mauvaise santé, tout en se félicitant du grand nombre de pays européens qui, comme le nôtre, ont mis en place des plans nationaux nutrition et santé.
Autre présentation intéressante, celle de Chris Moris , le directeur de la Fédération de l’Industrie Alimentaire, qui fit un plaidoyer intelligent en faveur de l’engagement du secteur: appui à tous ses membres sensibles à leur responsabilité en la matière, et pas uniquement à l’écoute des poids lourds du secteur, comme Unilever, Nestlé ou Danone; mise en place et évaluation d’une charte d’engagement; amélioration de l’étiquetage, informations plus claires qu’avant sur les repères nutritionnels journaliers; progression du nombre des firmes qui reformulent au moins un de leurs produits dans le ‘bon’ sens (ce n’est pas énorme, mais c’est déjà mieux que rien!); activité du Fonds FEVIA géré par la Fondation Roi Baudouin; projet ‘Happy Body’…
Le professeur émérite Vinck pour sa part, spécialiste des changements de comportements, a fait quelques rappels utiles à ceux qui croient encore aujourd’hui (et il y en a!) aux vertus du ‘health belief model’, dont on sait pourtant qu’il est largement à côté de la plaque. Il s’est aussi livré à une analyse rapide des décisions du jury FEVIA, qui indique que plus de la moitié des projets ‘éducatifs’ concernant les habitudes alimentaires n’ont tout simplement pas le niveau.
L’amateur de bande dessinée aura aussi apprécié l’allusion réjouissante du Dr Patrice Gross (ça ne s’invente pas!), à une planche d’Achille Talon pour expliquer la notion de ‘restriction cognitive’ (1) qui fait échouer tant de tentatives d’amaigrissement.
Bref, une matinée variée à défaut d’être très innovante…
Christian De Bock (1) Ensemble des comportements alimentaires, des croyances, des interprétations et des cognitions concernant la nourriture et la façon de se nourrir, découlant d’une intention de maîtriser son poids par le contrôle mental du comportement alimentaire (d’après Apfeldorfer et Zermatti, 2009).

La déclaration de politique globale et intégrée en matière de drogues (1): un espoir serait-il né?

