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L’ambassadeur prévention

Le 30 Déc 20

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Un projet pilote visant à améliorer l’information vers les médecins généralistes sur les programmes de prévention et de dépistage des cancers en Fédération Wallonie-Bruxelles vient de démarrer.

La Société Scientifique de Médecine Générale (SSMG), en partenariat avec l’asbl Question Santé, le Centre de dépistage des cancers et la société Quintiles, met en place un projet pilote «ambassadeur prévention». Ce projet est soutenu par la Fédération Wallonie-Bruxelles qui souhaite améliorer le recours aux programmes de médecine préventive qu’elle met à la disposition de la population et des médecins.

Pour l’implantation de programmes de prévention, la littérature scientifique a mis en évidence l’intérêt de rencontres d’information entre un visiteur médical et un médecin. Cette démarche permet de sensibiliser le médecin, de lui transmettre des informations concrètes et pratiques sur le fonctionnement des programmes et d’individualiser les informations transmises en fonction des besoins spécifiques du médecin.

Les programmes de prévention concernés par ce projet pilote sont ceux des dépistages du cancer colorectal et du sein, ainsi que la prévention du cancer du col de l’utérus (par vaccination et frottis de dépistage).

Environ 250 médecins sont concernés par cette expérience; chacun de ces médecins sera visité, moyennant son accord, par l’ambassadeur prévention à trois reprises sur une période de 9 mois. L’ambassadeur pourra lui apporter une aide concrète et des informations sur les bénéfices que lui-même et ses patients peuvent retirer de ces programmes, ainsi que leurs limites.

La première visite sera consacrée principalement au dépistage du cancer colorectal; outre un rappel et un temps de discussion consacré au dépistage abordé précédemment, la deuxième visite abordera aussi la prévention du cancer du col de l’utérus (vaccination et dépistage) et la troisième visite le dépistage du cancer du sein. Les documents d’informations des programmes de dépistage de la Fédération Wallonie-Bruxelles seront diffusés aux médecins lors de ces visites.

Le projet a démarré au début de l’année par une formation de l’ambassadeur prévention, qui a commencé à rencontrer les médecins dès la fin de janvier 2013. Le territoire couvert par le projet est une partie du Hainaut reprenant des sub-régions de Mons-Borinage, du Centre et quelques autres communes à l’ouest de Charleroi. Ce territoire englobe par exemple les entités de Dour, Boussu, Frameries, Mons, Lens, Soignies, Le Roeulx, Seneffe, Courcelles, Fontaine-l’Éveque, Nalinnes, Thuin, Merbes-le-Château, Binche et La Louvière.

Suivi du projet

Une évaluation, dont les résultats seront disponibles début 2014, permettra de tirer les enseignements de cette initiative. Elle comprendra plusieurs volets.

Primo, une évaluation qualitative ex-ante et ex-post par enquêtes auprès des médecins généralistes participant au projet pilote, comparés à deux groupes témoins composés chacun de 400 médecins généralistes. Un groupe témoin sera situé dans le même bassin que le groupe pilote, l’autre dans un autre bassin constitué par Liège et sa région. Un questionnaire d’enquête a été envoyé via la SSMG à ces 1.100 médecins fin janvier 2013 et un second suivra en novembre de cette année.

Ensuite, une évaluation concomitante (relevé de données qualitatives par l’ambassadeur prévention).
L’ambassadeur prévention recueillera les freins et difficultés rencontrés dans leur pratique préventive par les médecins, ainsi que leurs suggestions d’amélioration de l’organisation des programmes et leur appréciation sur le projet pilote.

Et enfin, une évaluation d’impact sur les comportements finaux (au départ du projet, après 5 mois, 10 mois et 13 mois). Cette évaluation comparera divers indicateurs, avant, pendant et au terme du projet pilote, d’une part pour le groupe pilote et d’autre part pour chacun des deux groupes témoin :
– pour le dépistage du cancer colorectal, le nombre absolu de tests anonymisés (Hemoccult ®) revenus pour analyse et pour le dépistage du cancer du sein, le nombre absolu de résultats anonymisés de mammotests pour lesquels les médecins du groupe pilote sont désignés comme référents;
– le nombre de médecins désignés comme référents pour au moins un test Hemoccult® revenu pour analyse;
– le nombre de médecins désignés comme référents pour au moins un mammotest réalisé.

À ces données s’ajoutera le nombre de tests Hemoccult® commandés par le médecin au Centre de référence des cancers.
Des indicateurs sont également en cours de sélection pour la vaccination.

Le corps humain dans le curriculum tunisien

Le 30 Déc 20

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En Tunisie, le corps humain est un thème largement exploré dans les programmes des sciences de la vie. Les finalités de son étude sont variées : rapport au vivant (1); apprentissage et compréhension des fonctions vitales (2), éducation à la santé, etc. D’où la richesse de ce thème et l’importance d’une réflexion sur la façon de l’aborder afin de promouvoir la santé dans l’école. Plusieurs questions se posent : comment aborder le corps humain à l’école ? Est-ce que l’enseignement de la biologie permet de comprendre le corps humain ? Quelles conceptions sur le corps humain cet enseignement permet-il de construire chez les apprenants ? Est-ce que cet enseignement permet d’aider les apprenants à acquérir des attitudes et des comportements à l’égard des problèmes de santé ? Nous avons analysé les conceptions sur le corps humain que l’enseignement de la biologie permet de développer chez les apprenants.

L’enquête, par entretien semi-directif et par questionnaire a permis de montrer que cet enseignement, centré sur des pratiques analytiques et chimiques, contribue à développer une diversité de conceptions, à la fois analytiques, analytiques-biochimiques et analytiques–totalisantes. Cependant, nous avons constaté que les conceptions analytiques et analytiques-biochimiques demeurent les plus courantes. Selon ces conceptions, le corps humain semble être réduit à ses composantes organiques et biochimiques. Il est perçu comme un ensemble de systèmes biologiques interconnectés et interdépendants sans lien entre santé et corps.

Le corps humain dans l’éducation scientifique

De même que la médecine présente une forme de savoir sur notre corps, la biologie incarne également une autre forme de savoir sur notre corps, lié à l’anatomie, à la physiologie mais également des savoirs de gestion et d’entretien de sa vie future, santé, sécurité. Ce qui permet à l’enseignement de la biologie de participer de façon spécifique à l’éducation à la santé, à la sécurité, à la solidarité, à la responsabilité et à l’autonomie et par conséquent de contribuer à l’éducation à la citoyenneté.

La spécificité de la biologie, la place du corps et les questions qu’elle suscite nous ont conduite à étudier les conceptions des apprenants sur le corps que l’enseignement de la biologie permet de construire. S’agit-il d’un corps machine, organisé en plusieurs niveaux d’intégration avec la digestion, la respiration, la circulation sanguine? Ou d’un corps selon le modèle de Terrisse (3) avec ses différentes dimensions anatomique, physiologique mais aussi sociale et psychologique ?

Notre objectif étant d’analyser les représentations sur le corps humain que l’éducation scientifique, et en particulier la biologie, permet de construire chez les apprenants tunisiens, nous avons interrogé la place de ce thème dans l’éducation scientifique.

Le corps humain est un thème largement exploré dans les programmes de sciences à l’école, au collège et au lycée. Plusieurs chercheurs ont analysé la place de ce thème dans l’éducation scientifique. Ces recherches reflètent plusieurs approches du corps, qui vont du rapport au vivant (Coquidé) à l’appréhension des sensations de son corps vivant par l’élève (4), en passant par la compréhension du fonctionnement du corps et de ses organes (5). Quels étaient les apprentissages visés par les recherches présentées ? Quelles dimensions du corps se trouvent valorisées et quels rapports au corps seraient, par conséquent, construits ?

Les apprentissages visés par rapport au corps

L’apprentissage du corps dans sa globalité

Dans cet enseignement, le corps humain est abordé dans sa globalité. L’objectif est que l’élève acquiert des connaissances sur son propre corps. C’est le cas de la réflexion de Guy Rumelhard (6) qui porte sur la question de la mise en relation de données épidémiologiques permettant d’identifier des facteurs de risque de l’obésité et de son enseignement. Il pose le problème d’enseigner le «manger» et ceci dans l’objectif de se sentir «mieux» sans être normatif et en dépassant l’apport strict de connaissances. Il questionne aussi la rationalisation et la mécanisation des corps dans lesquelles il est possible de tomber suivant l’angle avec lequel on aborde le thème de l’obésité.

L’apprentissage du corps dans son ensemble est aussi l’objectif de Dell’Angelo et Coquidé (7). Elles se sont intéressées aux potentialités que représentent les rencontres de l’enfant avec un animal dans la découverte de son propre corps. Le moyen utilisé est l’élevage d’animaux en classe. Les objectifs visés sont la découverte des caractéristiques anatomiques (nutrition, reproduction, relation) et l’appréhension de son individualisation et de sa finitude: connaître le fonctionnement du corps de l’enfant; comprendre son corps; se sentir être vivant/être pensant; activer le rapport affectif et émotionnel au vivant; appréhender les critères de vie (besoins vitaux, rejets de déchets, grandes fonctions), naissance, sexualité etc.

L’apprentissage du fonctionnement du corps de l’élève

Une autre approche du corps vise la construction de connaissances opératoires à son propos. Ces travaux s’inscrivent dans la continuité des études sur les conceptions des élèves et sur la façon dont les élèves modélisent des connaissances scientifiques. Lhoste regarde comment des élèves de troisième, engagés dans un débat scientifique sur le thème de la nutrition, construisent le concept de circulation sanguine. L’apprentissage visé est l’approvisionnement des organes en énergie et en matière.

De la même façon, Ménard et Pineau (8) présentent un travail visant la construction du concept de respiration. Pour ce faire, elles engagent le débat en classe à partir des questions suivantes: «Pourquoi respire-t-on ? À quoi ça sert de respirer ? Comment cela se passe-t-il dans notre corps quand on respire ? Comment l’oxygène permet-il aux muscles de fonctionner ? »

L’entrée par la physiologie et la régulation des organes

Schneeberger et Dhouibi (9) visent l’apprentissage de la régulation de la glycémie, en relation avec l’étude du diabète. Elles utilisent une analogie avec un système d’écoulement d’eau pour construire un système de régulation. Cette contribution s’appuie sur une conception du vivant comme un système composé d’éléments en interaction dynamique.
Clément, Mouelhi et Abrougui (10) visent l’apprentissage du fonctionnement du cerveau humain. Ils ont analysé les programmes et les manuels scolaires en France et en Tunisie pour voir si les théories actuelles sur le cerveau humain (plasticité et épigenèse du système nerveux, réseaux neuronaux) y sont présentes.

Le rapport au corps

Rumelhard (11), dans la ligne de Canguilhem, pose la question de l’individualisation. Il montre en particulier que le concept d’individualité ne décrit pas un être mais une relation. Il se place résolument dans une approche globale et interne du corps. La relation au temps est aussi travaillée par le biais de la prise de conscience de la vieillesse et de la mort. Par ailleurs, Jourdan (12) travaille un corps vécu, investi professionnellement. Pour elle, le corps est un «outil de la perception du monde», «une caisse de résonance de l’affectif». Il s’agit d’un objet construit par le temps et la culture.

Cependant, malgré la diversité des approches retenues par ces recherches, nous avons remarqué que les représentations globales du corps, la question de l’éducation pour la santé et celle des référents théoriques conscients et inconscients qui les sous-tendent restent peu abordées.

Le corps humain dans le curriculum tunisien

En Tunisie, sans nier l’apport des autres disciplines telles que l’éducation physique et sportive, l’enseignement des sciences naturelles présente la porte d’entrée principale à l’étude du corps humain. En effet, le survol des programmes officiels de l’enseignement des sciences naturelles nous a permis de remarquer qu’à l’école primaire, les élèves commencent par découvrir les sens et leurs fonctions par rapport à l’environnement, étudient les mouvements corporels et des éléments d’éducation à la santé (l’hygiène).

Au collège, l’objectif des programmes de sciences de la vie et de la terre (SVT) en lien avec le corps est d’étudier les grandes fonctions à partir de leurs manifestations dans l’espèce humaine telle que par exemple la fonction de nutrition.

Au lycée, l’étude des fonctions s’approfondit, avec une approche cellulaire et moléculaire de plus en plus importante, «Initier les élèves à l’étude des mécanismes biologiques à l’échelle cellulaire et l’échelle moléculaire» (Programme Officiel de l’Enseignement –1998 -Annexe XII – Sciences Naturelles, p 7).

Par ailleurs, ces programmes accordent à l’enseignement des sciences naturelles au lycée des objectifs d’ordre éducatif: «savoir reconnaître ce qui est bon pour lui» «être conscient de la nécessité de l’équilibre alimentaire» «être conscient de l’importance de l’hygiène et de la prévention dans la préservation de sa santé et de celle d’autrui» (idem, p 9).

Le curriculum prescrit accorde ainsi à l’étude du corps humain des finalités diverses, allant de la compréhension de la physiologie du corps humain à la prévention et la promotion de la santé. En effet, les autorités ont affirmé la mission de l’école en matière de politiques de prévention et de promotion de la santé. Loin des préceptes normatifs, les programmes officiels ont accordé à l’école cette mission éducative. Elle vise ainsi à donner aux individus les moyens de leur autonomie en développant des compétences psychosociales.

Plusieurs questions se dégagent : est-ce que l’enseignement des sciences naturelles tel qu’il est réalisé permet d’atteindre ces objectifs ? Quelles conceptions du corps humain cet enseignement permet-il de développer chez les apprenants tunisiens ? Se place-t-on dans un objectif de mieux connaître son corps, d’améliorer la perception que l’on en a ?

Cela pose aussi la question des modèles, des normes, de l’individu et de son corps, de la diversité, de l’acceptation de son propre corps. Les références utilisées sont-elles mécanistes ? Travaille-t-on sur les images du corps et donc la relation aux autres, au monde ?

Méthodologie

Nous avons interrogé 94 étudiants tunisiens de première année Sciences de la vie de la Faculté des sciences de Sfax. Notre échantillon a été construit sur la base de volontariat. Le choix de cet échantillon n’est évidemment pas arbitraire. En effet, ces sujets sont censés avoir suivi tout le cursus de l’enseignement secondaire de la biologie d’une part et, d’autre part, ils proviennent de différentes régions de la Tunisie. Grâce à cette diversité des espaces, nous pourrons comparer les informations récoltées et voir s’il existe des différences dans la manière dont ces sujets conçoivent le corps humain liées à leurs appartenances régionales.

Nous avons demandé aux étudiants de nous expliquer si l’enseignement des sciences naturelles qu’ils ont reçu au secondaire leur a permis de comprendre leur corps, comment et pourquoi (question 1). Nous avons également demandé à ces sujets d’inscrire spontanément des mots autour de l’expression «corps humain» (question 2).

Analyse des réponses

Afin de caractériser les modèles explicatifs et les conceptions relatives au corps humain, nous avons étudié les productions des étudiants interrogés grâce à l’analyse lexicale. En effet, cette méthode d’analyse, souvent pratiquée en psychologie cognitive, en pédagogie et aussi en didactique, permet, à partir du codage d’énonciations syntaxiques, de comprendre la conception du sujet apprenant. Le présupposé qui sous-tend l’analyse lexicale est que l’usage des mots est un révélateur, indépendamment de leur place dans le discours.

En réponse à la première question, 89 étudiants sur les 94 interrogés considèrent que l’enseignement de la biologie leur a permis de comprendre leurs corps. Ils forment le groupe A.
En effet, selon ET5 (13), «au cours de cet enseignement, on a étudié différentes fonctions telles que la digestion, la nutrition et la respiration ce qui m’a permis de comprendre mon corps».
Pour ET11 «notre corps est un ensemble d’appareils: reproductif, respiratoire etc. L’enseignement des sciences naturelles au secondaire a été une occasion pour comprendre ces appareils et de comprendre donc mon corps».
Ou encore, pour ET28 «oui l’enseignement des sciences naturelles que j’ai reçu au secondaire m’a permis de comprendre mon corps, surtout au baccalauréat où on a étudié comment les hormones contrôlent toutes les fonctions du corps humain».

«Oui… mais»: 5 étudiants considèrent que l’enseignement de la biologie ne leur a permis de comprendre qu’une partie du corps humain (groupe B).
En effet, selon ET34 «dans l’enseignement des sciences naturelles au secondaire, j’ai étudié presque tous les organes mais je sens que je n’arrive pas à comprendre tout mon corps. Par exemple, mes sentiments».
Pour ET51 «c’est vrai que dans l’enseignement des sciences naturelles on a vu beaucoup de chapitres sur le corps humain. On a étudié la digestion, la circulation sanguine, le cerveau et d’autres chapitres. Mais ça ne m’a pas permis de comprendre tout mon corps. Je sens qu’il y a beaucoup d’informations qui manquent. Par exemple, les liens entre la digestion et la circulation sanguine. On a vu le lien entre respiration et circulation sanguine mais pas le lien entre digestion et circulation sanguine».
Selon ET72 «oui l’enseignement de la biologie m’a permis de comprendre mon corps mais pas tout mon corps. On n’a pas étudié tous les organes et fonctions du corps. En plus, si on a vu que l’environnement agit sur la sécrétion des hormones qui agissent sur notre corps, on n’a pas vu beaucoup d’exemples sur cette relation».

Une diversité de mots se trouve associée au corps humain. Ces mots semblent être en concordance avec les réponses à la première question.
Ainsi les sujets du groupe A associent au «corps humain» les fonctions étudiées (nutrition, digestion, respiration) ainsi que les organes explorés (estomac, cœur, poumons, etc.). La dimension biologique du corps humain se trouve ainsi valorisée.

Par ailleurs, les apprenants du groupe B évoquent, outre les notions et concepts d’ordre biologique, des termes reflétant aussi la dimension psychologique du corps humain, tels que «émotions», «sentiments», «envie».

Conceptions sur le corps humain

Le croisement des réponses des sujets interrogés aux deux questions nous a permis de caractériser deux conceptions du corps humain, l’une analytique et l’autre globaliste.

Conception «analytique». Il s’agit d’une conception purement biologique du corps humain. Pour ces sujets, le corps humain présente un ensemble d’«organes», «hormones», «enzymes» et fonctions biologiques. Étudier ces différentes fonctions permettra ainsi de comprendre le corps humain.

Conception «globaliste». Ici le corps humain est perçu comme un ensemble de fonctions biologiques mais aussi avec d’autres dimensions et surtout celles d’ordre psychologique. Pour ces sujets, il est «dynamique», il est «en échange avec son environnement», il présente des dimensions biologique, psychologique et sociale.

Comme nous venons de le voir, la majorité des étudiants (89/94) présente une conception analytique voir mécaniste du corps humain ce qui nous permet de conclure que l’enseignement de la biologie tel qu’il est pratiqué en Tunisie, construit une conception d’un corps «machine» où seules les dimensions physiologique et anatomique se trouvent valorisées.

Une discordance, relative aux objectifs et visées de l’enseignement du corps humain, entre le curriculum réel et le curriculum prescrit se trouve ainsi dégagée. En effet, les autorités pédagogiques évoquent une «conception globale» avec une visée éducative alors que le curriculum réel, centré sur l’apport notionnel et l’approche analytique, ne permet de construire qu’une conception «mécaniste», «analytique» et «biologique» du corps humain dont les autres dimensions sont gommées.

Par ailleurs, nous n’avons pas remarqué d’éventuelles corrélations entre l’appartenance régionale des sujets et leurs conceptions sur le corps humain.

Conclusion

L’enseignement de la biologie permet de développer différentes conceptions du corps humain. Dans le cadre de cette recherche, deux conceptions ont été détectées : l’analytique et la globaliste. La première domine très largement, dans laquelle l’apport notionnel d’ordre biologique est visé au détriment d’une approche globaliste et éducative. Ce qui explique le fait que seule la dimension biologique du corps humain semble être valorisée. Giordan l’a également remarqué et a considéré qu’en «biologie, on présente un corps machine, décomposé en quelques mécanismes compartimentés». Le corps humain est réduit à sa seule composante organique.

Cependant, le curriculum prescrit considère que l’école, via l’enseignement de la biologie, est censée contribuer à aider l’apprenant à comprendre et s’approprier son corps dans toutes ses dimensions. Il faudrait donc réinterroger le rôle éducatif que peut avoir l’enseignement de la biologie au secondaire, repenser l’enseignement de la biologie et «réintroduire un corps vivant et vécu, en l’envisageant comme ‘l’auteur’ d’actions et porteur de convictions et de sens.» Et ceci par une «mise en perspective des liens entre corps, santé, gestuelle, émotions, mais également culture, éthique, art de vivre». L’objectif serait d’aider l’élève à intégrer les différentes dimensions de son corps. Sont ainsi conçues en interactions permanente les dimensions biologique, mentale, psychologique et sociale. Il s’agit de reconnaître et s’approprier son propre corps, de l’accepter et de réagir adéquatement dans une visée de prévention et de promotion de sa santé.

