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Médecine scolaire : deux projets novateurs

Le 30 Déc 20

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Comme annoncé lors du précédent article, nous voudrions ici développer deux projets, qui nous paraissent prometteurs et novateurs, et qui ont récemment vu le jour dans le domaine de la promotion de la santé à l’école. Notre article précédent évoquait en quoi le domaine de la PSE est particulièrement représentatif de l’équilibre à trouver entre une «philosophie promotionnelle» (qui prend en compte tout le psycho-social) et les exigences d’une «médecine préventive» (sans doute à caractère, elle, plus bio-médical).
Donnons si vous le voulez bien ici deux exemples plus concrets de ce que nous ne faisions qu’évoquer dans une description globale et conceptuelle.
Présentons deux réalisations qui se mettent en place actuellement: un premier exemple est celui du «Recueil informatique standardisé de données sanitaires», et un deuxième celui de la rédaction d’un «Projet de Service», deux enjeux très actuels du travail des équipes où devra être réussi le défi de trouver l’équilibre entre des exigences complémentaires et non pas contradictoires.

Le Recueil standardisé et informatisé d’informations sanitaires

La réalisation progressive de ce programme de recueil devrait être, pour la Communauté française tout comme pour les Services PSE et les Centres PMS, d’une importance capitale. A terme, les données actuellement collectées, après leur regroupement et analyse, fourniront en effet, pour l’ensemble des jeunes scolarisés et dans une perspective longitudinale, des informations utiles définies, entre autres, en terme de:
– indice de masse corporelle par âge et par sexe (BMI ou Body Mass Index). Il s’agit d’un bon indicateur d’excès, ou d’insuffisance, de poids selon la taille;
– pourcentage, par âge et par sexe, de la couverture vaccinale (protection contre poliomyélite, diphtérie-tétanos-coqueluche, rougeole-rubéole-oreillons, hépatite B, infections à méningo C, et infections à haemophilus influenzae);
– ampleur du problème des jeunes présentant des problèmes de vision non traités;
– fréquence et type de références d’un enfant vers un autre professionnel de santé ou service.

Les objectifs

Il sera un jour possible de comparer, par exemple, des groupes de jeunes âgés de 3 ans en 2006, 2007 et 2008, avec ceux, du même âge, en 2009, 2010 et 2011, tout d’abord pour les quatre types de données précitées, observées et informatiquement centralisées (biométrie, couverture vaccinale, lacunes sensitives, référence des patients).
L’utilité de cette évolution, pour la planification de la promotion de la santé à l’école, est évidente. Dans le moyen terme (6 à 10 ans), la Communauté française, et les PSE, posséderont ce que l’on appelle des «données de cohortes», c’est-à-dire des informations de santé concernant des groupes de jeunes suivis de l’âge de 3 ans à 12 ans, (voire 18 ans, encore quelques années plus tard). Les thèmes actuels (BMI, vaccins, vue, références) seront les premiers analysés, mais d’autres pourront être progressivement ajoutés à ce recueil, si cela s’avère utile, faisable et souhaité.
Outre le suivi individuel du dossier d’un enfant par le service lui-même ou par les divers services par lesquels il passera au cours de sa scolarité, l’informatisation, la centralisation des données et la rétro-information des services producteurs feront que d’intéressantes comparaisons deviendront possibles, d’abord, pour chaque service, concernant:
– la santé des enfants de 3 ans en 2007 d’une école, d’un service ou d’une province, comparée avec celle de ceux d’autres écoles, autres services ou autres provinces, au même moment (même âge des enfants et même année d’examen);
– ou la santé de ces petits, comparée avec celle de ceux du même âge, dans les mêmes écoles, mêmes services ou mêmes provinces, mais à un autre moment cette fois (lors des examens réalisés les années suivantes).
Enfin, tous nous devrions disposer, non seulement de cette information produite et utilisée au niveau local, mais aussi, et peut-être surtout, de l’évolution de la santé concernant l’ensemble des jeunes scolarisés, cela au niveau central, intéressé, lui, par la globalisation des résultats.
Ainsi par exemple chacun pourra comparer ceux qui avaient 3 ans en 2007 (entrée en maternelle), aux mêmes enfants (la même cohorte), une dizaine d’années plus tard, lorsqu’ils auront atteint 12 ans lors de leur entrée en secondaire. Cela aussi bien sûr, comme le reste, devra être retourné à tous les services sources de cette information. En effet il faudrait que chacun soit à la fois fournisseur, récepteur et diffuseur d’informations sanitaires issues de diverses sources.

Les avantages

Ces informations sont fondamentales pour un pilotage adéquat de la promotion de la santé de nos jeunes scolarisés. A long terme, un «identifiant unique» de l’enfant devrait être utilisé, tant par l’ONE que par les services/centres PSE, et cela jusqu’à la fin de sa fréquentation d’un établissement d’enseignement quel qu’il soit. Cet identifiant unique permettra:
– un retour aisé au dossier personnel des années antérieures de l’élève, que l’on a devant soi, lors de l’examen;
– un transfert facilité des dossiers d’un même individu entre différents services et au sein de l’administration de la Communauté française lorsqu’il change d’école;
– de baser la planification des activités sur des données concernant les jeunes, de la naissance à la majorité, par région et par type d’enseignement.
Le travail effectué aujourd’hui, l’information qu’il rend disponible, est donc, à court, moyen et long terme, utile , tant à l’agent qui le produit, qu’à l’administration, au service universitaire ou au cabinet ministériel qui la reçoit.

Des premiers résultats progressivement disponibles

Les années scolaires 2005-2006 et 2006-2007 ont représenté un tournant important dans l’informatisation des données de santé des jeunes scolarisés. En effet, pour la première fois au niveau de la Communauté française, les données recueillies depuis des décennies par les IMS, PMS, PSE et CPMS vont, petit à petit, être enfin rendues utilisables de manière optimale. Où en sommes-nous? A un stade encore préliminaire, mais, malgré les difficultés, déjà prometteur!
Une bonne soixantaine de services PSE et centres PMS ont encodé leurs données de manière standardisée, concernant les bilans de santé réalisés, pour commencer, en 1ère maternelle, puis 3ème maternelle, et ainsi de suite à l’avenir. Ils les ont envoyées, sous une forme électronique et confidentielle, à l’Administration de la Communauté française.
C’est ainsi que, pour la première année de fonctionnement du recueil, plus de 23.000 dossiers d’élèves ont été regroupés par l’ETNIC (partenaire informatique du Ministère de la Communauté française) et transmis, par ses soins, en janvier 2007, à ULB-PROMES (Unité de Promotion Education Santé de l’Ecole de Santé Publique de l’ULB). Sur l’ensemble des jeunes scolarisés en 1ère maternelle, cela représentait déjà plus de la moitié de la population attendue. Pour l’année suivante comptabilisée durant les premiers mois 2008, nous escomptons atteindre plus des trois quarts!
C’est grâce à ce travail des équipes «pionnières» que la première analyse a pu être menée. PROMES a sélectionné deux niveaux d’agrégation des résultats: la province ou région et le service PSE ou le centre PMS. Dans le futur, lorsque les effectifs disponibles seront suffisants, d’autres entités de référence seront envisagées: l’école, une autre entité administrative…
Toujours est-il que, à titre d’exemple seulement, quelques premiers constats ainsi rendus possibles, aléatoirement choisis parmi d’autres, peuvent être très succinctement mentionnés ici:
– grâce à la nationalité, on observe déjà dans les résultats que la prise en charge d’enfants de pays moins favorisés est très inégalement répartie entre les services ou les équipes. Certaines équipes font état de moins de 1% d’enfants dans ce cas, alors que d’autres en présentent jusqu’à 33%;
– d’autres résultats préliminaires présentent le pourcentage d’enfants ayant un indice de masse corporelle préoccupant par province/région et par service ou centre. On observe, parmi les résultats interprétables, des pourcentages s’échelonnant de 6% à 40% de surpoids (excès simple et obésité franche confondus). La situation à Bruxelles par exemple paraît nettement plus préoccupante qu’en Brabant wallon;
– en province de Luxembourg, on semble référer bien plus souvent (>50%) qu’ailleurs (environ 10%, dans les autres provinces), vers le généraliste de l’enfant;
– pour ce qui est de la vaccination, trop souvent (au moins un tiers des cas) les services ne disposent pas des dates d’injection de chacune des doses requises pour que soit complétée une vaccination contre une maladie donnée, et, de ce fait, l’information disponible, en matière de couverture vaccinale, est encore bien trop peu exploitable de manière satisfaisante et fiable.

Le «Projet de service»

Il s’agit d’un concept nouveau qui fait plus que remplacer celui de «projet de santé», qui était utilisé jusqu’il y a peu, et qui, lui, visait seulement les «actions de promotion de la santé» ou «programmes d’éducation pour la santé» programmés en collaboration avec les écoles.
Le concept de projet de service ne supprime pas le concept antérieur, il l’englobe en fait dans quelque chose de plus vaste et de plus complet. Il s’agit aujourd’hui de réaliser une présentation, par le service, de l’ensemble de son projet en matière de promotion de la santé, un projet qu’il développe au travers de ses quatre missions légales déjà citées dans l’article précédent. Il s’agit donc de montrer comment le service se propose d’exercer toutes ses missions en y intégrant des aspects de promotion de la santé. L’idée est de montrer comment leur mise en oeuvre peut prendre une coloration «promotion de la santé».

Une obligation décrétale

Ce concept a été concrétisé par le décret du 20 juillet 2006 et l’arrêté du 8 mars 2007 (texte légal qui en précise les modalités, y compris, en annexe, par une grille de développement, pour en guider la rédaction). La grille de rédaction prévoit que le projet comporte impérativement les cinq parties suivantes:
-description du Service PSE et de sa population;
-priorités que le service s’est choisies;
-objectifs qu’il se fixe;
-plan d’action qu’il compte développer;
-modalités selon lesquelles il prévoit de réaliser son bilan d’activités.
Deux points sont essentiels.
Le projet de service est élaboré pour une durée de six ans, soit de 2007 à 2014, et sera, chaque année, réévalué et réajusté si nécessaire.
Une première mouture devait être réalisée et envoyée dès l’automne 2007, non seulement à la DG Santé, mais aussi aux établissements scolaires ou d’enseignement supérieur, aux PMS partenaires et au CLPS de l’endroit.

Les avantages attendus

Grâce à la conception (et à l’accouchement que l’on espère le moins laborieux possible) de ce projet de service, tout récent donc, la « carte de visite » du Service PSE, et la présentation de la philosophie selon laquelle il veut remplir ses missions, seront donc connues de tous: membres de l’équipe eux-mêmes tout d’abord (puisqu’ils se devront de se l’approprier, en particulier lors de l’exercice commun de sa rédaction, un bénéfice important et non des moindres de cette opération), bénéficiaires directs, partenaires souhaitables et pouvoir de tutelle ensuite (autre avantage notoire du processus car, s’il se réalise de façon optimale, il devrait créer des liens, jusqu’à ce jour parfois trop ténus, entre ces diverses instances appelées à mieux collaborer).
En effet, «l’obligation» de se réunir pour réfléchir au projet de service oblige à s’arrêter un moment, tous ensemble, pour réfléchir au sens que l’on souhaite ensemble donner à ce que l’on fait en équipe. Le travail de construction du projet de service peut, nous en sommes convaincus, se révéler, pour l’ensemble de ceux qui sont amenés à collaborer, une occasion stimulante de:
– piloter le travail d’équipe, définir un cadre de fonctionnement, favoriser la gestion, planification et cohérence dans le travail, optimaliser les conditions de travail et la mise en oeuvre des missions;
– sortir de la routine et inciter à se remettre en question;
– développer une meilleure image du service à l’extérieur (visibilité, crédibilité);
– créer une identité de service (cohésion dans le travail, occasion de se parler), favoriser une meilleure connaissance et communication entre tous, favoriser un sentiment d’appartenance, et provoquer la création d’une certaine culture commune;
– augmenter par là l’enthousiasme et la motivation de chacun, induire une sensibilisation de tous, et valoriser le travail de certains;
– favoriser l’entente, re-souder une équipe confrontée à des dissensions, et débloquer parfois une situation difficile;
– favoriser l’échange de pratiques et la concertation entre acteurs;
– légitimer la prise de contact et les propositions du PSE vers les écoles et vers les partenaires;
– montrer à l’école et aux partenaires qu’ils ont une part à prendre dans la santé, aider à motiver les élèves et enseignants, rendre possible la consolidation de partenariats à long terme.

Des recommandations

C’est dans la partie «priorités» du projet de service que ce dernier doit préciser à quelle partie de son travail il souhaite principalement apporter cette coloration «promotion santé». Ainsi, l’équipe peut faire du suivi médical des élèves (un exemple parmi d’autres) une priorité de son projet de service. Elle doit, alors, expliciter ce qu’elle compte mettre en place pour effectuer ces suivis, dans une optique qui prenne mieux en compte la promotion de la santé, tout en continuant à assurer le minimum obligatoire dans les autres missions.
L’équipe peut tout aussi bien décider de travailler plus particulièrement tout ce qui touche la thématique «alimentation» (autre exemple), au travers de l’ensemble de ses missions. Ou, dernier exemple, choisir de surtout consacrer plus d’énergie aux écoles présentant une forte proportion de primo-arrivants. Enfin, le plus souvent l’équipe effectuera des choix combinant ces trois types de priorités (missions, publics, thèmes).
Le projet de service se devra de refléter les priorités du service et la motivation de ses choix en fonction des politiques de santé communautaire et des besoins de la population sous tutelle identifiés par le service. Les priorités s’inspireront, dans la mesure du possible, de celles fixées au Programme Quinquennal de promotion de la santé (consultable et téléchargeable sur notre site sante . cfwb . be ). Le plan définit les lignes de force envisagées de la politique décidée en matière de promotion de la santé et de médecine préventive. Ils les organise autour de trois axes prioritaires: principes d’action, acteurs, et problématiques.
Plus concrètement encore, le choix de priorités tiendra également compte du Plan Communautaire Opérationnel (le PCO est également disponible sur sante . cfwb . be ). Le PCO développe 7 thématiques : vaccination, cancer, assuétudes, traumatismes et sécurité, tuberculose, sida et mst, et prévention cardiovasculaire (qui inclut alimentation saine et activité physique).
Le projet de service ne se centre pas exclusivement sur les «besoins» des écoles. Il prévoit également que le service se définisse des objectifs, pour lui-même (en fonction des compétences de l’équipe, de son organisation interne, des partenariats disponibles, de la visibilité souhaitée…) et se choisisse ses priorités propres. Une priorité choisie par un service, outre le fait de s’inscrire dans les plans communautaires, se devrait d’être:
– pertinente (susceptible d’influer efficacement sur santé, qualité de vie et bien-être des élèves);
– réalisable (en fonction de la charge de travail et des ressources disponibles);
– acceptable, bien comprise et jugée importante (tant par l’équipe PSE que par ses partenaires);
– mobilisatrice, valorisante et durable pour tous (tant PSE que partenaires).

Le projet de service constitue-t-il un rapport d’activités?

Non, le rapport d’activités est un rapport qui montre ce qui a été effectivement réalisé (chiffres et résultats), il est global et concerne l’ensemble des activités mises en place par le service (qu’elles soient ou non en lien avec la promotion de la santé), alors que le projet de service est un projet qui donne, lui, les grandes lignes de ce que le service espère pouvoir mettre en place, en fonction de son analyse de la situation à un moment donné, et il ne concerne que les dimensions de promotion de la santé, c’est-à-dire les efforts qui seront réalisés pour la mettre en oeuvre au travers des quatre missions principales.

Des aides sont disponibles

Plusieurs organismes ou services sont susceptibles de fournir, aux Services PSE et Centres PMS, un appui à la conception et à la rédaction de leur projet de service. Ils offrent d’aider au travail de réflexion mené par les équipes, autour de la définition de leurs forces et faiblesses, contraintes auxquelles elles sont confrontées, valeurs et enjeux, et autour du choix d’objectifs, stratégies, priorités et méthodologies.
Ces organismes devraient être en mesure de faciliter l’appropriation des textes officiels par les équipes, favoriser l’implication de l’ensemble de l’équipe dans la réflexion (en décloisonnant les fonctions), proposer des contacts entre équipes différentes ou un travail avec d’autres partenaires, dégager une description des pratiques actuelles existantes afin qu’elles puissent éventuellement servir d’exemples. Les services PSE et centres PMS, ainsi que les organismes leur offrant un appui, se sont rassemblés, par territoire, en groupes de concertation locaux, animés par l’APES-ULg.

En conclusion

Il reste bien du pain sur la planche! Les intentions sont bonnes, mais peut-être pas encore bien comprises par chacun. Tous ne se les sont sans doute pas encore suffisamment appropriées. Mais surtout, il nous faut reconnaître que les contingences du quotidien confrontent le rêve des concepteurs (tant pour le recueil que pour le projet de service) à la réalité parfois moins réjouissante du vécu des équipes qui doivent surmonter bien des obstacles qui les handicapent cruellement. Mais l’espoir est là, partagé par bon nombre de motivés qui, tous et chacun, gardent bien vif un idéal de promotion santé à l’école, sympathique et mobilisateur, pertinent et efficace! Merci et bravo à eux!
Jérôme de Roubaix , Médecin inspecteur d’hygiène, coordonnateur de la Médecine scolaire,
responsable du Service Surveillance à la Direction générale de la Santé de la Communauté française
Adresse de l’auteur: Ministère de la Santé de la Communauté française, Bd Léopold II 44, 1080 Bruxelles. Courriel: jerome.deroubaix@cwfb.be.
Version révisée le 06/02/2008 d’un article précédemment paru dans La Plume du Coq n° 71 (mars 2008), journal interne du Ministère de la Communauté française, et publié avec son aimable autorisation.
L’auteur remercie l’équipe de l’APES-ULg, Chantal Vandoorne et Sophie Grignard , pour leur important travail sur le concept de Projet de Service

Education Santé a déjà traité cette problématique, voir entre autres:
-Avaux A., Un nouveau métier pour les services PSE , n° 212
-Vandoorne C., Promotion de la santé à l’école. Les modifications tant attendues des deux décrets , n° 218
-Grignard S., Vandoorne C., Promotion de la santé à l’école: une journée pour lancer officiellement le projet de service , n° 224
-De Roubaix J., La promotion de la santé à l’école au centre de deux logiques , n° 232
Vous pouvez consulter ces articles sur notre site https://www.educationsante.be

Le partenariat public/privé dans le monde de l’école…

Le 30 Déc 20

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La question du partenariat entre secteurs public et privé (1) soulève souvent un débat passionnel et très tranché, laissant rarement de la place à la nuance et à l’analyse prudente. Pour préparer la réflexion et offrir des pistes pour l’action, le présent article propose une présentation synthétique des enjeux en présence: pourquoi faut-il faire preuve de vigilance face à une offre du secteur privé? Quels sont les risques? Comment repérer une offre du secteur privé? Quels sont les éléments qui plaident pour (ou contre) la conclusion de partenariats avec le secteur privé? Quel pourrait être le rôle des équipes PMS-PSE dans ce contexte?
Nous proposons ici une mise à plat du contenu de divers documents (repris en bibliographie), sans prendre position ni dans un sens ni dans l’autre. Notre ambition est de refléter les arguments «pour» et «contre», laissant ensuite au lecteur la responsabilité d’une réflexion critique.

Plus concrètement, nous proposons aussi une première ébauche de critères à introduire dans un futur outil d’aide à la décision pour les acteurs de la communauté éducative (y inclus les centres PMS et services PSE): quelles questions se poser face à une offre de partenariat avec le privé? Quelles précautions prendre lors de tels partenariats?
Notre réflexion s’appuie sur une analyse de la littérature, et tout particulièrement sur des documents de travail issus d’une réflexion menée en partenariat avec l’Observatoire de la Santé du Hainaut, ainsi que sur un avis du Conseil supérieur de promotion de la santé émis en 2002 au sujet de l’opportunité d’une charte entre secteurs public et privé (2).

Les enjeux

Face à la pénurie endémique de moyens financiers pour les écoles, recourir à du matériel sponsorisé est une idée séduisante. En outre, les enseignants reconnaissent le pouvoir attractif du matériel pédagogique proposé par les entreprises <h9> .
Réciproquement, quel peut être l’intérêt, pour une entreprise, «d’infiltrer» l’école? Elle peut avoir un produit à vendre et tenter de fidéliser une clientèle à long terme (produits alimentaires, financiers…). Elle peut vouloir améliorer son image institutionnelle (industries chimiques, pétrolières, automobiles). Elle peut vouloir se positionner auprès des autorités et/ou influencer les comportements sociaux (associations humanitaires, d’aide à l’emploi, de prévention…).
Une entreprise cherche une visibilité, une amélioration de son image de marque, de meilleurs chiffres de vente, une amélioration de son capital «sympathie» auprès du public et un positionnement avantageux face à la concurrence [27].
Pour les organismes publics tout comme pour les entreprises du privé, l’école peut ainsi être un moyen de communication idéal, où est rassemblé un public non seulement attentif mais également potentiellement prescripteur d’achat. Si l’on considère que deux tiers des produits utilisés par un enfant ou un adolescent le seront encore à l’âge adulte, on perçoit parfaitement le potentiel que peut représenter cette audience captive pour les entreprises et la pérennité de leurs marques.
Et pourtant, la majorité des ministères européens de l’enseignement (et en Belgique, l’article 41 du «Pacte scolaire») interdisent «toute pratique commerciale au sein des écoles». Cette phrase se révèle peu explicite car elle ne définit pas ce que l’on entend par pratique commerciale.
Il est donc possible de contourner cette interdiction en acceptant des actions qui ne soient pas identifiées comme commerciales. Tout le monde s’accorde sur le fait que le commerce doit être interdit dans une école. Mais les avis divergent fortement dès que l’on parle plus précisément de sponsoring, de projet pédagogique ou de concours.

Quelques précisions utiles

Qu’est-ce que le «secteur privé»?

Avant de poursuivre, il s’agit de préciser la signification des termes «public», «privé», «marchand», etc.
Quand ils évoquent la question des partenariats de l’école, certains documents ne restreignent pas leur objet d’analyse au secteur «privé» au sens strict. Ainsi, ces auteurs parlent de «l’ensemble des actions menées par des entreprises, appartenant au secteur privé ou public – pouvant même être une organisation (humanitaire, consommateurs…) – au sein d’une école, quelle que soit cette action et quel que soit le degré de visibilité de l’émetteur».
L’OMS [14] décrit «les entreprises commerciales» en les définissant comme «toute entreprise à but lucratif». Elle précise que les précautions peuvent s’appliquer à d’autres types d’institutions, notamment aux entreprises publiques, aux associations représentant des entreprises commerciales, aux fondations qui ne se distinguent pas de leur source de parrainage et à d’autres organisations à but non lucratif telles que les établissements universitaires.
Le CSPS [30] évoque deux catégories d’entreprises:
-le secteur strictement marchand et les «organisations non-marchandes liées au secteur marchand» (c’est-à-dire «celles qui sont directement financées par le secteur marchand ou […] celles dont les organes de gestion comportent, directement ou indirectement, des membres ayant un intérêt individuel ou commercial à la campagne envisagée); dans ce groupe peuvent être par exemple incluses des associations sans but lucratif ou des fondations émanant de l’industrie du tabac, des producteurs de boissons alcoolisées… ou financées directement par une entreprise commerciale»;
-le secteur non-marchand, c’est-à-dire des «organismes sans but lucratif, exerçant une activité de prévention ou de promotion de la santé […], et dont les organes de gestion ne comportent, ni directement, ni indirectement, des membres ayant un intérêt individuel ou commercial à la campagne envisagée; dans ce groupe peuvent être, par exemple, incluses les associations sans but lucratif dont les organes de gestion sont indépendants de toute ingérence commerciale et qui proposent un projet dont le financement est partiellement ou totalement couvert par un sponsoring.»