Le 30 Déc 20

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Comme le suggère le communiqué de presse gouvernemental du 25 janvier 2010 (2), oui, il s’agit bien d’une déclaration historique. Les professionnels actifs dans le secteur de l’aide aux toxicomanes se réjouissent du fait que les différentes autorités compétentes en la matière aient non seulement décidé de se concerter mais le fassent réellement.
En effet, le secteur déplorait régulièrement le morcellement des compétences (3) et les initiatives politiques dispersées (avec parfois des effets antagonistes entre elles (4)). Au final, la Belgique donnait en cette matière le triste spectacle d’un manque d’objectifs communs et de cohérence.
Aujourd’hui, la Déclaration conjointe (donc l’ensemble des gouvernements que compte ce pays) réaffirme que la consommation de drogues est considérée prioritairement comme un problème de santé publique . À ce titre, c’est la ministre fédérale de la santé publique qui préside la Conférence Interministérielle Drogues (CID), gage que c’est bien l’aspect santé publique qui prédomine.
Depuis le rapport parlementaire de 1997, repris dans la Note de l’exécutif en 2001 et dans la récente Déclaration conjointe, nous savons que la plus haute priorité ira à la prévention .
Il s’agit d’une avancée fondamentale. Selon le rapport parlementaire, cette prévention doit viser la personne globalement (promotion générale de la santé et éducation sanitaire, stimulation des aptitudes sociales et apprentissage de la gestion des risques) mais aussi la structure sociale (lutte contre la précarité, politique sociale). Ne s’agit-il pas d’une belle avancée quand on se rappelle, par exemple, toutes les interventions policières musclées (et traumatisantes pour les élèves) faites au nom de la «prévention» ou encore le surpeuplement carcéral alimenté de façon consistante par des affaires mineures de drogues?
Le texte précise que «drogues» signifie non seulement substances illicites mais aussi alcool, tabac et médicaments psychoactifs. Le secteur ne peut que se réjouir de voir enfin appliquer ce qu’il demande depuis tant et tant d’années.
À savoir, une politique cohérente et globale qui prenne en compte tous les produits psychoactifs, surtout les plus consommés et les plus légaux. Rappelons-nous que l’interdiction de certains d’entre eux ne repose sur aucun critère scientifique.
Ensuite, une politique cohérente et globale qui tienne compte et fasse intervenir les acteurs de terrain là où ils sont et dans le respect de leur domaine de compétence: les enseignants peuvent débattre et sensibiliser à l’école, les thérapeutes en consultation, les éducateurs lors d’un décrochage scolaire, les parents éduquent à la maison, etc.
À l’instar du groupe de travail parlementaire de 1997 qui, suite à l’audition de très nombreux experts et professionnels, considéra que la toxicomanie ne constituait pas en soi un motif justifiant une intervention répressive sauf si l’intéressé avait commis des infractions qui perturbent l’ordre social, nous sommes persuadés que les membres de la CID rechercheront la cohérence, seule garante de progrès sur cette question. En travaillant ensemble sous la présidence de la ministre de la santé, les différentes autorités du pays s’apercevront que la voie pénale n’est pas adéquate pour traiter cette question, avant tout sanitaire mais aussi sociale.
Les collaborations à établir entre les différents niveaux de pouvoir pour stimuler les initiatives de prévention vont devoir être innovantes car le découpage des compétences n’incite pas à la prévention (5).
Soulignons que les fédérations des institutions pour toxicomanes proposent depuis de nombreuses années qu’une partie des budgets «drogues» (plans drogues, contrats de sécurité) du ministère de l’Intérieur soit attribuée à la Santé.
Les acteurs de terrain savent que la politique en matière de drogues est délicate et complexe. Ils entendent avec intérêt la volonté politique de ne plus considérer le consommateur de drogue(s) comme un délinquant mais comme une personne ayant, éventuellement, un problème de santé ou une difficulté.
Seule la mise en application concrète de ce nouveau paradigme donnera de la cohérence aux politiques futures. Nous ne doutons pas que les professionnels actifs dans ce domaine répondent présents pour informer, conseiller, aider les membres de la CID dans cette tâche.
Infor-Drogues souhaite que les travaux de la CID et de la Cellule Générale Drogues soient à la hauteur des espoirs (historiques) qu’ils suscitent.
Antoine Boucher , Chargé de communication à Infor-Drogues (1) Il s’agit du titre de la Déclaration conjointe de la Conférence Interministérielle Drogues (CID) du 25 janvier 2010.
(2) Le communiqué de presse du 25 janvier 2010 intitulé «La Conférence Interministérielle Drogues approuve une approche conjointe de la politique de drogues en Belgique» commence par ces mots: «Pour la première fois dans l’histoire de la Belgique»
(3) Concernant les drogues en Belgique, il y a les sept (7!) ministres de la Santé, le ministre de l’Intérieur, de la Justice, des Affaires économiques, des Finances, les ministres de la Jeunesse, de la Famille, etc. Bref, vingt-quatre ministres des différents gouvernements (fédéral, communautés et régions) sont signataires de la Déclaration.
(4) Pour ne donner qu’un exemple: une association est subventionnée par la Santé pour tester des substances illicites mais la Justice n’accepte pas d’immuniser ses travailleurs en cas de contrôle.
(5) Voir à ce propos La prévention des maladies est sous-développée en Belgique , in Éducation Santé n°253, février 2010. L’article propose quelques pistes pour inciter les Communautés à plus d’efforts de prévention.

Polémique à propos du dépistage du cancer du sein

Le 30 Déc 20

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Le mois dernier, nous vous avons présenté le programme ‘mammotest’, qui vient de revêtir de nouveaux habits en Communauté française. Notre dossier ne faisait pas allusion à un projet de modification de la nomenclature pour la mammographie, qui devrait rendre le mammotest plus attractif que le bilan sénologique. En effet, ce dernier offre jusqu’ici une meilleure rétribution aux médecins, et fait donc une forte concurrence au programme organisé, du moins dans le sud du pays.
Cette modification de nomenclature a fait l’objet de vives critiques dans certains médias francophones, visant le grand public et aussi le corps médical. Il y a même eu une pétition signée par de nombreux médecins (francophones).
Le Centre communautaire de référence chargé de coordonner les programmes de dépistage du cancer en Communauté française souhaite apporter quelques informations de nature à éclairer ce vif débat.

Rappel de quelques évidences scientifiques

Tout d’abord, le mammotest (mammographie réalisée dans le cadre d’un programme d’assurance de qualité) est le seul examen recommandé par les experts cancérologues et les experts en santé publique (1): « Le dépistage du cancer du sein doit s’adresser à l’ensemble de la population cible et être réalisé dans le cadre d’un programme d’assurance de qualité : contrôle de qualité , enregistrement , évaluation ».
La démarche d’assurance de qualité a pour objectif d’atteindre une efficacité optimale et de réduire au minimum les effets négatifs.