Bibliographie

Bernard M.(1995). Le corps . Paris: Éd. du Seuil

Kerlan A. et Cottet-Emmard G. (1979). L’enfant et son corps. Besançon: CRDP

Orange, C. (2005). Problématisation et conceptualisation en sciences et dans les apprentissages scientifiques. Les sciences de l’éducation – pour l’ère nouvelle, n°3, pp 69-93.

(1) Coquidé M. (2000). Le rapport expérimental au vivant. Mémoire d’habilitation à diriger des recherches, Université Paris-sud Orsay, Orsay
(2) Giordan, A. (2004). Du corps objet au corps auteur, in Giordan, A et al. Le corps, objet scientifique, objet technologique dans l’éducation et la culture, Actes JIES, Cachan, 5-12
(3) Terrisse A. (2001). Didactique des disciplines, les références au savoir. Bruxelles: De Boeck
(4) Marzin P. (2006). Rapport au corps: du corps analysé au corps ressenti. Aster N°42, pp 7-19
(5) Lhoste Y. (2006). La construction du concept de circulation sanguine en 3e: problématisation, argumentation et conceptualisation dans un débat scientifique. Aster N°42, pp 79-101
(6) Rumelhard, G. (2006), «Corps normalisé/corps individualisé?». Aster N°42, pp 21-36
(7) Dell’Angelo-Sauvage, M et Coquidé, M, (2006), «Connaissance de son corps par la rencontre avec l’animal chez le jeune élève». Aster, N°42, pp 37-56
(8) Ménard, I et Pineau, V, (2006). La respiration humaine au cycle 3: problèmes construits et registres explicatifs mobilisés par les élèves dans le débat scientifique. Aster, N°42, pp 109-134
(9) Schneeberger, P et Dhouibi, M, (2006). La régulation de la glycémie: une étude de cas en première S. Aster, N°42, pp 135-158.
(10) Clément, P et al. (2006). Héréditarisme, béhaviorisme, constructivisme: le système nerveux dans les manuels scolaires français et tunisiens. Aster, N°42, pp 187-222
(11) Clément, P et al. (2006). Op. cit.
(12) Rumelhard, G. (2006), «Corps normalisé / corps individualisé ?». Aster N°42, pp 21-36.
(13) Jourdan I. (2006). Rapport au corps, rapport aux activités physiques, sportives et artistiques et logique professionnelle: deux études de cas en formation initiale en EPS. Aster N°42, pp 57-78
(14) Les étudiants interrogés ont été codés de ET1 à ET94

Un check-up du système de santé belge

Le 30 Déc 20

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Le Centre fédéral d’expertise des soins de santé (KCE), en collaboration avec l’INAMI et l’ISP (Institut scientifique de santé publique) a étudié la performance du système de santé belge. Les résultats ont été comparés avec ceux de 14 autres pays européens.

De nombreux points positifs sont à relever, tels que le taux de vaccination chez les enfants, la survie à 5 ans après un cancer du sein ou du côlon, la relation avec le médecin généraliste, l’utilisation croissante des médicaments bon marché, etc.

Certains points restent à améliorer, entre autres la participation aux dépistages du cancer du sein et du cancer du col de l’utérus ainsi que le suivi des patients diabétiques. En outre, trop d’antibiotiques sont encore prescrits et les Belges sont encore trop exposés aux radiations médicales. Enfin, le vieillissement des médecins généralistes est préoccupant, ainsi que les inégalités sociales de santé.

Un taux favorable de vaccination chez les enfants, une bonne qualité des soins et une efficience satisfaisante

Le taux de vaccination chez les enfants se situe au-dessus de la moyenne européenne. La qualité des soins enregistre des résultats positifs comme en témoigne la très bonne survie à 5 ans après un cancer du sein ou du côlon. Les Belges entretiennent en outre une très bonne relation avec leur médecin généraliste et plus de 90 % des personnes interrogées se déclarent satisfaites de leurs contacts avec le secteur des soins de santé. Quant à l’efficience globale de notre système de santé, elle n’a pas été mesurée en tant que telle mais le nombre croissant d’hospitalisations de jour et le recours grandissant aux médicaments bon marché indiquent que nous allons dans la bonne direction.
Il est important que l’attention accordée à ces efforts ne se relâche pas afin de conserver ces bons résultats.

Les points d’attention : le nombre élevé de suicides, la surcharge pondérale, le screening insuffisant de certains cancers, les inégalités sociales…

En comparaison avec les autres pays européens, le taux de suicide est très haut en Belgique. En outre, le nombre d’habitants en surpoids est en augmentation et nous faisons trop peu d’exercice physique. Les femmes appartenant au groupe cible pour les dépistages du cancer du sein ou du col de l’utérus se font trop peu dépister tandis que celles en dehors du groupe cible pour le dépistage du cancer du sein y ont trop recours. Ce qui est contre-productif pour la santé publique et aboutit à une mauvaise allocation des moyens financiers.

Les personnes appartenant aux classes sociales défavorisées bénéficient souvent d’une moins bonne santé: elles vivent moins longtemps et leur santé se dégrade plus vite, elles souffrent plus souvent de surcharge pondérale et la mortalité infantile est plus élevée parmi elles. Elles mènent aussi un mode de vie moins sain (mauvaise alimentation, tabagisme, manque d’exercice physique). Enfin, elles participent moins au dépistage du cancer et sont moins bien suivies en cas de diabète.

Les antibiotiques sont encore trop prescrits, et, hormis chez les enfants, on ne remarque guère d’amélioration dans ce domaine. Le suivi des patients diabétiques n’est pas assez conforme aux recommandations cliniques de bonne pratique. Le nombre de césariennes continue d’augmenter, avec une grande variabilité entre les hôpitaux.

Quoiqu’ayant légèrement diminué en 2011, l’exposition aux radiations médicales demeure très élevée. Enfin, le nombre de patients bénéficiant d’un dossier médical global reste encore assez faible.

L’âge moyen des médecins généralistes augmente de manière inquiétante. En outre, les quotas d’entrée prévus par la Commission de planification (SPF Santé publique) ne sont plus rencontrés depuis déjà plusieurs années.

Un must : la disponibilité des données de santé…

Une amélioration notable a eu lieu dans la disponibilité des données depuis le rapport précédent de 2010 sur la performance. Certaines lacunes subsistent néanmoins dans les sources de données actuelles, et les chercheurs font à ce propos une série de recommandations pour les améliorer.

Ce rapport met aussi en lumière certains points d’attention qui devront être étudiés de manière plus approfondie. Dans certains cas, les décideurs politiques sont déjà conscients des problèmes et ont commandité des études supplémentaires afin de déterminer les mesures à prendre.

Ce rapport, qui rend compte de la situation actuelle, a pour objectif final l’amélioration tangible de la performance. Les responsables politiques devraient donc fixer des objectifs mesurables qui tiennent compte de ses recommandations.
Cette mesure de la performance fait suite et élargit le champ du premier rapport KCE-INAMI-ISP publié en 2010 (rapport KCE n°128). Cette initiative s’inscrit dans le cadre de la Charte de Tallinn, signée en 2008 par tous les pays européens, qui se sont engagés à mesurer et évaluer régulièrement la performance de leur système de santé.

Le prochain rapport belge sur la performance paraîtra en décembre 2015.

Vrijens F, Renard F, Jonckheer P, Van den Heede K, Desomer A, Van de Voorde C, Walckiers D, Dubois C, Camberlin C, Vlayen J, Van Oyen H, Léonard C, Meeus P. La performance du système de santé belge Rapport 2012. Health Services Research (HSR). Bruxelles: Centre fédéral d’expertise des soins de santé (KCE). 2012.
KCE Report 196B. D/2012/10.273/111.
Ce document est disponible en téléchargement sur le site du KCE, https://kce.fgov.be/fr

La présentation qui précède ne donne qu’une faible idée du travail considérable réalisé en amont de la publication de ce rapport, et notamment du processus de sélection des 74 indicateurs finalement retenus, avec l’appui d’une soixantaine d’experts. Certains indicateurs et experts sont issus de la promotion de la santé, ce qui est assez inédit. Nous y reviendrons plus longuement dans un prochain numéro.

Communication et santé : l’expertise québécoise

Le 30 Déc 20

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Lise Renaud et Monique Caron-Bouchard du Centre de recherche sur la communication et la santé de l’Université de Québec à Montréal étaient récemment invitées à un partage d’expériences à l’Observatoire de la Santé du Hainaut. L’occasion de mesurer l’ampleur des travaux du Centre universitaire.

L’invitation a permis à Lise Renaud de revenir avec beaucoup d’enthousiasme sur un parcours de vingt-cinq ans au service de la santé publique. «Appelée à évaluer des projets communautaires», se souvient-elle, «j’ai rencontré une demande croissante pour évaluer aussi des outils ou des actions de communication.» Il n’en a pas fallu beaucoup plus pour que la passion pour la communication pertinente et bien conçue ne la gagne. Et de se remémorer une de ses premières expériences en la matière, où des femmes en difficulté avec l’écriture s’étaient révélées demandeuses d’informations écrites, parce qu’elles aussi voulaient y avoir accès. «Il n’y avait pas de raison qu’elles en soient privées, c’est vrai», commente Lise Renaud. «Voilà, on aurait tendance à penser que ce n’est peut-être pas prioritaire. Il faut changer sa manière de voir les choses !»

Préjugés

Saut dans le temps, lorsque Lise Renaud et Monique Caron-Bouchard évoquent un récent projet concernant la promotion de l’activité physique chez les jeunes.

Partir de la demande et déjouer les préjugés est toujours au centre de leurs préoccupations. En effet, les pouvoirs publics avaient commandité une étude sur les 15-17 ans dans le but d’élaborer une stratégie pour les amener à bouger davantage. «Les focus groupes», explique Monique Caron-Bouchard «ont permis de dégager une typologie de ces jeunes, typologie élaborée par les jeunes eux-mêmes. Cinq catégories et dix-sept sous-catégories se dégageaient. Mais parmi les messages surprenants que les jeunes nous ont délivrés, c’est que justement ils ne souhaitaient pas être réduits à une catégorie, que les catégories sont poreuses, qu’on peut passer de l’une à l’autre, appartenir à plusieurs d’entre elles. Information importante, les jeunes manifestaient aussi leur rejet des messages dits officiels identifiés de santé publique. Pour eux, cela tenait de la pollution de leur espace! Dès lors, nos recommandations vers les autorités se sont orientées non vers des messages spécifiques aux typologies mais vers les motivations que les jeunes nous signalaient: le plaisir, et notamment celui d’être ensemble.»

Partenaires

Le Centre de recherche sur la communication et la santé recense à ce jour une centaine de partenaires. Ceux-ci sont variés: quartiers, hôpitaux, financeurs, secteur agro-alimentaire avec lequel le Groupe communication et santé ne craint pas de se mouiller comme ce fut le cas avec la promotion du Défi 5-30 , un programme incitant les Québécois à manger des fruits et des légumes et à bouger trente minutes par jour. Ces partenaires sont engagés dans le partage d’expériences et compétences en réseau.

L’un des objectifs du Groupe était également de s’associer à des médias, de manière à faire circuler des messages de promotion de la santé. «Il est clair», souligne Lise Renaud, «que les médias favorisent la normalisation de certains comportements de santé. C’est pour nous une satisfaction aujourd’hui de contribuer à ce que la dimension de la santé soit incluse dans des séries télévisées. Un jeune rentrant avec une serviette sur l’épaule parce qu’il a fait du sport, un plateau de fruits qui apparaît à l’image, ce sont d’apparents détails qui n’en sont pas.»

Le Groupe communication et santé communique en continu avec les journalistes et les créatifs du secteur audiovisuel, notamment via un site internet extrêmement riche. On y trouve ce qui fait l’actualité en matière de santé publique, des rapports de recherche, des annonces de projets (comme celui sur la promotion de la santé via textos…) ainsi qu’un blog pour les professionnels travaillant avec les jeunes.

Pour la pratique…

Vous souhaitez rédiger un dépliant ? Vous l’avez rédigé et souhaitez avoir des infos sur sa lisibilité? Vous souhaitez le tester auprès d’un groupe ? Élaborer une affiche vous tenterait ?

Vous trouverez des outils sur le site. «Tout compte», explique Monique Caron-Bouchard, «même si la perfection n’existe pas. L’espace entre les mots, la longueur des mots, la longueur des phrases. Les titres et les sous-titres doivent idéalement déjà contenir l’information. On doit avoir envie d’ouvrir le document, de le parcourir entièrement. Les illustrations doivent être choisies avec soin. Nous nous sommes par exemple aperçues qu’une cigarette présentée entière, et qui plus est allumée donne envie de fumer même à ceux qui voudraient arrêter! Mieux vaut donc casser littéralement l’image de la cigarette. Nous n’y aurions pas pensé si nous n’avions pas discuté du dépliant avec des jeunes.»

ComSanté, Centre de recherche sur la communication et la santé, Département de communication sociale et publique, Université du Québec à Montréal, Case postale 8888, succ. Centre-ville Montréal (Qc) Canada H3C 3P8. Courriel: comsante@uqam.ca. Site Internet: https://www.comsante.uqam.ca/

Références

Renaud, Lise (dir), Les médias et la santé: de l’émergence à l’appropriation des normes sociales, Collection Santé et Société, Presses de l’Université du Québec, 2010, 444 pages.

Renaud, Lise (dir), Les médias et le façonnement des normes en matière de santé, Collection Santé et Société, Presses de l’Université du Québec, 2007, 328 pages.

Renaud, Lise avec la collaboration de Caroline Bouchard, La santé s’affiche au Québec: plus de 100 ans d’histoire, Collection Santé et Société, Presses de l’Université du Québec, 2005, 264 pages.

Caron-Bouchard, Monique et Renaud Lise. Pour mieux réussir vos communications médiatiques en promotion de la santé, 2001, deuxième édition, Institut national de santé du Québec.

L’implantation de la vaccination contre le papillomavirus en PSE

Le 30 Déc 20

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Introduire la vaccination contre le papillomavirus (HPV) dans les pratiques des services/centres de santé scolaire (dits PSE) requiert de réunir, au sein du programme de vaccination, un certain nombre de conditions d’ordre scientifique, politique, administratif et organisationnel. Cela nécessite également de mobiliser les professionnels et de prendre en compte leurs représentations et difficultés d’adhésion. Notre article relate la complexité du contexte et présente les résultats de l’implantation de la vaccination HPV en PSE durant l’année scolaire 2011-2012. C’est sur l’analyse des processus à l’œuvre dans ce projet que s’est centrée l’évaluation de cette première année. Les résultats ne portent ni sur la couverture vaccinale, ni sur l’étude épidémiologique de l’évolution du nombre d’infections susceptibles de provoquer des lésions du col de l’utérus.

Éléments du contexte favorables à l’implantation de la vaccination HPV

Existence d’une recommandation scientifique

La proposition d’introduction de la vaccination contre le papillomavirus humain (HPV) dans le programme de vaccination de la Fédération Wallonie-Bruxelles (FWB) se base sur l’avis du Conseil Supérieur de la Santé (CSS) de 2007 qui recommande que :

«La vaccination prophylactique généralisée chaque année d’une cohorte d’un an de filles d’un âge compris entre 10 et 13 ans soit réalisée selon les conditions actuellement d’application pour la vaccination des préadolescents contre l’hépatite B.
Appliquées à la vaccination HPV, ces conditions sont les suivantes :
– la médecine scolaire transmet les informations et propose la vaccination anti-HPV;
– le choix est laissé aux parents et au jeune de faire effectuer la vaccination par le médecin scolaire ou tout autre médecin-vaccinateur;
– le schéma vaccinal complet est de préférence clôturé au cours d’une même année scolaire.
La vaccination doit en outre s’insérer dans des initiatives de promotion de la santé concernant la vie sexuelle et affective et les rapports protégés.»

Existence d’un protocole d’accord entre autorité fédérale et entités fédérées

Elle est rendue possible sur base du protocole d’accord entre l’autorité fédérale et les entités fédérées du 28 septembre 2009 qui précise :

« La prévention du cancer du col de l’utérus requiert une stratégie globale avec, à la base, un dépistage efficace et la vaccination contre le HPV.
Dans le cadre de l’exécution du Plan national cancer, la vaccination contre le papillomavirus humain d’une cohorte scolaire de jeunes filles de 11 à 13 ans peut être organisée par la ou les Communauté(s) concernée(s) au plus tôt à partir de l’année scolaire 2010 – 2011.
La vaccination est réalisée conformément au calendrier de vaccination recommandé par le Conseil supérieur de la santé et approuvé par la Conférence interministérielle.
Les Communautés s’engagent à enregistrer les données relatives à la population vaccinée.
Les données sont enregistrées de telle façon à pouvoir être traitées conjointement avec les données du Registre du cancer.»

Existence d’une décision politique de financement de l’achat des vaccins et choix du Cervarix®

Sur ces différentes bases, la Ministre de la Santé de la FWB a proposé au gouvernement, en juin 2011, d’introduire la vaccination HPV dans le programme de vaccination de la FWB, et de dégager les moyens budgétaires nécessaires à la mise à disposition gratuite du vaccin dans le circuit de distribution organisé par la FWB. Cette décision permettait, de facto, aux services PSE de proposer la vaccination aux jeunes filles de leurs écoles sous tutelle.

En juillet 2011, le choix du vaccin s’est porté sur le Cervarix®, à administrer en 3 doses, en respectant un intervalle de 6 mois entre la première et la troisième dose. En septembre 2011, le vaccin était disponible gratuitement dans le circuit de distribution des vaccins (2).

Choix de la cohorte à vacciner

Pour choisir la cohorte, il a été tenu compte de la recommandation du CSS qui mentionne que les filles doivent être âgées entre 10 et 13 ans, et de la présence d’un bilan de santé par la PSE.

La 2e secondaire (en ce compris 1ère supplémentaire, 1ère différenciée et filles de 13-14 ans fréquentant l’enseignement spécialisé) plutôt que la 6e primaire a recueilli l’adhésion des membres du Comité de concertation intersectoriel vaccination (CCIV), principalement pour des raisons d’acceptabilité des parents, de cohérence avec le développement d’initiatives d’éducation à la vie affective et sexuelle en secondaire et d’absence d’études autorisant l’administration simultanée des vaccinations RRO et HPV. Ce choix de la 2e secondaire tient également compte de la nécessité de poursuivre jusqu’en 2014, pour des raisons qui ne seront pas développées ici, la vaccination contre l’hépatite B jusqu’ici réalisée en 6e primaire.

Mobilisation des professionnels de la PSE pour leur mission vaccinale HPV

Les journées de formation organisées en juin de chaque année par PROVAC (1) ont été centrées, en 2011, sur l’introduction de cette vaccination dans les pratiques vaccinales des services PSE: l’intérêt de cette vaccination, sa complémentarité avec le dépistage par frottis pour prévenir le cancer du col de l’utérus, les stratégies et modalités de son introduction en PSE, les besoins en outils d’information. À la suite de tous ces échanges, menés avec près de 300 médecins et infirmières PSE, il a été convenu d’une année «pilote» durant laquelle les services/centres volontaires démarreraient la vaccination HPV. La généralisation à l’ensemble des services/centres ne serait effective qu’en 2012-2013.

Fin août 2011, PROVAC a adressé un courrier à tous les services/centres actant le cadre dans lequel le programme HPV se déroulerait durant la première année en ce compris les modalités de commande des vaccins, et a distribué les dépliants d’information à remettre aux parents.

Information de tous les médecins vaccinateurs

Afin de permettre le libre choix du vaccinateur par les parents, les vaccins sont mis gratuitement à disposition de tous les vaccinateurs.

Fin août 2011, la Direction générale de la Santé a également adressé un courrier à tous les médecins utilisateurs du circuit de commande de la FWB les informant des dernières modifications du programme, dont l’introduction de la vaccination HPV. Comme pour toutes les autres vaccinations, le programme permet à chaque vaccinateur d’obtenir les vaccins HPV, gratuitement, dans le circuit de distribution de la FWB, pour la cohorte de jeunes filles choisie. Ainsi donc, les vaccinateurs HPV potentiels sont non seulement les médecins scolaires, mais aussi les médecins généralistes, les pédiatres, les médecins de plannings familiaux et les gynécologues.