Quel type d’initiative émanant du secteur privé les écoles sont-elles susceptibles de rencontrer

Il n’est pas toujours facile de repérer une «incursion» du secteur privé dans le monde scolaire. D’une part, le secteur privé fait preuve d’une grande habileté dans la façon dont il se présente; d’autre part, certains partenariats avec le secteur marchand peuvent rester cachés vu le grand nombre d’intermédiaires.
Il semble donc judicieux de distinguer plusieurs types d’actions impliquant le secteur privé, afin de faciliter leur «repérage».
-GMV Conseil distingue les actions pédagogiques, le sponsoring, les actions commerciales et le mécénat </h9> <h9> .
Les actions dites «pédagogiques»: la mise à disposition (généralement gratuite) d’équipements et de matériels d’apprentissage ou d’enseignement (livres, ordinateurs, connexions à Internet, logiciels, programmes audiovisuels, brochures éducatives, kits pédagogiques) qui sont utilisés directement dans le processus éducatif. Cette offre d’équipements peut cependant être la contrepartie d’une action commerciale.
Les actions dites «de sponsoring»: l’aide (financière, en nature ou organisationnelle) pour des activités auxquelles la participation des élèves est obligatoire ou souhaitable (voyages scolaires, représentations théâtrales, fête de l’école, concours de classe…).
Les actions «commerciales / publicitaires»: la mise en place, dans les environs directs de l’école, de publicité adressée aux élèves ou la distribution gratuite, dans l’école, de produits et services. Les distributeurs de boissons / sodas pourraient sans doute rentrer dans cette dernière catégorie.
Les actions dites «de mécénat»: l’aide pour la construction / l’exploitation / la fourniture / (d’une partie) des établissements scolaires ou la mise à disposition (généralement gratuite) d’équipements qui ne sont pas directement utilisés dans le processus éducatif, comme des ordinateurs pour l’administration scolaire.
-Le CSPS distingue le mécénat, le sponsoring et l’action directe [30].
«Le mécénat vise une identification à un événement ou à une démarche; il veut démontrer l’implication d’une entreprise dans son environnement sociétal et in fine améliorer l’image de marque de celle-ci dans le public.»
«Le sponsoring (parrainage) est une technique de communication particulière, mise en œuvre par un annonceur et qui vise à associer sa marque, dans l’esprit des consommateurs, à un événement sportif ou culturel.»
Dans l’action commerciale directe, l’entreprise recherche un profit à travers son investissement. Il s’agit d’une relation commerciale entre un bailleur de fonds (ou de ressources ou de services) et un particulier (ou un événement ou une organisation).
Le sponsoring s’appuie sur un partenariat avec un tiers, qui est à l’initiative de l’événement ou de l’activité. L’approche commerciale par contre est une action directe en vue d’implanter un produit au sein du public visé.
-Waddel [21] distingue publicité fortuite et «placement de produit».
La publicité (ou «placement de produit») n’a pas pour but de vendre mais d’informer, faire connaître un produit et y intéresser les gens. Le terme «publicité» se rapporte à toute forme payée de présentation et de promotion des idées, des biens, des services pour le compte d’un commanditaire. C’est le fait que le médium soit payé qui permet à l’annonceur de contrôler le message.
La publicité fortuite ne fait l’objet d’aucun paiement. Par exemple, on retrouve dans un manuel de lecture le logo d’une chaîne bien connue de restaurants pour indiquer aux enfants qu’ils savent déjà reconnaître des mots ou des lettres. La société en question n’a rien payé ni demandé.
Pour l’auteur cependant, un logo est une forme de «placement de produit» car le lien se fait quand même dans la tête des lecteurs entre la marque, le logo, et le produit. </h9>

Après ces quelques précisions, le lecteur trouvera ci-dessous quelques éléments pour nourrir sa réflexion. Nous présentons, en les opposant, les arguments invoqués par ceux qui sont «pour» et ceux qui sont «contre» l’introduction du privé dans le monde de l’école.

Les arguments en faveur du principe d’introduction de partenaires privés dans les écoles

<h9>
Aspect financier
Cela apporte une réponse aux difficultés financières chroniques des écoles.
Qualité des documents proposés
Le système éducatif européen n’est pas caractérisé par son innovation en termes d’outils pédagogiques et bien souvent, les enseignants comme les élèves regrettent le caractère rébarbatif des outils pédagogiques des ministères.
Les entreprises fournissent généralement des documents extrêmement bien réalisés tant sur le fond que sur la forme, forme faisant souvent défaut aux supports pédagogiques produits par les instances officielles chargées de l’enseignement et de l’éducation.
Lorsque les entreprises mettent du matériel à la disposition des écoles, il ne s’agit jamais d’un cours didactique mais toujours d’un support pédagogique utilisant soit la vidéo, soit le jeu, soit une animation ludique éveillant l’intérêt de l’élève et le rendant plus attentif.
Valeurs communes
Il est possible de s’entendre sur des messages, des contenus communs, même si les finalités sont différentes.
Aspect éducatif : expérience des professionnels et ouverture de l’école sur le monde
L’expérience des professionnels du monde économique n’est-elle pas intéressante pour l’éducation de nos enfants? N’ont-ils pas une vision d’experts qui peut être profitable et apporter une valeur ajoutée indéniable par rapport au matériel habituellement conçu par les professionnels de l’éducation?
L’école est en mouvement perpétuel, en évolution, n’est-il pas temps d’intégrer le monde de l’entreprise au sein de l’école afin de préparer les enfants au monde qui va être le leur? [30]
La publicité et le commerce font déjà partie de la vie des enfants
Il n’est plus concevable aujourd’hui de considérer l’école comme une institution parfaitement neutre et isolée des influences extérieures et notamment du monde économique. Quelles que soient les mesures qui seront prises dans les écoles, l’enfant est soumis à la publicité tout au long de sa vie quotidienne. Afin que l’enfant devienne un consommateur lucide et averti, il est profitable de lui apprendre à reconnaître les intentions publicitaires, à gérer les frustrations qu’elles génèrent…
Même si l’influence que peut avoir le professeur augmente l’impact de la publicité auprès des enfants, il est justement là pour en contrebalancer les éventuels effets pervers.

Avantages potentiels pour chacun

[20]
pour le secteur public suscite des ressources pour atteindre ses propres objectifs;
apprend des techniques de marketing social.

pour le secteur privé
améliore la santé publique avec moins de temps et moins d’investissement;
augmente ses ventes et sa part de marché;
forge de nouvelles alliances;
suscite des ressources pour atteindre ses objectifs propres;
est applaudi par les médias;
apprend de nouvelles méthodes d’étude de marché et de marketing pour faire changer les comportements.

Les arguments en défaveur du principe d’introduction de partenaires privés dans les écoles

</h9> <h9>
Le rôle des pouvoirs publics
Le rôle des pouvoirs publics est d’être garants des intérêts de la collectivité. A ce titre, les pouvoirs publics devraient rester indépendants de tout compromis avec le secteur marchand et remplir un rôle de recours vis-à-vis des abus éventuels de ce dernier [30].
Une incompatibilité de valeurs
La culture marchande diffère de la culture académique et de recherche car elle est centrée sur le profit plus que sur la production désintéressée de connaissances et la transmission d’un savoir [4-22-23].
L’impartialité , le désintéressement exigés des enseignants
Ce fondement du rôle de l’enseignant peut être bafoué par certaines pratiques commerciales dans les écoles. Certains kits pédagogiques vantant implicitement les mérites d’une marque sont contraires à l’impartialité exigée des enseignants. Dans le cas d’un document pédagogique sponsorisé, on pourrait ainsi attendre des enseignants qu’ils fassent remarquer aux enfants qu’il n’existe pas qu’une seule marque présente sur le marché.
Par ailleurs, la dépendance financière résultant de ces partenariats pourrait entraver le principe de neutralité et d’objectivité de l’école, obligeant certains professeurs à accepter des actions pour des motifs financiers sans qu’elles aient un intérêt pédagogique défini [23].
Les dangers de la publicité pour l’enfant
Parmi ceux-ci, citons l’engourdissement du sens critique, la création de frustrations, l’appauvrissement de la perception de la société par les clichés véhiculés par la publicité, l’encouragement à des attitudes stéréotypées…
De plus, la crédibilité d’un produit (par extension, d’un service, d’un concours…) augmente avec la caution que lui apportent l’enseignant et l’école [19-21].
Il s’agit de ne pas occulter l’aspect néfaste que pourrait représenter l’intrusion de la publicité en milieu scolaire. Il ne faudrait en aucun cas que l’introduction des entreprises à l’école soit l’objet d’une action publicitaire sans but pédagogique.
Ouverture « officielle » de l’école
La conclusion d’un partenariat entre la Communauté française et le secteur marchand risque de constituer à terme un piège: celui de légitimer la présence du secteur marchand à l’école [30].
L’officialisation de l’ouverture de l’école à l’entreprise pourrait avoir des effets contraires à celui de la valeur pédagogique ajoutée recherchée.
L’influence potentielle des documents sur le programme ou le contenu des cours: sur des thèmes dont le contenu des cours est très peu défini comme ceux concernant l’éducation à la consommation, il ne faut pas ignorer le risque que l’enseignant utilise par commodité le matériel mis à sa disposition et que celui-ci s’éloigne du programme scolaire.
Une baisse de la qualité: il est impossible de prédire ce que l’avenir réserve en termes de qualité des activités sponsorisées dans l’environnement scolaire. Si l’on considère l’exemple américain, et plus particulièrement l’accord entre une chaîne de télévision et les écoles (accord qui prévoit que les élèves doivent regarder les programmes de la chaîne pendant un certain laps de temps par jour, en échange de matériel audiovisuel), on peut constater à quel point l’aspect commercial peut vite dominer l’aspect pédagogique. Il est important de rester vigilant sur cette qualité pédagogique et qu’elle reste l’unique clé d’entrée dans l’école.
Une école à deux vitesses: le risque est réel de l’émergence d’une école à deux vitesses, certains établissements bénéficiant de gros moyens alors que d’autres seraient laissés pour compte. Cette conséquence pourrait menacer le principe de l’égalité de chances en matière de formation.
Des facteurs moins liés à l’école elle même
Dans le cas de grosses organisations telles l’OMS ou l’ONU, les risques de ces partenariats sont la perte d’indépendance (notamment pour fixer des normes en santé), la soumission à un partenaire financièrement plus puissant, l’autocensure… [1-5].

Rôle potentiel du PMS-PSE

Le PSE peut attirer l’attention des écoles sur les enjeux plus généraux sous-jacents aux sollicitations du secteur privé. Il peut également les soutenir dans leurs choix en leur proposant des outils concrets d’aide à la décision.

Quelques dimensions pour un outil d’aide à la décision

Cette question du partenariat entre les secteurs public et privé n’est pas nouvelle et fait l’objet d’une réflexion depuis plusieurs années… Elle se pose cependant de façon de plus en plus cruciale et est revenue sur le devant de la scène avec l’instauration de la Commission liée à l’article 42 du Pacte scolaire (3) (voir encadré).
En plus de cet organe récemment créé, offrant un cadre légal plus clair aux écoles, il nous semble important que se développe un outil à destination des communautés éducatives (écoles mais aussi Centres et Services PMS/PSE) afin de les aider à réfléchir et se positionner lorsqu’ils sont sollicités. Nous avons commencé à travailler dans ce sens à l’APES-ULg. Nous vous livrons ci-dessous en avant-première quelques-unes des pistes de travail que nous avons évoquées en équipe.

Quelques questions à se poser face à une offre de partenariat venant du secteur privé

Valeurs
L’outil (ou le partenariat) proposé respecte-t-il certaines conditions et valeurs propres au champ de la promotion de la santé?
Publicité
Le message comporte-t-il, même implicitement, une incitation à l’achat d’un produit d’une marque donnée?
Analyse de l’outil / l’offre proprement dit
Quel est l’intérêt, la valeur pédagogique de ce qui est proposé?
Le contenu (base scientifique) est-il exact, complet et fondé sur une base indépendante?
L’outil proposé est-il attractif?
Processus / démarche
L’offre peut-elle s’intégrer de façon cohérente dans une démarche pédagogique existante?
Le partenaire privé respecte-t-il la place de «décideur» de l’école?

Quelques précautions à prendre

Sur base de ces questions… et de leurs réponses… l’outil à construire proposerait une série de précautions importantes à prendre en cas de conclusion d’un partenariat avec le secteur privé. Ces précautions visent essentiellement à:
-favoriser la transparence du processus;
-garantir que l’école (le partenaire public) reste maître du partenariat et des décisions qui en découlent;
-contrôler l’image institutionnelle de l’école;
-garantir le respect de l’interdiction de toute activité commerciale dans le cadre scolaire;
-éviter de soumettre les élèves à un processus d’influence non conscient.
Sophie Grignard , SCPS APES-ULg

Bibliographie

1. Buse K. et al. Partenariats public-privé pour la santé: une stratégie pour l’OMS. Bulletin of the WHO 2001.
2. CFES. Charte des partenariats. Mars 2000.
3. CFES. Les relations du CFES avec le secteur commercial: avis du Conseil Scientifique. Janvier 2002.
4. Chomsky N. Assaulting solidarity: privatizing education. May 2000.
5. Danis G. Les PPP: mythes, réalités et enjeux [notes de recherche]. Octobre 2004.
6. Demoulin M. Le rôle éducatif de la publicité. L’Ecole Démocratique. Octobre 2000.
7. Dixon J. et al. Exploring the intersectoral partnerships guiding Australia’s dietary advice. HPO 2004.
8. Douiller A. Les intérêts privés ne peuvent défendre l’intérêt public. La Santé de l’Homme 345. Janvier 2000.
9. GMV Conseil. Le marketing à l’école – rapport d’étude. Octobre 1998.
10. Gombert Y. Etre acteur et assumer la fonction d’entreprise citoyenne. La Santé de l’Homme 345. Janvier 2000.
11. Health Education Authority. Partnerships with the private sector: guidance for industry.
12. IUHPE. IUHPE Guidelines for collaboration, partnership and sponsorship. 1999.
13. Lanctôt Y. Le financement privé des services d’éducation et de santé. [Rapport] Centrale de l’Enseignement du Québec, 1999.
14. OMS. Principes directeurs applicables à la collaboration avec le secteur privé en matière de santé. Novembre 2000.
15. OMS. Interactions public-privé pour la santé: l’engagement de l’OMS. Décembre 2001.
16. OMS. La collaboration entre les secteurs public et privé pourrait-elle permettre d’améliorer la santé? 2001.
17. OMS. 54e Assemblée Mondiale de la Santé. Le partenariat OMS/privé répond-il aux besoins en matière de santé publique ou aux priorités des compagnies? Mai 2001.
18. Ridley RG. Putting the partnership into public-private partnerships. Bulletin of the WHO 2001.
19. Schmetz Ph. L’école, une fille de pub. L’Ecole Démocratique. Décembre 2000.
20. Tain F. et Bendahmane D. PPP: mobiliser les ressources pour atteindre des objectifs de santé publique. 2002.
21. Waddel Y. Faut-il permettre à la publicité d’entrer dans les écoles? [Communication] Octobre 1999.
22. Walt G. et al. Working with the private sector: the need for institutional guidelines. BMJ 2002.
23. Warde I. L’université américaine vampirisée par les marchands. Le Monde Diplomatique. Mars 2001.
24. Widdus R. Public-private partnerships for health: their main targets, their diversity, and their future directions. Bulletin of the WHO 2001.
25. Coll. Partenariats Public-Privé: mobiliser les ressources pour atteindre des objectifs de santé publique. Janvier 2002.
26. Coll. Charte «A l’école d’une alimentation saine» – Document explicatif.
27. Coll. Comment créer un outil pédagogique en santé: guide méthodologique. Bruxelles: UNMS. Décembre 2004.
Sites Web
28. https://www.ippp.org : présentation de l’Institut pour les Partenariats Public-Privé.
29. https://www.conso.net . Pédagothèque. </h9>

Ont également servi de base à la réflexion plusieurs documents de littérature «grise», notamment:
30. CSPS et SCPS. Avis quant à l’opportunité d’une charte de partenariat entre secteurs public et privé en promotion de la santé à l’école (dans le cadre de la réaction au dossier «Spadel»). Novembre 2001 et août 2002.
31. Ensemble de réflexions émanant d’un groupe de travail «Observatoire de la Santé du Hainaut et APES-ULg» (dans le cadre d’un projet de charte portant sur les concours en promotion de la santé).

La législation en relation avec les articles 41 et 42 du «Pacte scolaire»

En Belgique, les structures devant réguler l’application de l’article 41 (prévues dans l’article 42 du Pacte scolaire) se sont fait attendre très longtemps. C’est en effet le 26 avril 2007 qu’un décret créait la «Commission chargée de connaître de toutes les demandes relatives aux infractions édictées à l’article 41». Cette Commission est également évoquée dans une circulaire datant du 24 juillet 2007. Si ces textes n’apportent pas de clarification fondamentale de la notion de pratique commerciale, ils ont néanmoins le mérite de remettre la question à l’ordre du jour… Espérons que ladite Commission clarifiera les pratiques susceptibles d’être qualifiées de «commerciales».

Qui compose cette Commission?

Présidée par la Directrice générale de l’Enseignement obligatoire, la commission est composée de représentants de l’administration, de l’Inspection, des fédérations de pouvoirs organisateurs, des syndicats et des fédérations de parents. Elle peut ponctuellement s’entourer d’experts, en fonction du thème de ses travaux.

Quelles sont ses missions?

Ses membres ont pour missions d’apprécier les faits qui leurs sont soumis, en tenant compte des particularités liées au milieu scolaire et à l’intérêt des enfants, et de communiquer un avis au Gouvernement, qui statuera définitivement.

Qui peut introduire une requête?

Un chef d’établissement, un pouvoir organisateur ou son délégué, une association de parents, une organisation syndicale, le Gouvernement ou un organe de représentation et de coordination des pouvoirs organisateurs d’enseignement reconnu par le Gouvernement. La commission peut également d’initiative se saisir de faits qui apparaissent contraires aux dispositions de l’article 41 et dont elle aurait eu connaissance par toute voie de droit.

Quelle est la procédure

?
Le Conseil de participation de l’école sera toujours sollicité afin de débattre, dans un premier temps, de l’objet de la plainte. Le compte-rendu de ces débats sera transmis à la commission qui sera chargée d’apprécier les faits et de rendre un avis au Gouvernement; ce dernier décidera s’il y a ou non infraction.

Que «risque» l’école?

Si une infraction est constatée, l’école devra prendre les mesures nécessaires pour rétablir la légalité. Dans le cas contraire, le Gouvernement devra prendre les sanctions disciplinaires adéquates et avertir les pouvoirs organisateurs concernés de (et, le cas échéant, mettre en œuvre) l’application de sanctions financières, qui seront d’application tant que l’école n’aura pas rétabli la légalité de sa situation.

(1) Ce partenariat ne se limite pas à l’utilisation d’outils pédagogiques, mais peut aussi concerner une offre de service (animations, excursions, prêt de matériel, concours…).
(2) Une copie des documents consultés est disponible à l’APES-ULg.
(3) Voir Contrôler les intrusions commerciales dans les écoles , Education Santé n° 226, septembre 2007, p. 11 et 12.

Pourquoi les populations défavorisées fument-elles plus et que faire en Communauté française de Belgique?

Le 30 Déc 20

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Introduction

Selon la dernière enquête de santé, menée en 2004 par l’Institut Scientifique de Santé Publique, 24% des Belges âgés de plus de 15 ans fument quotidiennement (1). Ce tabagisme est à l’origine de nombreuses maladies et de nombreux décès prématurés. En Belgique, on estime que pas moins d’un tiers de tous les décès pour causes médicales chez les hommes est lié au tabac (au total 15.958 décès). Le tabac est également un facteur important d’incapacités et d’invalidité. Selon le Global Burden of Disease, le tabac est responsable de 12.1% des années de survie perdues corrigées pour l’invalidité (DALY) dans les pays développés (2).
Ce facteur de risque n’est pas distribué de manière uniforme dans la population. En particulier, les groupes sociaux moins favorisés fument plus fréquemment et ont moins de succès dans le sevrage tabagique, ce qui en fait un groupe-cible des politiques publiques en matière de prévention du tabagisme.
Ces différences ont un impact considérable: la différence de tabagisme entre les classes sociales explique plus de moitié de la différence de mortalité existant entre elles dans divers pays occidentaux, et le tabagisme est responsable de près de la moitié des décès dans la classe sociale la moins favorisée (3).
S’attaquer aux inégalités de tabagisme est donc prioritaire. Depuis peu, les politiques publiques s’intéressent plus spécifiquement à ces populations, par exemple dans le programme du Ministère de la santé britannique «Tackling Health Inequalities» (4), ou dans «Healthy People 2010» visant à éliminer les disparités de santé aux USA (5).
L’objectif de cet article est de faire l’état de la question en ce qui concerne les inégalités sociales de tabagisme et de sevrage tabagique. Après avoir décrit leur ampleur, nous y apporterons des explications provenant des sciences humaines et des sciences de la santé.

Méthode

Nous utiliserons principalement les données de la dernière enquête en face-à-face réalisée en 2004 par l’Institut scientifique de santé publique et l’Institut national de statistique auprès d’un échantillon (n=12945, taux de participation=61.4%) de la population de 15 ans et plus résidant en Belgique. La méthodologie de l’enquête de santé est décrite en détail sur le site de l’ISSP (6). Le statut socio-économique y est mesuré par le niveau de scolarité, un indicateur fréquemment utilisé dans la mesure des inégalités de santé (7) (8). Nous analyserons 4 indicateurs de tabagisme: la prévalence de tabagisme actuel (quelle que soit la quantité fumée), l’âge de l’initiation tabagique, la dépendance dérivant du score d’intensité du tabagisme de Heatherton (9) et la prévalence des tentatives antérieures d’arrêt. Comme les personnes âgées ont un niveau de scolarité plus modeste tandis que la prévalence de tabagisme diminue chez elles, l’analyse s’est limitée aux personnes de 15 à 44 ans.

Résultats

Il existe un gradient important dans l’ampleur des inégalités socio-économiques en matière de tabagisme

Tableau 1 Comportement tabagique parmi la population résidente de 15 à 44 ans et parmi les fumeurs de 15 à 44 ans, Belgique 2004

Scolarité

Fumeur actuel (a) (%) Age de l’initiation (b) (moyenne) Tentative d’arrêt (b) (%) Dépendance forte (b)(c) (%)
Primaire 53.6 15.8 61.7 15.0
Secondaire inf. 41.5 16.0 64.7 16.8
Secondaire sup. 36.3 16.8 64.0 11.4
Supérieure- Unif 24.0 17.2 69.1 5.7

Source: Health Interview Survey 2004, ISSP
(a) parmi la population résidente (n=3795)
(b) parmi les fumeurs (n=1214)
(c) la dépendance est mesurée par les questions «Quand fumez-vous votre première cigarette après votre réveil?» et «Combien de cigarettes fumez-vous par jour?»

Tandis que plus de 41.5% des individus ayant bénéficié d’un enseignement primaire ou secondaire inférieur fument actuellement, seulement 36.3% des individus ayant un diplôme d’enseignement secondaire supérieur fument et 24% des individus ayant réalisé des études supérieures ou universitaires. Les inégalités apparaissent également parmi les fumeurs: les fumeurs disposant d’un diplôme de l’enseignement secondaire inférieur ont commencé à fumer plus jeunes (16 ans) que ceux disposant d’un diplôme supérieur ou universitaire (17 ans). Une majorité a tenté d’arrêter de fumer à un moment ou l’autre mais les différences entre niveaux de scolarité sont relativement faibles: 64.7% des individus disposant d’un diplôme d’enseignement secondaire inférieur ont fait une tentative d’arrêt contre 69.1% parmi les individus de scolarité supérieure.
Les individus dont la scolarité s’est arrêtée à l’enseignement secondaire inférieur sont beaucoup plus dépendants (16.8%) que les fumeurs de scolarité supérieure (5.7%). Cette différence dans la dépendance est sans doute un facteur explicatif dans les différences de succès du sevrage tabagique entre les niveaux d’éducation.
Les comparaisons internationales réalisées par l’Université de Rotterdam mettent en évidence un gradient Nord/Sud des inégalités sociales de tabagisme: en comparaison avec les populations favorisées, les populations défavorisées fument plus dans les pays nordiques tandis que l’inverse s’observe dans les pays du Sud (10) (11). Cependant, parmi les jeunes de moins de 24 ans, cette prédominance du tabagisme dans les populations faiblement scolarisées tend à se retrouver tant au Nord qu’au Sud dans l’ensemble des pays européens.
Dans les pays du Nord comme le Royaume-Uni, la décroissance de prévalence du tabagisme au cours des dernières décennies ne concerne que les classes favorisées, le comportement tabagique restant inchangé dans les groupes socialement défavorisés (12).
Au niveau européen, chez les jeunes (16-24 ans) dont le niveau de scolarité est modeste, la prévalence de tabagisme est 1.85 fois supérieure à celle des jeunes à niveau de scolarité élevée. En Belgique ce ratio atteint 3.05 (95% IC 1.65, 5.63) (11). En Belgique les inégalités sociales de tabagisme sont plus marquées que dans n’importe quel autre pays européen.
Il est possible que les explications des inégalités sociales en matière de tabagisme soient différentes aux diverses étapes franchies par le fumeur: l’initiation tabagique, la transition vers le statut de fumeur régulier ou les tentatives de sevrage.