Cahier prévention

Les données d’évaluation du mammotest indiquent que le Programme fonctionne bien de ce point de vue, et permet de mettre en évidence un nombre élevé de cancers de petite taille, sans envahissement ganglionnaire.
Ces résultats sont conformes et même supérieurs aux critères définis dans les «European guidelines for quality assurance in mammography screening» (2).
Cela permet de prévoir une réduction de la mortalité liée au cancer du sein en Communauté française, à condition toutefois que la participation des femmes soit suffisante.
Le dépistage individuel (bilan sénologique de dépistage) n’est pas soumis à un contrôle de qualité. À ce jour aucune évaluation de sa qualité et de son efficacité n’a été réalisée.
Il est donc éthiquement inacceptable de tenir un discours indiquant que le bilan sénologique de dépistage est plus performant que le mammotest.
« Ce qui est réalisé en dehors d’un programme organisé est non éthique et ne permet de fournir qu’un service dont la qualité ne peut être mesurée , et donc non assurée , et dont les coûts sont totalement incontrôlés » ( 3 ).
À propos de la sensibilité du mammotest (sa capacité à détecter un cancer) par rapport au bilan sénologique de dépistage, la double lecture réalisée systématiquement dans le cadre du mammotest a récupéré 5 fois plus de cancers que l’échographie réalisée en raison d’une densité mammaire élevée.
La sensibilité du mammotest est donc plus élevée que celle du dépistage individuel.

L’avis des radiologues

Avis du Concilium Radiologicum concernant la pétition contre le projet de modification des modalités de remboursement de la mammographie de dépistage
Le Docteur Christian Delcour , Président du Concilium Radiologicum, signale que le point de vue des médecins signataires de la pétition contre le projet de modification de nomenclature n’est pas partagé par la communauté radiologique belge dans son ensemble. Ce projet n’est donc pas soutenu par le Concilium Radiologicum, car il n’a pas été avalisé par le groupe de travail ad hoc de la Société Royale Belge de Radiologie.
Il est indispensable de remettre en question des habitudes non scientifiquement validées. Modifier les modalités de remboursement de la mammographie de dépistage permettra à toutes les femmes de bénéficier d’un dépistage dont la qualité est contrôlée et dont les effets sont évalués, aux sénologues de consacrer leur expertise et leur temps aux patientes qui ont le plus besoin de leur savoir-faire et de leur écoute, et de réduire au minimum les examens complémentaires chez celles qui n’en n’ont pas besoin. N’oublions pas qu’entre 50 et 69 ans, plus de 990 femmes sur 1000 sont indemnes de cancer du sein!

Campagne sexiste ?

Comme si cela ne suffisait pas, certains ont aussi rudement critiqué le nouveau spot de sensibilisation, les ‘seins animés’, en y voyant l’expression lamentable du machisme le plus méprisant à l’égard des femmes.
Le Service communautaire de promotion de la santé, chargé de la communication pour la Communauté française, rappelle la démarche à l’origine de cette création.
La campagne audiovisuelle envisagée pour le Programme vise à améliorer la perception générale du dépistage et s’adresse à une majorité de femmes: il s’agit de réduire la charge dramatique, d’apprivoiser le sujet, de permettre d’en parler (entre femmes, avec son conjoint, avec les professionnels de la santé, etc.).
Cependant, il est évident qu’il y a une grande diversité de réticences personnelles, d’obstacles divers à la pratique du dépistage, etc. Ce type de freins nécessite une diversité d’approches de communication, alliant spécificité de l’argumentation et communication de proximité.
Se référant aux recommandations actuellement proposées en matière de campagnes de santé publique, le SCPS Question Santé a proposé au groupe d’accompagnement mis en place pour la réalisation de cette campagne audiovisuelle, de s’appuyer sur trois priorités de communication:
-élaborer des messages ouverts, qui interpellent et amènent leurs destinataires à construire une réflexion qui leur est propre;
-élaborer des messages responsabilisants;
-élaborer des messages qui offrent des solutions et évitent de donner le sentiment à leurs destinataires qu’ils se trouvent enfermés dans un destin inéluctable.
Ainsi, dans la campagne audiovisuelle, chaque femme est invitée à prendre soin d’elle-même: «nous sommes vos seins (…) on aimerait que vous fassiez le mammotest, pour nous c’est important»; chaque femme est invitée à faire un mammotest avant qu’un symptôme ne l’y invite: «n’attendez pas que vos seins vous le réclament. Entre 50 et 69 ans , faites le mammotest tous les 2 ans.»; enfin, le message souligne que «en cas d’anomalie, plus vite c’est dépisté, mieux c’est soigné» et invite à recourir au médecin «Parlez-en à votre médecin».