Objectifs du programme de vaccination HPV

Avant d’aborder les objectifs de l’évaluation, il n’est sans doute pas inutile de dire quelques mots des objectifs visés par le programme lui-même. À terme, l’évaluation devra porter aussi sur ces différents aspects.
L’impact de la vaccination HPV chez les jeunes filles se mesurera, d’abord par une diminution du nombre de lésions au niveau du col provoquées par des infections à HPV, et à terme, par la diminution du nombre de cancers du col de l’utérus. La couverture vaccinale atteinte peut servir rapidement d’indicateur d’efficacité du programme et de mesure de sa capacité à éviter les inégalités sociales de santé en matière de prévention.
L’objectif à 3 ans est une couverture de 80% pour les jeunes filles de la cohorte choisie, grâce à une collaboration efficace de tous les vaccinateurs.
Pour la première cohorte du programme (année scolaire 2011- 2012), l’objectif est d’atteindre 60% de couverture.

Objectifs de l’évaluation de la première année de vaccination HPV par la PSE

Compte tenu de la diversité des stratégies vaccinales possibles en PSE, dont nous vous passons les détails, l’évaluation en cours d’année scolaire devait permettre de documenter les types de décisions prises tant par les services/centres «vaccinateurs HPV» que «non vaccinateurs HPV». Les résultats étaient analysés par PROVAC puis présentés et débattus lors des journées de formation PSE de juin. Ces échanges devaient permettre aux «vaccinateurs HPV» d’ajuster leurs stratégies, aux «non vaccinateurs HPV» de définir, pour l’année scolaire 2012-2013, des modalités organisationnelles compatibles avec leur réalité propre, et aux décideurs politiques de prendre la mesure des difficultés à mettre en place cette vaccination en PSE sans moyens supplémentaires.

Les objectifs ont été opérationnalisés de la façon suivante :
– recenser le nombre de SPSE/CPMS-CF vaccinateurs HPV durant l’année d’implantation;
– établir le pourcentage de filles sous tutelle des services/centres vaccinateurs ayant demandé la vaccination HPV par la PSE;
– documenter la répartition entre réseaux de la population générale de filles sous tutelle et celle des filles en cours de vaccination;
– relever et décrire les modalités organisationnelles mises en place par les SPSE/CPMS-CF vaccinateurs HPV;
– faire un état des lieux des difficultés rencontrées par les services/centres vaccinateurs;
– faire un état des lieux des raisons de non proposition de vaccination HPV par les services/centres;
– mettre en évidence les solutions possibles pour améliorer la stratégie vaccinale HPV en FWB;
– évaluer les besoins de soutien;
– et enfin connaître les intentions pour 2012-2013 des services/centres non vaccinateurs en 2011-2012.

Pour établir la couverture vaccinale complète, il a été décidé d’attendre la deuxième année du programme. Une enquête de couverture vaccinale est prévue en 2e secondaire, en 2012-2013, non seulement pour la vaccination HPV des jeunes filles mais aussi pour l’hépatite B et la 2e dose de RRO des filles et des garçons.

Durant la première année de vaccination HPV, la part prise par les vaccinateurs privés ne pourra être approchée que sur base des commandes de vaccins.

Résultats les plus marquants

Combien de services/centres ont proposé la vaccination HPV ?

L’évaluation a mis en évidence que les cent quarante services/centres n’avaient pas tous des élèves de l’enseignement secondaire sous tutelle. On en a dénombré cent vingt quatre.
Septante huit d’entre eux se sont déclarés vaccinateurs HPV, pour tout ou partie de leur population de filles sous tutelle.
Au total, cela représente 63% de services/centres vaccinateurs HPV.
Pour le réseau SPSE, 57 services sur 83 vaccinent, soit 69%; pour les CPMS-CF, 21 sur 41, soit 51%.
La répartition de ces 78 vaccinateurs HPV par type de réseau montre que 19% appartiennent au réseau SPSE libre, 29% au réseau SPSE des Villes et Communes, 24% au réseau SPSE provincial et 27% sont des CPMS-CF.

Combien de filles ont initié une vaccination HPV en PSE ?

L’ensemble de la population sous tutelle des 124 services/centres s’élève à 35.474 filles.
Les 78 services/centres «vaccinateurs HPV» ont 19.872 filles sous tutelle, soit 56% de l’ensemble de la cohorte.
Parmi ceux-ci, certains n’ont proposé la vaccination HPV qu’à une partie de leur population sous tutelle. C’est pourquoi on ne dénombre que 13.920 filles ayant reçu une proposition de vaccination HPV, soit 39% de l’ensemble de la cohorte.
Les parents de 5.156 filles ont signé une autorisation de vaccination HPV par la PSE.
En janvier 2012, 14,5% de la cohorte a donc été vaccinée en PSE, ou encore 37% des jeunes filles ayant reçu la proposition.

Ce résultat montre bien à quel point un des enjeux de la réussite du programme de vaccination HPV tient dans la contribution de chaque type de vaccinateur, qu’il soit médecin scolaire, médecin généraliste ou pédiatre, et dans une moindre mesure, médecin de planning familial et gynécologue.

Aucune information n’a pu être récoltée sur les caractéristiques sociales des filles auxquelles la vaccination HPV a été proposée, qui puisse documenter la question des inégalités sociales de santé.

La charge de travail est-elle plus importante dans certains services/centres que d’autres ?

Les services/centres ont fait preuve d’inventivité pour organiser leur pratique vaccinale de façon efficiente, tout en tenant compte de leurs contraintes et en évitant de modifier l’organisation du planning des bilans de santé.
Pour la gestion du programme, un enseignement majeur de cette évaluation d’implantation a permis de constater une répartition très différente, entre les quatre réseaux PSE, des populations sous tutelle. Ainsi donc, à subsidiation équivalente, deux services/centres peuvent avoir une charge de travail très différente selon la répartition de leur population sous tutelle entre primaire et secondaire.

L’évaluation a montré que 53% des filles de la cohorte relèvent de la tutelle de SPSE libres, 12,5% de la tutelle de SPSE Villes et Communes, 8,5% de la tutelle de SPSE provinciaux, et 26% de la tutelle de CPMS-CF.

La charge de travail liée à la prise en charge vaccinale HPV s’est dès lors avérée très différente selon les réseaux. Cela s’est traduit par la mise en œuvre de stratégies différentes, et a abouti aux résultats suivants: le réseau SPSE libre a vacciné 9% de sa population sous tutelle (soit 1696 filles), le réseau SPSE provincial 21% (633 filles) et le réseau SPSE des Villes et Communes 35% (1561 filles). Quant au réseau CPMS de la CF, il a vacciné 14% (1266 filles) de sa population sous tutelle.

Cette importante disparité s’explique essentiellement par trois facteurs qui eux-mêmes dépendent des moyens dont les équipes disposent en dehors de la subvention liée au décret :
– La proportion de «vaccinateurs HPV» au sein de chaque réseau est très inégale: 48% ans le réseau libre, 51% dans le réseau CPMS- CF, 70% dans le réseau provincial et 92% dans le réseau des Villes et Communes;
– Parmi les «vaccinateurs HPV», la proportion de services/centres qui adressent une proposition de vaccination à une sélection de leurs filles sous tutelle est inégale selon les réseaux: la moitié dans le réseau libre (7 services sur 15), le tiers dans le réseau CPMS-CF (7 centres sur 21) et celui des Villes et Communes (7 services sur 23), et 1 seul sur 19 dans le réseau provincial;
– Les modalités organisationnelles de la vaccination sont aussi très différentes selon les réseaux et favorisent une plus ou moins grande accessibilité à toute la population. Se rendre à l’école pour y administrer les 3 doses de vaccins durant le temps scolaire rend la vaccination accessible à un plus grand nombre que d’organiser des permanences vaccinales au centre, en dehors du temps scolaire.

Rien dans l’analyse ne permet de conclure à des différences d’attitudes face à la vaccination HPV provenant de réticences d’ordre philosophique.

Principaux freins et facilitateurs mentionnés par les «vaccinateurs HPV»

Les difficultés

Les principales difficultés identifiées durant cette 1ère année relèvent de 6 aspects différents de la pratique vaccinale. La difficulté la plus citée concerne le surcroît de gestion administrative pour réaliser une vaccination en 3 doses. C’est une difficulté de la mission vaccinale exprimée de façon récurrente; elle est ici renforcée par le fait d’introduire une vaccination en 3 doses à un niveau scolaire (2e secondaire) jusque là non concerné par la vaccination.

Ensuite, on relève les coûts supplémentaires liés à l’acte vaccinal (rémunérations des médecins, augmentation de temps infirmier et administratif, augmentation des frais de déplacements), l’information des parents (réticences, difficultés de lecture et de compréhension des documents liés aux différences de milieu socioculturel, confusion entre HPV et HBV, informations relatives à la transmission de données et respect de la vie privée, impact des campagnes médiatiques des mouvements anti-vaccinaux), les difficultés d’adhésion des professionnels liées aux doutes sur l’efficacité et la sécurité de cette vaccination et la communication et le partenariat avec les écoles secondaires jugés plus difficiles qu’avec l’école primaire.

Enfin, les services/centres mettent en garde contre le double encodage des données vaccinales dans une banque de données vaccinales et dans leur logiciel en vue du «Recueil standardisé d’informations sanitaires».
Il est à noter que les équipes n’ont pas rencontré de grosses difficultés liées à la gestion de l’absentéisme des élèves et au changement d’écoles en cours d’année, alors qu’elles le craignaient.

Les facilitateurs

Certains éléments ont été relevés comme facilitateurs durant cette 1ère année: une bonne préparation du programme de vaccination HPV et une bonne organisation de l’équipe, l’appui à l’organisation de la pratique vaccinale ( gratuité du vaccin, dépliants et documents fournis par PROVAC, travail sur la banque de données vaccinales…), l’accessibilité de la population sous tutelle (proximité des écoles par rapport au SPSE ou CPMS-CF, nombre plus restreint d’écoles secondaires, bonne connaissance des élèves, taille des écoles d’où diminution des déplacements, disposer du local PMS dans l’école…), l’établissement de collaborations et partenariats avec les CPMS, les plannings familiaux… et une bonne collaboration des écoles.

En synthèse, réfléchir aux aspects organisationnels de la pratique vaccinale, utiliser les ressources existantes et établir de bonnes collaborations et partenariats sont d’importants facilitateurs. Néanmoins, l’accessibilité de la population sous tutelle (distance entre écoles et services/centres, nombre d’écoles sous tutelle, taille des écoles) citée comme facilitateur par certains constitue un frein majeur pour d’autres.

Raisons du choix de «non vaccination HPV» en 2011-2012 et intention vaccinale pour 2012-2013

L’enquête auprès des 92 SPSE/cabinets de consultation CPMS-CF «non vaccinateurs HPV» durant l’année pilote a notamment porté sur les raisons de leur choix de non vaccination. L’analyse est présentée par réseaux car là aussi cette variable est déterminante pour comprendre les décisions prises par les services/centres et appréhender les possibilités d’évolution lors de la 2e année.

Dans le réseau libre (16 SPSE), la raison principale est le manque de moyens financiers pour rémunérer les médecins; dans le réseau des Villes/communes (2 SPSE), c’est le manque de médecins disponibles et de temps pour le colloque singulier; dans le réseau provincial (8 SPSE des provinces de Namur et du Luxembourg), il s’agit de l’attente des résultats de la 1ère année pilote, tant au sein des services de la province, que de l’ensemble de la FWB.
Quant aux 66 cabinets de consultation CPMS-CF, 35 d’entre eux pointent le manque de médecins disponibles, soit près de la moitié.
Quant aux intentions vaccinales de ces 92 services/cabinets de consultation CPMS-CF pour la future année scolaire, on relève que 70 d’entre eux ne vaccineront toujours pas HPV en 2012-2013 si la situation reste inchangée.

Recueil des opinions des professionnels concernant la vaccination HPV

Lors des journées PSE 2011 et 2012, les participants (265 et 246) ont été invités à marquer leur degré d’adhésion vis-à-vis de 12 propositions relatives à la vaccination HPV. Cette grille de recueil d’opinions vise à titre indicatif à prendre la mesure des opinions, des plus consensuelles au plus contrastées, et d’observer une éventuelle évolution entre 2011 et 2012 des représentations des médecins et infirmières PSE vis-à-vis de cette vaccination.
En juin 2011 ainsi qu’en juin 2012, une majorité d’items recueillent des pourcentages de réponse indiquant des opinions largement favorables à la vaccination HPV.

Pour 2 items ( «Sur base des éléments dont je dispose aujourd’hui qui ne me rassurent pas sur l’efficacité à long terme, j’estime que cette vaccination risque d’induire un sentiment de fausse sécurité» et «Je redoute que cette vaccination ne fasse abandonner le frottis de col par conviction d’être suffisamment bien protégée contre le cancer» ), on ne voit pas d’évolution entre 2011 et 2012, les avis restant contrastés.
Pour aucune des 12 propositions, on ne relève d’évolution dans le sens d’une meilleure adhésion à la vaccination HPV en PSE.

Néanmoins, un test statistique sur la signification des différences entre les réponses fournies en 2011 et en 2012 indique que, pour 3 items, la différence observée est statistiquement significative marquant une évolution dans le sens d’une moins bonne adhésion à cette vaccination.

De l’analyse des réponses par groupe professionnel, il ressort que c’est dans le sous-groupe des infirmières que l’évolution se marque clairement :
– augmentation significative du nombre d’accord avec les propositions «J’estime que seul le dépistage du cancer du col par frottis peut suffire pour prévenir efficacement cette pathologie», «La vaccination HPV est une vaccination de luxe» et «En proposant cette vaccination, j’ai peur de faire croire que j’incite à une vie sexuelle précoce».
– diminution significative du nombre d’accord avec la proposition «Vacciner contre le HPV en PSE est une façon de remédier aux inégalités sociales de santé».

Cette analyse doit toutefois être abordée avec précaution avant d’en tirer des conclusions définitives sur l’évolution des opinions des professionnels à propos de la vaccination HPV. Il est en effet impossible de vérifier si la répartition des répondants par type de professionnels et par réseau est similaire entre les 2 années. Nous avons juste pu évaluer que le taux de participation des CPMS-CF est plus élevé en 2012 qu’en 2011.

Néanmoins ces résultats mettent en lumière la nécessité, pour le programme, de prendre en compte les difficultés d’adhésion des professionnels à cette vaccination et à sa pertinence principalement en termes d’efficacité.

Avis des services/centres recueillis lors des journées de formation de juin 2012 et décisions pour la 2e année du programme

Des échanges relatifs à cette première année de vaccination HPV en PSE ont été menés lors des journées PSE/PROVAC de juin 2012. Il en ressort une volonté de poursuivre cette vaccination inhérente à la mission vaccinale PSE malgré les difficultés rencontrées, tout en interrogeant la pertinence du choix de la 2e secondaire comme cohorte à vacciner. Certaines équipes souhaitent une simplification des documents à compléter par les parents en vue d’une meilleure compréhension par des parents peu lettrés. Des pistes se dessinent également en vue d’une meilleure information des écoles (direction, éducateurs…) et d’une amélioration de la collaboration avec les plannings familiaux et les CPMS pour intégrer l’information des jeunes dans des animations d’éducation à la vie affective et sexuelle.
Il est également souhaité d’améliorer l’information et la communication avec les médecins généralistes.

Des interpellations au pouvoir subsidiant portent sur la nécessité de revoir le financement de la mission vaccinale, au risque de voir s’effectuer un choix arbitraire parmi les missions, de prendre en considération les raisons de la pénurie de médecins et d’infirmières, encore plus aiguë en CPMS-CF, de solutionner le problème de double encodage des données vaccinales dans le cadre du recueil de données sanitaires en PSE et dans la base de données vaccinales, d’obtenir un meilleur soutien de leur mission vaccinale de la part de la hiérarchie des CPMS-CF.

Au vu de ce premier bilan et du maintien de la décision politique de ne pas dégager de moyens financiers supplémentaires pour améliorer le potentiel de vaccination HPV de la PSE, il apparait que les conditions ne sont pas réunies pour généraliser une proposition de vaccination HPV par la PSE à toute sa population sous tutelle.
PROVAC a dès lors demandé que tous les SPSE/CPMS-CF fassent une offre de vaccination HPV que celle-ci soit partielle ou totale par rapport aux jeunes filles sous tutelle, et qu’ils informent tous les parents, de filles et de garçons du niveau scolaire concerné, de la disponibilité d’un vaccin HPV gratuit à l’âge de 13-14 ans pour les jeunes filles, par la distribution du dépliant: «Du neuf avec la vaccination papillomavirus des jeunes filles!».

Conclusion

La majorité des équipes SPSE/CPMS-CF ont relevé, en septembre 2011, le défi de la vaccination HPV malgré le caractère tardif de la prise de décision politique d’introduire le vaccin HPV dans le circuit de distribution de la Fédération Wallonie-Bruxelles. L’évaluation de la mise en œuvre de cette vaccination a mis en évidence un certain nombre de difficultés, largement débattues avec les équipes SPSE/CPMS-CF lors des journées de juin 2012. Elle a conduit à permettre que les services/centres adaptent leur proposition vaccinale HPV à leurs capacités de réaliser une vaccination complète des jeunes filles auxquelles ils la proposent.

PROVAC, c/o DG Santé Ministère Fédération Wallonie-Bruxelles, Bd Léopold II 44, 1080 Bruxelles. Courriel: mc.miermans@ulg.ac.be, bswennen@ulb.ac.be, axelle.vermeeren@uclouvain.be

(1) PROVAC est une association interuniversitaire (UCL, ULB, ULg) qui apporte depuis maintenant plus de 20 ans ses compétences à l’organisation et au développement d’un programme structuré de vaccination en Fédération Wallonie-Bruxelles.
(2) Pour sa part, la Vlaamse Gemeenschap a choisi l’autre vaccin, le Gardasil ®, et a démarré la vaccination lors de l’année scolaire 2010-2011.

Suicide Québec – Prévenir le suicide : coup d’oeil sur quelques stratégies québécoises

Le 30 Déc 20

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Le Québec a longtemps été montré du doigt comme l’un des champions du suicide dans le monde. En 1999, triste année record, 1620 personnes se sont suicidées au Québec. Dix ans plus tard, on comptait 1146 suicides, soit 474 de moins. La baisse est encourageante et prouve que les investissements en prévention portent leurs fruits, mais il est hors de question de parler de succès quand trois personnes se donnent encore la mort chaque jour.

Comme en Belgique, le suicide représente au Québec un problème majeur: plus d’un millier de personnes s’enlèvent la vie chaque année. Pour les 8 millions de Québécois, cela représentait en 2009 un taux de 14,6 pour 100 000. À titre de comparaison, en Belgique, 2000 personnes se sont suicidées en 2010, soit un taux de 26,5 pour 100 000. La problématique ne se résume pas à ce nombre de décès: pour chaque suicide, on compte 6 à 10 proches endeuillés ainsi qu’une vingtaine de tentatives et plus de 100 personnes en proie à des idéations suicidaires.

La prévention : possible et efficace

De 1999 à 2009, dernière année pour laquelle des statistiques complètes sont disponibles au Québec, le taux de suicide est passé de 22,2 à 14,6 pour 100 000 personnes. Même si la médiatisation du suicide d’un célèbre journaliste concourt à expliquer le taux record de 1999, cette baisse est une preuve indéniable que le suicide n’est pas une fatalité et constitue, comme l’indique l’OMS « un problème de santé publique énorme mais en grande partie évitable.» Des progrès encourageants ont surtout été notés dans la première moitié des années 2000 et c’est auprès des jeunes qu’ils ont été les plus marqués.Un suicide individuel résulte toujours d’une multiplicité de facteurs. A fortiori, le suicide en tant que problème de santé publique ne s’explique pas par une cause unique. Dès lors, sa prévention requiert de multiples approches mettant à contribution de nombreux acteurs. Les concepts de prévention universelle, sélective et indiquée (1) constituent une manière intéressante de classer les actions de prévention. S’il est difficile d’identifier avec certitude les stratégies qui expliquent la diminution marquée du taux de suicide au Québec au cours des dernières années, on peut raisonnablement penser que les mesures suivantes y ont contribué : l’intervention téléphonique, la formation des intervenants, les réseaux de sentinelles, la recherche et la mobilisation sociale.

Une aide téléphonique accessible

Lorsqu’une personne se trouve en crise suicidaire, une aide disponible peut réellement faire la différence dans l’issue de celle-ci. Le Québec dispose depuis 2001 (2) d’une ligne d’intervention gratuite, accessible 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7 partout sur le territoire. Un numéro unique (3), qui en facilite la promotion, permet aux personnes suicidaires et à leurs proches d’entrer en contact avec un intervenant de leur région, avant, pendant ou après la crise.La grande majorité des répondants sont des professionnels, quelques-uns sont des bénévoles. Le 1866 APPELLE n’est pas une ligne d’écoute mais un service d’intervention: les répondants sont formés pour évaluer la dangerosité du passage à l’acte et l’urgence de l’intervention ainsi que pour désamorcer le processus. Ils sont aussi en contact avec les ressources policières de la région qui peuvent se rendre à domicile lorsqu’une tentative de suicide est imminente ou en cours. Une telle mesure relève à la fois de la prévention sélective puisqu’elle s’adresse aux personnes ayant des idéations ou des intentions suicidaires et de la prévention indiquée, puisqu’elle est aussi disponible pour ceux qui ont commis une tentative de suicide ainsi que pour leurs proches et pour les personnes endeuillées par le suicide d’un être cher. L’intervention téléphonique n’est qu’un des services offerts par les centres de prévention du suicide et les autres ressources mandataires de la ligne, à côté des rendez-vous individuels notamment. Mais la porte d’entrée vers ces services est souvent un appel de détresse.