Les effets de pairs et les effets d’identité

Une perspective intéressante en ce qui concerne l’initiation tabagique chez les jeunes, est celle des normes, c’est-à-dire des comportements attendus d’un individu aspirant à un statut social dans un groupe (groupe de pairs, famille, école). Nous avons tendance à nous comporter d’une manière déterminée en fonction des rôles sociaux que nous exerçons (professionnel, père ou mère, enfant ou enseignant, adolescent ou adulte, etc). Le comportement tabagique serait plus fréquent dans les groupes sociaux où le tabac est une norme de comportement. De nombreuses études empiriques ont montré que le risque d’initiation tabagique d’un individu était étroitement lié à la prévalence du tabagisme du groupe de pairs (13) (14). Selon Lisa Powell le risque d’initiation d’un jeune passant d’une école où personne ne fume vers une école où 25% des jeunes fument augmenterait de 15% (13).
De nombreuses études se sont intéressées à l’effet de la famille, de l’école, du groupe de pairs ou du quartier (15) sur l’initiation tabagique. Il semble que la prévalence du tabagisme dans l’école, dans le groupe de pairs ou dans la famille ait une influence très nette sur l’initiation tabagique (16) (17) (18) (19). L’interdiction du tabagisme à la maison (et dans une moindre mesure à l’école) tend à retarder l’initiation tabagique des jeunes (20).
La contribution de ces effets de pairs aux inégalités sociales de tabagisme peut s’expliquer par le fait que le tabagisme est plus prévalent dans les écoles accueillant un public moins favorisé ( par exemple les écoles professionnelles en communauté française) (21) ou par le rôle de la famille dans la transmission du tabagisme entre générations et dans la mobilité sociale.
Les individus d’origine sociale modeste fument plus parce qu’ils ont été exposés très tôt au tabagisme de leurs parents, de leurs pairs ou de leur environnement proche (22). Cette situation offre une opportunité d’action pour la médecine de famille ou pour la promotion de la santé dans les écoles.
Comment le tabagisme peut-il devenir une norme dans un groupe de pairs tel qu’un groupe de jeunes? Selon la sociologie interactioniste, le tabagisme chez les adolescents procède d’une quête d’identité qui ne se construit plus principalement sur des appartenances sociales classiques comme la classe sociale, l’ethnie, le genre ou le groupe d’âge. Ces catégories sociales façonnent encore notre identité mais leur poids – dans notre société – est moindre car la division du travail entre les genres tend à s’estomper et la persistance d’un chômage de longue durée ainsi que le déclin de la société industrielle affectent les identités fondées sur le marché du travail, comme l’identité ouvrière. Dans ce contexte d’identités floues, le tabac jouerait un rôle symbolique permettant de communiquer aux autres une identité fondée sur la maturité (pour fumer il faut disposer de ressources économiques), sur la prise de risque mesurée (à la différence de l’alcool ou de la drogue), sur la rébellion face à l’autorité (23), sur l’affirmation d’une pleine possession de soi-même («je connais les risques et je les prends») et offrirait aux filles la possibilité de rivaliser avec les garçons (24).
Le risque attaché au tabac n’est pas dénué d’impératifs moraux signalés en anthropologie: fumer c’est préférer une consommation présente à une réduction d’espérance de vie dans le futur, fumer c’est entrer en conflit avec des normes de l’hygiène bienséante et marquer une distance à certains impératifs moraux (25). Le tabac étant frappé de manière croissante par l’opprobre publique, fumer est en passe de devenir un signe distinctif de la résistance d’un groupe à la recherche d’une identité sociale spécifique (26).

La gestion du stress chronique

Pourquoi les populations continuent-elles à fumer? Deux explications sont souvent apportées: la gestion du stress et la dépendance.
Selon diverses études qualitatives auprès de populations défavorisées, le tabac serait un des seuls plaisirs subsistant dans un horizon de vie relativement sombre et aussi un moyen de faire face aux difficultés économiques et sociales auxquelles elles sont confrontées dans le domaine de leur travail, de leur logement (15) et de leur vie quotidienne (22)(23). Une même attitude se retrouve chez les sans abri (Okuyemi, 2006) Cet argument correspond à ce que décrivent les fumeurs d’origine sociale modeste dans les études qualitatives (16)(18)(27)(28)(29)(30)(31); il est de plus fréquemment reflété par la médecine générale (32) qui répugne à aborder le sevrage avec des patients confrontés à de multiples difficultés sociales et économiques. Le tabac serait donc une ressource pour compenser les effets délétères d’un environnement social précaire (33).
Peu compatible avec cette thèse est que la nicotine a peu d’effets pharmacologiques sédatif ou anxiolytique et, au contraire, manifeste plutôt des effets stimulants (24). Mis à part son rôle dans le syndrome de privation, le rôle tranquillisant attribué au tabac correspond mal à ses propriétés pharmacologiques.
Cet argument soulève une question plus fondamentale: il est vraisemblable que les préférences dans la gestion des risques de santé varient d’un groupe social à l’autre (30). Les individus moins favorisés seraient plus orientés vers la gestion des risques immédiats et moins sensibles aux risques futurs comme celui de décéder d’un cancer du poumon. Ce comportement «moins préventif» à long terme pourrait reposer sur le fait que leur horizon de temps est réduit et moins favorable, les populations défavorisées ayant indépendamment de leur tabagisme, une espérance de vie plus courte et des revenus futurs (sous forme de pension) plus limités (33).

Inégalités sociales de dépendance et du sevrage

La dépendance des individus à niveau de scolarité modeste est plus fréquente (15%) que celle de ceux dont le niveau de scolarité est supérieur ou universitaire (5.7%). Il y a peu de différence en ce qui concerne les tentatives d’arrêt (62% contre 69%). Le taux de succès dans les tentatives d’arrêt est plus bas et le taux de rechute plus élevé parmi les individus à scolarité modeste. Ce sont donc eux qui ont le plus grand besoin des méthodes d’aide à l’arrêt (1). Ces inégalités sociales de dépendance sont confirmées par les dosages de cotinine plasmatique (un marqueur d’imprégnation par la nicotine de la fumée) qui sont d’autant plus élevés que le niveau socio-économique est plus bas (22).
En outre, la réussite d’un sevrage tabagique requiert des capacités de préparation et des ressources cognitives spécifiques. Plus le sentiment d’efficacité des fumeurs quant à leur capacité à réussir ce sevrage sera faible, moins ils auront confiance en eux, moins ils disposeront d’un support social efficace, et plus faible sera leur chance de réussir à arrêter(34). Les individus de niveau social plus modeste ont ainsi une moindre estime d’eux-mêmes et un moindre sentiment d’efficacité de leur action (35)(36). Les fumeurs moins favorisés estiment donc leurs chances de réussir un sevrage plus faibles par comparaison aux fumeurs plus favorisés (37).
Cette situation est interpellante pour les modèles utilisés dans les changements de comportements, en particulier le modèle trans-théorique qui suppose le passage systématique par les stades de satisfaction, de dissonance, de pré-intention, d’intention avant d’arriver au sevrage. Ce type de progression motivationnelle est peut-être plus lent ou plus rare dans les populations défavorisées. Certains auteurs remettent d’ailleurs en question cette approche graduelle et motivationnelle dans la prise en charge du sevrage ou des assuétudes en général (38). Les chances de succès de sevrage sont d’ailleurs plus élevées pour les tentatives d’arrêt soudaines (65%) que les tentatives d’arrêt planifiées (42%) (39).

Le cycle de vie

Jusqu’ici nous avons décrit les explications d’inégalité en fonction des étapes: l’initiation, la persistance et le sevrage. Ce faisant, nous risquons de perdre de vue la continuité de ce processus. Les inégalités sociales sont le résultat de processus survenant à différentes étapes de la vie et s’accumulant au fil de l’existence. La plupart des études concernent les différences sociales du tabagisme au moment de l’enquête, ce qui ne permet pas de savoir si elles sont survenues principalement durant la prime enfance, l’adolescence, ou à l’âge adulte.
Quelques études de cohortes montrent cependant qu’elles sont présentes à chaque étape. Les enfants nés dans une famille ouvrière ont plus de risques d’être exposés au tabagisme durant la grossesse que ceux nés dans une famille de profession libérale(40). Le risque d’initiation tabagique, parmi les enfants nés dans une famille vivant sous le seuil de pauvreté, est de 48% supérieur (OR=1.48 , IC 95% 1.23, 1.79) à celui de ceux d’une famille vivant au-dessus de ce seuil (41). Ces différences surviennent également dans la transition vers le tabagisme quotidien, qui est plus fréquent, (OR=1.51 IC 95% 1.21, 1.88) et dans le sevrage tabagique, qui est plus rare (OR=0.52).

Politiques publiques: influence du prix et des taxes

L’approche du tabagisme et de ses inégalités sociales adopte une perspective trop souvent individuelle: le risque de fumer est expliqué essentiellement par des attributs personnels comme l’âge, l’origine sociale, la dépendance, les effets de pairs, le sentiment de maîtrise, etc.
Cette approche ignore que la santé d’une population est également le produit de mesures collectives de protection et de réglementation. Quelques instruments de l’action publique sont susceptibles de minimiser ces différences sociales face au tabagisme: les taxes, les interdictions de publicité, les campagnes d’éducation à la santé et la réglementation sur le tabagisme dans les lieux publics.
Les taxes sont non seulement utiles au budget de l’Etat mais peuvent avoir également une vocation de santé publique. Les taxes accroissent le prix du tabac et, en conséquence, réduisent la demande de cigarettes. Cependant le lien entre le prix des cigarettes et la demande est un phénomène difficile à étudier: les taxes sont en général identiques à l’intérieur d’un pays et varient faiblement avec le temps. En outre, le tabagisme est un comportement addictif qui se prête difficilement à une analyse strictement économique.
Néanmoins, la demande de tabac est sensible aux taxes tant pour la propension à commencer à fumer que pour la propension à arrêter. En moyenne, la sensibilité de la demande de tabac varie entre une élasticité (variation de la consommation en fonction de la variation du prix) de –0.3 et une élasticité de –0.5(42): dans le meilleur des cas, une augmentation de 10% du prix du tabac entraîne une réduction de 5% de la demande de cigarettes. Une augmentation de 1% des taxes augmente l’âge de l’initiation de 0.16 années chez les hommes et réduit le nombre d’année de tabagisme de 0.60. Les femmes sont moins réactives au prix du tabac (leurs élasticités étant respectivement de 0.08 et 0.46) (43).
L’impact des taxes sur la consommation de cigarettes pourrait être inégal d’un groupe socio-économique à l’autre. Deux hypothèses s’affrontent ici: d’un côté la barrière du prix pourrait être plus prononcée dans les couches sociales moins favorisées à cause de leur revenu plus modeste; de l’autre, ces groupes sociaux sont plus sujets à la dépendance et donc moins sensibles aux variations de taxe et de prix. La théorie et la recherche empirique soutiennent la première hypothèse: les individus à revenu faible sont pratiquement deux fois plus sensibles à une variation du prix que les individus disposant d’un revenu plus élevé (élasticités respectivement de –0.29 versus –0.17) (44). Les individus d’instruction plus modeste sont plus sensibles au prix que les individus plus instruits (45).
La théorie économique suggère que le degré de dépendance (ou addiction) augmente la sensibilité au prix. Le sens commun suggérerait pourtant que plus un fumeur est dépendant moins il est sensible au prix. Toutefois, la théorie économique sur les comportements addictifs (46) suggère que les individus plus dépendants sont plus sensibles au prix (sur le long terme) parce que les consommations des différentes périodes de leur vie sont cumulatives. Une augmentation du prix sur le long terme est donc plus susceptible d’entraîner une réduction de la consommation chez les personnes dépendantes. Cette théorie est confirmée par les travaux empiriques et explique pourquoi l’arrêt tabagique brutal est plus fréquent chez les fumeurs très dépendants que ceux moins dépendants; pour les premiers, la difficulté d’une diminution graduelle de consommation est beaucoup plus importante.
Toutefois, les mesures de taxation sont susceptibles d’avoir des effets collatéraux inattendus. Les fumeurs compensent l’augmentation des taxes en se reportant sur des cigarettes dont la concentration en nicotine ou en goudron est plus élevée (47) ou en consommant plus intensément les cigarettes résiduelles ainsi que le montre le taux de nicotine plasmatique plus élevé dans les classes défavorisées après ajustement pour le nombre de cigarettes par jour (22). Les taxes et les accises sur le tabac peuvent aussi poser des problèmes d’équité car elles ne sont pas modulées selon le revenu: les groupes à revenus modestes risquent donc de payer sous forme de taxe une proportion plus élevée de leur revenu que ceux disposant d’un revenu plus élevé (42).

Politiques publiques: les campagnes d’éducation pour la santé

Des efforts importants ont été déployés par les gouvernements pour informer le public des dangers de la cigarette en sorte qu’il est actuellement impossible d’ignorer les dangers liés au tabac. Il est cependant difficile d’évaluer l’impact de ces campagnes d’information car leurs effets se combinent avec ceux d’autres mesures (comme l’évolution des taxes et l’interdiction plus ou moins complète de la publicité). Les programmes éducatifs en milieu scolaire retardent tout au plus l’initiation sans la prévenir vraiment(48).
On admet généralement que l’effet préventif des campagnes sur la consommation du tabac dépend de leur fermeté et du danger mis en avant: les avertissements prudents et nuancés ont peu d’impact tandis que les campagnes plus agressives et visant à suggérer la peur sont plus efficaces (42). D’autres estiment au contraire que la peur est mauvaise conseillère et que pour consolider des résultats à moyen terme, une approche ‘soft’ et respectueuse du public, soutenant ses efforts, plutôt que l’effrayant, augmente les chances de succès (49).
Ces campagnes ont-elles une efficacité pour tout le monde? Non car la prévalence du tabagisme a bel et bien diminué entre 1973 et 1996 parmi les groupes les plus favorisés (scores de 0 à 2) tandis qu’elle restait relativement stable dans les groupes les plus défavorisés (score de 4) et augmentait chez les individus vivant dans les conditions les plus difficiles (score 5) (Figure 2) (12). Les campagnes d’information ou d’éducation à la santé semblent profiter surtout aux couches sociales favorisées de la population. Le tabagisme serait ainsi en passe de devenir une des causes majeures d’inégalités sociales de santé.

Politiques publiques: interdiction de fumer dans les lieux publics fermés

L’interdiction de fumer dans les lieux publics trouve sa justification dans les effets-santé bien démontrés du tabagisme passif dans tous les lieux fermés, sur la quasi-inefficacité des méthodes d’épuration de l’air et sur les droits des travailleurs à un environnement sain et sans fumée. Ces effets se font ressentir non seulement chez les non-fumeurs, mais encore davantage chez les fumeurs, les plus proches de la source de fumée environnementale.
L’interdiction totale de fumer dans les lieux de travail entraîne évidemment une réduction de l’exposition aux toxines du tabac pour l’ensemble du personnel ainsi que le démontre une étude récente dans les ‘pubs’ irlandais: la concentration de cotinine salivaire y a baissé de 80% chez les non-fumeurs. Les symptômes respiratoires y ont eux aussi diminué (50). Cette mesure protége une population socialement moins favorisée que ce soit le personnel travaillant dans ces bars ou leur clientèle.
Une revue de 26 études concernant l’effet des interdictions de fumer sur les lieux de travail a montré que celle-ci s’accompagnait d’une réduction moyenne de 3.8% du taux des fumeurs et, chez les sujets continuant à fumer, d’une diminution moyenne de consommation de 3.1 cigarettes par jour. Les interdictions partielles (celles où fumer est autorisé dans certains locaux) ont un effet nettement moindre (51).
Actuellement, la plus grande part de l’exposition à la fumée environnementale survient dans les lieux privés, où la législation n’intervient pas et où la prise de mesures revient aux fumeurs eux-mêmes. Ceci fait ressortir à nouveau l’inégalité entre défavorisés (notamment les chômeurs qui séjournent plus longtemps à domicile) et les travailleurs protégés de la fumée pendant (quasi) toute leur journée de travail. De plus, on sait que les restrictions volontaires du tabagisme à domicile sont moins fréquentes dans les milieux défavorisés.

Autres politiques publiques

L’interdiction totale de la publicité réduit sensiblement la consommation tabagique (48) (Banque Mondiale) et contribue à la dénormalisation de ce comportement. L’interdiction de vente aux mineurs n’a qu’un impact limité car elle peut être facilement contournée.

Conclusions

Les inégalités socioéconomiques en matière de tabagisme sont importantes: les catégories socioéconomiques moins favorisées fument plus, plus précocement et sont plus dépendantes du tabac. En comparaison avec les autres pays européens, en Belgique les inégalités sociales sont plus prononcées. Elles trouvent leurs racines dans l’initiation, dans la persistance du tabagisme et dans le sevrage.
Les individus d’origine sociale modeste fument plus parce qu’ils ont été exposés très tôt au tabagisme de leurs parents, de leurs pairs ou de leur environnement proche. Cette situation offre une opportunité d’action pour la médecine générale qui approche les milieux de vie (école, famille, entreprise).
D’autre part, le tabac serait un moyen de compenser les effets délétères d’un environnement social et économique précaire. Ces inégalités s’expliquent aussi par la plus grande dépendance tabagique des couches sociales moins favorisées et par le manque de ressources psychocognitives et sociales pour aider au sevrage: le rôle du secteur éducatif dans le développement de ces ressources psychocognitives est bien connu. Le système scolaire belge favorise-t-il le développement équitable de ces ressources?
En Communauté française, le système éducatif semble s’orienter vers une ségrégation croissante des résultats scolaires (52).
Enfin, les politiques publiques peuvent jouer un rôle important en cette matière: les taxes et la réglementation sur les lieux publics semblent réduire les inégalités sociales de tabagisme tandis que la promotion de la santé a des effets incertains.
Comment s’attaquer à ces inégalités? Nous reprenons principalement les recommandations du rapport Acheson sur les inégalités de santé au Royaume-Uni (53) ainsi que la stratégie «tackling health inequalities (4)

Reconnaître le problème et définir des objectifs en Communauté française

La Belgique et la Communauté française renâclent à définir une politique claire de réduction des inégalités de santé telle qu’on peut l’observer chez nos voisins britanniques (4) néerlandais (54) ou scandinaves. Le programme quinquennal de promotion de la santé de la Communauté française reconnaît l’importance d’«adapter les stratégies pour faire face aux inégalités devant la santé» (55); cependant il reste relativement silencieux sur la question du tabagisme; quant au programme opérationnel, il n’aborde pas la manière de réduire ces inégalités de tabagisme. Cela est étonnant car la Communauté française dispose d’un espace pertinent pour s’attaquer à ce problème: les écoles et les effets de pair dans l’initiation du tabagisme chez les jeunes.
Nous nous risquons donc à suggérer au Conseil supérieur de promotion de la santé d’inscrire dans le prochain programme l’objectif suivant: dans 5 ans la Communauté française de Belgique aura réduit de 25% les différences de prévalence de tabagisme entre les écoles d’enseignement général et les écoles d’enseignement professionnel.

Interdire le tabagisme dans les lieux publics fermés

La législation belge autorise sous certaines conditions la présence de fumoirs dans les lieux de travail et, dans l’Horeca, la persistance d’espaces-fumeurs. Ces restrictions, sans doute prises sous la pression des cigarettiers et du secteur Horeca qui y est parfois lié, ne sont pourtant pas justifiées par un facteur économique, car les études sérieuses montrent que l’interdiction n’a pas d’impact économique négatif sur les ventes des restaurants et des bars et que les seuls travaux concluant à un effet négatif sont ceux financés par l’industrie du tabac (56)(57). L’interdiction récente et bien appliquée de fumer dans les bars n’a pas modifié en Irlande la tendance légèrement négative des ventes observée depuis quelques années (50).
La Belgique n’apparait pas particulièrement un bon élève en matière de législation sur l’interdiction de fumer dans les lieux publics et dans les écoles. Sur 22 pays Européens, elle arrive avec un score de 8/22 (58).

Soutenir les programmes de sevrage tabagique

A l’instar de ce qui se passe en Grande-Bretagne, un soutien des pouvoirs publics sous forme d’un remboursement des interventions des tabacologues et des médicaments d’aide à l’arrêt, ainsi qu’une meilleure reconnaissance de la charge supplémentaire que représente l’aide à l’arrêt par le généraliste serait le plus bénéfique pour les milieux socialement défavorisés.
Dans une étude pilote réalisée en France dans les centres d’examen périodiques de santé, une prise en charge gratuite du sevrage par substituts nicotiniques a entraîné à 6 mois un taux d’arrêt de 29.9% contre 10.3% dans le groupe n’ayant bénéficié que d’un conseil médical (59). Sachant que les médecins généralistes sont des acteurs importants pour les populations moins favorisées, cet objectif implique également de renforcer le rôle du médecin généraliste dans la prise en charge du sevrage tabagique.
Vincent Lorant , Ecole de Santé Publique, Université Catholique de Louvain, Lac Hong Nguyen , Centre Académique de Médecine Générale, Université Catholique de Louvain, Jacques Prignot , Professeur émérite, Université Catholique de Louvain et FARES (Bruxelles), Jean Laperche , Centre Académique de Médecine Générale, Université Catholique de Louvain
Adresse des auteurs: c/o Vincent Lorant, Ecole de Santé Publique, Faculté de Médecine, Université Catholique de Louvain, Clos Chapelle aux champs 30.41, 1200 Bruxelles. Tél.: 02 764 32 63; Fax: 02 764 31 83; courriel: lorant@sesa.ucl.ac.be
Cet article est une version modifiée d’un texte paru dans Louvain Médical , vol. 125, n°9, nov. 2006.

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A propos de l’obésité: les deux visages de la graisse

Le 30 Déc 20

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Le réchauffement de la planète tient sans doute la vedette dans nos cauchemars d’aujourd’hui – mais la vague d’obésité, comme source de souci, n’est pas mal non plus.
Indésirable, mal aimée, la graisse est au mieux regardée comme une propre à rien. Aussi, lorsque, en 1990, un étudiant en médecine de Harvard, appelé Gökhan Hotamisligi , découvrit que, loin d’être inerte, la graisse faisait quelque chose d’étonnant, il ne crut pas lui-même à ses propres résultats. Il avait observé, en effet, que les cellules de graisse, chez les souris obèses exerçaient une fonction biologique: elles produisaient une molécule inflammatoire «incendiaire», qui s’avérait évidemment néfaste.
Ce n’était pas, certes, une description chimique précise, mais elle indiquait que les globules de graisse ne sont pas simplement des sortes de coussinets qui étouffent nos organes. Après une publication de ces résultats dans la revue américaine Science , la jet set des biologistes resta sceptique, et lorsque Hotamisligi fut invité à des conférences, ce fut dans le but d’amuser la galerie. Divertir aurait cependant été un mot plus juste – car il s’agissait bien de détourner les spécialistes et le public de leur mode de pensée traditionnel sur ce sujet.
Ce travail cessa bientôt d’être considéré comme issu d’un esprit farfelu. Il représenta une bande de lancement pour une série de travaux qui étudièrent les cellules graisseuses en tant qu’unités fonctionnelles, et non plus comme des ballons de lipides. Et les surprises se succédèrent.
En 1995, ce fut à nouveau une découverte paradoxale: chez les sujets minces, les petits globules de graisse secrètent une hormone utile , que l’on dénomma leptine. C’est une messagère, qui envoie au cerveau des signaux de famine dès qu’il y a manque, mais s’arrête en cas de saturation. Exprimé ainsi, cela semble indiquer que notre appétit est un état mental. Exprimé en termes plus biologiques, cela signifie que les cellules graisseuses des sujets non obèses renseignent activement sur le niveau d’énergie qu’elles ont engrangé.

Régime strict, risque aggravé?

Au fur et à mesure que les retombées de la découverte de Hotamisligi se ramifiaient, les choses devenaient, évidemment, beaucoup plus compliquées. Il devint nécessaire de distinguer deux types de cellules graisseuses. Les bénéfiques sont logées essentiellement sous la peau, et lui donnent son élasticité, son caractère pulpeux. Les malfaisantes se trouvent nichées dans notre abdomen, où elles sont peu détectées au début.
Une telle distinction peut expliquer l’étonnante observation publiée en 2005, après un suivi de 3000 Finlandais pendant 18 ans.
Le résultat de cette enquête allait à l’encontre des notions admises et provoqua un tollé dans la communauté médicale. Pourquoi? Parce que, parmi ces Finlandais, ceux qui s’étaient soumis à un régime de restriction alimentaire strict, présentaient, à long terme, un risque de décès anormalement élevé! Ainsi, des restrictions «contre nature», une intervention brutale et continue, n’atteindraient pas seulement les méchantes cellules graisseuses, mais aussi les bénéfiques. Et pourraient conduire, à l’extrême, à l’état pathologique des mannequins maigres soumises aux diktats des grands couturiers. ‘Trop’ de régime nuit à la santé, cette découverte nous le rappelle judicieusement.

RBP4 et adiponectine

Mais si ces deux types de cellules graisseuses ont un comportement différent, à quoi cela est-il dû? Les cellules qui se développent dans le ventre des obèses secrètent à l’excès une substance appelée RBP4 qui bloque l’action de l’insuline et empêche ainsi l’absorption du glucose par notre corps: le sucre reste dans le sang et cause les problèmes associés au diabète, lequel est une complication connue de l’obésité. Quant aux cellules graisseuses qui rendent pulpeuses les joueuses de tennis aux muscles bien huilés, elles fabriquent au contraire une adiponectine . Cette molécule améliore le fonctionnement de l’insuline. A noter que l’exercice physique incite les cellules graisseuses gentilles à produire de l’adiponectine. Et l’on revient ainsi aux conseils de promotion de la santé.
Ces termes de RBP4 et d’adiponectine ne sont-ils pas trop rébarbatifs pour le grand public? Ce n’est pas dit, à voir la facilité avec laquelle les divers omégas sont entrés dans notre langage. Ne verrons-nous pas apparaître bientôt des yaourts garantis sans RBP4, voire dosés en leptine pour bien réguler notre appétit?

Là où il y a des gènes…

Lorsque nous côtoyons une femme obèse tenant par la main une fillette déjà déformée par la graisse, n’accusons pas la maman d’avoir gavé son enfant de frites et de sucre. N’est-elle pas victime d’un gène qui prédispose à l’obésité? Elle appartient sans doute à ces familles où l’on naît avec 3 à 4 fois plus de risques d’obésité que la moyenne dans la population qui l’entoure. Mais en fait il ne s’agit pas d’un seul gène, le même pour tous les cas d’obésité familiale.
Il y aurait dans nos chromosomes une dizaine de gènes qui, par des voies différentes, «facilitent» l’obésité. L’un pourrait, par exemple, exagérer la production de ce RBP4 qui intervient de façon fâcheuse dans notre métabolisme du glucose. Un autre gène serait déficient dans la production de la leptine qui gère notre appétit. Si cela se confirmait, le traitement de l’obésité familiale varierait selon le gène déficient.
Mais il ne faut pas baisser les bras devant l’obésité de toute une famille, en ne retenant que la dimension génétique du problème. L’environnement, et l’alimentation en particulier, restent des facteurs importants. Les chats qui mangent les restes des repas d’une famille corpulente ne deviennent-ils pas obèses?
Lise Thiry
A lire: Nature , vol. 447, 31 mai 2007, Science , vol. 316, 1er juin 2007

Comment les enseignants tunisiens du primaire conçoivent-ils la santé?