Le texte du spot

Bonjour !
Bonjour !
Nous sommes vos seins et on a quelque chose à vous dire .
Voilà on aimerait que vous fassiez le mammotest , pour nous c’est important .
Il est gratuit et permet de dépister le cancer du sein car en cas d’anomalie plus vite c’est dépisté mieux c’est soigné . Et ainsi vous prenez soin de nous ( rires ).
N’attendez pas que vos seins vous le réclament . Entre 50 et 69 ans faites le mammotest tous les 2 ans .
Parlez en à votre médecin ou surfez sur [L]http:/www.lemammotest.be

La diffusion d’une communication publique sur un sujet donné a pour effet de légitimer l’existence d’un problème de santé. Une campagne de communication via les médias de masse s’adresse évidemment au plus grand nombre (ce qui en fait l’intérêt majeur), et globalement aux classes moyennes (critères socio-économiques et niveaux d’études).
Cependant, au travers de ces campagnes, il y a des possibilités de prendre partiellement en compte les objectifs de réduction des inégalités de santé. Comment? Philippe Lamoureux (Directeur général de l’Institut National de Prévention et d’Éducation pour la Santé, en France) le précise: « Il s’agit là de simplifier les outils de communication , de façon à les rendre compréhensibles pour des publics peu ( ou pas ) lecteurs . Pour ce faire , la logique consiste à privilégier l’animation par rapport à la fiction ou encore le dessin par rapport au texte . Les post tests réalisés en ce domaine font apparaître des scores d’appropriation très satisfaisants .» Le choix de la formule du dessin animé répond donc à ces
constatations récentes dans le domaine de la communication en santé publique.

Mise en place de la communication

Un appel à concurrence a été diffusé, avec notamment les éléments suivants repris dans le cahier des charges: réaliser un/des spot(s) avec un message positif; créer un climat de complicité; éviter de mettre en avant l’acte médical (femme qui fait le mammotest).
Un accent était demandé sur la motivation des femmes qui ne sont pas suivies et/ou ne pratiquent pas de dépistage. Il s’agissait de montrer les avantages à faire un dépistage et à ne pas attendre la maladie pour consulter un professionnel de la santé, de suggérer au public cible un climat de confiance, de complicité et d’appartenance en jouant sur la féminité, sans excès publicitaire ni stéréotypes de la femme.
Sept sociétés ont répondu à l’appel d’offre, dont certaines ont présenté plusieurs projets.
Un jury s’est réuni et a examiné les propositions, sur base d’une grille de 8 critères:
-prix;
-respect du délai pour rentrer l’appel d’offre;
-cohérence avec la promotion de la santé (fondements scientifiques, objectifs et public visés, intégration dans l’ensemble du programme de dépistage, adéquation au sujet traité);
-fidélité aux objectifs (simplicité, complicité, féminité, appartenance, tendresse…);
-compréhension du message en lien avec la forme, originalité, rythme, accroche, attractivité;
-expériences antérieures dans la réalisation de campagnes audiovisuelles en promotion de la santé;
-respect des aspects éthiques;
-appréciation personnelle;
-réserves éventuelles
Le choix du jury (essentiellement féminin, contrairement à ce que les détracteurs du spot imaginent) s’est porté à l’unanimité – ce qui est un élément rare à souligner – sur la proposition faite par EuroRSCG.
Parmi les arguments retenus par le jury, citons: approche centrée sur le bénéfice du dépistage («plus vite c’est dépisté, mieux c’est soigné…») et la gratuité; forme amenant directement au cœur du sujet mais avec sobriété: le choix des seins comme visuel permet d’identifier directement le thème de la campagne; traitement de l’image épuré (trait fin, fond sobre); traitement émotionnel, complice / intimiste par le son (voix off et musique) et l’image (yeux animés); éveil de la curiosité pour susciter l’attention; interpellation par le «regard» (les seins ont des yeux); la campagne proposée est rassurante et positive tout en invitant les femmes (de 50 à 69 ans) à franchir le pas, à en parler et à dédramatiser; être à l’écoute de son corps (de sa féminité). Un pré-test sur base du plan-image a confirmé la lisibilité et la compréhension du message et n’a pas mis en évidence d’effets indésirables. Une non adaptation de la forme du spot à des sous-groupes de femmes (pour des raisons culturelles ou autres) était attendue, mais considérée comme acceptable.
Christian De Bock , d’après un communiqué du Centre de référence communautaire pour le dépistage du cancer du sein, et avec l’aide du SCPS Question Santé

(1) Advisory Committee on Cancer Prevention. EJC 2000; 36: 1473-78.
(2) European guidelines for quality assurance in mammography screening and diagnosis. Fourth edition . European Communities 2006.
(3) Helene Sancho-Garnier – Professeur de santé publique à Montpellier