Intervenir à l’aide de bonnes pratiques

Pour une prise en charge optimale de la personne suicidaire, il est essentiel que les différentes ressources d’aide consultées, qu’il s’agisse des urgences hospitalières, d’un centre de prévention du suicide ou encore d’un service de santé mentale par exemple, parlent un langage commun, partagent la même estimation du degré d’urgence et abordent l’intervention d’une manière cohérente.La formation des intervenants, une mesure de prévention sélective, fait depuis longtemps l’objet d’une des préoccupations de l’AQPS qui est en charge de son élaboration et de sa diffusion à travers la province. En 2010 a été lancée une nouvelle formation qui vise à améliorer les pratiques d’intervention auprès des personnes suicidaires et à favoriser une approche commune à tous les intervenants en prévention du suicide. D’une durée de trois jours, celle-ci repose sur l’estimation de la dangerosité du passage à l’acte et sur des techniques d’intervention issues de l’approche orientée vers les solutions, un type de thérapie brève se centrant sur l’élaboration de solutions plutôt que sur l’identification des problèmes.Se basant davantage sur les forces et compétences que sur l’expression des émotions, l’approche orientée vers les solutions semble particulièrement adaptée aux hommes. En deux ans et demi, une soixantaine de formateurs ont instruit 6000 intervenants des différentes régions du Québec. Ce vaste mouvement de mise à jour des compétences coïncide avec une tournée provinciale d’implantation de deux Guides de bonnes pratiques en prévention du suicide édités par le Ministère de la Santé et des Services sociaux en vue de soutenir le développement des services de prévention du suicide dans toutes les régions du Québec. La formation s’exporte bien: plusieurs organismes belges envisagent de la programmer l’an prochain.

Les réseaux de sentinelles

Il ne suffit pas que des aides existent, encore faut-il que les personnes qui en ont besoin y fassent appel. Quand on va mal, la demande d’aide n’est pas toujours facile. Les sentinelles sont des personnes qui, à l’intérieur de leur milieu de travail ou de vie, ont pour rôle d’établir un contact avec une personne en détresse et d’assurer le lien entre celle-ci et les ressources d’aide, par l’intermédiaire d’intervenants désignés vers lesquels elles dirigent les personnes suicidaires identifiées. Le développement de réseaux de sentinelles est un exemple de mesure de prévention sélective originale. En principe, des réseaux sont implantés en priorité au sein des groupes les plus à risque. Dans les faits, en cinq ans, des réseaux ont été implantés à travers toutes sortes de milieux et près de 10 000 sentinelles ont été formées, même si toutes ne sont plus actives aujourd’hui. La stratégie a fait des petits en Belgique, puisque 10 formateurs de sentinelles ont été formés en novembre 2011 à Liège, pour le compte du Département des affaires sociales de la Province de Liège qui prépare l’implantation de réseaux dans plusieurs milieux (entreprise métallurgique, femmes d’agriculteurs, personnel communal et provincial, corps de police).

Compter sur les données de la recherche

Toute prévention devrait se baser sur une connaissance fine et actuelle de la réalité du problème qu’elle entend contrer. La recherche est considérée comme une mesure relevant de la prévention indiquée. Le Québec est riche en chercheurs en ce domaine: plusieurs centres rassemblent les chercheurs de multiples disciplines s’intéressant à la problématique, parmi lesquels le Centre de recherche et d’intervention sur le suicide et l’euthanasie (CRISE) et le Réseau québécois de recherche sur le suicide (RQRS).Des mises à jour des données statistiques des décès par suicide sont publiées chaque année par l’Institut national de santé publique du Québec. Par ailleurs, le lancement d’une banque de données est attendu pour l’automne 2013. À partir des recensements des caractéristiques des personnes décédées par suicide, celle-ci devrait suivre l’évolution des principaux facteurs de risque, permettant de cibler les efforts de prévention dans chacune des régions du Québec.

Changer la culture par la mobilisation sociale

Dans la culture québécoise, le suicide fait l’objet d’une certaine acceptation sociale: il est reconnu et toléré comme une issue à la souffrance. Depuis quelques années, l’AQPS et ses multiples partenaires s’efforcent de mobiliser la société en faveur de la prévention et contre une vision du suicide comme un choix individuel face à la souffrance. La déclaration de solidarité Ajouter ma voix (voir encadré), déjà signée par près de 35 000 personnes et plusieurs dizaines d’organismes, invite les citoyens à prendre position et à s’engager, à leur mesure, en faveur de ce changement social.Les campagnes de sensibilisation menées chaque année à l’occasion de la Semaine nationale de prévention du suicide , début février et de la Journée mondiale de prévention du suicide , le 10 septembre, ont notamment pour objectifs de sensibiliser la société à l’ampleur du problème et aux moyens de le réduire, de promouvoir les ressources d’aide et de contribuer au changement de culture.Lutter contre l’acceptation du suicide n’équivaut ni à tourner le dos aux personnes suicidaires ni à les juger, ni encore à encourager le tabou entourant le problème. Au contraire, cette action va de pair avec la promotion de la demande d’aide, avec le développement des ressources et avec une sensibilisation des médias aux manières adéquates d’évoquer le suicide. L’AQPS vise aussi la mobilisation des organisations. Par l’établissement de partenariats, elle cherche à inviter un maximum de collectivités, de milieux, de professions à partager une préoccupation pour ce problème de société et à initier des actions en faveur de sa prévention, comme le font par exemple les collèges d’enseignement supérieur (les cégeps) depuis de nombreuses années.

Peut et doit mieux faire

Si les stratégies québécoises semblent fécondes, il n’en reste pas moins qu’il serait inapproprié de crier victoire. D’abord parce qu’aucune de ces mesures n’a fait l’objet d’une évaluation d’efficacité, même si plusieurs ont été évaluées quant à leur processus ou à leur implantation: leur impact réel sur le taux de suicide au Québec n’a pas été mesuré et le serait d’ailleurs difficilement. Ensuite, parce que si plus de 1000 suicides sont encore déplorés chaque année, c’est que ces moyens restent insuffisants ou que leur mise en œuvre demeure imparfaite. Enfin, parce que d’autres mesures, qui semblent faire leurs preuves ailleurs dans le monde, n’en sont encore qu’à leurs premiers balbutiements. C’est par exemple le cas de l’intervention en ligne (via les sites, forums, chats et médias sociaux) que le Québec tarde à adopter comme voie de prévention.Dans le domaine de la réduction de l’accès aux moyens, les efforts risquent de se voir contrebalancés par la récente abolition du registre des armes d’épaule par le gouvernement canadien. Par ailleurs, le suivi après hospitalisation des personnes ayant fait une tentative de suicide est encore défaillant en bien des endroits, alors que les personnes ayant commis une tentative constituent la population la plus à risque dans l’année suivante et que les Guides de bonnes pratiques mettent l’accent sur l’importance de la coordination des services. L’actuel ministre de la Santé et des Services sociaux, le Dr. Réjean Hébert, semble conscient de l’enjeu, déclarant dans un récent communiqué: «Bien que le suicide ait une tendance à la baisse au Québec depuis une décennie, il est essentiel de persister dans nos efforts afin d’améliorer notre travail de prévention et l’efficacité de nos interventions. Le Programme national de santé publique, la Politique nationale de prévention et le prochain Plan d’action en santé mentale sont des dispositifs qui nous aideront à atteindre ces objectifs et à agir pour prévenir le suicide». Des politiques annoncées pour ce printemps, qui sont attendues avec intérêt par le secteur.

Ensemble, nous sommes une partie de la solution

Le projet Ajouter ma voix lancé en 2009 réunit ceux et celles qui désirent voir le suicide diminuer au Québec. Chacun est invité à s’engager à sa mesure pour la prévention du suicide: en signant la déclaration de solidarité, en invitant un ami à le faire ou en suscitant une activité dans son milieu.

La déclaration de solidarité Ajouter ma voix :
– Parce qu’aujourd’hui, trois de nos concitoyens s’ajouteront aux 12 988 Québécois qui se sont suicidés dans les dix dernières années et que ces décès auront entraîné plus d’un quart de million de personnes dans un deuil douloureux;
– Parce que le suicide est une cause importante de décès au pays et que le phénomène touche l’ensemble de ses régions;
– Parce que nous estimons qu’il est possible de contrer le phénomène du suicide par des actions concertées, cohérentes et intensives de sorte que les personnes qui souffrent puissent bénéficier de ressources accessibles et efficaces;
– Parce que nous ne voulons plus perdre, par suicide, de pères, de mères, de frères, de sœurs, de fils, de filles, de parents, d’amis, de collègues, de voisins, d’étudiants;
– L’éducation et la sensibilisation face au suicide, c’est le rôle de tous. En prenant position, nous avons le pouvoir de changer les choses.
34 919 personnes ont déjà signé la déclaration sur https://www.ajoutermavoix.com (site consulté le 18/04/2013)

(1) Voir l’article « https://www.preventionsuicide.info est né. Allez vite le découvrir!» de Colette Barbier en page 2 de ce numéro.
(2) Cette ligne a été mise en place dans le cadre de la Stratégie québécoise d’action face au suicide en vigueur de 1997 à 2002.
(3) Le 1866 APPELLE: les lettres du mot APPELLE correspondent, sur le clavier d’un téléphone, aux chiffres 277 3553.

«www.preventionsuicide.info» est né. Allez vite le découvrir!

Le 30 Déc 20

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Le portail de la prévention du suicide de la Fédération Wallonie-Bruxelles, que vous pouvez désormais découvrir sur le site web https://www.preventionsuicide.info, a été réalisé par l’asbl Éduca Santé, en collaboration avec le Centre de Prévention du Suicide et Un Pass dans l’Impasse. Il est le fruit de longues années de réflexion et a pu être conçu après un combat difficile mené pour faire mieux connaître la problématique du suicide afin de mieux le prévenir.

Martine Bantuelle, directrice d’Éduca Santé, retrace pour nous ces années de gestation… Tout est parti d’un rapport de recherche réalisé en 2006 par Éduca Santé et l’École de Santé Publique de l’ULB (1). Ce document reprenait la partie conceptuelle liée au suicide, les initiatives qui existaient au sein de la Fédération Wallonie-Bruxelles (FWB) et les programmes qui avaient été développés ailleurs.

«Dans ce rapport, nous avions mis en évidence le fait que le phénomène du suicide ne peut pas être réduit à l’acte suicidaire, mais qu’il s’agit d’un ‘processus suicidaire’ qui peut parfois être rapide ou au contraire très lent», raconte Martine Bantuelle. «En effet, pour qu’un individu, qui se trouve dans un état de relatif bien-être, en arrive à envisager le suicide comme une solution possible, c’est qu’il a franchi plusieurs étapes qui s’enchaînent dans ce que l’on appelle le ‘processus suicidaire’. Ainsi, la plupart des personnes qui entrent dans un état de mal-être parce qu’elles sont confrontées à une situation stressante, ont la capacité d’y faire face grâce à des mécanismes d’adaptation (le ‘coping’), ce qui leur permet de retrouver un état de relatif bien-être. Mais il arrive que des individus ne parviennent pas à surmonter certaines difficultés de la vie car ils ne possèdent pas ces mécanismes d’adaptation dans leurs ressources personnelles ou parce que ces mécanismes ne sont pas assez développés. Cette incapacité à faire face met l’individu dans une situation de faiblesse au cours de laquelle il développe un sentiment d’inutilité et d’échec. L’image qu’il a de lui-même est mauvaise et son estime de soi se dégrade. Surviennent alors de l’anxiété, des tensions internes qui vont provoquer, à leur tour, des comportements violents et agressifs. C’est à ce moment-là que l’on peut voir apparaître, dans un premier temps, des comportements suicidaires indirects et inconscients (il s’agit de conduites à risque excessives et répétées) et/ou des idéations suicidaires.

Lorsqu’une personne en est au stade des idéations suicidaires, le suicide est réellement entrevu comme une solution possible pour s’en sortir. Ces idéations se transforment, ensuite, petit à petit, en intentions suicidaires au cours desquelles l’individu commence à élaborer un plan destiné à mettre un terme à sa vie. Le processus se poursuit jusqu’à l’acte suicidaire fatal (décès de la personne) ou non fatal (tentative de suicide). Ce processus peut prendre 20 ans d’une vie, comme il peut ne prendre que quelques semaines.»

Travailler en amont du processus suicidaire

Agir en promotion de la santé, c’est agir en amont du processus suicidaire sur les facteurs qui l’influencent, par le renforcement des facteurs de protection. En Fédération Wallonie-Bruxelles, des acteurs comme, par exemple, les centres PMS, l’ONE et les centres PSE agissent à ce niveau et mènent des actions visant les déterminants de la santé. «Cependant la plupart des interventions de prévention du suicide se situent au niveau de la détection des signes, de la prise en charge des personnes qui ont des idéations et des tentations suicidaires, ou qui ont des conduites à risque, ou encore qui ont fait une tentative de suicide.»

Par ailleurs, force a été de constater que les concepts traditionnels de prévention primaire, secondaire et tertiaire ne s’appliquaient pas à la problématique du suicide. «Il est effectivement difficile de préciser quand le problème s’installe : lorsque la personne est dans le mal-être ? Quand elle en est au stade de l’idéation ? Lorsqu’elle a pris la décision de se suicider ? Ou encore après son passage à l’acte ? D’autre part, dans le cadre du concept de prévention primaire, secondaire et tertiaire, on a pu mettre en évidence un décalage entre l’approche de santé publique et l’approche médicale. Ainsi, dans une perspective de santé publique, la prévention primaire commence déjà lorsque l’individu est encore en situation de bien-être, puisqu’elle vise à renforcer les facteurs protecteurs. Dans une perspective médicale, la prévention primaire s’intéresse aux individus à risque, préférentiellement ceux qui souffrent d’une pathologie mentale.»

Prévention universelle, sélective et indiquée

Le modèle traditionnel fait place à un concept mieux adapté qui est celui de ‘prévention universelle, sélective et indiquée’ car il se réfère aux groupes sur lesquels on peut agir plutôt que sur l’événement à prévenir.

La prévention universelle vise la population générale ou certains groupes (une communauté, les écoles) sans tenir compte des risques individuels. Son but premier est de fournir à tous les individus d’une population de l’information et des compétences pour réduire l’importance du problème visé. Le programme ‘Les Amis de Zippy’ est un bel exemple puisqu’il s’agit d’un programme de promotion de la santé mentale destiné à tous les jeunes enfants âgés de 6 à 7 ans dans les classes de 1ère et 2ème primaire, qui est centré sur l’élargissement de leur répertoire de mécanismes d’adaptation (voir le site https://www.zippy.uqam.ca/ ).

La prévention sélective – ou prévention choisie – vise les individus que l’on considère comme les plus exposés au problème visé, c’est-à-dire qui présentent un ou plusieurs des facteurs de risque connus. On parle alors de groupes à risque identifiés sur base des facteurs de risque biologiques, psychologiques, sociaux ou environnementaux connus comme étant associés au problème visé. Les groupes à risque cibles sont, par exemple, les adolescents étant donné les caractéristiques liées à cette période de la vie, ou encore les consommateurs de drogues car des études indiquent que la prise de drogue est un facteur qui favorise la survenue du suicide.

Enfin, la prévention indiquée vise les personnes ayant déjà manifesté un ou des comportements associés au suicide. Dans ce cas, l’intervention se situe au niveau de l’individu et s’intéresse donc à ses propres facteurs de risque. Ce travail se fait, entre autres, par les centres PMS, les centres de prévention du suicide, les centres de santé mentale.

Un combat au niveau politique

En 2006, une conférence de presse fut organisée par les auteurs du rapport de recherche en vue d’en faire connaître le contenu et d’interpeller le politique sur la question. «Nous constations qu’il n’y avait pas d’articulation entre les différents programmes de prévention existants. Nous voulions, dans une vraie politique de prévention du suicide qui s’inscrit dans une approche de promotion de la santé, couvrir l’ensemble du processus. Nous demandions qu’une politique globale de prévention soit intégrée dans les différentes compétences. Une rencontre a ensuite eu lieu entre la Région de Bruxelles-Capitale, la Région Wallonne et la Fédération Wallonie-Bruxelles. À notre grand désespoir, cette rencontre n’a abouti à aucune décision.»

En 2008, le député Marc Elsen mettait la question de la prévention du suicide à l’ordre du jour d’un groupe parlementaire. Dans la foulée, une commission du parlement de la Fédération Wallonie-Bruxelles, initiée par le même député, réalisait une proposition de résolution visant à optimaliser les mesures de prévention du suicide.

«En consultant les documents existants sur la problématique du suicide, Marc Elsen est ‘tombé’ sur notre rapport de recherche et l’a trouvé magnifique! Il a demandé à Christelle Senterre, chercheur à l’École de Santé Publique de l’ULB et cheville ouvrière de ce travail, et à Christiane Bontemps, directrice de l’Institut Wallon pour la Santé Mentale, de réaliser un document préparatoire au travail du groupe de parlementaires en vue d’élaborer des recommandations politiques sur le suicide

La prévention du suicide devient enfin une priorité gouvernementale

En 2009, il fut décidé de faire de la prévention du suicide une des priorités des accords gouvernementaux, tant au niveau de la Fédération Wallonie-Bruxelles que de la Région wallonne et de la Région de Bruxelles-Capitale. C’est ainsi que les ministres concernés ont mis la question du suicide à l’ordre du jour de leurs initiatives et se sont répartis les programmes à mener selon leurs compétences.

En 2010, Fadila Laanan réunissait un groupe d’experts présidé par Martine Bantuelle. Chargé d’affiner les recommandations en matière de prévention du suicide et d’élaborer des propositions de recommandations pour la prévention du suicide chez les jeunes, le groupe d’experts était composé de psychiatres, thérapeutes, psychologues et d’acteurs en promotion de la santé. Y participaient des représentants des deux centres de prévention du suicide, des membres des cabinets de l’Enseignement, de la Jeunesse et de la Santé de la Fédération Wallonie-Bruxelles, des représentants de l’administration de la Fédération Wallonie-Bruxelles.

Fin 2010, le travail du groupe d’experts débouchait sur une table ronde autour de laquelle étaient invités des professionnels qui travaillaient au sein de structures encadrant les jeunes comme les écoles, les AMO, les mouvements de jeunesse, les centres de médecine scolaire…

Le mot de la Ministre Fadila Laanan

«Il existe, jusqu’à présent, deux organismes de première ligne en lien avec la problématique du suicide : le Centre de Prévention du Suicide à Bruxelles et Un Pass dans l’Impasse en Wallonie. Des professionnels y accompagnent directement les personnes en difficulté. À côté de ces deux organismes, il manquait un outil capable d’aider les adultes qui entretiennent des liens privilégiés avec les jeunes, dans quelque contexte que ce soit, à être des soutiens de première ligne aux jeunes en difficulté. Ces adultes sont les enseignants, les éducateurs, les directeurs d’établissements scolaires, les animateurs sportifs, les responsables de centres d’hébergement…

C’est pourquoi la Fédération Wallonie-Bruxelles a décidé de subventionner la mise en place du site Internet https://www.preventionsuicide.info. Le fait que ce site ait été réalisé par des professionnels tels que le Centre de Prévention du Suicide, Un Pass dans l’Impasse et Éduca Santé en fait un outil formidable.

Le but de ce nouveau dispositif est de répondre au questionnement d’un adulte confronté au mal-être d’un jeune, ce dernier ne réalisant parfois pas son état de mal-être. Or, pour pouvoir réagir et être un soutien de première ligne, il faut être en mesure de décrypter les mécanismes psychologiques en œuvre chez une personne en crise. Le portail informe donc sur ce que peut être le comportement d’un adolescent qui se trouve dans une perspective de suicide ou de risque de suicide.

Le site n’a évidemment pas été créé pour faire le travail à la place du Centre de Prévention du Suicide et du Pass dans l’Impasse. Mais rien n’empêche les adultes à qui le site est destiné de prendre éventuellement contact avec un de ces deux organismes en cas de besoin.»

Cette table ronde visait à repréciser les connaissances actuelles sur la problématique du suicide et le processus suicidaire, ainsi que les stratégies de prévention. Elle avait aussi pour but de présenter les recommandations proposées par le groupe d’experts et d’ouvrir un débat autour de celles-ci avec les personnes présentes.