Le 30 Déc 20

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Une étude qualitative auprès d’instituteurs

Introduction

L’éducation est un des facteurs essentiels de la promotion de la santé des élèves, pour le présent et pour leur avenir d’adultes. En Tunisie, comme dans toute éducation, l’éducation à la santé présente une action collective où interviennent la famille avec un rôle primordial, l’école et également les personnels de santé (infirmiers et médecins). Cependant, face à la richesse, la variété et la complexité des questions relatives à l’éducation à la santé, l’école, dans sa mission d’éducation à la santé, a choisi d’adapter l’information aux possibilités de compréhension des apprenants. Ainsi, dans l’école primaire, certaines connaissances relatives à l’éducation à la santé trouvent leurs places dans le cadre des activités d’éveil scientifique. Au collège et au lycée ces questions seront traitées dans le cadre de l’enseignement des sciences de la vie et de la terre.
Par ailleurs, si on considère que l’éducation de la santé c’est d’abord de l’éducation, les principaux concernés sont les éducateurs, c’est-à-dire pour le milieu scolaire les enseignants (Deschamps, J-P, 1998). Une véritable éducation à la santé suppose ainsi l’implication de ces enseignants.
Plusieurs contraintes se dégagent par conséquent. En effet, les conceptions des enseignants sur la santé, souvent implicites, orientent et influencent leurs discours et leurs actions sur les questions relatives à ce domaine.
Par ailleurs, ces enseignants présentent généralement une vocation à contribuer à l’éducation à la santé en assurant leur enseignement selon les programmes. Mais y sont-ils préparés et aidés? Ont-il reçu une formation relative à ce domaine? Les conceptions qu’ils développent ne sont-elles pas éloignées des conceptions actuelles de la santé comme de l’éducation à la santé?
Telles sont les convictions qui nous ont guidée dans la réalisation de cette recherche. Il s’agit d’analyser les conceptions des instituteurs comme acteurs principaux sur le concept «santé». En effet, nous considérons que les propos des enseignants sur les questions relatives à l’éducation à la santé ne sont pas indépendants de leurs conceptions de la «santé».

Cadre de référence

Pour cette recherche, nous avons choisi d’utiliser le concept didactique de «conception» tel qu’il est défini par Giordan et Devecchi (1987). En effet, vues sous cette perspective, les conceptions de la «santé» des instituteurs du primaire se présentent comme un ensemble d’informations et d’explications, qu’elles soient conscientes ou inconscientes. Il s’agit d’un système explicatif personnel, structuré et organisé ayant comme fonction principale la compréhension des questions relatives à la santé.
Mais avant d’en arriver là, il nous semble important d’analyser les conceptions détectées tout au long de l’histoire de ce concept. La «santé» a connu trois conceptions ou modèles explicatifs.

Conception ancienne

Ici la santé se réduit à l’absence de maladie. Cependant, l’origine et l’explication de la maladie changent d’une culture à une autre. Ainsi, pour les Babyloniens, la maladie est la conséquence du péché. Cette explication subsiste encore dans certaines cultures. Elle implique chez les malades un sentiment de culpabilité, nourri généralement par l’attitude de leur entourage. Le principe du «secret médical» jalousement conservé par le médecin, a probablement trouvé son origine dans cette conception de la maladie en tant que châtiment honteux infligé par Dieu.
Cependant, pour les Egyptiens, cette conception de la maladie comme un châtiment évolue vers une notion d’accident lié à un drame métaphysique. La maladie prend ainsi une origine extérieure à l’individu. Par ailleurs, chez les anciens juifs, la théorie du châtiment divin évolue vers l’idée d’épreuve imposée par Dieu au pécheur. Ces idées ont constitué ainsi un progrès au point de vue spirituel puisqu’elles donnaient au malade une dimension plus acceptable de son mal.
Cette idée de maladie comme épreuve physique et morale a été également présente dans la culture grecque. Cependant, cette épreuve ne constitue pas une vengeance divine mais un phénomène naturel causé par un attentat contre l’Harmonie. D’où la naissance d’une philosophie axée plutôt sur la santé que sur la maladie. Cette conception a été développée avec l’apogée des médecins grecs qui considéraient que tout mal y compris le mal moral présente en conséquence un dérèglement physiologique.

Le modèle positiviste de la santé

Ce modèle trouve ses origines chez Descartes, Claude Bernard et Pasteur. Il considère la maladie comme une entité qu’on peut isoler de l’individu souffrant et qu’on peut l’expliquer par une chaîne causale reliant un agent pathogène identifiable à une maladie particulière. Ce modèle a favorisé le développement d’une médecine basée sur l’autorité du médecin et la soumission du patient et où la psyché présente un facteur secondaire.
Suite au développement de ce modèle de santé, un paradoxe émerge. En effet, les sociétés se trouvent devant une réelle impasse: meilleure est la médecine, plus importants sont les soins, et plus il y a de malades. Deux explications sont possibles à ce paradoxe.
-dune part, dans le modèle positiviste, plusieurs facteurs déterminant la santé échappent aux institutions actives dans le domaine de la santé;
-d’autre part, les investissements en matière de santé ont été mal orientés et basés sur une vision limitée des fondements de la santé. En effet, en considérant le corps comme une machine pour laquelle la protection contre les maladies dépend des interventions internes, les influences externes et le comportement individuel sur la santé se trouvent complètement négligés.
D’où la nécessité de réviser le modèle positiviste de la santé pour lequel il existe une cause unique pour chaque maladie. Face à ce paradoxe un nouveau modèle de la santé émerge.

Le modèle actuel de la santé

Les acteurs de la santé ont intégré différentes approches dans la conception modernisée de la santé. On trouve ainsi:
-l’approche écologique, qui intègre la dimension écologique dans le champ de la santé et considère la santé comme un équilibre entre l’homme et son environnement. Elle valorise le contexte socio-culturel et parle de médecine sociale préventive.
-l’approche psychosomatique, qui valorise les dimensions psychologiques chez l’individu et les articule avec les aspects physiologiques pour une meilleure compréhension des maladies.
Ces liens établis, grâce à ces nouvelles approches, entre le somatique et le psychique d’une part et entre l’individu et son environnement d’autre part, ont contribué à la naissance d’une nouvelle conception de la santé. Ainsi l’Organisation mondiale de la santé dans sa célèbre définition de 1946, affirme que « la santé est un état de complet bien être physique , mental et social , et ne consiste pas seulement en une absence de maladies ou d’infirmités ».
Avec cette définition, la santé fait rupture avec le modèle ancien biomédical et s’ouvre, en plus des facteurs biologiques, sur la psyché de l’individu, l’inconscient, la reconnaissance d’un champ psychosomatique, l’histoire spécifique de la personne et sa relation au monde.
Devant cette diversité de modèles explicatifs de conceptions sur la santé, ma question était de vérifier quelle(s) conception(s) les instituteurs tunisiens développent. Ont-ils réussi à intégrer les conceptions actuelles de la santé?

Protocole expérimental

Partant de l’idée selon laquelle les conceptions initiales des instituteurs sur la santé vont orienter et conditionner leurs leçons sur le sujet, nous avons donc essayé de caractériser ces conceptions au moyen d’une étude qualitative.
Pour ce faire, nous avons demandé à 14 instituteurs tunisiens exerçant dans différentes régions du pays (tableau n°1) d’inscrire spontanément des mots autour du mot «santé» reproduit sur un document et d’apporter ensuite leurs définitions de ce concept.

Tableau 1 – population étudiée

Gouvernorats

Gafsa Tunis Sfax Kasserine
Instituteurs 2 3 5 4

L’analyse lexicale des productions des instituteurs interrogés nous a permis de caractériser leurs modèles explicatifs et leurs conceptions profondes du concept de la santé. En effet, cette méthode d’analyse, souvent pratiquée en psychologie cognitive, en pédagogie et aussi en didactique, permet, à partir du codage d’énonciations syntaxiques, de retrouver au plus près le sens ou la signification sémantique de la conception du sujet apprenant. Le présupposé qui sous-tend l’analyse lexicale est que l’usage des mots est un révélateur, indépendamment de leur place dans le discours.

Résultats et discussions

L’analyse des discours des instituteurs interrogés en réponse à la première question nous a permis de remarquer une grande diversité de mots associés au concept « santé » : maladie, sport, détente, médecin, soin, médicaments, vaccins, hygiène, etc. (Tableau N°2).
En essayant de faire une association de mots, deux principaux axes semblent se dégager. Le premier reflète l’ensemble de mots d’ordre médical tels que : médicaments, soins, médecins, et le second regroupe les mots du bien-être(voir tableau n°3).

Tableau 2 – Mots associés à la santé

Axe identifié

Médical Bien-être
Mots associés ||médecins maladie soin médicaments vaccins|| hygiène détente déstresser sport
Nombre total=14 5 11 10 7 3 2 3 2 4
36 11

Tableau 3 – axes dégagés

Gouvernorats

Gafsa Tunis Sfax Kasserine
Instituteurs 2 (I1 et I2) 3 (I3,I4 et I5) 5 (I5,I6,I7,I8,I9) 4 (I1,I2,I3,I4)
Mots évoqués Axe médical Médical et bien-être Médical et bien-être Médical

Par ailleurs, le premier axe est le mieux représenté dans notre échantillon.
Nous remarquons que l’axe médical se trouve le plus évoqué par les instituteurs interrogés. En effet, tous (11) les enseignants associent la notion de maladie au concept de santé et 10 d’entre eux évoquent la notion de soin.
Cependant, 3 instituteurs seulement évoquent la notion de détente et 4 sujets parlent du sport. Il s’avère donc que pour la majorité des instituteurs interrogés, la santé se réduit à l’absence de maladie.
Par ailleurs, l’analyse des réponses de ces instituteurs à la deuxième question vient conforter ces résultats d’une façon très cohérente. En effet, pour tous les sujets, la santé correspond à l’absence de maladie. Ainsi, pour I1 « la santé c’est l’absence de maladies . Une personne en bonne santé est une personne qui ne présente pas de maladies , qui consulte souvent les médecins et qui prend les médicaments adéquats pour garder sa santé ».
Cependant, 7 des sujets interrogés (I3, I4, I5, I6, I7, I9, I10), évoquent quand même à côté de l’axe médical celui relatif au bien-être. Ces sujets semblent ainsi afficher une conception de la santé plus riche que leurs pairs Ainsi selon I4, « pour être en bonne santé il faut essayer de ne pas attraper des maladies , essayer aussi d’avoir des moments de détente et de se déstresser au maximum ».

Conclusion

Cette recherche nous a permis de remarquer que la majorité des instituteurs interrogés réduisent la santé à l’absence de maladie. En effet, bien que certains instituteurs évoquent des notions liées au bien-être dans leurs définitions de la santé, la majorité de ces sujets présentent une conception ancienne de la santé basée sur une absence de maladie, avec un modèle positiviste cartésien. Ces enseignants sont donc loin d’intégrer les approches actuelles telles que l’approche écologique et l’approche psychosomatique.
Par ailleurs, partageant l’idée selon laquelle l’action des enseignants sur les questions relatives à la santé serait influencée par leurs propres conceptions de la santé, une formation des enseignants en matière d’éducation à la santé nous semble importante. Un tel dispositif permettrait de faire évoluer les conceptions biomédicales des enseignants sur la santé vers d’autres plus contemporaines, globales. En effet, plusieurs auteurs (R. Larue, 2000) s’accordent sur le fait que « la formation des enseignants est l’élément le plus important pour la promotion de l’éducation pour la santé dans les écoles ».
Cependant, à notre connaissance, la formation des enseignants tunisiens ne renferme aucun module relatif à cette thématique. Une sensibilisation de ces acteurs en termes d’éducation à la santé s’avère donc bien nécessaire afin de leur fournir des moyens de réflexion et des cadres explicatifs leur permettant d’intégrer les approches actuelles de la santé. En effet, comment devenir un enseignant éducateur de la santé d’aujourd’hui en gardant des conceptions de la santé d’hier?
Dr.Sameh Hrairi , Institut Supérieur de l’Education et de la Formation, Tunis
Courriel de l’auteur: sameh_hrairi@yahoo.fr

Bibliographie

BAUDIER, P. (1987). Education pour la santé. Besançon, CDES.
CASTILLO, F. (1988). Le nouveau paradigme de la santé. In Les Cahiers d’éducation et santé . N°27. Bruxelles.
DESCHAMPS, J-P. (1998). Recherche et formation pour les professionnels de l’éducation, n°28, INRP, Paris.
GIORDAN, A et DE VECCHI, G. (1987). Les origines du savoir . Des conceptions des apprenants aux concepts scientifiques . Delachaux et Niestlé.
LARUE, R. (2000). Ecole et santé : le pari de l’éducation . CNDP & Hachette, Paris.
MANDERSCHEID, J-C. (1996). Quelles recherches pour l’éducation à la santé? In Revue Française de Pédadogie. N°144 . p53-65. INRP, Paris.
MC BRIDE, N. (2000). Health Education Research. N°1.Oxford University Press.
VIGARELLO, G. (1985). Les sciences de l’éducation. Enjeux et finalités. Paris, AECSE.
VIGNAT, J-P. (1999). La santé mentale en France. Santé publique . N°11. p127-135.

Thérapie informative et politique sanitaire

Le 30 Déc 20

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Mon intervention vise à aborder l’information et la communication, non pas au niveau de l’individu mais au niveau de la société, car l’information adressée à la société civile va ensuite influencer la relation unique, médecin/patient mais aussi la relation entre professionnels de la santé.

Politique sanitaire

La politique sanitaire a pour but de réorganiser, financer, apprécier le management du secteur sanitaire, en d’autres termes de se focaliser sur les services de prévention, de diagnostic, de soins et de réhabilitation. Son but vise à garantir un accès équitable aux informations et aux prestations adéquates et se fonde, dans la mesure du possible, sur des épreuves d’efficacité afin de répondre aux besoins sanitaires individuels et collectifs compte tenu des ressources disponibles.
Un autre volet de la politique sanitaire, presque totalement négligé, est le volet culturel. Qu’entend-on par volet culturel? Informer la société que la santé ne dépend pas seulement de la consommation de biens et de services médicaux ou mieux dire que les services de santé ont essentiellement un rôle réparateur mais informer que la santé dépend davantage de déterminants socio-économiques et écologiques. L’information doit aussi faire part de l’incertitude de la science et de la pratique sanitaire. La pensée unique d’aujourd’hui sous-tend que tout ce qui est consommé est utile, nécessaire, efficace et adéquat. Chacun pensera alors que, en consommant toujours plus de biens et de services sanitaires, tout problème peut être résolu, ou bien que chaque demande pourra être satisfaite, comme le disent les économistes. Mais nous savons que ce n’est pas le cas. Nous nous trouvons là aux fondements de la vision mythique de l’efficacité tous azimuts de la médecine qui nécessite d’être corrigée.

Comment promouvoir la santé avec des technologies dites faibles, comme se nourrir ou se comporter d’une certaine façon, opter pour d’autres styles de vie, face à la croyance qu’une pilule va résoudre le problème? Je crois qu’il faut arriver à promouvoir un accès plus éclairé aux services. Mais si l’on croit que tout est nécessaire, efficace et adéquat, on ne se pose évidemment même pas la question d’un accès plus éclairé aux prestations médicales.
Quel est le but d’une telle action culturelle? Ramener les attentes mythiques de la société à la réalité des épreuves. La pression consumériste va dans un futur proche poser des problèmes à la durabilité de financement de nos services de santé. Que se passera-t-il si le niveau de la consommation actuelle se maintient ou croît encore dans les années à venir? N’oublions pas que derrière ce processus, quelqu’un tire les ficelles et en profite plein les mains. Et qui tire réellement les ficelles?
L’industrie conditionne tout le monde par un marketing agressif qui vise à influencer directement la consommation et la prescription, la recherche ainsi que la politique. Mais quels sont les fondements de la vision ‘mythique’ de l’efficacité de ‘l’entreprise’ médico-sanitaire?
La société civile pense que la santé dépend exclusivement de la disponibilité de services et de la consommation de prestations médico-sanitaires, seul déterminant de la longévité.
Elle croit aussi que la médecine est une science exacte.
Cette dernière croyance implique qu’il y a une omission totale des notions de risque, d’événement indésiré, d’incertitude, de controverse, de variabilité et de conflit d’intérêts.
Un autre facteur à la base de cette vision mythique de l’efficacité de l’entreprise médico-sanitaire, est la croyance qu’il vaut toujours mieux diagnostiquer une maladie avant qu’elle ne se manifeste.

Les déterminants de la santé et leur contribution à la longévité

On reconnaît 4 déterminants majeurs de la santé. La biologie et la génétique contribuent pour 20% à la longévité. Le statut socio-économique de l’individu, le déterminant le plus important, influence la longévité de 45 à 50 %. Vient ensuite l’écosystème, qui contribue pour 20 à 25 %. La contribution à la longévité du secteur de soins, la plus faible, se situe en effet entre 10 et 15%.

Le statut socio-économique

Bien que dans le Canton suisse de Genève tout le monde a un accès absolument équitable aux soins (la Suisse étant probablement le plus grand shopping center sanitaire du monde), 5 années d’espérance de vie séparent ceux qui se trouvent dans la classe sociale la plus favorisée de ceux qui se trouvent dans la classe moins favorisée. Ce schéma se retrouve dans tous les pays car il n’est pas une spécificité suisse. Cet exemple démontre que ce n’est pas la consommation qui va réduire les inégalités de santé entre les individus mais d’autres facteurs exogènes au système.
Quel est le déterminant principal du statut socio-économique? Essentiellement le travail.
En effet, le rôle et le statut professionnels vont déterminer le statut social de l’individu. Or, c’est justement sur le travail qu’il faut agir car nous assistons aujourd’hui à ce qu’on appelle les nouveaux risques liés au travail. De quoi s’agit-il? De l’augmentation de la pression psychologique, de l’angoisse, en bref du stress lié aux changements des conditions et des rythmes de travail, à la diminution du soutien à l’intérieur des entreprises, à la précarisation de l’emploi, au harcèlement psychologique. Tout ceci aura des conséquences directes sur la santé.
Une étude récente publiée dans le British Medical Journal montre que les personnes qui ont survécu à des réductions d’emploi mais qui ont gardé leur poste contrairement à ceux qui ont été renvoyés, ont eu, dans les quatre années suivantes, un taux d’infarctus trois fois plus élevé que les travailleurs des entreprises qui n’ont pas vécu le stress lié à des réductions du personnel. Les résultats de plusieurs recherches montrent que le statut socio-économique est le déterminant le plus important à la longévité, et sa contribution a été chiffrée à 45-50% alors que les services de santé n’y contribuent que pour 10 à 15%. Mais un sondage effectué auprès de la population (Suisse) montre au contraire qu’elle estime que les services de santé vont contribuer pour 60 à 65 % à sa longévité. La réalité perçue par l’opinion est donc tout à faite autre.
Première conclusion: équité sanitaire signifie créer un environnement socio-économique susceptible d’offrir aux individus des opportunités aussi égales que possible face à la santé.
Deuxième conclusion: aujourd’hui, les décisions du ministre des finances ont généralement un impact plus important sur la santé de la population que celles du ministre de la santé!

La médecine est-elle une science exacte?

La médecine est plus incertaine que certaine et de nombreuses évaluations ont été faites à ce sujet. A l’incertitude de la science s’ajoute l’incertitude propre au professionnel qui l’exerce. Organisé dans cinq pays, un sondage portant sur un échantillon de 1.000 personnes a posé la question suivante: est-ce que, pour vous, la médecine est une science exacte ou ‘plutôt exacte’? 70 à 80% des personnes sondées ont donné une réponse affirmative. La même question a ensuite été posée aux médecins suisses. Parmi les internistes, 30 % ont répondu ‘oui’ mais parmi les spécialistes en épidémiologie, qui ont l’habitude de lire tous les articles et de les évaluer, seulement 7 % étaient d’accord avec une telle affirmation.

Diagnostic précoce

Aujourd’hui le diagnostic précoce est devenu synonyme de guérison. Les médias, mais aussi les services de santé, incitent avec un enthousiasme incroyable à aller diagnostiquer toute maladie avant qu’elle ne se manifeste. Un sondage récent montre que 80% des Italiens, 60% des Anglais et 52% de la population suisse estiment qu’il est toujours utile de dépister une maladie avant qu’elle ne se manifeste.
Aux Etats-Unis, 50% des femmes ayant subi une hystérectomie radicale et n’ayant donc plus d’utérus, continuent à faire le pap test (1). Toujours aux Etats-Unis, on a proposé aux américains de choisir entre le cadeau d’un examen par body scanner (un type de résonance magnétique) ou bien un cadeau de 1.000 dollars s’ils renonçaient à cet examen: 73% ont préféré le body scanner plutôt que le cadeau de 1.000 dollars; 66% des citoyens des Etats-Unis seraient disposés à se soumettre à un test de diagnostic précoce, même pour un cancer pour lequel il n’y a aucune possibilité d’être soigné ou guéri (2).
Environ 70-80% de femmes (3) pensent que si on se soumet régulièrement à une mammographie, on évitera de tomber un jour malade d’un cancer du sein. L’information donnée aux femmes par les médias et les brochures produites par les services de santé n’est donc évidemment pas une information evidence based. En conclusion, les attentes vis-à-vis de l’efficacité de l’entreprise médico-sanitaire dans la promotion du bien-être individuel ou social dépassent toute raisonnable évidence.

Consommateur versus patient

D’où vient cette vision, cette pensée unique? L’individu joue toujours deux rôles. Le rôle de citoyen lorsqu’il est bien portant et le rôle de patient lorsqu’il rencontre un problème de santé. Dans son statut de citoyen bien portant, par quoi est-il influencé? Par les médias, la presse, les brochures et les supports qui sont produits par les services de soins et par son réseau social.
Lorsque le citoyen tombe malade, la seule information qu’il reçoit provient des professionnels de la santé. L’empowerment dans ce dernier moment particulier de la relation avec un professionnel est presque impossible. C’est donc avant qu’il faut donner quelques outils car en disposant d’un surplus d’information et de culture avant de se retrouver dans la relation à deux, on aura plus de probabilités d’avoir un élan d’autonomie et de prendre une décision éclairée et partagée.
L’information adressée à la société civile doit être fondée sur des preuves d’efficacité. Elle ne doit pas être biaisée par des conflits d’intérêt. Revenons aux médias et aux supports. Les informations sur la santé produites et diffusées par les médias ont fait l’objet d’analyses. Seuls les bénéfices d’une prestation de type sanitaire sont habituellement mis en évidence, même si les bénéfices ne sont que potentiels, même s’il n’est pas prouvé qu’ils sont réalisables dans la pratique courante. Effets désirés, risques et incertitudes sont systématiquement omis par les médias et les brochures.

Une pensée unique passe donc dans la société civile

Elle veut que tout ce qui est proposé et prescrit soit utile, nécessaire et efficace. On devient dès lors très puissant et séduisant. Aujourd’hui, je crois que la séduction est un moyen de domination et je crois aussi qu’il n’y a pas de meilleure séduction que de dire qu’on est terriblement efficace, que l’on va résoudre tout. ‘ Venez , consommez avec confiance !’. Que cache ce type d’information tout public? Quasi toujours un intérêt commercial ou l’intérêt d’un producteur de quelque chose. Et pourtant l’information correcte peut modifier la disponibilité à consommer des gens. En voici un exemple concret.
On a sondé 900 Suisses sur leur disponibilité à accepter un dépistage, totalement inutile, le screening du cancer du pancréas. L’échantillonnage de ces 900 Suisses, hommes et femmes, a été divisé en deux groupes. Le premier groupe a reçu une information standard: ‘ Lors d’une visite médicale de routine , le médecin vous demande si vous êtes disposé à vous soumettre à un test diagnostic , un simple examen de sang , qui permet de diagnostiquer , avant que les symptômes de la maladie ne se manifestent , l’existence d’un cancer du pancréas . Quelle serait votre décision ?’ Le deuxième groupe a reçu les mêmes informations et un surplus sur les effets indésirés et l’efficacité de la prestation. ‘ Le test n’est pas précis ( 70 % de faux positifs ), il conviendra en outre d’effectuer un examen complémentaire à l’hôpital , de type résonance magnétique , pour confirmer ou non le résultat du test précédent . Chaque année en Suisse , 11 personnes sur 100 . 000 sont atteintes d’un cancer du pancréas . Sur 100 personnes atteintes d’un cancer du pancréas seulement 2 sont encore en vie après 5 années . Quelle serait votre décision ?’.
Dans le cas de l’information standard, 60% étaient disposés à se soumettre au test, dans le cas de l’information exhaustive, 13,5 % acceptent le test et 65% le refusent.

Quelle conclusion en tirer?