«Le débat a tourné autour d’actions importantes destinées, entre autres, à combattre la méconnaissance persistante du phénomène suicidaire, à outiller, former et informer les adultes confrontés au mal-être des jeunes qu’ils côtoient, à renseigner ces mêmes adultes sur le rôle qu’ils peuvent jouer, avec qui ils peuvent collaborer…

À l’issue des travaux de la table ronde, nous avons remis un rapport à la ministre sur base duquel elle a défini deux priorités en cohérence avec ses compétences: d’une part, travailler auprès des médias pour que les journalistes prennent conscience de l’impact du traitement de l’information sur la survenue des suicides par imitation et d’autre part, sensibiliser, informer et former les adultes proches des jeunes quant à la problématique du suicide. Afin de rencontrer ces deux priorités, il a été demandé à Éduca Santé de réaliser une brochure à l’intention des adultes proches des jeunes. Nous avons très rapidement cerné les limites d’un tel support, c’est pourquoi nous avons choisi le support Internet. Nous avons plus particulièrement opté pour le ‘Portail de la prévention du suicide de la Fédération Wallonie-Bruxelles’ car il a pour vocation d’être une porte ouverte sur de l’information, des actions et des recommandations formulées par des acteurs en Belgique et dans le monde. Le site donne la possibilité de mettre à jour les connaissances et de mettre en évidence les orientations de la Fédération Wallonie-Bruxelles, ainsi que les actions qu’elle soutient. Cela donne, d’une manière assez synthétique et simple à comprendre, je l’espère, des informations complètes, cohérentes et pertinentes sur la question du suicide

(1) Éduca Santé, l’OMS et l’École de Santé Publique de l’ULB collaborent depuis de nombreuses années sur la problématique de la prévention du suicide.

Alcool : «Parlez-en à votre patient…»

Le 30 Déc 20

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C’est sous le titre «L’alcool, cette drogue licite banalisée…» que la Société Scientifique de Médecine Générale (SSMG) et l’asbl Question Santé ont organisé une conférence de presse en décembre 2012. Les deux associations souhaitaient rappeler quelques évidences, souvent occultées, à propos de la consommation de boissons alcoolisées dans notre société.

Une enquête en médecine générale

La SSMG a créé depuis longtemps une commission «Alcoologie». Celle-ci a participé, il y a près de 10 ans, à une étude menée en Belgique en médecine générale (Probex). Parmi les divers enseignements tirés de cette recherche, citons la prévalence importante du problème de consommation à risque ou de dépendance, qui touchait 25 à 30% des hommes et 10% des femmes consultant les médecins participants. Des outils d’intervention en médecine générale avaient été proposés à la suite de ce travail.

La commission «Alcoologie» de la SSMG a réalisé en fin d’année 2011 une enquête auprès de médecins généralistes, via un questionnaire électronique.

434 des 2.288 médecins sollicités ont répondu, en ligne, à un questionnaire comportant 24 questions. Le taux de réponse atteint près de 19%, démontrant l’intérêt porté par les praticiens à cette question.
Des médecins de tous âges et de tout niveau d’activités (nombre annuel de contacts/patients) ont participé, en particulier les jeunes diplômés (2001 à 2011) qui représentaient 36% des répondants.

Les principaux résultats de cette enquête :
– On constate globalement parmi les répondants une sous-estimation de la proportion d’une patientèle ayant un problème d’alcool.
– On peut parler d’une certaine inertie diagnostique, puisque seul 1 médecin répondant sur 2 s’intéresse systématiquement à la consommation d’alcool lors de l’anamnèse d’un patient, au moment d’une mise à jour de son dossier, DMG+ par exemple (2).
– Le seuil quantitatif de consommation à risque, selon les critères proposés par l’OMS, est connu avec précision par 59% des répondants pour les hommes et par 66% pour les femmes.
– Une minorité des médecins utilisent le test Audit.

Un AUDIT pour la consommation d’alcool

Le questionnaire AUDIT (Alcohol Use Disorders Identification Test) a été mis au point par l’Organisation mondiale de la santé (OMS). Il peut être rempli par le patient, seul ou avec l’aide du médecin. Il permet d’établir si un patient a une consommation d’alcool à risque. Il est intéressant en médecine générale car il met l’accent sur l’importance et la fréquence de la consommation. Il permet donc déjà le dépistage des consommations excessives et pas seulement des alcoolismes graves.

Le test AUDIT comporte dix questions . Un homme ayant un score égal ou supérieur à 7 a vraisemblablement un problème d’alcool. De même, une femme dont le score est égal ou supérieur à 6. Un score au-delà de 13 (valable pour les 2 sexes) signe une présomption de dépendance.

Plusieurs études ont permis la validation d’une forme abrégée de ce test, appelée AUDIT C: dans cette variante plus légère et rapide en consultation, seules les 3 premières questions du test AUDIT sont utilisées. La sensibilité et la spécificité restent bonnes. Lorsque le score obtenu est hors norme, le test complet est pratiqué.

– Plus de 90% des répondants confirment que la consommation pendant la grossesse de faibles quantités d’alcool (1 verre standard par jour), ou un épisode de binge drinking, représentent un risque fœtal potentiel.
– Les répondants plébiscitent l’abstinence (85%) comme objectif thérapeutique en cas d’alcoolo-dépendance.
– Un répondant sur deux se considère comme bien formé et à l’aise pour ouvrir le dialogue avec ses patients sur l’alcool. Sans surprise, les médecins se sentant bien formés abordent plus souvent que les autres la question de l’alcool avec leurs patients.

Une approche simple en consultation

Sur base de ces constatations, la Commission «Alcoologie» a lancé plusieurs initiatives visant :
– à sensibiliser les médecins généralistes à la prévalence importante des consommations à risque d’alcool au sein d’une patientèle de médecine générale;
– à conscientiser les praticiens sur l’existence d’une inertie diagnostique en matière d’alcoologie;
– à développer l’usage d’outils accessibles en consultation de médecine générale (tels l’AUDIT ou d’autres);
– à former les médecins généralistes à la pratique de l’intervention brève en matière d’alcoologie.

Pour la Commission de la SSMG, s’intéresser à la consommation d’alcool de ses patients et soutenir ceux d’entre eux qui ont une consommation à risque est à la portée de chaque médecin généraliste. Cet item est par ailleurs un de ceux repris dans le DMG+.
L’évaluation repose sur deux aspects simples, le bilan de consommation et le bilan de risque de mésusage.

Le bilan de consommation (quantité)

Le bilan de consommation est basé sur des balises définies par l’OMS, qui recommande, pour une consommation régulière d’alcool à moindre risque un maximum de 2-3 unités d’alcool en moyenne par jour pour les femmes (donc de l’ordre de 14 unités par semaine); pas plus de 3-4 unités d’alcool en moyenne par jour pour les hommes (de l’ordre de 21 unités par semaine); au moins un jour par semaine sans boisson alcoolisée.
Et pour les consommations occasionnelles, pas plus de 4 unités d’alcool en une seule fois.
Une unité équivaut à une dose de 10 g d’alcool ou un verre standard.

Le bilan du risque de mésusage

Il est basé sur la réalisation de tests de dépistage, comme par exemple le test AUDIT. Si ce test est positif, c’est un signe d’alerte: une évaluation plus approfondie doit être proposée au patient. Le médecin généraliste peut ainsi situer l’usage d’alcool sur une échelle de risque pour la santé de son patient: consommation anodine, usage à risques, usage nocif ou alcoolo-dépendance.

Le consommateur anodin ou modéré est celui qui boit moins que les seuils recommandés par l’OMS, c’est-à-dire moins de 3 unités par jour pour un homme et moins de 2 unités par jour pour une femme.
Le consommateur qui a un usage à risque est celui qui boit plus que les seuils recommandés par l’OMS, sans pour autant souffrir de répercussions négatives du fait de cette consommation.
Le consommateur qui a un usage nocif est celui qui souffre de répercussions négatives du fait de sa consommation, que ce soit sur le plan physique (hépatite, hypertension, obésité…), psychologique, social, professionnel, familial ou juridique.
L’alcoolo-dépendant est celui qui a perdu la liberté de contrôle de sa consommation: on distingue la dépendance psychique et la dépendance physique (caractérisée par des symptômes de sevrage).

Une prise en charge par paliers

Parmi les approches validées en médecine générale, l’intervention brève est centrale. Les problèmes d’alcool sont appréhendés dans un continuum selon la gravité de la problématique de consommation; en conséquence, l’intervention thérapeutique se répartit depuis la simple anamnèse (cf. test AUDIT), le conseil de quelques secondes, l’intervention brève (par exemple l’entretien motivationnel) jusqu’au suivi ambulatoire de longue durée (dans le cadre d’un sevrage par exemple) et au séjour en institution.

Déni, honte, culpabilité

Le déni de la personne qui boit trop est souvent source d’irritation chez le médecin. La Commission «Alcoologie» rappelle que ce déni est pourtant un mécanisme au cœur du comportement qui mène à l’addiction, en quelque sorte une signature de ce mécanisme. Il s’agit pour la personne qui boit trop et qui n’envisage pas de changement, à ce stade, d’occulter tout propos qui l’impliquerait dans la mise en route d’un changement qui paraît impossible, impensable et sans objet.

Le médecin qui veut accompagner une personne confrontée à l’abus d’une substance devra faire preuve d’empathie, ne pas la juger, respecter son vécu et contribuer à la motiver. Le «déni» de la personne sera majoré si le médecin ne respecte pas cette approche; le constat du déni doit amener le médecin à adapter son style d’entretien. Le déni est un symptôme et ne relève en rien du registre du mensonge !

Pour rappel, les changements de comportement (arrêt de consommation en cas de tabagisme ou d’abus d’autres substances) connaissent tous la même chronologie séquentielle :
1. le problème «n’existe» pas (déni total);
2. le problème existe à certains égards/moments;
3. le problème existe mais concrètement aucun changement n’est envisagé;
4. le changement est en route à certains égards et par moments;
5. le changement se profile et la personne consacre temps et argent à cet effet;
6. le changement est acquis…

Ce modèle de prise en charge par paliers privilégie ainsi l’intervention du médecin généraliste, adaptée à chaque cas particulier, la moins intensive, la moins restrictive et la moins coûteuse (en temps notamment). La gradation passe alors par la simple information du patient, l’aide à la prise de conscience par l’individu d’une problématique vis-à-vis de sa consommation d’alcool, l’initiation d’un changement basé sur les ressources personnelles de l’individu, le soutien par intervention brève du médecin généraliste, etc.

Cette démarche permet d’accompagner nombre de patients vers une consommation contrôlée. Les patients ayant un usage nocif ou une dépendance à l’alcool doivent parfois bénéficier d’une prise en charge plus importante, pluridisciplinaire le cas échéant.

L’entretien motivationnel est une approche qui aborde le problème de consommation d’alcool avec empathie, de manière chaleureuse et dénuée de tout jugement; le médecin s’appuie aussi sur les ressources du patient, qui met en mouvement ses capacités propres de changement (empowerment).

Abstinence ou consommation contrôlée ?

L’abstinence est-elle incontournable ? Cette idée est très répandue, tant parmi les professionnels que parmi le public.
Des travaux récents montrent que la consommation contrôlée a une place certaine dans la prise en charge des consommations à risque, à problèmes et en cas de dépendance. La consommation contrôlée peut être un objectif en soi, ou une étape vers une abstinence souhaitée.

La commission «Alcoologie» souligne que la place du choix du patient est essentielle dans le processus de prise en charge; dans le cadre d’un dialogue avec son médecin, le patient peut privilégier l’une des deux démarches.

Un dossier en ligne sur https://www.mongeneraliste.be

«L’alcool est très populaire dans notre société. Il accompagne des rencontres ou des repas au quotidien, il participe à la célébration des ‘évènements’ de la vie (mariages, enterrements, anniversaires, baptêmes, fêtes, etc.). Il accompagne les joies et succès aussi bien que les peines et les échecs.
La consommation de boissons alcoolisées est tellement banalisée que l’on en viendrait à oublier que l’alcool a une toxicité et possède toutes les caractéristiques d’une drogue dure.
Alors, comment garder le plaisir sans connaître les ennuis sérieux liés à une consommation à risque? 
Quelles sont les balises de sécurité, quels sont les signes d’alerte à détecter? Comment gérer sa consommation de boissons alcoolisées? »

C’est ainsi que le nouveau dossier consacré à l’alcool est introduit sur le site https://www.mongeneraliste.be. Ce site, né à l’initiative de la SSMG et géré en collaboration avec Question Santé et bénéficiant du soutien de la Mutualité chrétienne, s’adresse au grand public. Il a maintenant deux années d’existence. Il couvre près de 200 thèmes de santé, répartis en quelques rubriques: dossiers, maladies d’adultes et d’enfants, veiller à sa santé, ‘le point sur’… Une rubrique d’actualités permet de réagir à certains phénomènes médiatiques. Le site connaît une fréquentation croissante, passant de près de 3.000 visiteurs en décembre 2011 à près de 23.000 visiteurs pour le même mois en 2012.

Il a récemment été lié au site https://www.vacc.info, afin de faciliter aux internautes l’accès à une information indépendante et validée scientifiquement, d’améliorer le référencement des contenus des deux sites et de renforcer les relations directes entre le patient et son médecin généraliste.

(1) Clin d’œil pour les habitués des campagnes médiatiques de promotion de la santé, qui très classiquement (et trop systématiquement peut-être…) se concluent par un «Parlez-en à votre médecin».
(2) Le DMG ou dossier médical global contient toutes les données médicales (opérations, maladies chroniques, traitements en cours…) du patient. Il permet un meilleur accompagnement individuel et une meilleure concertation entre médecins. Le ‘+’ est un module de prévention proposé aux patients âgés de 45 à 75 ans depuis 2011 que le généraliste peut porter en compte une fois par an. Il fait partie du DMG.

Une nouvelle dynamique pour le dépistage du cancer colorectal?

Le 30 Déc 20

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Effectuer un test de dépistage tous les deux ans permet de réduire de 15% la mortalité due au cancer colorectal. Quatre ans après son lancement, le programme de dépistage organisé par la Fédération Wallonie-Bruxelles affiche un taux de participation encore trop faible : à peine 8% des personnes invitées font réellement le test. Parallèlement à la campagne de sensibilisation de la Fédération qui s’adresse au grand public, la Fondation contre le Cancer a choisi elle aussi de soutenir le programme avec une campagne destinée aux médecins généralistes. Le message est clair: «Vous avez un rôle fondamental à jouer, parlez du dépistage à tous vos patients de 50 à 74 ans !»

Cette campagne de sensibilisation est menée en étroite collaboration avec le Centre Communautaire de Référence pour le dépistage des cancers asbl, avec l’aide précieuse du Service Communautaire de Promotion de la Santé Question Santé asbl et le soutien de la Société Scientifique de Médecine Générale.

Dangereux… mais curable

Le cancer colorectal est fréquent et grevé d’une lourde mortalité. C’est le troisième cancer le plus fréquent chez l’homme et le deuxième chez la femme au niveau mondial. En Belgique, 1555 hommes et 1375 femmes en sont décédés en 2008 (d’après les données de la Fondation Registre du Cancer).

Mais le cancer colorectal est aussi une maladie curable si elle est dépistée et traitée au début de son développement, c’est-à-dire avant l’apparition de symptômes. Le test de dépistage permet de détecter ce cancer plus tôt et d’augmenter les chances de guérison. En effet, plusieurs études ont montré que le dépistage du cancer colorectal par recherche de sang occulte dans les selles (c’est le test Hemoccult® qui est actuellement utilisé), réalisé tous les 2 ans, permet de réduire de 15% la mortalité due à ce cancer. Sans oublier qu’un cancer détecté plus précocement impliquera un traitement plus léger, préservant ainsi une meilleure qualité de vie pour le patient. Mieux encore, le dépistage permet aussi de détecter des lésions bénignes (polypes). En les enlevant, on peut éviter l’apparition ultérieure d’un cancer colorectal.

Le médecin traitant au centre du programme de dépistage

Depuis mars 2009, tous les hommes et toutes les femmes de 50 à 74 ans habitant en Wallonie et en Région de Bruxelles-Capitale reçoivent tous les deux ans par la poste une invitation à participer gratuitement au programme de dépistage du cancer colorectal. Mais un courrier peut être facilement mis de côté et vite oublié face aux aléas de la vie quotidienne. Et quand une personne consulte son médecin pour une maladie ou une douleur, le dépistage est souvent bien loin des préoccupations du moment…

C’est pourquoi la Fondation contre le Cancer encourage les médecins traitants à en parler systématiquement avec tous leurs patients appartenant au groupe cible. «La plupart des gens font confiance à leur médecin de famille pour veiller sur leur santé», explique le docteur Anne Boucquiau, Manager prévention à la Fondation. «Ils seront reconnaissants que leur médecin aborde la question du dépistage. L’idéal serait donc que chaque médecin adopte le ‘réflexe dépistage’ et pose systématiquement la question. Un réflexe qui permet de sauver des vies…»

La campagne ‘Le dépistage, parlons-en’

Dans le courant du mois de mars, environ 6000 médecins actifs en Fédération Wallonie-Bruxelles ont reçu un courrier de la Fondation contre le Cancer accompagné de brochures et d’une clé USB reprenant une courte vidéo d’appel à la mobilisation, ainsi que divers liens proposant des informations pratiques et scientifiques sur le cancer colorectal et son dépistage.

Pour plus d’informations sur le Programme de dépistage du cancer colorectal en Fédération Wallonie-Bruxelles: https://www.cancerintestin.be et https://www.ccref.org .
Fondation Contre le Cancer, chée de Louvain 479, 1030 Bruxelles. Internet: https://www.cancer.be

Sources

Plusieurs études ont montré que le dépistage du cancer colorectal par recherche de sang occulte dans les selles, réalisé tous les deux ans, permet de réduire de 15% la mortalité due à ce cancer.

Heresbach, Denis; Manfredi, Sylvain; D’Halluin, Pierre N.; Bretagne, Jean-François; Branger, Bernard – Review in depth and meta-analysis of controlled trials on colorectal cancer screening by faecal occult blood test – European Journal of Gastroenterology and Hepatology, 2006, https://journals.lww.com/eurojgh/Abstract/2006/04000/Review_in_depth_and_meta_analysis_of_controlled.18.aspx

Dr Élide Montesi, Diminuer la mortalité du cancer colorectal; une nécessité, La Revue de la Médecine Générale, n° 260, pp 52-59, février 2009, d’après l’article original du Groupe de travail de la Communauté française sur le dépistage organisé du cancer colorectal

(1) Pour sa part, la Flandre ne propose pas (encore) systématiquement ce test à la population cible. Cela devrait être le cas à partir de 2014.

Inégalités sociales de santé, ce qui se mesure s’améliore

Le 30 Déc 20

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Les interventions visant à réduire les inégalités sociales de santé se multiplient. Pour que les succès deviennent sources d’inspiration, il devient nécessaire d’améliorer l’évaluation et la mesure de ces actions. La québécoise Marie-France Raynault et le français Thierry Lang affirment conjointement que ce développement constitue une étape incontournable de la lutte contre les inégalités sociales de santé. En novembre 2008, la Rencontre francophone internationale sur les inégalités sociales de santé qui se tenait à Québec dans le cadre des Journées annuelles de santé publique (JASP) accueillait 845 acteurs de santé provenant de vingt et un pays pour débattre des inégalités sociales de santé, des manifestations de leurs impacts et des meilleures approches pour les réduire. Afin d’en partager les constats et de préserver la mémoire de l’événement, un numéro spécial d’ Éducation Santé avait vu le jour quelques mois plus tard (1). Quatre ans après, les organisateurs des JASP ont remis le couvert en programmant le 27 novembre dernier une nouvelle journée sur cette thématique plus que jamais d’actualité. De 2008 à 2012, au Québec et ailleurs, les interventions visant à combattre ce fléau social se sont multipliées (2). Pas à pas, acteurs et décideurs de santé publique passent des constats aux actes. Mais l’entreprise n’est pas simple, le terrain est encore incertain, la volonté n’est pas toujours présente ou pas toujours suffisante et des défis se présentent au détour de chaque nouvelle action.

Comme un sommelier québécois

Pour donner à ce sujet crucial toute l’ampleur qu’il requiert, le comité scientifique de la 16e édition des JASP n’avait pas laissé au hasard le choix des invités. Deux spécialistes de la question, l’un en France, l’autre au Québec se sont succédé sur l’estrade d’un grand hôtel montréalais pour livrer à une assistance de près de 800 personnes une conférence plénière passionnante.

Bien qu’il soit expert en son domaine, Thierry Lang s’est présenté avec une certaine humilité «comme un sommelier québécois en Bourgogne». Tirant le titre de son exposé d’une citation d’André Gide, Il est extrêmement rare que la montagne soit abrupte de tous côtés, l’épidémiologiste au parcours impressionnant (3) a invité l’assistance à explorer avec lui les passages existant dans les montagnes des inégalités sociales de santé. Il est parvenu à exposer avec clarté les données du problème lorsqu’il est question d’interventions visant à les réduire ainsi que quelques précieuses pistes d’action.

Six constats majeurs

Thierry Lang rappela d’abord six constats dont les conséquences sont majeures sur les interventions de réduction des inégalités sociales de santé.

Les innovations et actions de prévention qui ne prennent pas en compte les inégalités sociales de santé contribuent souvent à les aggraver. Marie-France Raynault dressa plus tard dans la matinée une liste d’interventions qui augmentent les inégalités sociales de santé : par exemple les campagnes médiatiques grand public, les interdictions de fumer sur les lieux de travail, le matériel écrit sur l’acide folique et même certaines initiatives multi-composantes dans les écoles. À l’opposé, les mesures fiscales contre le tabac ou les distributions gratuites de suppléments d’acide folique, par exemple, ont un impact positif sur la réduction du problème.

Dans cette conception de la santé, le modèle biomédical s’élargit aux déterminants sociaux. On s’intéresse à la «santé dans toutes les politiques» et tous les niveaux et domaines de pouvoir sont concernés.

Le gradient social de santé est continu. Les inégalités sociales de santé, ce n’est pas un «problème de pauvres» comme on le pense souvent. Par définition, elles touchent toutes les strates de la société, ce qui rend le ciblage des publics difficile.

Les déterminants de la santé sont multiples, ils agissent tout au long de la vie et concernent l’ensemble de la population. Chacun de ceux-ci a un effet partiel sur la santé.

Les déterminants de la santé suivent des temporalités multiples et sont liés les uns aux autres. Agissant dès la naissance, ils suivent des enchainements de causalité.

Enfin, la place de la responsabilité individuelle fait l’objet d’un débat fondamental. Le choix et la responsabilité de chaque individu sont étroitement liés à son environnement social.

Approfondir la recherche pour augmenter l’efficacité

Forts de ces constats, les intervenants de santé tentent depuis plusieurs années maintenant de gravir la montagne des inégalités sociales de santé. Mais certains de leurs outils gagneraient à être plus affûtés. En particulier, la pauvreté de la littérature internationale dans le domaine des interventions visant la réduction des inégalités sociales de santé freine le partage des expériences efficaces. On agit mais on évalue peu et les expériences sont rarement relatées. La tradition orale compense légèrement mais ne suffit pas. Ensuite, il est souvent difficile de distinguer la logique de l’intervention et son contexte d’implantation. Quand ça ne marche pas, à quoi attribuer l’échec ? L’intervention est-elle mauvaise ou les circonstances ont-elles mené à une mise en œuvre inadéquate ? Par ailleurs, il n’existe pas de typologie ou de classification des interventions visant la réduction des inégalités sociales de santé, pas plus qu’il n’y a encore de critères d’efficacité bien définis. La recherche en ce domaine a encore un joli potentiel de développement…

L’urgence d’agir

Pour le président du groupe de travail français sur les inégalités sociales de santé du Haut Conseil de la santé publique, «le manque de données ne devrait pas reporter l’intervention». La situation est trop grave pour souffrir un délai supplémentaire. À cet effet, il partage quelques recommandations (4). La première est la mise en place de politiques d’ ‘universalisme proportionné’. Si l’on veut véritablement agir sur l’ensemble du gradient social, il ne faut pas s’adresser uniquement aux moins bien nantis, mais concevoir des interventions qui touchent tous les groupes tout en étant proportionnelles au désavantage social et aux besoins.

Ensuite, il faut agir sur les facteurs fondamentaux dès l’enfance en favorisant l’accès aux ressources que sont le revenu, l’éducation et le pouvoir. Troisièmement, il faut réduire l’exposition des groupes de faible niveau socio-économique aux risques auxquels ils sont surexposés, par exemple à travers leurs conditions de travail ou leur habitat. En quatrième lieu, il convient de favoriser l’accès à un système de soins qui réduise les inégalités sociales de santé qui sont déjà présentes. Cinquièmement, il est important de travailler à réduire les conséquences d’une maladie ou d’un handicap sur la situation sociale (par exemple, faire en sorte que la maladie n’ait pas pour conséquence une perte d’emploi). Enfin, il faut développer l’évaluation d’impact sur la santé et l’équité. Thierry Lang défend aussi le fait que la mise en œuvre des interventions nécessite un support méthodologique, soit des méta-programmes et des équipes de soutien.

L’impact des interventions sur le gradient social

Dans certains domaines, comme la santé au travail, l’habitat ou la petite enfance, les études concordent pour mettre en évidence une multitude de liens entre situation socio-économique et (problèmes de) santé ainsi qu’un véritable impact des interventions visant à réduire les inégalités sociales de santé.

Dans d’autres champs, les inégalités ont été moins prises en compte. «On en sait notamment peu sur les effets sur le gradient social des interventions contre le tabagisme», regrette le professeur toulousain. «Or, le comportement tabagique et la tentative d’arrêt sont influencés par une multitude de déterminants sociaux tels que le contexte macrosocial, les dispositifs d’aide, le support de l’entourage, les normes sociales ou encore le sentiment d’auto-efficacité développé au cours de la petite enfance».

Ailleurs encore, il persiste ce que Thierry Lang appelle des ‘taches aveugles’, des questions évitées ou non posées. Dans le domaine des soins de santé, l’objectif de favoriser l’accès à un système de soins qui réduise les inégalités sociales de santé est loin d’être atteint. Par exemple, une étude menée sur un groupe de personnes diabétiques indique qu’en France, près de deux fois plus de fond d’œil sont prescrits aux patients qui ont fait des études supérieures qu’à ceux qui ont un niveau d’études élémentaires. Cette différence est peut-être due à la surestimation de l’état de santé par les médecins, qui est d’autant plus importante qu’ils se sentent socialement éloignés de leurs patients. D’un champ à l’autre, les recherches font donc une place variable à l’impact des interventions sur le gradient social.

Regard terne sur les politiques canadiennes

La parole fut ensuite donnée au docteur Marie-France Raynault, dont la biographie n’est pas moins riche (5), pour retracer le chemin parcouru au Québec depuis quatre ans dans le domaine de la lutte contre les inégalités sociales de santé. L’année 2008 ne vit pas seulement la tenue de la Rencontre francophone internationale sur les inégalités sociales de santé, ce fut aussi celle de la publication de Combler le fossé en une génération, le rapport final de la Commission sur les déterminants sociaux de la santé de l’OMS présidée par Michael Marmot. «Un rapport qui appelle les choses par leur nom», affirme Marie-France Raynault : «Pour abolir les inégalités sociales de santé, il faut s’attaquer à la répartition du pouvoir, de l’argent et des ressources».

Pourtant, depuis cette époque, les inégalités sociales ne cessent d’augmenter au Canada, amenant le pays de la Charte d’Ottawa à s’éloigner de la moyenne des pays de l’OCDE pour rejoindre les résultats déplorables des États-Unis !

«Aujourd’hui, les politiques fiscales et les redistributions ne parviennent plus à compenser les inégalités, comme c’était le cas avant le milieu des années nonante. En même temps, la part des revenus des plus riches a augmenté et le taux d’imposition a chuté» regrette la chercheuse. Commentant une loi récemment adoptée sous l’égide du Premier Ministre Stephen Harper, elle prévoit que les prochaines modifications au régime de retraite, au système de chômage et au principe d’équité salariale auront des répercussions négatives importantes sur les inégalités sociales dans les années à venir. Ainsi s’efface l’image internationale d’un Canada pionnier de l’équité…

Que fait-on demain matin ?

Marie-France Raynault pose la question et tente à son tour d’y apporter les meilleures réponses. Le Québec étant une province canadienne, il est forcément marqué par les législations fédérales. Mais en marge de ces décisions politiques, les citoyens et les organisations se mobilisent.

«Des mouvements récents comme celui des indignés ou le Printemps érable montrent que la population québécoise est sensible aux conséquences des nouvelles législations sur le sort des plus fragiles» partage Marie-France Raynault avec espoir. Des rapports régionaux prônant la nécessité d’une action intersectorielle concertée, des plans d’action locaux, des travaux de surveillance, des tables de concertation voient le jour à travers le Québec, donnant la priorité à la réduction des inégalités sociales de santé.

L’évaluation d’impact sur la santé est aussi en plein développement. Pour cette chercheuse engagée, «il faut que nous, les acteurs de santé, soyons les vecteurs de cette vérité : les conditions de vie sont le facteur principal de santé.» Rejoignant Thierry Lang, elle prône également une veille scientifique de l’impact des interventions et programmes sur les inégalités sociales de santé. Selon la fondatrice de l’Observatoire montréalais des inégalités sociales et de la santé, les fruits de ces différentes actions sont déjà visibles : «Malgré leur augmentation au Canada, les inégalités sociales de santé ne se sont pas accrues à Montréal. Elles ont même diminué, notamment grâce aux actions de la santé publique.»

Le rôle de l’État et des intervenants de santé

Après la conférence plénière, les participants se répartirent dans les journées thématiques proposées autour du thème transversal de «la connaissance, levier d’influence». Plus de 200 d’entre eux avaient choisi la journée traitant des inégalités sociales de santé, au cours de laquelle plusieurs intervenants se succédèrent pour explorer le rôle de l’État en matière de réduction des inégalités sociales et le cadre d’action des professionnels de la santé publique sur les déterminants sociaux de la santé (6).

Parmi les conférenciers du jour, la syndicaliste Claudette Carbonneau a parcouru l’histoire des fonctions assumées par l’État, dépeignant les acquis et les perspectives dans trois domaines influençant les inégalités : le statut des femmes, l’éducation et les lois du travail.

Le philosophe Jean Bédard a quant à lui partagé ses considérations sur les concepts de valeur humaine, de dignité et d’inclusion, dans un monde où la valeur économique détermine trop souvent la valeur ontologique ou sociale.
Plus tard, les participants purent assister à la présentation de plusieurs initiatives régionales et d’une série de défis que doivent relever ceux qui s’investissent dans la lutte contre ce que Thierry Lang qualifie de «fait social extrêmement têtu».

Une nouvelle plate-forme francophone sur les inégalités sociales de santé

Lors de la journée thématique des JASP consacrée aux inégalités sociales de santé, la section des Amériques du Réseau francophone international pour la promotion de la santé (RÉFIPS) a procédé au lancement de son tout nouveau site www.tribuneiss.com. Une quarantaine de participants étaient présents. Sur le site de la Tribune sur les Inégalités Sociales de Santé, les fréquentes mises à jour permettent aux utilisateurs de rester informés des événements, publications, initiatives et ressources liés à la question des inégalités sociales de santé dans le monde francophone.

Mais ce n’est pas tout : outre cette veille informationnelle, la Tribune héberge une base de connaissances plutôt fournie sur les inégalités sociales de santé. Celle-ci comprend actuellement quatre thématiques : les inégalités sociales de santé, les déterminants sociaux de la santé, les stratégies pour réduire les inégalités sociales de santé et les politiques publiques favorables à l’équité.

D’autres thématiques devraient être disponibles dans les prochains mois : les problèmes de santé en lien avec les inégalités sociales de santé, l’évaluation des interventions de réduction des inégalités sociales de santé, les données chiffrées et les données de surveillance.

Présentée sous forme de documents Powerpoint téléchargeables, la base de connaissances permet des usages multiples, adaptés aux publics qu’elle vise, soit les professionnels de la santé, les intervenants, les enseignants et les étudiants notamment.

À partir des Powerpoint, il est possible de concevoir son propre outil en sélectionnant et en adaptant les diapositives choisies à des fins de sensibilisation, d’information ou de formation, de se servir de quelques dias sans adaptation pour animer une présentation sur un concept précis ou encore de s’inspirer d’exemples recensés à travers le monde. La Tribune et la base de connaissances découlent de travaux réalisés au lendemain de la Rencontre francophone internationale sur les inégalités sociales de santé de 2008 et sont les fruits des efforts conjoints de très nombreux collaborateurs, au Québec et dans le monde francophone. Certains lecteurs d’ Éducation Santé s’y reconnaîtront probablement…

(1) Éducation Santé, numéro 245, mai 2009, https://www.educationsante.be/es/sommaire.php?dem=245
(2) Nous vous présenterons prochainement une initiative belge impliquant à la fois le niveau fédéral et les entités fédérées.
(3) Thierry Lang est professeur d’épidémiologie à l’Université Toulouse III et au CHU Toulouse. Il est également président du groupe de travail sur les inégalités sociales de santé du Haut Conseil de la santé publique en France. Il est aussi responsable de l’équipe «Inégalités Sociales de Santé, cancer et maladies chroniques» de l’Unité mixte 1027 INSERM – Université et directeur de l’Institut Fédératif d’Études et de Recherches Interdisciplinaires Santé Société (IFERISS).
(4) Inspirées de J. Kemm et al., Health Impact Assessment, Oxford UP, 2004
(5) Chercheuse, médecin, professeur au Département de médecine sociale et préventive de l’Université de Montréal, chef du département de santé publique du Centre hospitalier de l’Université de Montréal, Marie-France Raynault est aussi la fondatrice de l’Observatoire montréalais des inégalités sociales et de la santé et la directrice du Centre de recherche Léa-Roback sur les inégalités sociales de santé de Montréal.
(6) Les présentations des conférenciers peuvent être téléchargées sur https://jasp.inspq.qc.ca/2012-reduire-les-inegalites-sociales-de-sante.aspx

Plus d’un million de Belges diabétiques en 2030?

Le 30 Déc 20

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D’après un communiqué de la Mutualité chrétienne

Plus de 500.000 Belges souffrent du diabète et ce chiffre pourrait bien doubler d’ici 20 ans. «Si nous n’adoptons pas, massivement, un mode de vie plus sain, nous risquons d’être confrontés à une épidémie de diabète», souligne Jean Hermesse, secrétaire général de la Mutualité chrétienne (MC).

Entre 2001 et 2011, le nombre de diabétiques est passé de 319.000 à 542.000 en Belgique, soit une augmentation de près de 70 %. Un Belge sur vingt souffre aujourd’hui de cette maladie (1).

Cette hausse est observée dans toutes les catégories d’âge, y compris chez les enfants et les jeunes. Elle atteint même un pic chez les enfants de 7 à 12 ans : le nombre de diabétiques y a doublé en dix ans. Près de 10.000 enfants et jeunes de moins de 25 ans souffrent déjà de la maladie. Le diabète s’observe néanmoins principalement chez les adultes : 91 % des diabétiques ont plus de 45 ans.

Le nombre de patients diabétiques augmente chaque année d’un peu plus de 5 %. Si cette tendance se confirme, plus d’un million de personnes souffriront du diabète en 2030. «Si nous n’adoptons pas massivement un mode de vie plus sain, cette ‘maladie de la prospérité’ pourrait bien prendre des formes de plus en plus épidémiques», indique Jean Hermesse.

Le diabète peut affecter considérablement la qualité de vie après un certain temps. Maladies cardiovasculaires, troubles rénaux, affections oculaires (2) et ulcères aux pieds pouvant entraîner des amputations sont autant de complications possibles à mesure que l’âge avance.

Mieux vaut prévenir que guérir

La science pointe un certain nombre de facteurs de risque comme l’hérédité et l’âge, sur lesquels nous n’avons aucune influence. Mais il en existe d’autres sur lesquels nous pouvons agir, comme par exemple le surpoids, voire l’obésité, ou encore l’accumulation de graisse à la ceinture abdominale et le manque d’activité physique.
Et c’est là que le bât blesse aujourd’hui. Il ressort de la dernière enquête de l’Institut scientifique de santé publique (ISP) que le nombre d’enfants et d’adultes en surpoids ou obèses n’a cessé d’augmenter en Belgique ces dix dernières années. La situation est particulièrement inquiétante à Bruxelles où le nombre d’enfants obèses a quasiment doublé en dix ans.

La MC souscrit pleinement aux objectifs santé des autorités en matière d’alimentation et d’activité physique. «Les autorités pourraient cependant inciter davantage la population à pratiquer une activité physique et à se nourrir de manière équilibrée», poursuit Jean Hermesse. «Chaque euro investi dans la prévention se traduit par une économie ultérieure de deux euros». Une telle politique soulagerait fortement le budget des soins de santé. En effet, un peu plus de 2 milliards d’euros sont actuellement consacrés à la prise en charge du diabète. À politique inchangée, ce montant pourrait doubler d’ici 2030 et représenter près de 10 % du budget total des soins de santé.

La MC constate également que le diabète touche de manière plus importante les personnes en milieu défavorisé. En Wallonie et en Flandre, on compte deux fois plus de diabétiques au sein de cette population. Plus alarmant encore, à Bruxelles, ce pourcentage est trois fois plus important. C’est pourquoi la MC réclame des actions spécifiques en santé publique auprès de cette tranche de la population. Elle participe déjà pour sa part à des actions de promotion de l’activité physique ainsi qu’à une meilleure alimentation dans les écoles.

(1) Ces données se basent sur une extrapolation à l’ensemble du pays de la consommation d’antidiabétiques par les affiliés de la MC, principal organisme assureur belge (environ 43% de parts de marché).
(2) Le diabète est ainsi la première cause de cécité.
(3) Voir par exemple ‘Et toi tu manges quoi?’, C. De Bock, Éducation Santé n° 249, octobre 2009, ou encore, dans ce numéro, ’11 bouge avec la Mutualité chrétienne’, M. Van Audenhaege et C. Feulien.

Que mange-t-on ce midi à la cantine scolaire ?

Le 30 Déc 20

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Vers une alimentation équilibrée, savoureuse et durable

En Belgique, près d’un enfant sur 5 est en surpoids. Conscients de ce phénomène, la Ministre de la Santé et de l’Égalité des chances, Fadila Laanan, la Ministre de l’Enseignement obligatoire, Marie-Dominique Simonet, et le Ministre de l’Enfance et du Développement durable, Jean-Marc Nollet, ont décidé de lutter ensemble pour une meilleure alimentation des jeunes en Fédération Wallonie-Bruxelles. Les trois ministres entendent agir dès le plus jeune âge via la cuisine de collectivité afin d’éduquer les papilles, de retrouver les saveurs et le plaisir du bien manger et du manger ensemble.

L’objectif : favoriser une alimentation équilibrée et savoureuse, réinventer la cuisine de collectivité et prouver que manger sain, équilibré et durable ne coûte pas nécessairement plus cher. Une alimentation durable est une alimentation dont les impacts sur l’environnement sont réduits, et dont la production et la commercialisation se font dans le respect de certaines règles sociales et éthiques.

Que ce soit dans les écoles ou les centres de vacances, plusieurs cantines ont déjà fait des efforts substantiels pour améliorer le contenu des assiettes, notamment par rapport aux critères d’équilibre diététique. Cependant, il n’existait pas jusqu’à présent d’outil de référence.

Avec l’appui de l’État fédéral (Service public fédéral santé publique, sécurité de la chaîne alimentaire et environnement) et des quatre hautes écoles de diététique de la Fédération Wallonie-Bruxelles, un cahier spécial des charges complet a été rédigé.

Ce document de référence est destiné à contribuer à l’amélioration des repas de collectivité pour les enfants de 3 à 18 ans. Il s’adresse en particulier aux pouvoirs organisateurs des écoles et des centres de vacances, aux directions des écoles maternelles, primaires et secondaires et des centres de vacances, aux services PSE et centres PMS, aux centres locaux de promotion de la santé, aux réseaux d’enseignement ainsi qu’aux fédérations des associations de parents.

Le cahier spécial des charges peut être utilisé tel quel pour lancer un marché public vers les fournisseurs de repas chauds mais il peut aussi être modulé en fonction des spécificités de chacun.

Lors du lancement de cette initiative importante, Guislaine Defourny, coordinatrice pédagogique du Département diététique de la Haute école Lucia de Brouckère, a détaillé les 6 éléments à prendre en considération pour évaluer les offres :
– prix des repas (critère pesant 30% dans la détermination du choix parmi les soumissionnaires);
– plan alimentaire (qualité, variété, saisonnalité, saveur et équilibre, grammages des aliments, etc. pour 30%);
– garantie de qualité (modes de cuisson respectueux des nutriments, circuits courts de distribution, fraîcheur et continuité dans la provenance des aliments, traçabilité, procédures internes de respect des élément précédents, le tout pour 20%);
– information sur l’alimentation durable, éducation au goût (10%);
– impact sur l’environnement, la santé, le personnel (5%);
– performance en insertion socio-professionnelle des publics en difficulté (5%).