L’information est aussi importante pour la santé du patient que les médicaments, les examens biomédicaux et les interventions chirurgicales. La santé relève essentiellement de l’information. Bien informé, le patient peut faire des choix ou agir sur le système, bien mieux que s’il n’avait pas été informé. La priorité absolue aujourd’hui est de déprogrammer la société civile et ramener ses attentes à la réalité. Dans l’intérêt de chacun et de la durabilité des systèmes. L’éditeur du British Medical Journal ( 4 ) a fait une proposition pour ramener les attentes à la réalité. Il conseille de faire comprendre que le décès est inévitable, que la plupart des maladies sérieuses ne peuvent être guéries, que les antibiotiques sont inutiles en cas de grippe, que parfois les prothèses se cassent, que les hôpitaux sont des lieux dangereux etc.
Gianfranco Domenighetti , Professeur d’économie sanitaire, Université de Lausanne et Genève, chef de Service de la Santé publique, Canton du Tessin
Ce texte est extrait des actes du colloque ‘Information des patients’ organisé le 11 mars 2005 par le service de promotion santé Espace Santé et par la Fondation Solidaris (Mutualité FMSS/FPS). Nous le reproduisons avec l’aimable autorisation d’Espace Santé.
Espace Santé, rue de l’Université 1, 4000 Liège. Tél.: 04 223 01 50. Courriel: espace.sante@espacesante.be.

(1) Sirovich, Welch. JAMA 2004
(2) Source: Schwartz et al. JAMA 2004
(3) Source: Domenighetti et al. Int.J. Epidem.2004
(4) Source: R.Smith, Editor British Medical Journal (1999)

Ne dites pas à ma mère que j’ai commis une campagne TV de promotion de la santé. Elle me croit acteur de santé publique!

Le 30 Déc 20

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Le dernier spot de la campagne TV «Sourire pour tous» vient d’être diffusé. Une pression sur la télécommande a fait surgir de l’écran un dernier rayon hypnotique… Le moment est maintenant venu de dresser le bilan de cette campagne TV de promotion de la santé.
En tant que promoteur de cette campagne, je me devais de suivre la bonne diffusion de nos spots sur les écrans TV, dans les espaces médias gratuits, obtenus après avoir été tant espérés. De ma vie, je n’aurai jamais eu une telle indigestion de publicités télévisuelles. Ainsi donc pour voir quelques malheureuses secondes d’un spot consacré à la promotion de la santé, il faut être bombardé de spots divers faisant l’apologie d’un bain-douche aphrodisiaque, de 4×4 m’assurant puissance et sérénité au volant, de produits yaourtés anticholestérol, source de L. Casei Immmmmmunitas aux vertus miraculeuses et particulièrement enrichis d’allégations de santé dont s’affublent de plus en plus de produits issus de l’industrie alimentaire.
Mais que faisaient donc nos spots de promotion de la santé au milieu de tous ces produits inutiles, futiles voire malsains qui ne vivent que parce qu’ils sont soutenus par la publicité? Mais que faisaient donc nos spots de promotion de la santé au milieu de messages visant à créer frustrations et désirs d’achat, visant à augmenter la notoriété des marques, visant à faire croître notre sacro-sainte con-som-ma-tion?

Une compensation réaliste ou cynique?

Et pourtant c’est la place désignée de la promotion de la santé à la télévision, de par la volonté de la Communauté française (1).
Oui il fut un temps –pas si lointain- où il n’y avait pas de publicité à la télévision. L’introduction de la publicité sur les chaînes télévisuelles a donné lieu à des mesures régulatrices curieuses: chaque seconde de spot diffusé pour de l’alcool ou des médicaments en vente libre allait donner droit en compensation à une seconde de spot en promotion de la santé. Est-ce bien moral tout cela? Car plus il y aura de pubs pour ces apéros, ces alcools et ces bières que-seuls-les-hommes-savent-pourquoi, ces antidouleurs qui chassent le mal de tête en faisant psschit ou ces remèdes contre le brûlant qui nous dispensent de la moindre discipline alimentaire, plus les associations comme la nôtre pourront recevoir de l’espace dans les tunnels de publicité qui occupent toujours plus de temps d’antenne.
Moral, tout ça? C’est l’arrêté. Il faut faire avec. Mais ce lien entre promotion de la santé et alcool n’est-il pas un lien contre nature qu’il faudrait réformer? En France un débat éthique similaire s’est fait jour lors de la discussion d’une proposition de taxe «santé» sur les produits CCC (2) et leur pub, pour financer l’éducation pour la santé.
Il y a lieu de peser avantages et désavantages d’intégrer les spots de promotion de la santé au milieu des spots commerciaux. Et voir si d’autres canaux ou créneaux ne seraient pas plus pertinents.

A contre-courant

Nous, nous n’avions rien à vendre. Nous n’avions pas de désir d’achat à susciter. Que du contraire. Nous voulions faire passer des messages de limitation de consommation, voire de non-consommation. Remplacer en milieu scolaire la consommation des sodas par de l’eau. Proposer des alternatives «santé» pour les collations scolaires, question de lutter contre l’envahissement des collations CCC. Promouvoir des collations «fruits», voire l’abstention de consommation de produits superflus qui débordent de partout, comme nos bourrelets débordent de nos pantalons. Rappeler l’utilité d’une visite chez le dentiste, ce qui n’est pas vraiment un produit alléchant ni un achat d’impulsion!
La réponse qu’apporte l’industrie, qu’elle soit alimentaire ou pharmaceutique, à un problème de santé est toujours la même: acheter et consommer un produit . Et bien sûr, achat et consommation sont des actes boostés par la publicité.
Ce que nous avons «à vendre» est différent: ne pas acheter ces produits . S’abstenir. Prendre plutôt des produits simples, bruts. Raisonner plutôt que consommer par pulsion, par habitude ou par jalousie. Créer une dynamique de réflexion et d’action collective au sein de la classe. Remobiliser et aider le milieu scolaire dans sa mission d’éducation… pour la santé.
Et faire mentir cette terrible phrase d’un directeur d’école à qui je reprochais le distributeur de sodas implanté dans son établissement: «Faites-vous une raison, l’école est à l’image de la société dans laquelle nous vivons».

Le vif du sujet

Non, notre idéalisme est intact après trois ans de campagne «Sourire pour tous».
Pour rappel, celle-ci trouve son origine dans le constat d’une très mauvaise santé dentaire chez les jeunes et d’un très faible recours aux soins chez le dentiste, particulièrement au sein des familles les plus démunies.
Depuis 3 ans, le Comité de l’Assurance de l’INAMI charge la Fondation pour la santé dentaire d’une expérience visant à remédier à cette situation. Et c’est explicitement que le contrat qui nous lie prévoit une campagne média auprès de la population visée mais aussi vis-à-vis de l’ensemble de la population.
Ce n’est que durant la troisième année de l’expérience que nous avons accédé au média TV. Nos ressources sont très limitées – comme trop souvent en promotion de la santé – et il nous a semblé jusqu’ici bien plus prioritaire et préalable de sensibiliser et former les personnes relais qui encadrent les enfants, tels les enseignants, les infirmières scolaires, les puéricultrices, le monde associatif.
Un spot TV de promotion de la santé n’est la plupart du temps pertinent que s’il offre un soutien à une démarche préexistante de promotion de la santé. Une démarche construite, globale, souvent bien plus discrète qu’un spot TV, mais autrement plus profonde.
Le spot TV n’est donc qu’un soutien à une campagne menée sur le terrain. Le spot va susciter la curiosité? Peut-être. Le spot va faire connaître l’action menée? Quelque peu.
Mais aujourd’hui tout ne serait légitime que si cela a été «vu à la télévision»?
Avions-nous les moyens de réaliser un spot TV performant? Car il ne suffit pas de recevoir l’espace de diffusion gratuit de la Communauté française. Il faut encore avoir les moyens financiers pour tourner le spot.
Quoi? Une agence de communication, des cinéastes professionnels, des acteurs, de la musique (et donc la gourmande SABAM), du montage, des cassettes au format PRO en X exemplaires?
Et pour raconter quoi?
Non, nous n’allions quand même pas rentrer dans le même schéma de pensée que les publicitaires en vantant les vertus de l’eau en bouteille qui rajeunit les corps fatigués. En vantant les vertus miracles d’un dentifrice mis en scène dans une ambiance érotique comme la pub d’une eau de parfum.

Carte de visite

Qui sommes-nous?

La Fondation pour la santé dentaire est le Département Prévention de la Société de médecine dentaire asbl, association dentaire belge francophone groupant les dentistes.
La gestion quotidienne de la Fondation est assurée par trois dentistes et un enseignant de formation. Ils sont rejoints au gré des projets et actions par une soixantaine de dentistes bénévoles.

Nos objectifs

La Fondation a pour objectif d’aider la population à adopter une démarche préventive en vue de conserver ou de retrouver une bonne santé bucco-dentaire. Son objet social est la promotion de la santé dentaire intégrée dans un concept global de santé publique.

Un peu d’histoire

Née en 1971, la Fondation a connu plus d’une vie.
Qui se souvient encore de Jo Caramel, personnage emblématique des débuts de la Fondation?
Plus près de nous, le ‘Dentibus’ – opération montée en collaboration avec l’ONE et une firme – a visité des centaines d’écoles en Wallonie et à Bruxelles de 1993 à 2000, à raison de 6.000 enfants dépistés chaque année.
Depuis 2004, le Ministre de la Santé et l’INAMI ont conclu un accord avec la Fondation pour mener une expérience afin de réduire les inégalités sociales dans l’accès aux soins dentaires et à la bonne santé dentaire. Il s’agit de l’expérience-pilote ‘DentiPass’, et de la campagne de communication qui l’accompagne, ‘Sourire pour tous’.
Elle a abouti à la gratuité des soins dentaires pour l’ensemble des enfants de moins de 12 ans, et ce depuis le 1er septembre 2005.

Les actions

-Conférences de formation à la santé dentaire de travailleurs médico-sociaux.
-Publication de recommandations, telles les ‘recommandations fluor’.
-Présence dans les médias ‘grand public’ de messages de santé bucco-dentaire.
-Mise sur pied et participation à des enquêtes scientifiques.
-Sensibilisation des dentistes à toujours plus de prévention et de prise en charge prophylactique.
-Sensibilisation des instances INAMI à la prise en charge financière des soins prophylactiques: examens buccaux semestriels et annuels, forfait de prophylaxie, coloration de plaque, scellement.
-Nombreuses collaborations avec des associations ou organismes de prévention ou promotion de la santé, afin de promouvoir la santé bucco-dentaire.
-Actions dans les écoles – uniquement dans le cadre d’actions ponctuelles et ciblées.
-Organisme ressource pour les enseignants et infirmières scolaires désirant agir dans le domaine de la santé dentaire.
-Edition ponctuelle de matériel pédagogique.

Une démarche de santé globale

La santé des dents et des gencives ne se conçoit que dans une démarche de santé globale. Au-delà d’un usage efficace de la brosse à dents, il faut adopter des habitudes alimentaires saines en ne faisant pas des sodas et des friandises le quotidien de son alimentation. Préserver la santé des dents et des gencives ne se fait pas non plus sans évoquer l’usage du tabac lequel a des répercussions néfastes sur ces structures.

Le financement

La Fondation pour la santé dentaire est attentive à préserver son indépendance, pour rester uniquement au service de la Santé publique.
Elle peut travailler essentiellement grâce aux cotisations des dentistes membres de la Société de médecine dentaire asbl, association dentaire francophone belge, et grâce au bénévolat de dentistes.
La Fondation ne bénéficie pas de subvention structurelle de la part des autorités. Elle n’accepte de réaliser des actions en partenariat avec l’industrie que dans de rares cas, et dans le respect d’une éthique stricte.
L’action ‘Sourire pour tous’ est financée par le Ministre fédéral de la Santé et le Comité de l’assurance de l’INAMI, en dehors de tout sponsoring.
La Communauté française a apporté son soutien pour une enquête épidémiologique et a accordé à la Fondation de l’espace média gratuit.

Un site Internet

https://www.sourirepourtous.be
Les enseignants et infirmières scolaires y trouveront ‘en ligne’, un dossier pédagogique et des fiches adaptées à chaque âge.
Parents et enfants trouveront des rubriques répondant à leurs centres d’intérêt.

Adresse

Fondation pour la santé dentaire, Avenue De Fré 191, 1180 Bruxelles. Courriel: fondation@dentiste.be.

Ici l’ombre, les enfants parlent aux enfants

Nous devions partir de la base de la base. Des messages élémentaires de l’éducation à la santé dentaire. Des fondements de notre action. De notre modus operandi habituel qui se résume en une phrase : «Il est moins ardu de changer ses comportements en groupe que de les changer tout seul».
C’est ce que propose «Sourire pour tous» aux écoles: des expériences-pilotes dans des classes. Expérience, car il s’agit de tester des défis pendant 1 mois. Car c’est un véritable défi que d’adopter des bons comportements de santé. En classe, parce que la dynamique est de groupe, et que cela facilite les choses. Pilotes, car l’idée est que ces classes peuvent servir d’exemple et essaimer dans les autres classes, voire dans d’autres écoles.
Ainsi donc nous voulions persévérer dans notre façon d’agir. Mais cette fois-ci, des écoles impliquées dans ces projets allaient utiliser la vidéo comme moyen pour faire connaitre ce qu’elles avaient réalisé dans leurs classes.
Mais on ne s’improvise pas cinéaste ou publicitaire. Une rencontre avec l’asbl CTV Media (3) nous donna l’idée de confier la mission de réaliser les spots TV… aux enfants eux-mêmes. Après tout, c’est ce que nous voulions, que les enfants parlent aux enfants. Qu’ils fassent savoir à d’autres gosses de leur âge (et aux adultes aussi) ce qu’ils avaient adopté comme bons comportements de santé dans leur école.
CTV Media organisa à leur attention une formation aux médias, un décodage du langage publicitaire, pour ensuite les aider dans le travail d’imagination et d’écriture des scénarii des spots.

En route vers les Césars, ou plutôt les espaces gratuits

Mais bien vite un premier écueil surgit. Trente secondes, c’est le temps habituel, formaté par les régies publicitaires, d’un spot TV. Trente secondes, c’est un temps qui fut jugé trop court par les enfants pour qu’ils puissent s’exprimer. Non, ce n’était pas un reportage journalistique que nous leur demandions. Il fallait donc se contenter de susciter, choquer, simplifier à l’extrême. Bref, d’utiliser un langage publicitaire.
Allions-nous au clash? Les enfants n’ont ni les arrière-pensées ni l’art manipulatoire des professionnels de la pub. De toute façon, nous n’avions pas les moyens pour engager des pros. Nous faisions confiance aux enfants. Leur doux amateurisme permettrait peut-être de se démarquer du discours dominant?
Plus certaines publicités sont bêtes, caricaturales, voire avilissantes, mieux elles marchent. Et ce ne sont pas les vendeurs de poudre à lessiver ou de gel détachant qui vont me contredire!
Nous ne voulions pas superviser le travail des enfants. Nous les avons donc laissé se débrouiller avec leur animateur vidéo.
Vint le jour de la présentation du résultat. Le pré-montage était fait. On pouvait juste encore corriger un enchaînement, une virgule, un slogan. Mais il fallait accepter le travail tel quel.
Et waouh, le résultat du travail des enfants dépassait toutes nos espérances! Avec cela, on pouvait tenter l’accès à la diffusion télévisuelle en introduisant une demande d’espaces gratuits à la Communauté française.

Politiquement correct

Oui, les spots dépassaient toutes nos espérances, mais, restons les pieds sur terre, nous y découvrions par ailleurs toutes les limites du média et du langage publicitaire. Nous y découvrions aussi les schémas de pensée tôt gravés chez les enfants.
Ces spots allaient-ils convaincre? N’était-ce pas un sérieux raccourci que de présenter la brosse à dents comme le moyen de défense contre «l’invasion de sucre dans nos écoles»?
N’était-ce pas renforcer le message d’une certaine industrie? Industrie qui par exemple n’hésite pas à proposer des produits light comme réponse à des problèmes de santé générés par une surconsommation de produits un peu moins light vendus par cette même industrie?
Les messages allaient être soumis aux censeurs, nous les premiers. Puis nos partenaires. Puis l’instance d’avis de la Communauté. Enfin, les Ministres de tutelle, qui ont le pouvoir de décider quelle campagne a droit au jackpot et quelle autre pas.
Il fallait être politiquement correct. Pas de cannettes de sodas trop rouges évoquant le leader du marché des soft drinks. Pas d’allusions trop transparentes à des marques.
Et puis il y avait aussi dans un des spots cette gamine au sourire éclatant qui renforce l’attirance des petites filles pour la Star Academy.
Et ce dentiste préhistorique confortant l’image d’Epinal catastrophique de la profession de dentiste?
Et ces attaques en règle contre une certaine société de consommation! Risquions-nous des retours de flammes? Des actions en justice? Quoi, «ils» oseraient nous attaquer? Mais que dirait le très peu indépendant Jury d’Ethique Publicitaire? Des messages d’éducation pour la santé doivent-ils être soumis à l’organisme régulateur (autoproclamé)… du secteur de la pub (4)?

Mission accomplie, mais…

Ne boudons pas notre plaisir. Nous avons obtenu l’espace. Nous l’avons fait. Nous le referons encore. Ces spots TV soutiennent notre action. Mais tout cela suscite quand même bien des questions.
Est-ce vraiment une voie que doit suivre la promotion de la santé? Peut-on délivrer des messages d’éducation pour la santé entre une pub pour des biscuits de petit-déjeuner et une autre pub pour des surprises chocolatées, tout en utilisant le langage publicitaire?
L’éducation se fait-elle aussi par la pub?
Une très sérieuse chercheuse universitaire en marketing, après avoir tenu des discours ambigus sur la pub entourant les émissions pour enfants, tend à démontrer maintenant que les messages d’éducation à la santé insérés entre les pubs commerciales sont très efficaces pour autant que ces supports soient bien réalisés. Mouais! Justement les organismes œuvrant en promotion de la santé n’ont pas les moyens financiers des géants de l’industrie agro-alimentaire. Ils recevront un peu d’espace média, mais pas autant que ces firmes qui monopolisent les écrans à coup de dizaines de milliers d’euros. Et qui nous colonisent véritablement le cerveau, qu’on le veuille ou non. Qu’on en soit conscient ou non.
L’ampleur du monopole de ces firmes se renforce. D’ailleurs elles se lancent elles aussi dans l’éducation à la santé, avec des moyens bien plus considérables que le secteur associatif. Et d’aucuns trouvent cela bien. Une industrie distribue des jeux éducatifs pour une «bonne» alimentation dès la troisième maternelle, et les instits en redemandent…
Qui reste-t-il pour protéger notre école des dérives de notre société marchande?
Ne soyons pas naïfs. L’industrie ne va pas dans les écoles pour éduquer. Elle y va pour former les consommateurs de demain. Ou d’aujourd’hui, car les poids lourds du secteur privé sont pressés. Sommés d’augmenter leur chiffre d’affaire et de générer une croissance «à deux chiffres» de leurs bénéfices (de minimum 10% tous les ans, donc, et plus encore si opportunité!).
Oui, on a reçu de l’espace gratuit. Mais comme vous le voyez, rien n’est simple dans cette entreprise. Beaucoup de questions restent posées. Bien des faiblesses apparaissent à l’utilisation de ce média. Bien trop de limitations aussi: est-il imaginable qu’on nous autoriserait à diffuser un spot qui dénonce les excès de la pub?
Des dangers guettent la promotion de la santé: celui d’accepter comme outil principal le langage publicitaire. Celui de laisser se répandre l’idée que des campagnes médiatiques suffisent. Celui de laisser les pubeux et leurs commanditaires devenir des acteurs importants de la promotion de la santé, voire des acteurs prédominants.
Est-ce vraiment ce que nous voulons?
Michel Devriese , Dentiste coordonnateur, Fondation pour la santé dentaire

(1) Dispositif régi par un arrêté du 18 janvier 1995. Pour une explication complète, voir C. De Bock, ‘Les campagnes radiodiffusées d’éducation pour la santé, Cahiers de Prospective Jeunesse n° 34, mars 2005.
(2) CCC: Chocolat, Chips, Cola
(3) CTV Médias, centre d’éducation aux médias, est une asbl reconnue en éducation permanente qui a pour objectif le développement de l’autonomie et du sens critique des citoyens face aux médias et aux nouvelles technologies de communication. Elle met ses moyens, ses compétences et les technologies de communication au service de projets éducatifs, sociaux ou culturels. Adresse: rue du Saphir 15, 1030 Bruxelles. Tél.: 02 735 22 77. Courriel: info@ctv.be. Internet: https://www.ctv.be .
(4) Le JEP (Jury d’Ethique Publicitaire) n’hésite dorénavant plus à mettre des bâtons dans les roues d’organismes publics tels le CRIOC, le Secrétariat d’Etat à la Consommation et dernièrement le Ministre de la Santé Publique himself en contrant sa campagne média de soutien au «Stop au tabac dans l’HORECA».

Les excès chez les ados, autodestruction programmée?

Le 30 Déc 20

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Lors d’une conférence organisée par le CEPULB (1), le Dr Jean-Pierre Jacques , médecin, psychanalyste et psychothérapeute qui fut membre fondateur de l’association Modus Vivendi ou encore médecin-directeur du projet LAMA, a fait le point sur ces ados qui se défoncent, à l’alcool et aux drogues notamment. De son allocution, on retiendra une analyse bien sombre de la prévention de ces comportements destructeurs…
Intitulée «Ados bitus, défoncés, déchirés», la conférence du Dr Jacques met le doigt sur une problématique qui inquiète l’opinion publique, incitant aussi les pouvoirs publics à agir, mais sans parvenir à être efficaces. « Ces adolescents ont une démarche auto agressive par l’abus d’alcool et de drogues . On retrouve chez eux le double mouvement ’adolescentaire’ : à la fois le refus du Système , de l’ordre établi et de ses règles , et l’agressivité , la tendance auto destructrice au mépris de la pulsion d’auto conservation . Contrairement aux mouvements contestataires , comme les hippies , les rappeurs , les punks , etc ., on voit qu’aujourd’hui , des jeunes se révoltent de manière indistincte contre le système : ils n’ont aucun combat précis , aucune revendication claire . Les lacaniens affirment qu’ils manifestent un appel au Père . Mais comment penser une prévention intelligente dans l’usage des drogues , dans ce contexte ? Comment transmettre des valeurs et des règles d’une génération à l’autre , alors que celle ci les récuse précisément ?», questionnait-il en guise d’introduction.
De par son expérience dans les associations qui s’occupent des jeunes drogués, le Dr Jacques constate la discordance qui existe entre les « maigres moyens réellement consacrés à la prévention par rapport aux incantations politiques et aux attentes des familles et des citoyens qui considèrent pourtant la prévention comme essentielle . Mais pourquoi une telle discordance ? Par hasard ? Par incompétence ? Ou plutôt par perte de l’illusion de pouvoir mener une prévention des abus des drogues dans des régimes libéraux et consuméristes ? En effet , il peut sembler dérisoire d’investir dans une prévention aux effets incertains , tout comme on peut le voir dans la prévention du suicide : il n’y a pas d’investissement pour prévenir le licenciement ou les chagrins d’amour , deux causes primordiales du suicide Idem pour la médecine préventive , l’échec scolaire , les violences familiales Alors à défaut de pouvoir prévenir , on décrit , on observe …»

Crise de la prévention?

En 2003, Rita De Boeck concluait une recherche en constatant que malgré les campagnes de prévention, la consommation de drogue, tabac et alcool augmentait chez les jeunes. En 2005, le rapport national belge sur les drogues constatait une augmentation de la consommation de cannabis en Communauté française ainsi qu’une stagnation – mais à un niveau élevé – de l’héroïne. Seul l’ecstasy semblait diminuer un peu. Des tendances confirmées dans le rapport de 2006.
Le Dr Jacques ne peut s’empêcher de s’interroger sur la période où l’on vit et sur la société dans laquelle les jeunes évoluent. La démocratie si prometteuse favorise à la fois les libertés, mais aussi les déceptions. Ce qui se constate tout particulièrement dans les sociétés qui passent d’un régime de type totalitaire vers un régime proche du nôtre, qui promet le bonheur pour tous… Mais tous ne s’y retrouvent pas, avec les déceptions que cela engendre.
Et puis, corollaire à la démocratie, il y a l’économie de marché: «On veut diminuer la consommation de drogue, dans un siècle où on promeut la surconsommation de tout le reste En effet , le développement économique dépend de la croissance qui elle même dépend de la consommation ! Avec le capitalisme total , la mondialisation , tout incite à la jouissance immédiate . Avant , il y a moins de deux générations , la jouissance était taboue : on ne pouvait se l’accorder que dans l’intimité , la culpabilité et furtivement , dans un contexte où la société était dominée par la sobriété , l’épargne , l’ordre , le refoulement . Aujourd’hui , le mot d’ordre est précisément la jouissance : elle est le moteur du développement personnel et de l’économie . Et comme on le sait , il ne faut plus d’entraves à l’économie : ses freins doivent tomber , comme sont tombées les frontières et toutes les limites dont les valeurs morales qui pourraient rendre l’accès aux biens plus difficile
Et de comparer cette rage de consommer et de profiter de tout à cette quête enfantine: « A peine possède t on quelque chose qu’on désire autre chose ! C’est un mode d’assujetissement au bénéfice du profit . L’être humain est réduit à un consommateur sans réflexion , ce qui peut générer le désarroi . Certains peuvent dès lors chercher un réconfort dans la drogue

Drogué: prototype du consommateur-type?