Un accompagnement personnalisé gratuit ainsi que des formations pour les cuisiniers également gratuites sont prévus pour favoriser la mise en application du cahier des charges. Caroline De Cock, coordinatrice des stages en diététique, Haute école de la province de Liège, a détaillé l’offre de formation (des séances de 3 x 4 heures alternant cours magistraux et exercices pratiques) ainsi que les possibilités de coaching destinées à permettre aux pouvoirs organisateurs d’analyser les offres.

Concrètement, des responsables de l’Institut Saint-André de Ramegnies-Chin (Tournai) et la directrice de l’asbl Jeunesse à Bruxelles (qui gère chaque année de 40 à 60.000 journées de plaines de jeu et stages pour les jeunes de la Ville de Bruxelles) ont évoqué leurs initiatives en la matière.

Virginie Vandermeersch, chargée de projets à l’asbl Coordination Éducation Santé, a aussi eu le loisir de nous rappeler les nombreux outils élaborés par Cordes dans ce domaine depuis une quinzaine d’années, et de nous présenter en primeur les grandes lignes de sa nouvelle production, ‘Se mettre à table’, qui sortira début de cette année. Et que nous ne manquerons pas de vous présenter prochainement dans nos colonnes !

Certains se sont étonnés du caractère non contraignant de cette initiative ministérielle vu l’importance de l’enjeu de santé pour les enfants et les adolescents. Ce serait sans doute vouloir changer trop brutalement les habitudes, mieux vaut peut-être une implantation en douceur. Il sera d’autant plus intéressant de dresser un premier bilan en fin d’année scolaire…

Pour en savoir plus: https://www.enseignement.be , https://www.sante.cfwb.be , https://www.one.be. Courriel: cantine.sante@cfwb.be

‘Goûtez-moi ça !’

Le 30 Déc 20

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Un jour de semaine, à 11h30, activité intense chez «Les Uns et les Autres», restaurant social situé au cœur de Molenbeek. Carlo de Pascale, connu pour être le fondateur d’un magasin de cuisine et le chroniqueur culinaire de la chaîne de télé publique, a relevé le défi lancé par la Mutualité Socialiste-Solidaris : cuisiner un repas trois services pour moins de 3,50 euros par personne. Le tout en 40 minutes, secondé par l’équipe du restaurant. Les journalistes présents sont mis à contribution pour mitonner l’entrée : un carpaccio de tomates. Suivront dans les assiettes un tajine de légumes de saison et un dessert composé de fromage blanc et de compote de prunes.
Un régal pour les papilles. Mais que cherchent-ils donc à nous prouver ?

Manger : un acte quotidien pas si banal

Bref rappel de Jean-Pascal Labille, Secrétaire général de l’Union nationale des mutualités socialistes : le cœur du métier de la mutualité, c’est la santé. L’intérêt pour l’alimentation trouve son origine dans un triple constat. Tout d’abord, d’après l’Organisation mondiale de la santé, la moitié des maladies dans le monde seraient dues à l’alimentation, que ce soit par excès, défaut ou déséquilibre. Ensuite, on observe des inégalités sociales de santé frappantes dans cette matière. Enfin, il est possible de mettre en place des choses simples pour améliorer l’alimentation. L’objectif général du projet: favoriser l’accès de tous à une alimentation de qualité.

Des chiffres

Une enquête téléphonique a été menée en février 2012 auprès de 1000 personnes affiliées à la Mutualité Socialiste-Solidaris en Wallonie. L’objectif : sonder les habitudes alimentaires des affiliés. Pierre Baldewyns, responsable du Service promotion santé, nous en expose les résultats. Ce qu’il en ressort ? Si le message des «5 fruits et légumes par jour» est connu, seulement 46 % le mettent en pratique… et 36% dans les groupes sociaux modestes.

Les raisons le plus régulièrement invoquées : le manque de goût pour les fruits et légumes; au sein des groupes sociaux élevés, le manque de temps; et pour les groupes sociaux modestes, le coût de ces denrées.

Des stratégies multiples

Sur base de ces constats, différentes stratégies sont mises en œuvre. Le réseau associatif de la Mutualité va s’engager dans des actions auprès des publics spécifiques qu’il rencontre. Le fil conducteur ? Les plaisirs liés à l’alimentation.

Un livre blanc va être diffusé en 2013, comportant des recommandations politiques. Une enquête de plus grande envergure est également prévue en 2013. Le projet en lui-même est prévu pour s’étaler sur 2 ans et demi, jusque fin 2014, donc. Notons que différents supports et outils du projet se sont déjà vu attribuer le label de qualité du Plan national nutrition et santé.

Et pourquoi une mutualité se mêle-t-elle de faire de la promotion de la santé ?

Bon, outre le fait que c’est indiqué dans un texte de loi de 1990, la Mutualité Socialiste-Solidaris estime qu’elle dispose de quelques atouts ! D’abord, comme le souligne Jean-Pascal Labille, avec ses 3 millions d’affiliés, elle est à même de constituer une caisse de résonnance non négligeable et de faire bouger des choses.

Ensuite, le Service promotion de la santé, en quelque 25 années d’existence, a acquis de solides bases théoriques et pratiques. «Il est important de définir ce qui est éducable et ce qui ne l’est pas», nous précise Catherine Spièce, responsable de projet au sein du service, et par ailleurs co-fondatrice de l’Outilthèque Santé. «En matière d’alimentation, tout n’est pas éducable, car tout n’est pas du ressort de l’individuel.»

Pierre Baldewyns renchérit : «Nous avons construit un modèle explicatif pour répondre à la question ‘Qu’est-ce qui favorise l’accès à une alimentation de qualité ?’ Divers éléments ont été mis en évidence, répartis en trois grands pôles: éléments individuels, éléments de contexte, éléments liés aux produits. Nous avons planché plusieurs mois sur un document de référence, qui constitue le cadre théorique des actions qui vont être menées.»

Et chaque action menée au sein du réseau mutuelliste, pour être labellisée «Goûtez-moi ça !», devra mettre en jeu au moins deux pôles du modèle, autrement dit: ne pas se concentrer sur les pratiques individuelles, mais élargir la vision.

Les projets entendent donc activer différentes stratégies de la charte d’Ottawa. Si, comme le souligne Catherine Spièce, il n’y a pas encore de partenariat avec d’autres acteurs du secteur, des contacts ne manqueront pas d’être noués dans la réalisation concrète des projets de terrain. Et le projet est déjà intersectoriel, dans la mesure où différents services de la mutualité travailleront main dans la main.

Un projet d’envergure se met donc en place. Nous nous en ferons l’écho dans ces pages encore l’une ou l’autre fois d’ici fin 2014. Bon appétit !

‘11 bouge’ avec la Mutualité chrétienne

Le 30 Déc 20

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C’est à l’adolescence, lorsque les jeunes voient leur corps se transformer, rapidement et sans qu’ils puissent le contrôler, que l’apparence physique est plus que jamais un objet de préoccupation. L’acquisition d’une image corporelle saine et positive est une étape importante dans le cheminement vers l’âge adulte. Pourtant, c’est aussi la plupart du temps à cette période qu’ils décrochent de toute activité physique. La Mutualité chrétienne a choisi de réagir face à ce constat, avec son programme ‘11bouge – Défis entre nous’.

En 2007, Infor Santé, le service de promotion de la santé de la Mutualité chrétienne, a commandité une enquête qualitative (1) sur la pratique de l’activité physique chez les 12-30 ans. La conclusion était claire : le public à sensibiliser est celui des jeunes autour de 15 ans, avec une attention particulière pour les jeunes filles et les milieux moins favorisés.

Ces constats confirment ceux de l’enquête HBSC 2006 sur la santé des jeunes en Communauté française: diminution de la pratique sportive autour de 15 ans, avec une différence suivant les filières d’enseignement; augmentation de la surcharge pondérale selon le niveau d’activité; augmentation de la sédentarité et du nombre d’heures passées devant la télévision à partir de 13 ans, avec une différence marquée entre les garçons et les filles, ainsi qu’entre les filières d’enseignement.

Les experts en psychologie du sport expliquent ce phénomène par le manque de plaisir lors de la pratique d’un sport, le manque d’estime de soi, une mauvaise image du corps et le manque de stimulation et de persévérance. À l’inverse, les jeunes qui pratiquent régulièrement une activité physique souhaitent améliorer leurs aptitudes physiques, s’amuser et être avec des amis.

La Mutualité chrétienne entend réagir avec son programme ‘11bouge – Défis entre nous’ (2). Celui-ci propose à des groupes de jeunes de 14 à 16 ans des activités-défis à réaliser pendant ou en dehors de leurs heures de cours, dans leurs milieux de vie (écoles, maisons de jeunes, AMO…). Son objectif premier est bien sûr de promouvoir l’activité physique mais aussi d’amener les jeunes à prendre conscience de leurs capacités, de favoriser la découverte et de les aider à faire le lien entre l’activité physique et le bien-être physique, psychique (estime de soi) et social (plaisir d’être en groupe).

Concrètement, les jeunes, accompagnés d’adultes référents, réalisent en groupe une série de défis tout au long de l’année (jeux de ballons, acrobaties, sports originaux ou peu connus, street dance, sauvetage en piscine…). Les activités proposées sont accessibles à tous, sportifs ou moins sportifs, et peuvent être réalisées dans le cadre scolaire ou dans un autre milieu de vie. Idéalement, le groupe réalise au moins un défi dans chacune des thématiques proposées, en les répartissant sur une année scolaire.

Afin de favoriser la mobilisation, il est souhaitable que ce projet soit porté par un maximum d’enseignants et d’éducateurs entourant le groupe des jeunes, et qu’il devienne un projet transversal au sein de l’école ou du groupe.

Il est à noter qu’une charte des valeurs qui sous-tendent le projet est proposée aux adultes et aux jeunes; la charte du participant peut d’ailleurs être imprimée et distribuée aux jeunes. L’idée est que les jeunes se mobilisent autour de ce programme et se positionnent par rapport à ces valeurs axées sur la coopération plutôt que sur la compétition.

Mais encore…

‘11bouge’ a concocté des fiches indispensables pour ceux qui décident de se lancer dans le programme.
Une fiche d’auto-évaluation permet à chaque jeune de définir son profil personnel en matière d’activité physique. Les items sur lesquels il est invité à s’auto-évaluer portent sur sa place dans le groupe, la connaissance de son corps ainsi que la perception de son bien-être et de son estime de soi. Il complète la fiche dans une couleur en début d’année, la place dans une enveloppe fermée conservée par l’adulte encadrant. À la fin de l’année, il la récupère et complète, dans une autre couleur, ses résultats personnels. Il peut ainsi comparer les deux. Il lui est aussi possible de se fixer un objectif personnel en début d’année (sur base de l’auto-évaluation) et de vérifier si cet objectif est atteint en fin d’année.

Une fiche ‘Échauffements funs’ accompagne le groupe toute l’année. Il y puise des idées d’échauffements ludiques, à faire avant chaque défi (l’unijambiste, le nœud humain, le jeu de l’horloge…).

Une fiche ‘Petits exercices pour situations particulières’ peut être utilisée par les jeunes, soit en groupe soit individuellement, tout au long de l’année, lorsqu’ils se trouvent dans une situation particulière (stress, manque d’énergie, anxiété…).

Les défis transversaux

La fiche ‘Souplesse’ propose aux jeunes d’évaluer la progression de leur niveau personnel de souplesse.
La fiche ‘Petites pauses pour bouger’ reprend des exercices de musculation et d’étirement à faire partout et à tout moment (durant les intercours, à domicile…). Ils peuvent être passés en revue avec tout le groupe durant une semaine, les jeunes se réapproprient les exercices et les réalisent ensuite individuellement.

Pour soutenir ceux qui choisiraient de se lancer, un site Internet a été créé. Il est composé de pages publiques et de pages réservées aux enseignants, aux éducateurs et à tous les professionnels en contact avec les jeunes de cette tranche d’âge.

Tous les défis y sont illustrés en vidéo et sont présentés dans une fiche pédagogique reprenant leurs objectifs, le matériel nécessaire, la durée et le lieu recommandé. Le site propose également quelques références pour en savoir plus sur la santé des jeunes, l’activité physique, l’estime de soi, une foire aux questions et quelques témoignages. Il y a aussi un formulaire d’évaluation du programme.

Une simple inscription en ligne suffit pour avoir accès à tous ces contenus. Alors rendez-vous dès à présent sur https://www.11bouge.be.

À la date du 6 décembre 2012, près de 180 personnes ont activé leur compte personnel sur le site. Nous reviendrons vers elles d’ici quelque temps pour recueillir leurs impressions et témoigner sur la dynamique qui se sera enclenchée avec les jeunes.

Suite à un prochain numéro donc…

Pour en savoir plus : Infor Santé, Alliance nationale des mutualités chrétiennes, chaussée de Haecht 579/40 – 1031 Bruxelles. Tél.: 02 246 48 51. Courriel: infor.sante@mc.be. Internet: https://www.11bouge.be.

(1) À l’asbl Question Santé, https://www.questionsante.org
(2) 11bouge est une réalisation d’Infor Santé, le service de promotion de la santé de la Mutualité chrétienne, en partenariat avec la Fédération Royale Sportive de l’Enseignement Libre et l’asbl Jeunesse & Santé.
(3) Coopération, Ballon, Cirque, Dynamique de groupe, Piscine, Confiance en l’autre, Et toi t’en penses quoi, Expression des émotions, Découverte, En plein air.

Prévenir la cyberdépendance chez les moins de 12 ans, c’est tout un art !

Le 30 Déc 20

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Le 6 novembre dernier, des élèves de 6e primaire de l’école fondamentale de Xhovémont à Liège ont improvisé une fiction devant les caméras de l’émission Ma classe fait sa télé sur le thème de la cyberdépendance.

C’est l’histoire d’un jeune adulte, rompu aux jeux vidéo depuis ses vertes années, qui rencontre l’âme sœur sur un jeu en ligne. Il se marie et sa belle lui donne un fils. Plongée dans la réalité de la vie, la jeune maman arrête de jouer pour s’occuper du bébé et du ménage. Malheureusement, il n’en va pas de même pour le papa qui a quitté son travail et ne participe pas à la vie de famille car il passe tout son temps à jouer. Les disputes sont fréquentes au sein du couple. Un jour, la femme délaissée décide de piéger son mari en jouant en ligne avec lui. Elle utilise un pseudo, séduit l’homme sur Internet et lui donne rendez-vous dans un restaurant. Arrivé sur place, l’homme découvre sa femme. Celle-ci veut sauver son couple et leur vie de famille. Comme dans les jeux, elle lance un défi à son mari : «Tu arrêtes de jouer !». Au début, il a du mal à se passer de jouer et à montrer sa souffrance. Mais il résiste et au fil du temps, il parvient à se libérer de l’enfer des jeux vidéo. Il retrouve un travail, joue au foot avec son fils sous l’œil bienveillant de sa femme.

Atteindre les 10-12 ans

Cette histoire a été imaginée par les élèves et leur institutrice, Catherine Méan. Le tournage est une étape d’un projet global lancé par Infor-Drogues qui a eu l’idée de publier un ouvrage de prévention pour les 10-12 ans sur le sujet des dépendances 1. Contacté par l’asbl, l’auteur Nicolas Ancion se souvient que l’association était à la recherche d’un écrivain prêt à écrire de manière souple. «Le roman devait pouvoir être utilisé de façon complexe et provoquer un débat », retrace Nicolas Ancion, venu spécialement de France pour assister au tournage. « Il fallait parvenir à parler des assuétudes à travers un sujet que les enfants de cette tranche d’âge connaissent bien. »

Avec le soutien de la Ministre de la Santé de la Fédération Wallonie-Bruxelles Fadila Laanan, un travail de recherche-action a été effectué auprès de diverses classes de l’enseignement primaire. Nicolas Ancion est allé à la rencontre des élèves. «Pour parler des dépendances, on ne pouvait pas s’appuyer sur les drogues, l’alcool, les cigarettes, car ça n’avait pas de sens pour des enfants de cet âge», raconte l’auteur. «Après avoir pris le temps de parler avec des élèves, le thème de la cyberdépendance s’est imposé puisqu’il s’est avéré que tous les enfants ont recours aux jeux vidéo.»

Ce travail a abouti à l’écriture d’un livre intitulé J’arrête quand je veux !, mais aussi à la publication d’une brochure et à la réalisation d’un site Internet.

Provoquer le débat

«Le but est d’interpeller les écoles et les jeunes sur la cyberdépendance, de les sensibiliser et de déclencher un débat», explique Fadila Laanan, également présente sur le tournage.
Pour aller plus loin encore dans l’interpellation des enfants du primaire sur les dangers de la cyberdépendance, le cabinet de la Ministre de la Santé a contacté Patrice Biarent, le réalisateur de l’émission Ma classe fait sa télé, diffusée sur La Trois, pour lui demander de réaliser une animation sur les assuétudes en partant du livre de Nicolas Ancion.

«C’est ainsi que Patrice Biarent s’est tourné vers notre école», raconte Catherine Méan. «C’était début octobre. Il a fallu faire vite! Pourquoi dans notre école? Simplement parce que Nicolas Ancion, né dans le quartier, a fait ses classes chez nous. Les enfants ont lu le livre, se sont passionnés pour l’histoire et nous avons construit notre scénario sur l’addiction aux jeux vidéo.»

Un danger bien réel

Par ailleurs, la Ministre a expliqué combien il est difficile de faire de la prévention auprès des 10-12 ans. «La dépendance, ça ne leur parle pas, contrairement aux adolescents qui comprennent bien de quoi il s’agit. Mais nous voulons faire de la prévention chez tous les jeunes pour éviter qu’ils ne basculent dans la dépendance à l’adolescence. Il faut savoir que 12,5% des jeunes de 12 à 20 ans passent plus de 4 heures par jour sur les réseaux sociaux, sur Internet ou devant leur console de jeux, même les jours d’école. Or, certains experts estiment qu’une consommation de jeux vidéo est abusive lorsqu’elle atteint ou dépasse quatre heures par jour.»

Fadila Laanan a aussi pris le temps de parler aux élèves qui se sont montrés soucieux de savoir si les enfants de la ministre jouent aux jeux vidéo… Oui, mais la maman pose des limites. «Quand j’achète un jeu pour mes enfants, je regarde la limite d’âge. Certains jeux sont très violents et les enfants ne réalisent pas à quel point ils peuvent être dangereux. L’enfance est un monde particulier qui passe vite. Il faut veiller à ce que vous puissiez vous occuper de choses qui appartiennent à votre monde.»

Pour en savoir plus:

Le livre «J’arrête quand je veux», Nicolas Ancion, Éd. Jourdan, Paris-Bruxelles, 2009
La brochure «J’arrête quand je veux», éditée par Infor-Drogues.
Le site Internet https://www.jarretequandjeveux.org

(1) Voir l’article d’Alain Cherbonnier ‘J’arrête quand je veux’ , Éducation Santé n° 260, octobre 2010.

La contraception, business utile et rentable

Le 30 Déc 20

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À l’occasion de la Journée mondiale de la contraception du 26 septembre dernier, la Fédération laïque des centres de planning familial (FLCPF) a organisé à Bruxelles un colloque d’une demi-journée sur la thématique. Professeurs d’université, médecins, gynécologues, journalistes et surtout, praticiens en centres de planning étaient de la partie. Éducation Santé en était également et vous en propose deux moments intéressants.

L’étude européenne «CHOICE» ou l’impact du counselling dans le choix d’une méthode contraceptive

En Belgique, environ 70% des femmes utilisant un moyen contraceptif ont choisi la pilule classique, 20% le stérilet et 10%, d’autres moyens tels que le patch, l’implant ou l’anneau vaginal. Mais parmi elles, lesquelles ont réellement choisi leur moyen de contraception ? Ont-elles reçu toutes les informations utiles pour faire leur choix ? Et parmi celles qui les ont reçues, combien ont choisi le moyen qui convient le mieux à leur situation personnelle ?

«En Belgique, une femme sur six connaissant une grossesse non désirée avorte. Or, 50% d’entre elles n’utilisaient pas de contraceptif (ou un contraceptif peu fiable) et 15% utilisaient des préservatifs», a souligné lors du colloque le Dr Merckx, gynécologue participant à l’étude et co-présidente de la VVOG (Vlaamse Vereniging voor Obstetrie en Gynaecologie). Face à ce constat, l’étude CHOICE (1) (The Contraceptive Health Research Of Informed Choice Experience), menée dans 11 pays européens dont la Belgique, avait pour objectif principal de mesurer l’impact d’un modèle structuré de conseils appliqué par les gynécologues durant leur entretien avec les femmes, au sujet des méthodes contraceptives hormonales combinées (pilule combinée, anneau vaginal et patch transdermique).