Si cette recherche de consommation pour le plaisir immédiat peut se retrouver dans la consommation de drogue, le Dr Jacques souligne que cette dernière est une marchandise particulière: « Le drogué incarne à tort ! – un mode de jouissance totale , sans limite , sans morale , sans connaissance des conséquences de ses actes : c’est le sujet consommateur sans sens critique que l’on retrouve dans notre société actuelle . Il correspond au sujet pulsionnel typique , qu’attend le marché , à savoir celui qui ne réfléchit pas avant d’acheter le nouveau GSM , le dernier home cinema , un GPS sans en avoir de réelle utilité De l’autre côté , il est une figure honteuse , scandaleuse , puisque les produits qu’il convoite sont prohibés par la loi Il est honteux aussi parce qu’il néglige les biens de consommation habituellement convoités par le reste de la société , comme la voiture , la maison , la cuisine , etc . Par ce côté , ils sont réfractaires au capitalisme , préférant la bouteille , le cachet ou la piqûre …»
Et il observe également le phénomène de deal: « Comme l’a observé Pascale Jamoulle , les dealers font du deal une espèce d’ascension sociale , pour échapper au destin minimex CPAS’ qui attend 40 % des sujets des cités . Ils sont tout aussi adeptes des idéaux de marché !» Avoir de l’argent pour exhiber sa réussite matérielle…
Dans ce contexte où la marchandisation de la société semble donc forger les mentalités consuméristes, comment prévenir les abus nocifs? « Il y a eu différentes tentatives , plus ou moins bonnes : information , dissuasion , dépistage précoce des situations d’abus ou encore politique de limitation des risques , pour réduire la mortalité et la morbidité des usagers . Dans le domaine des drogues , c’est un champ dans lequel on peut dire qu’on a eu un certain succès sur le terrain . Malheureusement , cela ne fait pas diminuer le nombre de consommateurs …»

Pas un hasard

Petit retour en arrière, bien utile pour comprendre la méprise, selon le Dr Jacques, qui plombe les politiques de prévention. En 1921, une loi a été votée afin de prévenir la consommation de drogue. L’idée sous-jacente étant que la «rencontre» avec la drogue est le fruit du hasard. Parce qu’elle procurait un plaisir immédiat, celui qui en consommait avait d’office envie de continuer: il fallait donc éviter le contact. « Aujourd’hui , on sait que les drogues ne sont pas sur notre chemin par hasard . Il faut qu’il y ait une demande et l’obtention de cette drogue sera liée aux rencontres qui seront faites dans cette quête . Voilà pour les cas aigus de recherche active de drogue . Dans les cas moins aigus non plus , cette recherche n’est pas le fruit du hasard . Ces cas , ce sont par exemple les gens qui ont subi des traumatismes , des maltraitances durant leur enfance , etc . La drogue va alors être susceptible de répondre à un mal être . On peut donc dire que cette loi de 1921 pour contrarier l’entrée en drogue est inefficace
Selon le Dr Jacques, cette volonté des jeunes de «se défoncer» peut être pour certains d’entre eux une volonté délibérée de s’auto-détruire, consciente ou non. « Certains jeunes manifestent ainsi leur résistance à la volonté des adultes de vouloir leur bonheur . Ces jeunes ne veulent pas être en santé , ils sont réfractaires au bien que les autres leur veulent , non pas par perversion , mais parce qu’ils ont une douleur au plus profond d’eux , qu’ils en soient conscients ou non

Une prévention plus efficace: comment?

Ces constatations peuvent-elles dès lors aider à la prévention de la consommation de drogue, à établir des programmes plus adaptés, donc plus efficaces? « Le partage des expériences n’est pas nécessairement une bonne chose . Pour prendre un exemple flagrant , le film Moi , Christiane F ., 13 ans , droguée , prostituée’ ( 2 ) a servi de mode d’emploi à un grand nombre de jeunes qui ont débuté leur consommation de drogue ; à l’instar d’une campagne publicitaire dans les années 90 , qui montrait les corps décharnés des drogués . La prévention de la toxicomanie est très individuelle , selon le vécu de chaque toxico , et de chaque usager de drogue potentiel . Il n’y a pas de vérité pour tous . Or , les campagnes de prévention sont stéréotypées , trop homogènes , ne tenant pas compte de cette multiplicité de cas
Le mode de communication aussi est essentiel: « On a fait l’expérience de la prévention à l’école selon trois modèles : dans un premier groupe , rien n’était fait : pas d’information pas de sensibilisation ; dans un deuxième groupe , on a donné une information sur les effets néfastes de la drogue sur la santé physique et mentale ; et dans un troisième groupe , on a organisé un débat , une discussion avec les jeunes , librement , en les laissant s’exprimer . Après 6 mois , les résultats ont été évalués : dans le premier groupe , l’effet était neutre : ni plus ni moins de drogués ; dans le deuxième groupe , c’est là qu’on a vu le plus grand engouement pour les drogues , comme si l’information négative sur l’effet des drogues agissait comme une publicité . Mais dans le troisième groupe , on a assisté à une légère diminution de l’intérêt pour les drogues . Malgré des débats parfois très houleux , parfois même des disputes , on peut parler d’effet protecteur’ dans les classes de 3e et 4e secondaires …»
Autre aspect important de la prévention: la légitimité de celui qui donne le message. « Pour avoir des chances d’atteindre son but , le message dispensé doit l’être par une personne sur laquelle le jeune peut effectuer un transfert . Il est donc essentiel de se demander si le sujet peut attribuer à son interlocuteur un certain savoir et une certaine capacité à changer quelque chose . La parole de prévention n’aura d’effet que si celui qui la prononce a une légitimité par rapport à celui qui l’écoute . Et c’est pour cela que les éducateurs et les parents ne sont pas nécessairement accrédités’ : cela sera au mieux inefficace , au pire contre productif ! On a vu que la prévention du sida chez les drogués par d’autres usagers de drogues était efficace . Chez les ados , d’autres ados ont une légitimité . Je constate donc qu’un moyen efficace , à savoir la prévention par les pairs , est sous employé , au détriment des campagnes grand public , tout à fait inutiles », conclut le Dr Jacques.
Au vu de cette expérience et de ce point de vue de terrain, reste à voir si les autorités oseront aborder une réflexion de fond sur ce sujet brûlant, qui, il faut aussi bien l’avouer, rebute à la fois les parents et les éducateurs, par peur de provoquer des comportements nocifs. Mais si la prévention est bien pensée, elle devrait au contraire enfin parvenir à ses fins…
Carine Maillard

(1) Conseil de l’éducation permanente de l’ULB, qui organise une ‘université du temps disponible’.
(2) Christiane F – Wir Kinder vom Banhof Zoo, film d’Uli Edel de 1981

Bruxelles, ville-région en santé. Quand l’aménagement de la ville est centré sur ses habitants

Le 30 Déc 20

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La Région de Bruxelles-Capitale et ses trois assemblées communautaires sont inscrites dans le projet de l’Organisation mondiale de la santé des villes-santé. Grâce aux initiatives des habitants, l’objectif est d’améliorer la qualité de vie dans la ville. Le tout, avec un coup de pouce de «Bruxelles ville-région en santé», association née directement de ce projet international.
Le projet des villes-santé, qui s’étend à travers le monde, existe depuis quelque 18 ans. Les villes candidates doivent dès lors mener des projets qui présentent six caractéristiques, définies par l’OMS.
Tout d’abord, ces projets s’engagent dans le domaine de la santé globale, ce qui implique qu’ils incluent ses aspects physique, mental, social ou encore spirituel. Leur priorité doit être donnée à la prévention et à la promotion de la santé.
Deuxième caractéristique: l’impact sur les décisions politiques. Tous les projets menés dans la ville peuvent avoir un impact sur la santé au sens large, tels que la mobilité, l’environnement, le logement, l’éducation ou les services sociaux… C’est pourquoi les projets des villes-santé doivent influencer les décisions politiques en y intégrant la vision de l’impact sur la santé des habitants que ces projets peuvent avoir.
Un troisième axe important est la transversalité entre les secteurs déjà actifs, mais dans des domaines qui peuvent être très différents. Ainsi, le réaménagement d’un territoire peut intégrer des espaces de sport, par exemple.
La participation des habitants est une quatrième caractéristique essentielle: il s’agit de faire en sorte que les habitants soient acteurs dans les projets qui les concernent, mais surtout de stimuler ces acteurs à jouer ce rôle.
L’innovation est également essentielle dans ce type de démarche: il s’agit d’adapter des actions et des méthodes de travail à des situations très spécifiques, avec des publics très différents. Aussi, les projets de villes-santé doivent-ils faire preuve d’imagination…
Et, pour terminer, le sixième point essentiel des projets est d’instiller une dimension de santé publique dans les administrations, afin que les politiques menées à tout niveau intègrent cet aspect important pour la population.
Cette définition posée, il restait à lancer les projets qui intégreraient ces 6 composantes. Parmi les 1200 villes participantes, à travers plus de 30 pays dans le monde, la Région de Bruxelles participe à la quatrième phase de ce projet de l’OMS, qui a débuté en 2003 et aura cours jusqu’à fin 2008.

Une œuvre de longue haleine

La première étape a été de créer en 2001 une association par le Gouvernement de la région de Bruxelles-Capitale et les trois Commissions communautaires, l’asbl «Bruxelles Ville-Région en santé», coordonnée par Nicole Purnôde . « Le concept de l’OMS est la qualité de vie avant tout ; il ne s’agit pas de faire du curatif , mais bien d’impliquer un maximum d’acteurs pour créer cette qualité de vie dans la ville , ce qui aura des répercussions positives sur la santé . Car qu’est ce qui fait qu’on se sent bien dans sa peau ? Ce bien être dépend de plusieurs facteurs : la situation professionnelle , financière , l’accès aux activités culturelles , à l’éducation , aux systèmes de soins de santé , la sécurité , la qualité de l’air , un tissu social riche Et la ville est le lieu où tous ces aspects se mêlent », explique-t-elle.
La question que l’on pourrait se poser, sans connaître encore précisément les actions de cette association est: que peut-elle apporter de plus que ce qui existe déjà? Et là, Nicole Purnôde est claire: « A la fois un lien entre toutes les ressources existantes et la participation des habitants . L’un des axes que nous considérons comme prioritaire est d’augmenter la démocratie locale , en incitant les habitants à être non seulement responsables de leur cadre de vie , mais aussi acteurs dans les changements qui doivent s’y produire . Quant aux actions existantes , nous savons qu’elles sont nombreuses , et souvent efficaces . Mais il faut laisser la place à ces habitants dans les choix des politiques et dans les actions à mener
Ce qui ne signifie pas que ces institutions et associations qui mènent un travail considérable dans la ville sont écartées. Au contraire, elles sont appelées pour apporter des éclaircissements, des informations, des formations aux habitants, selon les cas. « Notre but est de contacter tous ces acteurs , d’abord pour leur dire que nous existons , mais aussi pour voir comment nous pourrions collaborer . Il y a un nombre extraordinaire d’organismes et d’associations qui disposent de compétences , de données qui pourraient être utilisées par les habitants dans le cadre de projets qu’ils voudraient mener pour leur quartier , mais ils ne se connaissent pas . Chacun œuvre dans son coin , avec ses propres moyens , comme un puzzle non assemblé . Nous voulons être une charnière où tous ces acteurs pourraient se rencontrer , pour permettre des politiques transversales . « Bruxelles Ville Région en santé » a mis sur pied un comité technique composé entre autres de la Société de développement régional ( SDRB ), l’Institut bruxellois pour la gestion de l’environnement , Question Santé , la STIB , des acteurs actifs dans tous les domaines de la vie en ville . Et face à une problématique rencontrée par des habitants et à laquelle ils cherchent une solution , notre but est de mettre les différents acteurs en contact , pour que les expériences et les ressources soient partagées , pour instaurer une synergie et créer une communication entre tous , menés par les habitants . Bref , nous ne sommes pas une association qui mène à bien des projets précis , mais qui active , informe , met en lien , assiste les initiatives des habitants
Il restait donc à mettre tous ces beaux principes en pratique, et des appels à projets ont été lancés. « Nous souhaitions des projets liés à l’espace public comme élément de cohésion sociale , qui émanaient des habitants , et qui impliquaient une participation locale . Nous voulions des projets qui n’étaient pas ficelés , afin de jouer pleinement notre rôle de liaison avec d’autres intervenants . Ce sont des projets qui devaient être utiles aux habitants du quartier en question .» De cette sélection, quatre projets sont sortis et ont été menés quasiment à bien à ce jour.

Neptunium (Schaerbeek)

Pour ce premier projet, il s’agissait de répondre à un appel des usagers de la piscine «Neptunium» installée à Schaerbeek, dont le sort était plus qu’incertain. En fait, seule la façade du bâtiment devait bénéficier d’une rénovation. Quant au bassin, il ne devait plus servir. Mais cette condamnation n’a pas plu à ses usagers qui se sont regroupés pour étudier comment le sauver. « Ce groupe de personnes a voulu établir un programme de développement durable pour cet équipement menacé . Elles ont donc fait appel à nous et nous avons mis en branle tous les acteurs susceptibles d’apporter une aide . C’est ainsi que les personnes impliquées dans ce programme ont reçu du Centre local de promotion de la santé et de la Mission locale de Schaerbeek une formation sur la nécessité de garder une activité dans le bassin , des experts sont venus expliquer les effets de la chloramine qui posait problème , l’IBGE a mené un audit énergétique , le Patrimoine a été contacté pour classer l’ensemble de la piscine , nous avons établi un schéma complet reprenant les compétences de chaque organisme et des aides apportées afin de mieux comprendre où il fallait s’adresser Grâce à cette mobilisation active des habitants , la piscine n’est pas fermée , mais ce n’est qu’un début : l’activité du bâtiment reste encore trop limitée , parce qu’il n’y a pas de maîtres nageurs en suffisance . Aussi , les habitants veulent aujourd’hui former des jeunes du quartier pour créer de l’emploi dans cet espace qu’ils se sont appropriés ».

Outre-Ponts (Laeken)

Dans ce quartier populaire, se côtoient des personnes de tous âges, de toutes origines, mais qui ont un point commun: une situation socio-économiquement faible dans un quartier laissé à l’abandon. A proximité, un terrain vague bordant une voie ferrée n’est pas pour améliorer le décor. Autrement dit, un cadre qui n’incite pas à la convivialité ni à l’épanouissement… Mais un groupe d’habitants a décidé de remédier à cette situation qui ne leur plaît guère. « Ils nous ont soumis un projet de potager commun , qui serait par la même occasion un lieu interculturel et intergénérationnel de rencontre des habitants . Dans le cadre d’un contrat de quartier il fallait analyser le terrain pressenti avant toute culture . La Ville de Bruxelles ( dont Laeken fait partie , ndlr ) a effectué des carottages et constaté la présence de plomb dans le sol . Pour informer sur cette présence , nous avons organisé un grand pique nique , invitant tous les habitants du quartier , pour leur expliquer les risques du plomb sur la santé , puisque ce métal lourd devait évidemment être présent également dans les terrains des habitations limitrophes Le groupe d’habitants a donc dû modifier son projet et plusieurs d’entre eux ont accepté notre invitation à se rendre à Londres , afin de s’inspirer d’une expérience qui y est menée . Ce terrain à Laeken est donc devenu un jardin pédagogique , sauvage , grâce à des acteurs qui ont été bien utiles : des stagiaires paysagistes à qui nous avons fourni des photos aériennes de la zone , et qui nous ont proposé un plan du jardin . Les habitants ont nettoyé tout le jardin et entretiennent régulièrement les plantes dont ils ont fait un relevé . Un habitant a même mené des recherches sur la raison de la présence de plomb , découvrant qu’anciennement , une usine d’encre était installée à cet endroit . Ils ont contacté des écoles où des ateliers de travail du bois étaient organisés afin de confectionner les panneaux du parc , etc . Ils ont également obtenu les subventions nécessaires à la réalisation du projet dans le contrat de quartier . Résultat : un petit coin de paradis qui est montré en exemple dans la presse ».

Esseghem (Jette)

Insécurité et insalubrité: voilà ce qui caractérisait les tours d’un quartier de cette commune bruxelloise. Ici aussi, ce sont donc les habitants qui ont décidé d’agir. Ils ont consulté la maison médicale du quartier pour lancer un projet, une association de quartier. Car la qualité de vie n’y était pas, et ils voulaient y remédier.
«La première étape a été d’organiser une réunion avec des associations participant à d’autres programmes. Lors de cette réunion, nous avons tenté de relever les problèmes qui se posaient et la perception subjective qu’en avaient les habitants, d’élaborer des indicateurs cette fois plus objectifs des problèmes rencontrés, notamment par des chiffres sur les méfaits commis dans ces quartiers, le travail réalisé par des organisations existantes dans ce périmètre… Nous avons rassemblé et confronté toutes ces informations et surtout les problèmes, séparé ce qui relevait du comportement et du matériel ou des structures, afin de déterminer sur quoi il était possible d’agir. Nous les avons aidés à réaliser une «vraie-fausse» enquête publique qui a été à la base d’un cahier des charges. Nous avons informé des personnes-ressources notamment sur la toxicomanie, supposée présente dans ce quartier: un médecin toxicologue, un policier sont venus informer des personnes relais, destinées à devenir des «courroies de transmission» vers les autres habitants, nous avons donné des informations sur la mobilité ou la propreté. Par ailleurs, une demande de financement dans le cadre de l’accord de coopération entre la Région et le Foyer jettois est en préparation et permettrait de renforcer les projets des habitants. Parmi ceux-ci, une semaine de la mobilité, une fête des voisins pour mieux se connaître, la création de cultures en boxes, sortes de mini-jardins suspendus pour les personnes âgées, les handicapés ou encore les enfants. Un dossier a été introduit à la Fondation Roi Baudouin, dont l’accessibilité a pu être expérimentée: tous n’auraient jamais envisagé de prendre contact avec une fondation qui leur semblait tellement prestigieuse…»

Quartier maritime (Molenbeek)

Ici, il s’agit du projet le moins abouti, car probablement trop récent encore, mais aussi parce que l’isolement des habitants y est particulièrement lourd. Les logements sociaux de ce quartier s’insèrent dans un tissu urbain à caractère économique, où les espaces publics existants sont laissés à l’abandon. Des habitants ont proposé un programme de revitalisation, de gestion et d’occupation. Un contrat de quartier a été adopté l’année dernière mais la démarche est plus longue. Ici aussi, une «vraie-fausse» enquête publique va être menée (elle est en gestation). Il s’agira d’abord de tisser des liens entre les habitants et les inciter à sortir de leur isolement, en leur démontrant l’intérêt de pareilles initiatives pour leur bien-être…

Comme on le voit dans ces quatre exemples, l’idée de base est de permettre aux habitants de s’approprier des projets. « Notre but est de leur donner des outils pour mener à bien leurs projets , de les diriger vers les structures qui pourront leur apporter un soutien soit logistique , soit financier , soit pratique . Mais ces habitants gardent toujours la mainmise sur les projets : ce sont eux qui les font vivre sur le terrain , nous les aidons simplement à les lancer . Lorsqu’ils auront toutes les connaissances nécessaires , ils continueront par eux mêmes , tout en sachant où s’adresser en cas de problème », conclut Nicole Purnôde.
L’association vient de lancer un nouvel appel à des projets sur la mobilité, que ce soit dans la ville, dans son corps, vers les autres. Gageons que le succès sera au rendez-vous, afin que Bruxelles soit vraiment une capitale en santé!
Carine Maillard
Pour toute information complémentaire: Bruxelles Ville-Région en Santé, Nicole Purnôde, Quai du Commerce 7, 1000 Bruxelles. Tél.: 02 219 84 44. Courriel: ville.sante@oms.irisnet.be

Promotion de la santé et éducation pour la santé: état des connaissances et besoins de recherche

Le 30 Déc 20

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Ces 8 et 9 février se tenait, au Grand-Duché du Luxembourg, un colloque francophone international intitulé «Promotion de la santé et éducation pour la santé: état des connaissances et besoins de recherche». Une centaine d’experts belges, français, canadiens, luxembourgeois et africains s’y sont retrouvés pour écouter leurs pairs et participer à divers ateliers thématiques.

Une belle diversité culturelle

Ce colloque avait pour double objectif de présenter des études et projets et d’aider au repérage des champs de recherche à développer.
Ainsi, on a pu constater que dans des pays comme la Belgique ou le Canada, la prévention et l’éducation pour la santé, même si elles disposent de moyens financiers modestes en regard du secteur curatif, ont leur place au cœur des politiques de santé. En outre, en Belgique francophone, elles sont structurées selon des dispositifs légaux précis qui favorisent une certaine forme de continuité des actions.
D’une manière générale, les pays du Nord ont développé leur expertise en réalisant des recherches en lien avec les programmes de prévention, en développant des actions conduites par les acteurs de santé, en établissant des partenariats ou en promouvant la formation en éducation à la santé.
Dans cette perspective, le Dr Y . Wagener , de la Direction santé du Luxembourg, le Dr R . Massé , Président directeur général de l’Institut national de santé publique du Québec, Annick Fayard de l’INPES (1) en France et Martine Bantuelle , Présidente du Conseil supérieur de promotion de la santé en Communauté française de Belgique sont venus expliquer le cadre dans lequel s’inscrit la promotion de la santé dans leur pays.
On a pu constater par contre que dans d’autres pays plus au Sud comme le Bénin ou le Congo, les acteurs de santé essayaient seulement d’adapter les textes internationaux aux réalités de leur continent. Par ailleurs, ils ont montré une réelle volonté de développer leurs capacités propres d’évaluation et de développement, et leurs propres programmes de recherches. On peut néanmoins dire que la promotion de la santé est encore ‘en gestation’ dans cette partie du monde. C’est ce que sont venus nous expliquer notamment le Prof . Elisabeth Fourn , enseignante et chercheuse à l’Université de Cotonou au Bénin, le Prof . A . Soulimane , Directeur du laboratoire de santé publique de l’Université Sidi Bel Abbès en Algérie, ainsi que le Dr Anta Tal Dia , Directrice de l’Institut de Santé et Développement de l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar.
Diverses interventions ont permis aux participants de découvrir des initiatives intéressantes. Pointons par exemple, la présentation par Valérie Levy -Jurin du Réseau français des villes-santé de l’OMS, au cours de laquelle elle a expliqué en quoi les politiques pouvaient soutenir les projets de promotion de la santé au niveau local, malgré les problèmes de temporalité liés à la durée de leur mandat.
Un autre volet d’interventions a permis de découvrir différents réseaux et structures, comme la Fédération nationale d’éducation pour la santé (par le Prof . Jean Pierre Deschamps ), le Réseau francophone international pour la promotion de la santé (par le Dr David Houeto , RESO-UCL) ou encore l’Union internationale de promotion et d’éducation pour la santé (par Marie Claude Lamarre ).

Des ateliers

Trois ateliers thématiques en parallèle ont permis aux participants de s’enrichir d’expériences de terrain illustrant les questions de l’évaluation et de la recherche.
Un premier atelier traitait de l’éducation thérapeutique du patient, notamment dans le domaine du diabète, de la santé cardio-vasculaire, de l’obésité chez l’enfant ou encore de la psychologie de la santé des patients.
Un deuxième atelier intitulé ‘Méthodes, évaluations, outils’ s’est plus particulièrement attaché à l’évaluation de projets, par exemple en matière de prévention des assuétudes, de santé des migrants, ou d’actions menées en milieu scolaire visant à développer les compétences psychosociales des jeunes.
Enfin, un troisième atelier s’est attaché à montrer des actions menées auprès de trois types de publics: jeunes, adultes en milieu de travail et personnes âgées. Et là aussi, la question de l’évaluation et du manque de recherches dans certains domaines a été la constante.
Beaucoup d’interventions donc, presque trop puisque vu la quantité des actions présentées, le temps de débat était fortement limité, l’ensemble restant alors paradoxalement très théorique.

Une ambiance

Vous aurez compris, au vu de ce qui précède, que ces deux journées furent très studieuses. Elles furent aussi un temps de rencontres et d’échanges informels, grâce aux quelques pauses et à la soirée touristique organisée le premier jour. Soulignons également la bonne organisation et la convivialité des membres du CRP-Santé.
Toutefois, nous gardons l’impression d’avoir assisté là à une réunion d’experts, essentiellement destinée aux chercheurs et aux décideurs politiques, mais avec une trop faible participation d’intervenants de terrain.
Gageons que d’autres réunions de ce type auront encore lieu à l’avenir, et que les contacts noués à Luxembourg susciteront de nouvelles initiatives en matière de recherche et de formation, ainsi que de nouveaux partenariats entre les chercheurs de différents pays du Nord et du Sud.
Les textes des interventions seront prochainement disponibles sur le site du CRP Santé , Ministère de la santé du Grand Duché du Luxembourg : http://www.pses.crpsante.lu .

Merci aux organisateurs de nous avoir permis de présenter Education Santé aux participants du colloque! (1) Institut national de promotion et d’éducation pour la santé

Promotion de la santé: et si vos objectifs étaient inavouables?

Le 30 Déc 20

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Pourquoi ce titre quelque peu provocateur? Parce que, à la lecture des objectifs des villes santé, il m’est venu un doute que je pourrais exprimer de deux façons: par exemple que les objectifs de villes santé se situent entre prévention médicalisée et développement durable, sans lien visible avec la santé; ou pour le dire autrement: comment garder ou trouver une identité professionnelle dans l’intersectoriel?

Villes santé: quatre défis (au moins)

Quels sont en effet vos objectifs dans l’engagement face à la promotion de la santé?
Premièrement «intervenir dans le domaine des politiques publiques en faveur d’un engagement politique clair… pour la justice sociale».
Deuxièmement «dénoncer les pratiques… qui engendrent les inégalités».
Troisièmement «contrer les pressions en faveur des produits dangereux, des conditions de vie malsaines, d’une nutrition inadéquate».
Quatrièmement «oeuvrer pour la réorientation des services de santé».
Ces objectifs, qui se situent dans la droite ligne de la charte d’Ottawa, soulèvent quelques inquiétudes, en particulier par rapport au modèle de développement économique, qui semble, malgré les résistances altermondialistes, dominé par des modèles ultra- ou néo-libéraux; il me semble y avoir dans ce climat un risque que vos objectifs vous fassent fortement associés d’emblée à un côté de la vie politique des Etats, des régions ou des villes. Ainsi Edmond Hervé constatait-il que «la loi du marché étale la ville, augmente les inégalités» et doit donc être contrebalancée sinon contrée «par une politique sociale».
L’approche générale de promotion de la santé tend à privilégier la participation et par là une forme de démocratie directe plutôt que la démocratie représentative; en ce sens cela se situe donc en dehors sinon contre les partis politiques organisés et également en dehors sinon contre les organisations syndicales. Ainsi Réal Lacombe parlait-il d’un nouveau partage des pouvoirs et des ressources entre gouvernements et citoyens, entre professionnels et clients.
La plupart des partis politiques se réclament de la démocratie et au cours des campagnes électorales on pourrait presque dire que la revendication qu’il y ait davantage de démocratie est une revendication permanente de ceux qui cherchent à être élus. Mais ce caractère permanent de la revendication n’est-il pas l’aveu même qu’ils n’y arrivent donc jamais?
Or il faut garder à l’esprit à quel point, dans ce domaine, des tentatives d’augmentation de la participation directe des citoyens et de leur empowerment qui échouent, et dont les échecs sont mal gérés, se paient de démobilisation, de découragement et surtout d’une augmentation du sentiment d’impuissance, ce que Little appelle le «dysempowerment» (qu’il conviendrait me semble-t-il d’écrire «disempowerment»).
Sur le troisième objectif, celui de changer les pratiques industrielles et commerciales, les risques sont aussi grands, ainsi que le montre l’action des lobbies industriels, autant auprès d’organisations internationales comme l’Organisation mondiale du commerce mais aussi l’Organisation mondiale de la santé, que du monde politique, des médias, des scientifiques, de la population elle-même. Ceci a été amplement démontré dans le cadre du tabac, mais s’observe autant en ce qui concerne l’agroalimentaire, le secteur automobile et du transport en général, les médias, etc.
La réorientation des services de santé est restée probablement l’objectif le moins actif depuis Ottawa, il y aura bientôt 20 ans. S’agit-il de changer les médecins, de changer l’hospitalocentrisme et surtout la hiérarchie du monde médical dominé par la médecine spécialisée avec au sommet de la pyramide les CHU?
Ceci n’est d’ailleurs pas sans rapport direct avec le monde politique, toujours prêt à s’afficher avec l’un ou l’autre professeur. Il faut se rappeler par exemple que l’on trouve toujours un ministre pour inaugurer un hôpital et qu’il est singulièrement moins facile d’en avoir un pour célébrer une fermeture!
On connaît aussi dans la plupart des pays les valses budgétaires entre coupures de budget des hôpitaux suivies dès le changement de gouvernement par la restauration sinon l’augmentation de ces mêmes budgets.
La grande question qui résulte pour moi de toutes ces inquiétudes est la suivante: où diable allez-vous trouver des alliés puissants?
Sans doute pouvez-vous penser à la population, au nom de l’intérêt de laquelle vos actions sont entreprises. Mais peut-on ne pas garder en mémoire que la population est peut-être en fait souvent «inconstante»?
Non pas au sens familier mais un peu méprisant que le terme a souvent, mais avant tout parce que le genre de combats qui viennent d’être évoqués implique notamment une constance sur de longues années, ce qui suppose d’avoir les moyens de cette constance (Bury 2004 (1)). Et donc peut-être au moins faut-il s’appuyer sur des associations, qu’elles soient associations de patients, d’usagers des services de santé, de consommateurs en général ou de citoyens.

La promotion de la santé: six questions (au moins)

Je voudrais aussi évoquer une série de questions qui me semblent comporter certains risques.
Tout d’abord, la tendance à associer politique de prévention avec politique de promotion de la santé . La question pour moi est de savoir si l’on peut faire à la fois une politique de prévention et une politique de promotion de la santé, et si c’est oui, à quelles conditions.
En effet la prévention porte bien sur la prévention des maladies et la promotion de la santé porte bien sur la santé. On se trouve ainsi à vouloir considérer autant le négatif que le positif, avec un postulat sous-jacent qui est que santé et maladie se situeraient sur un continuum, c’est-à-dire sur une dimension unique bipolaire.
Or je suis de ceux qui pensent que la santé est globale et multifactorielle et que de ce fait il n’y a pas de continuum pour les sujets. Cette vision du continuum implique aussi que la maladie est vue comme une perte, et uniquement comme une perte, et nie jusqu’à un certain point le fait que la maladie peut être l’occasion d’un nouveau départ vécu positivement. Ce que tant de patients années après années ne cessent pourtant de répéter aux soignants. Cette approche de la prévention comporte aussi la tendance à concevoir les risques de santé comme des choses à éviter, de rechercher alors l’éradication des risques plutôt que l’éducation à la gestion des risques.
La prévention des maladies reste sous-tendue par le modèle épidémiologique et biomédical dominant, les facteurs individuels de risques des maladies, une approche verticale par programmes, visant les fonctions, les organes, une population objet; alors que la promotion de la santé repose sur un modèle global et humaniste, une approche horizontale intersectorielle par milieux, avec une population sujet.
En prévention, on recherche d’abord l’efficacité technique à court terme spécifique sur indicateurs épidémiologiques tels l’espérance de vie plutôt que l’efficacité globale à long terme sur qualité de la vie (liée à la santé). De même, en prévention, on privilégie des modèles de planification sanitaire comme le changement planifié et la planification directive, et non le changement émergent et la planification participative et incitative. (top down ou bottom up) (2).
La deuxième question que je souhaite aborder est celle de la continuité que je crois profonde entre patients , usagers , consommateurs et citoyens , et de la même façon entre associations de patients, associations d’usagers et associations de citoyens. Les fondements en effet me semblent être les mêmes: il s’agit d’un déplacement sur l’axe dépendance – autonomie vers la participation mutuelle, la responsabilisation et aussi un modèle global de santé. C’est la raison pour laquelle la promotion de la santé comprend aussi bien la promotion des droits des patients que celle des droits des citoyens et par là, la citoyenneté de la santé. Il s’agit bien d’une problématique constante qui est la participation éclairée des individus et des groupes qu’ils forment à la prise et la gestion des décisions qui les concernent.
Quand je parle ici de participation, il s’agit d’une participation réelle des patients, par exemple dans une négociation entre patients et professionnels pour aboutir à ce que les économistes appellent un service co-produit.
Il s’agit en politique de santé de faire entendre la parole des patients, de défendre les droits des patients, de leur donner accès à l’information et au pouvoir de décision dans le système de soins (3).
Troisième question, celle du débat récurrent entre l’individuel et le collectif .
Il y a dans ce vieux débat trop souvent une polarisation des approches entre le développement des attitudes individuelles («la promotion de la santé vise à favoriser chez les individus l’apprentissage de modes de vie sains») et la responsabilité des environnements («permettre aux communautés d’aménager leur environnement et de promouvoir l’inscription de la santé dans les politiques sociales et les décisions collectives»).
Or je défends que cette opposition est idéologique et non scientifique, qu’elle n’est démontrée ou soutenue par aucune évidence. Au contraire le pragmatisme qui découle de l’approche systémique et les données d’observation qui résultent des évaluations de programmes indiquent que l’efficacité la plus grande est d’agir à la fois sur l’individuel et le collectif d’une façon congruente. On ne peut manquer à ce propos de se référer par exemple aux études sur l’investissement dans le capital social.
Quatrième question, celle de la participation qui implique donc que la personne soit au centre du système comme sujet et acteur du système social. Mais une difficulté vient de ce que les systèmes publics européens, même s’ils sont davantage marqués d’un souci social que les systèmes américains, sont quand même des systèmes verticaux avec des modes de gestion de type direction et contrôle. Cela tient sans doute à ce qu’ils sont en grande partie étatiques et donc bureaucratiques. Or il est de plus en plus démontré que les problèmes requièrent des approches horizontales fondées en priorité sur le travail en réseau et la confiance; cela implique donc de rediriger le travail des structures institutionnelles et des politiques formelles vers des modes d’organisations sociales interinstitutionnelles.
Les risques d’échec sont évidemment très grands compte tenu des résistances bien connues au changement, surtout dans la fonction publique, et particulièrement quand il s’agit de perte de contrôle pour ne pas dire de pouvoir. Mais cela comporte des implications éthiques pour les intervenants en promotion de la santé, liées au risque de soulever des attentes et de provoquer des déceptions. Pour le monde politique, l’aspect inquiétant est d’assister à une transformation des attentes de la population en demandes articulées qui peuvent être ressenties comme menaçantes.
Cinquième question, celle de l’intersectoriel : comment gérer au mieux l’intersectoriel et notamment dans la durée? Faut-il institutionnaliser des formules comme la double appartenance ou du moins un grand degré d’indépendance des chefs de projet, la gestion par des organes interdépartementaux mais avec un chef de projet responsable, clairement identifié et possédant un degré d’autonomie qui porte au moins sur l’autonomie budgétaire?
Mais il faut le faire sans ignorer l’inévitable compétition entre les personnes, entre les associations ou entre les institutions; en sachant aussi la difficulté pour les institutions, particulièrement pour les administrations, de reconnaître le rôle fondamental des personnes. La question est souvent d’identifier les «bonnes» personnes dans les institutions plutôt que de laisser les «bonnes» institutions identifier les personnes.
Les liens entre les approches intersectorielles menées avec des visées de changement de politiques publiques et les leaders politiques comportent en eux toute une série de risques liés notamment aux changements politiques périodiques. Mais ce champ de questions sur la continuité se retrouve souvent aussi avec des chefs de projet qui poursuivent également une carrière personnelle; or étant donné que la durée de vie d’un chef de projet est souvent inférieure à la durée du projet lui-même, se pose alors la question du passage de relais pour assurer la continuité du projet.
La prédominance de l’intérêt du projet sur les intérêts personnels ne me semble pas assez affirmée d’une façon très volontariste et contraignante. Il faut à tout le moins par exemple maintenir le nom du projet, notamment pour sa lisibilité pour la population, ce qui est souvent en contradiction avec le désir des politiques d’afficher leur nom associé à celui d’un projet; du côté du projet lui-même il faut s’inquiéter de la précarité fréquente des subsides, laquelle implique souvent la précarité des personnes ressources.
Enfin, et ce n’est peut-être pas le moindre risque de l’intersectoriel, c’est celui de l’extension du champ qui me semble entraîner le risque d’une dilution de la spécificité, de la compétence, de la légitimité, et de la crédibilité.
La sixième et dernière question que je souhaite aborder est celle des liens entre la promotion de la santé , la recherche et les évaluations . Il y a un besoin essentiel et je crois indiscutable de recherche, mais encore faut-il que la recherche soit pertinente et notamment porte sur ce qui est le plus nécessaire et le moins connu, je veux dire l’efficacité et l’efficience des programmes et des interventions; il s’agit donc en premier de ce qui est souvent appelé les recherches stratégiques et aussi ce qui concerne la recherche participative plutôt que des recherches académiques habituelles.
Ici il faudra convaincre le monde académique (chercheurs et organismes de subsidiation de la recherche) que la publication dans la revue disciplinaire n’est pas le but suprême de l’existence. Il faut, comme le disait R. Lacombe, que la recherche des évaluations de programmes participe au développement des connaissances et contribue à ce qui est souvent maintenant regroupé sous le vocable de gestion de la connaissance.
De la même façon, il est essentiel me semble-t-il d’investir largement dans l’affirmation de modèles nouveaux d’évaluation qui soient pleinement pertinents à la promotion de la santé. Le développement de ce secteur depuis 10 ans est rassurant, même s’il n’a pas encore abouti à une reconnaissance pleine. Il est essentiel aussi qu’il inclue des évaluations économiques. Celles-ci seront indispensables comme le disait encore R. Lacombe pour convaincre les décideurs d’investir et, comme le soulignait Roderick Lawrence , notamment dans les infrastructures publiques.
Bien sûr, il faut des évaluations qualitatives, qui sont probablement le seul garant pour trouver le sens, mais ceci ne peut exclure le quantitatif. Encore une fois, on se trouve en face d’un débat dépassé. Même si la littérature des dernières années abonde d’arguments en faveur de cette complémentarité et propose des modèles d’intégration entre les deux approches, la réalité n’en montre pas encore l’évidence. Ceci à mon avis essentiellement parce que les formations des chercheurs sont presque exclusivement dans l’un ou l’autre domaine et non dans les deux à la fois. Le rôle, dans les années qui viennent, de la prise en compte des données probantes me semble incontournable. Le débat ne doit pas être à ce niveau de la nécessité des preuves, mais au niveau de la nature des preuves: celle-ci doit se situer précisément comme un champ d’intégration de modèles complexes prenant en compte aussi bien le qualitatif que le quantitatif. Parce que les situations sont complexes et contextualisées et que les interventions se font en milieu naturel et s’inscrivent dans la durée. Il me semble qu’une des voies les plus prometteuses est celle de la synthèse cumulative d’évaluations de différents types, incluant les rapports des équipes de terrain. (voir notamment Bury 2003 (4)).
Pour terminer plutôt que pour conclure, je resterai sur une question: une politique de santé peut-elle ne pas être politique?
La nouvelle santé publique est peut-être en train d’accompagner l’émergence de la citoyenneté de la santé et de la démocratie sanitaire. Villes santé me semble être au coeur de ce mouvement. Il faudra bien finir par reconnaître que c’est sans doute là le moyen essentiel pour atteindre de façon significative l’amélioration de la santé de la population.
Jacques A. Bury , Consultant auprès de la Direction générale de la Santé du canton de Genève
Texte d’une intervention prononcée à Bruxelles le 24 mars 2004 à l’occasion du 7e Colloque francophone des Villes Santé de l’OMS et des Villes et villages en santé. Il a déjà été publié dans le numéro 36 de Santé conjuguée, en avril 2006.
Adresse de l’auteur: ProPos, Association pour la Promotion des Politiques de Santé, 20 rue des Caroubiers, 1227 Carouge, Suisse. Courriel: jacques.bury@proposante.ch. Internet: https://www.proposante.ch

(1) Voir notamment la conférence «Voies et moyens pour promouvoir efficacement la santé», prononcée à la journée nationale suisse de promotion de la santé, Lugano, janvier 2004, dont les dias sont accessibles sur https://www.promotionsante.ch/fr/activities/conference/2004/default.asp .
(2) Ce débat a fait l’objet d’une présentation ici résumée à un séminaire avec Promotion Santé Suisse et le Projet de politique nationale de santé en Suisse (octobre 2002)
(3) Voir notamment Bury J.A.: Education thérapeutique et démocratie sanitaire: du quotidien au politique. Revue francophone de psycho-oncologie (4):113-119, 2003.
(4) Bury J.A. Evidence base in health promotion: why bother? Soz .- Präventivmed . 48 (5):277-278, 2003.

L’éducation relative à la santé environnementale: un nouveau champ en émergence?

Le 30 Déc 20

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«Air, eau, lieux» , Hippocrate envisageait déjà la relation entre l’environnement et la santé humaine. Aujourd’hui, l’amélioration de la santé en lien avec l’environnement est devenue une réalité et se retrouve pleinement dans la définition de la promotion de la santé telle qu’elle est énoncée dans la Charte d’Ottawa. Cette Charte fait d’ailleurs référence au souci de créer des « milieux favorables à la santé » tant au sens écologique du terme, mais aussi sur le plan de l’urbanisme, du logement, du travail, des loisirs, etc.
Les problèmes de santé liés à l’environnement ne sont pas de nature ponctuelle, mais s’inscrivent souvent dans un cadre social, culturel, économique et historique plus vaste. Une approche impliquant la participation des communautés en santé permet dès lors de reconnaître le caractère unique de chaque collectivité dont la santé repose entre autres sur son milieu de vie. Cette approche communautaire en santé environnementale est aussi une manière d’amener les membres de la communauté à identifier des problèmes d’importance qui les touchent et de mettre au point une stratégie pour atteindre leurs objectifs de changements dans leurs habitudes individuelles et collectives. Cette façon de procéder peut donc susciter un sentiment de prise en charge commune des responsabilités et des décisions. Lorsqu’une telle dynamique communautaire est en place, les occasions d’apprentissage se multiplient et renforcent le sentiment d’appartenance, de solidarité dans l’ensemble de la communauté.
Un des objectifs centraux de l’éducation relative à la santé environnementale vise à augmenter la capacité des individus à s’approprier les savoirs et à autogérer leur environnement dans une perspective de santé. C’est dans ce sens que, pour répondre aux dangers de santé en lien avec l’environnement, plusieurs auteurs (Freudenbergh, 2004 ; Crosier Kegler et coll., 2004 ; Sauvé et Godmaire, 2004 ; Labonte, 1995) estiment justement qu’il faut mettre l’accent sur cette dimension communautaire.
Les quelques cas de promotion de la santé environnementale – et les démarches éducatives qui y sont associées – analysés dans ce dossier s’inscrivent pleinement dans ces axes. Cependant, une des difficultés majeures est que ces projets s’étalent dans le long terme et requièrent plusieurs années pour observer un impact et/ou un changement au sein des communautés. Or, trop souvent nous nous trouvons dans des situations d’urgence.
La démarche proposée est de faire participer davantage la communauté aux choix et aux prises de décisions. Elle privilégie la prévention, la promotion de la santé et la qualité de vie dans un environnement sain. Nous partons de l’idée que des questions aussi complexes que celles qui concernent la santé en lien avec l’environnement doivent être envisagées par tous les membres de la communauté si l’on veut susciter une dynamique de changement. Selon nous, aucune personne, aucune organisation ni même aucun secteur ne peut contribuer à améliorer la santé en lien avec l’environnement sans obtenir d’abord la collaboration et l’engagement de l’ensemble des personnes concernées par les problèmes.
VAN STEENBERGHE E., DOUMONT D., L’éducation relative à la santé environnementale: un nouveau champ en émergence? UCL, Faculté de Médecine, RESO – Unité d’éducation pour la santé, décembre 2005, (Série des dossiers techniques; réf. 05-37).
Les dossiers techniques sont consultables sur le site https://www.md.ucl.ac.be/entites/esp/reso . Ils peuvent aussi être commandés à l’adresse suivante: UCL, Faculté de médecine – Ecole de santé publique, Unité d’éducation pour la santé RESO, avenue Mounier 50, 1200 Bruxelles.
Contact: Mme Dominique Doumont, tél. 02 764 50 76, courriel dominique.doumont@reso.ucl.ac.be
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Exit les enfants…

Le 30 Déc 20

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Entourés d’une nuée de spécialistes divers, bardés de droits et de lois, les enfants paradoxalement sont très peu protégés dans notre société. En réalité, les positions codées et bien repérables de «parents» et d’«enfants» («On ne parle pas comme ça à son père!») ont tendance à s’estomper au profit de rapports entre «grands» et «petits».
Plus personne n’étant plus vraiment protégé par son statut, les relations entre les générations (tout comme celles entre les professeurs et les élèves) se transforment plus que jamais en rapports de force et de séduction. Il est difficile de rester à sa place ou de s’en échapper quand aucune place n’est plus clairement assignée. Plus radicalement, il n’est pas rassurant pour les enfants d’avoir pour modèles des adultes fragilisés dont beaucoup s’identifient eux-mêmes à des enfants abusés.
Par ailleurs, la génération «Zapping, PlayStation & Co» a été accoutumée au monde irréel du tout et tout de suite, et au remplissage médiatique immédiat de tout espace laissé libre par les autres activités. Cela n’aide pas à différer ses satisfactions, ni à supporter la frustration. La toute-puissance imaginaire a du mal à se confronter aux limites réelles du monde environnant. La montée du nombre de parents battus est un des indices les plus préoccupants d’une société où le suicide reste la seconde cause de mortalité chez les adolescents.
À cela s’ajoute la tyrannie des marques, conséquence logique de la conquête du marché de l’enfance. L’«enfant-sandwich», comme ses parents, se fait malgré lui le porteur de marques – en général coûteuses – sans lesquelles il se sent un paria («Jamais sans mes Nike!»).
Il s’agit certes d’un coup de génie de la publicité, mais pas vraiment d’une bonne nouvelle pour l’humanité. En réalité, l’enfant est pris en otage par le monde pseudo-convivial et faussement ludique de la publicité qui lui rappelle chaque jour ce dont il ne peut se passer. Ce harcèlement, qui le poursuit jusque dans les murs de l’école, le rend lui-même harceleur à l’égard de parents qui craignent souvent de ne plus être aimés s’ils osent refuser l’objet convoité. La Fête des mères est devenue une opération particulièrement astucieuse et rentable. Ici, au nom des bons sentiments, une pression maximale est faite pour que l’enfant soutire à ses parents le maximum d’argent de poche pour pouvoir offrir à sa mère le magnifique objet électroménager dont elle n’a pas besoin… L’opération «rentrée des classes», de son côté, excelle pour la bonne cause à transformer l’inutile en indispensable.
La totale liberté du marché, la confusion entre «égalité» et «uniformité», entre citoyens et consommateurs, génèrent des rapports de grande violence et pervertissent les valeurs de la démocratie. Le «petit costume de marin» n’incarne plus le rêve de virilité conquérante rêvé par les adultes, et proposé par eux aux petits garçons. Ce sont plutôt aujourd’hui les adultes désorientés qui traînent dans les jeans (de marque) des enfants.
La publicité commerciale, jusque dans l’enceinte des écoles, inonde les enfants. Contrairement à la «publicité des débats, des procédures, des décisions», chère à la démocratie, elle obscurcit le jugement. Son message est biaisé, son matraquage inesquivable. Face à elle, plus on est petit, plus on est démuni. Or, la publicité n’a cure des enfants: elle ne les «cible» qu’en tant que levier du pouvoir d’achat des parents. De parents eux-mêmes démunis et qui craignent, en marquant la limite, de ne plus être aimés. La publicité apparaît ludique mais n’est pas un jeu.
La publicité crée de toutes pièces des besoins ressentis comme vitaux. Les habits «de marque» façonnent une identité par ailleurs défaillante. Leur absence fait perdre la face. Derrière le sourire engageant du «spot», règne en réalité la férocité. Les projections épidémiologiques annoncent une montée spectaculaire de l’obésité des enfants: les sucreries indispensables inondent sans état d’âme le petit écran.
La publicité ne dit pas la vérité. Même quand elle s’avère informative et «exacte», son message est toujours ailleurs. Tissée d’artifices, elle ne dit jamais qu’achetez- moi . Elle ne parle pas à la raison. Bon ou mauvais, le produit ne «marche» qu’à la séduction. La publicité cherche ainsi la faille pour marquer des points. Il n’y a pas à s’en indigner, elle ne fait là que son métier. En connaître les ficelles ne protège en rien de ses effets. Inlassable, son ressort s’apparente à l’hypnose.
Distillée entre fictions, documents, informations, la publicité abrase l’impact des messages. Abstraitement, les téléspectateurs font la différence, mais émotionnellement tout est nivelé. Ainsi, le jugement s’anesthésie-t-il peu à peu? Auschwitz, sans transition, voisine avec l’onctuosité d’un yaourt. Solidarité rime désormais avec variétés. L’émotion se plie à sa mise en scène. L’irréalité règne. L’information s’émousse sur le martèlement des slogans qui font vendre.
Arguer du fait que les enfants apprendraient vite à distinguer les messages publicitaires des autres images est hors de propos. Cela n’enlève rien à l’impact de ces messages. Le sens critique ne déjoue pas l’incantation.
Vouloir supprimer la règle qui interdit la publicité moins de cinq minutes avant et moins de cinq minutes après les émissions pour enfants est proprement irresponsable . Il est indécent de vouloir démanteler un peu plus le service public en déclarant cette mesure improductive, et en proposant que l’argent des publicitaires serve à financer des programmes scolaires d’exorcisme de la publicité (sic). Si la «règle des cinq minutes» était vaine et sa suppression sans effet, on se demande pourquoi les annonceurs payeraient si cher pour ces plages de temps…
En outre, céder plus encore à la manne publicitaire c’est accepter la tyrannie de l’audimat. C’est consentir au nivellement par le bas — apologie de la violence y compris. Côté racolage, combien de journaux télévisés de la RTBF ne s’ouvrent-ils déjà sur une page digne du Sun ou du Daily Mirror ? Sans compter la pollution naissante du 3e programme radio.
Monnayer les jeunes téléspectateurs les aide peu à devenir citoyens. Asservir le service public sous prétexte de le sauver financièrement, c’est non seulement manquer d’imagination, c’est se moquer de la démocratie.
Francis Martens (1)
Ce texte est issu du colloque « Les enfants : cibles et instruments de consommation ? », que l’Institut Emile Vandervelde a organisé au Parlement de la Communauté française le 13 mai 2005. L’Institut Emile Vandervelde est le centre d’études du Parti socialiste, bd de l’Empereur 13, 1000 Bruxelles.
(1) Psychologue, anthropologue. Formateur 3e cycle en psychothérapie avec les enfants. Président de l’Association des Psychologues Praticiens d’Orientation Psychanalytique (APPPsy) et du Conseil d’Éthique de l’Association des Services de Psychiatrie et de Santé Mentale de l’UCL (APSY-UCL).