Concrètement, les gynécologues ont reçu un schéma à suivre durant les entretiens avec leurs patientes. Ce guide de counselling contenait les informations utiles sur ces 3 méthodes de contraception. Il décrivait leur efficacité, leur mode d’action, leurs risques, leur fréquence d’administration et les aspects pratiques de leur utilisation. Avec ce support, les 121 gynécologues participant ont évoqué avec leurs patientes leur style de vie et cherché, avec elles, le dispositif correspondant à leurs habitudes de vie. Les quelque 1800 femmes du panel ont été interrogées quant à la méthode contraceptive à laquelle elles envisageaient d’avoir recours avant l’entretien. À la fin de celui-ci, on leur a demandé quelle méthode elles avaient finalement choisie et dans quelle mesure celle-ci différait de leur choix initial.

Les résultats sont surprenants : 39% d’entre elles ont modifié leurs intentions de base ! De 66,7% envisageant la pilule avant l’entretien, elles n’étaient plus que 52,6% après celui-ci. En ce qui concerne le patch transdermique, le pourcentage est passé de 2,6 à 5,3%; et pour l’anneau vaginal, la proportion est passée de 9,1 à 27% (2). Le principal transfert s’est fait d’une méthode quotidienne à une méthode hebdomadaire (le patch) ou mensuelle (l’anneau), ce qui tombe plutôt bien puisque l’oubli de la pilule contraceptive explique le pourcentage élevé d’échecs de contraception, entraînant de fréquentes grossesses non désirées.

Quant aux indécises avant l’entretien (11,1%), elles étaient moins nombreuses après avoir discuté avec leur gynécologue (6,3%). Enfin, celles qui n’avaient pas de préférence spécifique ont finalement suivi l’avis de leur gynécologue dans 80% des cas !

Côté professionnels, le counselling aurait également du bon, témoigne le Dr Merckx, «(…) la participation à cette étude fut pour moi une expérience particulière (…). Au fil des années, on a le sentiment de connaître le sujet et on se permet de passer certains éléments en revue plus rapidement. Ici, nous devions évoquer de la même manière structurée tous les moyens contraceptifs. Cela permet de travailler en tenant davantage compte de la patiente.»

Évidemment, prodiguer ce genre de conseils leur prend bien plus de temps. «Je n’ai jamais eu autant de retard dans mon cabinet qu’au moment de cette étude», témoigne-t-elle encore. Mais cela permet aussi, dit-elle, d’atteindre un plus grand niveau de satisfaction, et une meilleure compliance des femmes.

Reste donc aux professionnels à adapter le nombre et la durée de leurs consultations pour pouvoir conseiller utilement leur patientes et leur permettre de faire un choix contraceptif éclairé. Qui sait…

Les enjeux économiques de la contraception

Henri Houben, chercheur (3) au GRESEA (Groupe de recherche pour une stratégie économique alternative) est venu nous parler du marché du contraceptif, car oui, c’est un business, et un business qui se porte plutôt bien, alors que la crise touche la plupart des autres secteurs de l’industrie. Comme pour les poudres à lessiver, malgré une apparente concurrence, le marché belge de la contraception, qui compte plus de 100 marques, ne concerne que quatre firmes pharmaceutiques (4), qui détiennent le plus souvent un monopole sur un segment particulier. À titre d’exemple, Bayer détient la moitié du marché belge !

Ces grandes sociétés se sont développées massivement dans les années ’70 et leur chiffre d’affaires n’a fait qu’augmenter ces vingt dernières années (plus précisément, il a triplé). Le prix des médicaments/produits qu’elles commercialisent augmente sans cesse du fait de leur position de monopole. Ces profits engrangés sur le dos des patients ou de la sécurité sociale couvrent les frais de recherche mais bien au-delà, comme chacun sait. Ces bénéfices approvisionnent en réalité surtout les actionnaires en dividendes.

Le but de ces firmes, explique donc l’économiste, n’est pas de ‘sauver l’humanité’, mais bien d’engranger un maximum de profits. Et elles y parviennent très bien grâce à l’un ou l’autre produit phare protégé pendant 20 ans par un brevet et pour lequel elles tenteront de prolonger cette période par la modification (parfois subtile !) de la composition du médicament. D’autres vont jusqu’à produire eux-mêmes le générique de leur propre médicament ou attaquent systématiquement en justice les sociétés qui auraient l’audace de vouloir produire la même molécule. Même si ces grandes firmes sont parfaitement conscientes de l’issue défavorable du procès, elles choisissent de dissuader par la peur leurs potentiels concurrents.

Ces constats, même s’ils ne nous révèlent pas un phénomène déjà largement connu, soulignent une fois de plus le fait singulier que la santé est un marché d’un genre particulier, n’obéissant pas aux règles habituelles. Le ‘malade’ ne choisit pas de l’être, il est en quelque sorte un client obligé. Même pas besoin de le convaincre : le corps médical s’en charge le plus souvent ! Le chercheur conclut un peu désabusé que, pour ces raisons, la santé devrait rester du domaine public…

La Fédération laïque de centres de planning familial (FLCPF)

Née en 1972 du regroupement des premiers centres de planning familial en Belgique, la Fédération Laïque de Centres de Planning Familial est la première fédération de centres de la Fédération Wallonie-Bruxelles. Elle rassemble aujourd’hui une quarantaine de centres à Bruxelles et en Wallonie. La moitié de ces centres pratiquent l’avortement.
En Belgique, le mouvement du Planning familial a contribué à l’émergence de changements sociaux et politiques notables: libre accès à la contraception, dépénalisation de l’interruption volontaire de grossesse, développement de l’éducation sexuelle et affective.

L’action de la FLCPF a pour objectif global de protéger ces acquis, d’étendre leur champ d’application et de promouvoir la qualité et la spécificité du travail en centre de planning familial. Elle se donne comme ligne conductrice la reconnaissance des droits sexuels et reproductifs comme des droits humains fondamentaux.

La FLCPF défend ses valeurs et se bat pour ses objectifs dans des actions politiques et publiques. Elle prend régulièrement position dans des conférences et des débats et propose des formations professionnelles en promotion de la santé sexuelle (voir https://www.planningfamilial.net/index.php/formations/presentation) et met à la disposition du public un centre de documentation spécialisé qui publie brochures et dossiers d’information (le CEDIF – voir plus bas).

La FLCPF coordonne également le projet Sex&Co de promotion de la santé sexuelle et affective en milieu festif ( https://www.sexandco.info/Sex-Co, ou sur Facebook) et dispose d’un centre de ressources sur le handicap et la sexualité.

La FLCPF est agréée comme organisme général d’éducation permanente par la Fédération Wallonie-Bruxelles et est agréée comme organisme représentatif de ses membres par la Commission communautaire française de la Région de Bruxelles-Capitale. La FLCPF bénéficie également de subsides en promotion de la santé de la Fédération Wallonie-Bruxelles et est soutenue par Actiris.

Fédération Laïque de Centres de Planning Familial, rue de la Tulipe 34, 1050 Bruxelles. Tél.: 02 502 82 03, fax: 02 503 30 93,courriel: flcpf@planningfamilial.net.

Le CEDIF – Centre de documentation et d’information sur la vie affective et sexuelle

Le CEDIF est le seul centre de documentation de la Fédération Wallonie-Bruxelles spécialisé dans les questions liées au planning familial et, plus largement, à la vie affective et sexuelle. Il fut créé en 1980 afin d’assurer aux centres de planning familial et au grand public un service d’accès à la documentation et à l’information de qualité.
Le CEDIF c’est:
une bibliothèque de plus de 600 ouvrages;
plus de 20 revues spécialisées dépouillées;
près de 30 dossiers de presse thématiques;
de nombreux travaux, mémoires, rapports et enquêtes;
une vidéothèque et des outils pédagogiques.

Une base de données informatisée reprend plusieurs centaines de références d’articles, livres et documents et permet une exploitation maximale du fonds documentaire.

Dans le cadre de sa mission d’éducation permanente, le CEDIF assure également la réalisation et la diffusion de publications et d’une revue de presse mensuelle. Ces réalisations ont pour objectif de proposer aux citoyens une information pertinente et fiable leur permettant d’exercer leur libre choix responsable en matière de droits sexuels et reproductifs.

Le CEDIF collabore à différents réseaux documentaires ce qui permet de partager pleinement l’information et d’échanger la documentation pour une meilleure prise en charge des demandes du public.

Pour découvrir et commander en ligne les brochures d’informations de la FLCPF: https://www.planningfamilial.net/index.php/documentation/publications/brochures-d-information
Pour les dossiers thématiques de la FLCPF: https://www.planningfamilial.net/index.php/documentation/publications/dossiers-thematiques
Pour les outils pédagogiques:
https://www.planningfamilial.net/index.php/documentation/publications/outils-pedagogiques

Pour tout autre information, le centre de documentation est accessible à tous gratuitement, du lundi au vendredi de 9h à 12h, le mercredi de 14h à 17h.

CEDIF, rue de la Tulipe 34, 1050 Bruxelles. Tél.: 02 502 68 00, fax: 02 503 30 93, courriel: cedif@planningfamilial.net.

(1) Lire à ce propos Merckx M., Donders Gilbert G., Grandjean P., Van De Sande T., Weyers S., Does structured counselling influence combined hormonal contraceptive choice?, The European Journal of Contraception and Reproductive Health Care, December 2011 (16), pp.418–429.
(2) Il est toutefois curieux que l’anneau, grand ‘gagnant’ de l’étude, soit justement le moyen de contraception commercialisé par la firme sponsor de l’étude…
(3) Dans le secteur de l’automobile! Mais, a-t-il confié à l’auditoire, ce qui est applicable au secteur automobile l’est également à l’industrie pharmaceutique. À la bonne heure…
(4) Johnson & Johnson, Merck, Pfizer et Bayer (et 2 ou 3 producteurs de génériques, tout de même). À plus grande échelle, ce sont 12 firmes seulement qui contrôlent le marché mondial du médicament. Leur taux de rentabilité est nettement supérieur à la moyenne industrielle.

Icaps: le grand bond en avant

Le 30 Déc 20

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Pour promouvoir l’activité physique des enfants et des jeunes, l’Inpes (Institut national de prévention et d’éducation pour la santé – France) mise depuis 2010 sur la stratégie Icaps (intervention auprès des collégiens centrée sur l’activité physique et la sédentarité). Et les projets fleurissent… comme par enchantement ?

Un premier appel à projets fut lancé en 2011, suivi d’un autre en 2012. À ce jour, 15 projets ont été retenus par l’Institut national de prévention et d’éducation pour la santé (Inpes), qui leur accorde une subvention pour promouvoir l’activité physique des jeunes. Tous portent les couleurs d’Icaps et ont pour ancêtre commun une expérience scientifique débutée en 2002 dans l’Est de la France. Pendant 6 ans, le Prof. Chantal Simon, médecin et enseignant-chercheur en nutrition et son équipe ont passé au crible les pratiques d’activités physiques d’une cohorte de 954 élèves de 6e dans des collèges du Bas-Rhin, traquant les changements de comportement et d’éventuels effets bénéfiques sur la santé, en particulier l’indice de masse corporelle et le risque cardiovasculaire.

Ainsi ancrée en milieu scolaire, l’étude ciblait des enfants aux profils sociaux variés. Plusieurs questions préoccupaient les chercheurs. Ils voulaient notamment savoir s’il est possible de modifier le niveau d’activité physique des adolescents alors qu’il existe déjà une offre d’activités importante à l’école comme en dehors. Et si oui, comment maintenir dans le temps cette modification ?

Deux groupes d’élèves ont été constitués : le premier bénéficiait d’interventions spécifiques permettant aux jeunes d’augmenter leur niveau d’activité physique et de participer à une réflexion sur ses bienfaits; le second groupe suivait le programme scolaire habituel et servait de groupe de référence.

Les résultats de l’étude montrent une augmentation de l’activité physique hebdomadaire des enfants (+54 minutes en moyenne), une diminution du temps passé devant la télévision (-20 minutes par jour) et une limitation significative de la prise de poids à l’issue de l’intervention, qui a duré 4 ans. Des effets toujours observables deux ans plus tard et qui s’avèrent plus marqués chez les jeunes des milieux les moins favorisés, notent les auteurs. Une conclusion qui n’est pas sans rappeler les principaux enseignements de la campagne américaine VERB mise en place à la même période (voir Éducation Santé n°279 de juin 2012). Ainsi démontrée, l’efficacité de la méthode a eu tôt fait d’arriver aux oreilles de l’OMS qui l’a approuvée en 2009. Deux ans plus tard, c’est au tour de l’Inpes d’inciter les opérateurs de terrain à s’engager dans la démarche.

Un modèle d’approche écologique

Les actions Icaps qui se déploient actuellement entendent donc participer à la lutte contre l’obésité et le risque vasculaire chez les jeunes Français. Plus largement, il s’agit de favoriser une pratique de l’activité physique régulière et source de plaisir dans l’enfance et l’adolescence. Une sorte de pari sur l’avenir puisqu’il est établi que cette habitude comme ses bienfaits se prolongent à l’âge adulte.

Pour ce faire, l’approche Icaps prône une intervention à trois niveaux, dite socio-écologique ou systémique. D’autres encore la nomment ‘outil de catégorisation des résultats’. Elle consiste à cibler l’individu au travers de ses connaissances, sa motivation, ses attitudes et ses compétences; son entourage afin qu’il valorise l’activité physique, relaie l’information et soutienne les changements de comportements; et enfin l’environnement en impliquant les partenaires, pour fournir les conditions matérielles et institutionnelles de pratique et assurer la promotion auprès des intéressés. Pas de label Icaps sans cette triple mobilisation qui est sa signature et lui confère sa légitimité parmi les actions d’éducation pour la santé conçues dans l’esprit de la charte d’Ottawa. Pour ceux qui sont rompus à l’exercice du montage de projets en promotion de la santé, la recette n’est pas nouvelle. Mais couchée noir sur blanc dans un guide (1) édité par l’Inpes, elle prend une allure officielle et gagne en visibilité auprès des professionnels de l’éducation, associations sportives, parents d’élèves, animateurs de centres de loisirs ou collectivités locales ciblés qui voudraient initier de telles actions.

Essai transformé sur le terrain

Au-delà de l’objectif principal partagé et valorisé auprès de l’Inpes, les ambitions poursuivies par les uns et les autres divergent. Pour une association comme Hérault Sport spécialisée dans l’éducation par le sport, l’étiquette Icaps et son corollaire, celle d’un projet soutenu par l’Inpes, ont eu pour effet de rassembler les partenaires autour d’un objectif commun: développer la pratique du judo dans un club sportif pour des jeunes d’un quartier en difficulté. “Le projet a permis de mettre un coup d’accélérateur auprès d’un public dont on s’occupait déjà”, explique Véronique Brunet, chef du secteur société/solidarité à Hérault Sport. Faire découvrir une activité “porteuse de valeurs de respect qui nous sont chères”, en pérenniser la pratique, développer les liens avec les familles et les enseignants du quartier… “Aujourd’hui 50% des licenciés sont des filles. Cela n’a pas été facile mais la mixité est enfin installée.”

Le centre socio-culturel Beaudésert à Mérignac (Gironde) a lui aussi reçu l’aide de l’Inpes pour développer son offre sportive. “Faire de l’éducation physique et sportive auprès des jeunes n’est pas notre vocation première, nous y avons recours ponctuellement”, précise son directeur François Castex. Qu’importe : la fin justifie les moyens. La subvention allouée a permis d’une part de négocier l’accès à une salle de sport privée du quartier essentiellement fréquentée jusqu’alors par les salariés des entreprises alentour, d’autre part de monter un atelier de boxe éducative. “Depuis, on a vu arriver des jeunes qui ne fréquentaient pas le centre avant.

Le projet de l’Office d’hygiène sociale (OHS) de Nancy, déjà investi dans la thématique du surpoids et de l’obésité, cible quant à lui les jeunes de 13 à 21 ans pris en charge au sein de l’OHS. Mini-conférences sur la nutrition et ateliers d’activités physiques en composent le motif. Certaines ont lieu dans l’enceinte du centre social de l’OHS, d’autres à la Maison des adolescents, avec le concours de la Ville de Nancy. «Nous avions conscience que pour faire évoluer les comportements des enfants, impliquer les parents est indispensable», raconte Vanessa Balthazard, coordinatrice du projet. «La surprise est venue d’ailleurs car nous n’avions pas anticipé que les parents ne transmettent pas toujours à leurs enfants ce qu’ils ont appris et s’appliquent à eux-mêmes, comme les règles d’hygiène de vie.» D’où l’idée, pour la seconde phase du projet en cours d’élaboration, de mettre l’accent sur le lien parent-enfant en travaillant sur un soutien à la parentalité. «Après la phase de découverte, l’appropriation des habitudes est l’un des enjeux pour la suite.»

(1) Document téléchargeable en version intégrale sur le site de l’Inpes: https://www.inpes.sante.fr/icaps/

10 ans d’existence de l’Agence Intermutualiste

Le 30 Déc 20

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L’Agence Intermutualiste (AIM) existe depuis un peu plus de dix ans. Lors du séminaire organisé le 18 décembre dernier au Palais des Académies à l’occasion de cet anniversaire, les mutualités ont dressé un bilan et un état des lieux, tout en se projetant aussi dans le futur. En effet, l’AIM veut continuer à assister les autorités dans leur recherche de l’équilibre entre qualité, accessibilité et maîtrise des coûts dans le secteur des soins de santé.

Rôle de l’AIM

L’implication des mutualités dans l’exécution de l’assurance maladie fait en sorte qu’elles disposent de toute une série de données, comme le profil de maladie des Belges et des profils des institutions et prestataires de soins. Par le biais de l’AIM, les mutualités peuvent rassembler ces données et les mettre à disposition de manière codée (anonyme).
Sur base de ces données, les mutualités, les autorités publiques et les institutions fédérales peuvent effectuer des analyses permettant la préparation et l’évaluation de mesures prises dans la politique de santé et la réalisation d’études scientifiques. Ainsi, ces données contribuent à l’orientation de la politique de soins de santé et peuvent aider à améliorer l’accessibilité et la qualité des soins de santé.

Réalisations

Au cours de ces 10 ans un certain nombre de réalisations ont vu le jour grâce au travail de l’AIM. Ces projets sont souvent effectués à la demande de ou en collaboration avec des partenaires, à savoir l’INAMI, le Centre fédéral d’expertise des soins de santé (KCE), le SPF Santé publique, les Communautés et Régions.

Quelques exemples.
Le feedback individuel vers les médecins généralistes et spécialistes relatif à leur comportement de prescription d’antibiotiques et d’autres médicaments. L’AIM a fourni les données et produit les fichiers de résultats de cette campagne.
Le feedback individuel de l’état des lieux des campagnes de dépistage cancer du sein envoyé aux médecins généralistes et gynécologues, ainsi que les différents rapports relatifs à ces campagnes de dépistage ont été réalisés sur base des analyses de l’AIM (Éducation Santé évoque régulièrement ces rapports dans ses colonnes).
L’AIM met à disposition de manière permanente des données codées détaillées et longitudinales relatives à 1 assuré social sur 40, soit plus de 250.000 personnes, connues sous le nom ‘d’échantillon permanent’. Un outil d’aide à la décision sans doute unique au monde! Sur demande, les chercheurs peuvent également recevoir accès à ces données.

Projets futurs

L’AIM a l’intention de continuer à réaliser de tels projets, mais elle veut également faire face à de nouveaux défis.
Les données nécessaires pour effectuer les bons choix dans la recherche d’un équilibre entre qualité, accessibilité et maîtrise des coûts seront mises à disposition des autorités publiques et des partenaires dans la gestion des soins de santé. Avec l’aide de l’AIM et des mutualités, cela permettra aux autorités publiques de concevoir des mesures socialement justifiées.

L’AIM a par conséquent l’ambition de rester un point de référence pour les autorités publiques, grâce au rôle des mutualités comme intermédiaires à tous les niveaux de décision et de mettre à profit son expertise dans le débat actuel de la communautarisation partielle des soins de santé.

Enfin, l’AIM souhaite participer activement au développement d’indicateurs de qualité des soins, tant au niveau fédéral que communautaire. Elle collabore déjà activement au projet d’indicateurs de qualité développés pour les hôpitaux flamands.

Dans cet environnement futur, l’AIM s’interroge sur le fait de trouver un meilleur équilibre entre le droit au respect de la vie privée du prestataire et les intérêts de la santé publique. Suite à son étude récente montrant de grands écarts des taux d’accouchements par césarienne entre hôpitaux, l’AIM a ainsi publié des comparaisons entre institutions hospitalières qui ont fait grincer quelques dents…

Agence Intermutualiste, avenue de Tervuren 188A, 1150 Bruxelles (nouvelle adresse depuis la mi-janvier). Internet : https://www.cin-aim.be