Pour une éthique et une santé des réseaux

Le 30 Déc 20

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«Les hommes qui tracèrent les premiers un chemin entre deux endroits ont accompli l’une des plus grandes performances humaines.» Georges Simmel

Ethique

Dès qu’une question est controversée, dès qu’elle est controversable, elle génère un espace éthique, celui d’un discernement entre diverses visions ou divers scénarios de solution.
A quoi sert un réseau (1), quelles en sont les limites , les risques et les bénéfices? Voilà des questions qui ne manquent pas d’interroger ceux qui dans le réseau scolaire, le réseau hospitalier, le réseau de soins à domicile, le réseau social, voire le réseau de distribution de l’eau, du gaz et de l’électricité, les télécommunications sont confrontés à des choix sur l’évolution de ceux-ci: il y a longtemps que les autoroutes et les autoroutes de l’information ne sont plus le seul modèle de réseau reliant les gens.

Ethique de responsabilité

Depuis Max Weber, nous savons que l’éthique de responsabilité est l’alternative à l’éthique de conviction: elle renvoie au pratique, aux conséquences envisagées et à celles qu’on ne pouvait envisager. L’homme s’y reconnaît, depuis St Exupéry en tout cas, pourvu que la responsabilisation ne soit pas le nouveau visage de la culpabilisation.
On peut distinguer différents niveaux ou modes de responsabilité.
La première est la responsabilité particulière , personnelle , celle où un homme en relation avec un autre répond de ses actes à cet autre.
La responsabilité singulière devient responsabilité plurielle quand notre individu rend compte de ses actes devant plusieurs. Il s’agit en l’occurrence de la société ou de ceux qui la représentent (hommes de loi, hommes d’église, hommes politiques) ou plus largement de tous ceux que la société entend représenter (citoyens, voisins, prochains, humanité, générations futures), voire Dieu même comme garant méta-social ou instance fondatrice (le « coram Deo », le face à face de Luther).
Dans les années 50, le procès de Nuremberg a posé la question d’une possible responsabilité collective , irréductible à la somme des responsabilités individuelles: plusieurs ont-ils à répondre ensemble de l’effet de leurs actions communes ou de leur inaction, en particulier face à la Shoah, indépendamment de leur propre responsabilité personnelle? La question s’est répétée sur des enjeux écologiques, humanitaires ou militaires qui émaillent le vingtième siècle: Hiroshima, Nagasaki, Tchernobyl, Rwanda et autres Sarajevo. Il y a en effet une responsabilité collective, construite ou non, des groupes de décideurs et des groupes constitués impuissants à se déterminer et à réagir.
D’autres noteront que la responsabilité conjointe , identifiée parfois dans les schémas favorisant le racisme, se retrouve dans la malbouffe, le non-soin ou le surendettement: les victimes peuvent contribuer à leur victimisation même si certains ont créé ou amplifié les circonstances qui y conduisent.

Tout au réseau?

La mondialisation, la création d’internet comme la modification de modes de vie éclatés entre plusieurs lieux de vie ont fait de nous des navetteurs et des branchés, des zappeurs et des opportunistes. La pluralité des initiatives sociales, sanitaires, culturelles, éducatives et la multidisciplinarité ont conduit au développement de réseaux, spécialisés ou non, juxtaposés ou entremêlés, qui conduisent à étudier ce phénomène dont A. Bravais avait développé le concept en cristallographie, en conjuguant motif et réseau pour décrire la formation des cristaux.(2) Le sociologue Guy Bajoit observe à ce propos: «Les acteurs collectifs forment des groupes plus ouverts, que l’on désigne justement comme des réseaux, dans lesquels on entre et on sort plus librement, qui tolèrent mieux les tendances et les critiques internes et invitent davantage leurs membres à participer à l’élaboration de leurs normes.»(3)
S’il faut caractériser un réseau matériel (par exemple de voies ferrées), on soulignera l’architecture topologique de nœuds / sites et de liaisons entre eux qui assurent un maillage chaque fois qu’un ensemble formant maille se répète.
On parlera de réseau dynamique (par exemple pour les populations) quand on peut analyser les distances, les détours, les chemins possibles et les parcours privilégiés ou répétitifs: c’est ainsi qu’un usager nous indique son réseau ou qu’un prestataire s’installe dans le sien, qu’il soit formalisé ou non: les réseaux informels ont autant d’importance que les formels pour la sociologie, à défaut d’avoir statut légal, mais même le droit reconnaît l’usage dans le fait des servitudes.
On évoquera enfin les réseaux de communication ou relationnels , surtout à l’heure des télécommunications et des réseaux virtuels: on est ainsi passé d’un mode binaire comme chez Shannon à un modèle systémique, complexe, comme le révèle le réseau culturel «où beaucoup transmettent à beaucoup, sans qu’on sache toujours qui à qui, ni exactement quoi à qui», a fortiori dans les bases de données relationnelles où le stock préservé sous contrôle devient flux cumulable et exploitable, exportable et copiable à l’excès.(4) Le réseau n’est plus seulement local (LAN), contrôlable par ses usagers et ses acteurs-auteurs, mais global (WAN): l’ouverture formidable permet tous les courants d’air!
Le philosophe Parrochia nous invite à approfondir pour tout réseau les caractéristiques qui font qu’il y a réseau, selon P. Dujardin (5).
Artificialité : un réseau est une relation voulue et construite;
Formalisation , même élémentaire: comme l’entraide, la répétition, la remise d’un document; qui peut décider de quoi? qui peut parler au nom du réseau et sur quoi?
Limites : où s’arrête le réseau, où va-t-il céder, passer le relais à d’autres?
Procédure d’établissement : elles sont diverses et révélatrices.

Ainsi, nous sommes amenés à observer:
L’institution de réseaux : une institution mère en suscite d’autres comme filiales ou succursales réparties dans l’espace concentrique géographique ou dans l’espace hiérarchisé des compétences (par exemple une université s’entourant d’écoles, hôpitaux ou de PME complémentaires; les « piliers » en Belgique sont du même type). On élargit ainsi le bassin de recrutement ou de distribution.
La fédération ou réseau fédérateur : un ensemble d’institutions existantes ou de prestataires visent leur représentation politique commune, leur synergie ou la création d’économies d’échelle, voire leur fusion et un pilotage commun (par exemple des fédérations patronales, fédérations de pouvoirs organisateurs…). Dans certains cas, l’élément identitaire l’emporte sur les aspects pratiques: qui se ressemble s’assemble.
La complémentarité ou réseau interdisciplinaire : un ensemble d’institutions ou de prestataires complémentaires associent leurs savoirs et savoir-faire pour élargir leur palette de compétences et de performances (constitution d’académies réunissant universités et grandes écoles, transversalités santé-social). On élargit le bassin d’équipements.
Le réseau interne : un espace multi-portes permet d’articuler des spécialités dans un espace unique et facilite les transitivités d’une spécialité à une autre: c’est le concept des polycliniques, qui offrent à l’usager la possibilité d’accéder par la spécialité, le généraliste, l’accueil ou le dispensaire lui offrant le moins d’effet de seuil économique ou psychologique (je ne suis pas un cas social, je n’aime pas les psy, je ne suis pas malade mais…, ce n’est pas pour moi mais pour ma sœur,…).
Les individus : leur bricolage les conduit à éclater des points de contacts institutionnels ou personnels susceptibles de répondre à leurs besoins, soit pour préserver leur liberté, soit par irrationalité, soit par opportunisme au nom d’une proximité physique ou d’une relation de confiance particulière (dialogue singulier). C’est le réseau à la carte car «il est de l’essence des liens d’être multiples, empiétants, parfois instables» selon l’observation de Parrochia.
Les communautés : l’institution culturelle ou idéologique, le bricolage des individus dans une émigration conduisent à des réseaux populationnels, communautaires ou thématiques. Dans le secteur de la santé, on distinguera souvent: les réseaux de soins proprement dits (qui visent à mobiliser plusieurs intervenants autour de la patientèle avec possibilité d’un dossier médical commun), les réseaux de connaissance qui « regroupent des spécialistes qui tentent de trouver des solutions à un problème commun par leur renforcement de leur base de connaissance », les réseaux de communauté de pratique informels au départ en vue du développement d’une compétence spécifique, mais pouvant être conduits à être plus normatifs en affirmant une cohérence méthodologique ou éthique et enfin les réseaux virtuels qui se présentent comme des « systèmes de référence où les membres s’inscrivent eux-mêmes dans un répertoire électronique en indiquant les domaines dans lesquels ils sont désireux de servir de ressource au sein du réseau » à l’heure où la toile du net permet de tels réseaux à l’échelle planétaire. (6)

Questions au réseau: facteur de quoi?

On voit donc pourquoi se pose une première batterie de questions.
Est-il pertinent d’occuper l’espace sanitaire, social et culturel par un réseau monopolistique? N’est-ce pas totalitaire? Que reste-t-il du libre choix de l’usager ou du patient?
Peut-on faire la même chose avec un réseau complémentaire? Sans entrer dans le même objectif de conquête ou d’hégémonie territoriale, d’influence sectorielle ou de chalandise (les parts de marché)?
Le fait de créer un réseau induit-il une dépendance vis-à-vis de l’institution, de sa maison mère, de sa fédération?
Quel statut fait-on à la liberté de l’individu, à son libre choix du prestataire, initial et successif? Les prestations sont-elles conditionnelles et la conditionnalité est-elle justifiée (continuité d’un traitement, d’une guidance…)?
Quel traitement sera donné aux informations récoltées pour une prestation? L’anamnèse appartient-elle au prestataire, à l’usager, aux deux, au réseau pour éviter un doublet et fournir l’information utile au prestataire suivant?
La synergie ne crée-t-elle pas une nouvelle forme de monopole: le passage de l’occurrence à la concurrence?
Le pouvoir public contemporain préfère souvent, à l’inverse de l’adage ‘diviser pour régner’, limiter ses interlocuteurs et négocier avec une instance représentative plutôt qu’à des individus ou des institutions atomisées (facilité de négociation, information cohérente, discours construit, limitation des coûts). Faut-il s’y soumettre par décret ou par opportunité?
La détotalisation des appartenances et prestations dans l’éclatement urbain et sociétal contemporain est-elle une forme de détricotage des liens sociaux ou une forme de retricotage des liens sur mesure, satisfaisant parce que personnel, expérimenté et validé par ses effets positifs?

Le lecteur aura compris que les problèmes éthiques ne manquent pas dans ce champ.
Notre réflexion va croiser ici celles des Docteurs Pierre Hahnel et Etienne Duschu, membres du Conseil national de l’Ordre des médecins en France.(7) Nous pouvons reprendre leur argumentation en élargissant leur propos.
L’appel à prestataire/intervenant/opérateur (de soins, d’action sociale) , quand il n’est pas fondé sur la rareté des intervenants, est basé sur la «rencontre d’une confiance et d’une compétence», même si celle-ci n’est que supposée ou faite sous réserve de vérification. Cet appel à prestataire ou cette confiance à prestataire entre dans une logique nouvelle quand cet appel s’élargit à d’autres intervenants mobilisés au titre de l’équipe comme adjuvants, agissant simultanément, en relais, en alternance pour des raisons de disponibilité spatiale ou temporelle ou de compétences différentes et complémentaires. Ce qui rend cette transitivité acceptable c’est que le premier prestataire se porte garant des autres et que les éléments de concertation ou de cohérence méthodologique ou procédurale valident cette prétention. On s’y retrouve, on n’y perd pas ses repères, on est dans de bonnes mains et on vous explique comment et pourquoi: dans ces conditions on peut passer de main en main. Nos auteurs appellent cela délégation de confiance et obligation d’explication . Si la confiance se mérite, la délégation de confiance se légitime. Il y a cependant une évolution en contenu et en nature, parfois en lieu: le réseau n’est pas une somme de compétences techniques ni un rassemblement d’intérêts croisés de clients/usagers/patients/élèves et de prestataires / intervenants / soignants / éducateurs / enseignants mais une communauté morale . Même si cela prend parfois la forme hiérarchique où le plus fort valide le plus faible, on entre néanmoins dans un système réticulé où la force de l’ensemble est à la mesure du maillon le plus faible. On peut certes distinguer première et seconde ligne, premiers soins d’urgence et traitements spécialisés, niveaux primaire, secondaire et supérieur, la qualité de l’ensemble d’un réseau n’est pas seulement dans le pôle d’excellence à «la source» mais jusqu’à l’estuaire dans le delta large et distant, la frontière de la qualité totale. C’est là que l’enjeu devient la réalisation et la validation d’une performance de groupe et le renforcement des maillons faibles , par le jeu de l’équipe, des procédures, des formations, de l’accompagnement. La coordination des compétences, la fluidité relationnelle et la transparence, la circulation pertinente des infos, l’évaluation entre pairs en sont les garants. Une charte de qualité commune en est le signe externe, expression de l’engagement de la communauté des prestataires. Quelques facteurs déontologiques émergent dès lors:
-l’accessibilité de l’information pertinente (rien que celle-là et toute celle-là) pour éviter de soumettre l’usager à la question à répétition;
-le dossier médical partagé ou le dossier social partagé ou le dossier pédagogique commun;
-la vigilance à l’égard de pratiques à risques susceptibles de faire de la casse par manque de proportionnalité ou perte de contrôle, ce qui suppose transmission adéquate des données et sédimentation suffisante;
-le maintien de l’autonomie du praticien par rapport à son réseau mais avec obligation de communiquer ce qu’il a fait et pourquoi à celui qui doit assurer la suite de son action. On évitera ainsi de tomber dans le complexe d’Hippocrate des médecins, le complexe de Socrate des enseignants, le complexe de Lacan des psys et le complexe soixante-huitard libertaire des travailleurs sociaux, qui peuvent être autant de sur-développements de l’ego au détriment du service au client;
-le maintien du libre choix de l’usager dans et hors réseau;
-l’enregistrement officialisant les partenariats en réseau et les conditions d’exercice tarifaire ou horaire par exemple;
-la vigilance à la qualité pour éviter qu’un incident localisé ne discrédite l’ensemble;
-un code déontologique commun définissant les «bonnes pratiques» usuelles et le travail éthique d’analyse des terrains nouveaux;
-une délimitation des pratiques d’urgence et de remplacement;
-une détermination des limites d’intervention;
-un bilan des compétences en vue d’une formation permanente adaptée des intervenants.

Il y a plus d’un réseau

Dans l’univers de la rareté, on serait très content de trouver un réseau: l’absence de réseau est au porteur de portable ce que la solitude est à l’homme en quête de lien social introuvable. Pourtant en milieu urbain, dans les mégapoles, dans un espace concentré comme la mégapole européenne, comme celles du Japon, des bandes côtières américaines,… il n’y a pas seulement présence de plusieurs réseaux concurrents sur le même thème, ce qui laisse des possibilités de choix, mais enchevêtrement, juxtaposition, superposition. A l’heure de la fin des affiliations totales et définitives et de l’éclatement ou du zapping des affiliations provisoires, la cohérence manque quelquefois aux usagers et le pur effet d’aubaine engendre déconnections et reconnections: une synapse peut en cacher une autre.
Par ailleurs nous sommes tous de plusieurs réseaux: réseau de service, de communication, de télécommunication, chatteurs du net, réseau d’amis, réseau des tenants d’une même conviction, réseau scolaire de nos enfants, réseau militant de nos mouvements, réseau commercial de notre carte de client, réseaux de savoir, d’échanges de pratiques, de financement… (8) On peut donc être simultanément membre de plusieurs maillages, en interaction ou non.
Nous voilà avec une nouvelle batterie de questions éthiques:
Comment garantir à la fois liberté et continuité?
La transmission de droit en cas de rupture?
Faut-il jouer la conditionnalité contribution-rétribution? Investissement préalable ou fidélité?
Comment résoudre la question de la concurrence ou de la superposition des réseaux?
Peut-on envisager un métissage des interventions?

Communication en réseau

Certains craignent le flou, le manque de visibilité du réseau; une campagne de communication aide à résoudre cette question s’il y a clarté du concept: ce qui se conçoit bien, s’énonce et se montre clairement. Si on ne peut voir le tout, ce n’est pas pour autant objet d’opacité, à condition de prévoir la disponibilité effective de la communication sur le reste du réseau.
Mais communiquer: quoi et comment?
La communication d’un réseau et en réseau a pris une importance nouvelle à l’heure des nouvelles technologies: quel médium privilégier et quels médias, quel rythme, quelle distribution? Quels moyens pour communiquer, quel support, quelle régulation? Est-elle purement transitive, réversive, alternée, permanente, publique ou semi-publique? Qui régule ces questions? Où sont-elles négociées et protocolées? Quel rythme et quelles modalités de communication?
On pourrait considérer ces questions comme anecdotiques mais elles vont plus loin qu’une éthique de la communication. En effet, comme le remarquait Marshall Mc Luhan à la suite de Shannon: « Toute forme de transport non seulement transporte mais traduit et transforme l’expéditeur , le message et le destinataire .»(9) Les utilisateurs des traitements de texte et outils de mise en page savent comment cela les aide à rendre leur pensée infiniment plus percutante, plus communicable au détriment parfois d’une rigueur de pensée et d’argumentation.
C’est l’interdépendance des acteurs qui s’en trouve modifiée: passer de la réunion mensuelle ou hebdomadaire aux courriels quotidiens, voire successifs dans la journée, passer du contact physique et visuel au ‘chat’ avec caméra ou télé-conférence offre des possibilités de raccourci et de dialogue intercontinental mais empêche des consultations que favorisaient la distance et le temps à prendre pour rejoindre le lieu de débat.
La mise au clair de protocoles de communication est donc une exigence fondamentale pour:
-garantir la validation démocratique et sortir du privilège du plus proche et du plus disponible (par servilité ou par hasard);
-éviter la dictature de l’urgence supposée ou fabriquée pour mettre sous pression ou valoriser l’exigeant qualificateur d’urgence (hiérarchie par disponibilité: le pouvoir du temps);
-éviter les discrédits ultérieurs des non-intervenus pour cause d’indisponibilité ou de délai de réflexion requis (l’urgence est mauvaise conseillère même si elle nous requiert);
-éviter l’application du principe économique de Gresham «la mauvaise monnaie chasse la bonne»: l’inflation des messages crée l’encombrement, la banalisation, l’indigestion, la non-priorisation ou des réponses aléatoires, impertinentes et dilatoires.
Il faut assumer fluidité du trafic de l’info, mise à disposition des informations pertinentes, des clés d’accès de la confidentialité à la fois pour préserver les droits à la confidentialité des données privées, qu’elles soient médicales, sociales, confessionnelles ou autres, tel que le prévoit la loi mais aussi d’éviter la fabrication de rumeurs indues parce qu’une hypothèse est prise pour une réalité avec l’effet domino des craintes et des frilosités.
Il faut donc allier paradoxalement devoir de réserve , devoir d’information et devoir d’hiérarchisation de l’info .
Parrochia conclut à ce propos: «Pour qu’une société fonctionne, il faut encore que chacun ait envie d’y vivre.»(10) Je dirais même plus «puisse encore y vivre sa vie sans se sentir menacé».

Gouvernance, leadership et évaluation

La communication n’est pas seulement postulée en terme de liberté et de diffusion mais de pertinence et d’organisation: l’information est source de capacité d’action et donc de pouvoir. C’est pourquoi lorsqu’un réseau s’installe, se pose la question de l’émergence d’un leadership qui le régule ou le pilote, ou de règles de gouvernance qui structurent ou organisent les prises de décision, prises de parole, sources et affectations des ressources financières et humaines.(11)
L’évaluation des réseaux, qu’elle soit à l’initiative du pouvoir subsidiant ou souhaitée par les participants en vue d’un pilotage adéquat de l’activité sur base des objectifs déterminés en commun et repris dans une démarche réflexive, pose la question «quel fonctionnement pour quel résultat?» mais encore «quel questionnement pour quel résultat?»(12) en s’interrogeant par exemple d’une part sur le regard pertinent des professionnels qui manifeste l’utilité et mesure son impact sur l’usager, sur les métiers, sur l’organisation, voire sur la santé publique et d’autre part sur le niveau de compréhension et de satisfaction des usagers ou bénéficiaires.
Ces deux démarches permettent d’analyser l’impact réel du processus même s’il demeure une interrogation sur le coût de production de la démarche, sur les économies d’échelle suscitées ou non, sur la capacité éventuelle de ce processus de faire l’économie d’autres, ou sur la valeur ajoutée qui mérite un investissement complémentaire ou des incitants spécifiques pour y conduire des secteurs d’activité trop émiettés aujourd’hui.
A chaque réseau de préciser ses objectifs initiaux et de les repréciser régulièrement dans un arbre hiérarchisé d’objectifs.
A lui de voir s’il peut se donner un tableau de bord mesurant l’évolution des partenariats, de la patientèle ou du territoire couvert. A lui encore d’ajuster un organigramme et une carte des maillages qui permette à chaque partenaire de se reconnaître en propre et au sein de l’ensemble, de pouvoir dire clairement à des tiers qui l’on est et comment on fonctionne.
A lui aussi de mesurer si l’implication différenciée des acteurs résulte d’une crainte sur la méthode, sur le changement requis, sur l’absence de formalisation du projet ou sur une perception différente des enjeux: le réseau est-il central ou périphérique à l’institution ? On ne débouche souvent sur une vision commune que parce qu’on en a trouvé l’avantage, une source d’idées nouvelles, d’enrichissement des pratiques et d’augmentation de l’efficacité.
Ce qui se conçoit bien s’énonce clairement et seule une communication simplifiée, ramenée à l’essentiel, permet de garantir la transitivité du projet sans perte d’intensité, de qualité ou de projet.
A propos de l’impact, on sera attentif à enregistrer tous les changements opérés, pas seulement les attendus mais aussi les inattendus positifs ou négatifs, en termes de modification de comportement, de pratique, de structure qui sont induits par ce nouveau type de fonctionnement. On veillera aussi à tenir compte des rythmes différents des individus, usagers et intervenants, des sous-ensembles et de l’ensemble qui induisent des développements à géométrie variable et ne peuvent induire une lecture univoque de l’impact ou de la réussite du processus.

Réseau sans frontières et sans horaire?

L’existence de Médecins sans Frontières et autres Reporters sans Frontières manifeste la possibilité d’une relative ubiquité du réseau. Il n’empêche que la question se pose de l’au-delà et de l’en deçà du réseau: peut-il être sans limites géographiques, peut-il tout soutenir et durer, peut-il fonctionner 24 h sur 24, pour toute réquisition?
Tout étant théoriquement possible, tout n’est pas possible, tout n’est pas payable, tout n’est pas convenable, tout n’est pas acceptable. La question des frontières, de la limite territoriale comme celle de la limite morale ou pratique est donc inéluctable si on ne veut ni l’épuisement des acteurs ni l’incompétence et l’impuissance. La cohérence idéologique et le consensus sur les pratiques inclut donc celui des limites dans le temps, l’espace, la nature, l’ampleur, la quantité de la prestation.
Michel Kesteman (13)
Adresse de l’auteur: Canal Santé, Bd de l’Abattoir 28, 1000 Bruxelles. Tél.: 02 548 98 00. Fax: 02 502 49 39. Courriel: canal-sante@tele-service.be

(1) Voir: Daniel PARROCHIA, Philosophie des réseaux, Paris, PUF,1993; Réseau, Bruxelles, FIAS, 1986-1999; Réseaux (revue interdisciplinaire de philosophie morale et politique, Mons); Vlaams netwerk voor Zakenethiek; Chaire Hoover (Philippe van Parijs, https://www.etes.ucl.ac.be ); https://www.cocof.irisnet.be/site/fr/reseauxsante propose une large bibliographie actualisée
(2) Etudes cristallographiques, Paris, 1885. On ne parlait pas encore de fractales ni des boucles de rétroaction de la complexité chères à Edgar Morin.
(3) Le changement social. Approche sociologique des sociétés occidentales contemporaines, Paris, Armand Collin, 2003, 144.
(4) D’où l’attention requise par ceux qui mettent en place le Customers relationship management (CRM) ou Coordination des relations avec les membres/consommateurs/usagers/clients.
(5) Du groupe au réseau, Paris, CNRS,1988,12-13.
(6) Voir Notions sur les réseaux sur https://www.fcrss.ca
(7) Problèmes éthiques et réseau. Actualité et dossier en santé publique, 1998 (24), 45-46.
(8) J’arrête l’inventaire mais d’autres auraient ajouté: réseaux de prostitution et de traite des blanches, réseaux pédophiles, réseaux maffieux, réseaux d’initiés… ce qui indique que tout n’est pas éthique dans la forme et le contenu! A l’heure de la directive Bolkestein et de la mondialisation, la tentative de transformation des services publics en marchandises au nom de la libéralisation des marchés fait des réseaux d’eau, de gaz et d’électricité comme des cartes d’accès au réseau téléphonique et bancaire devenus des nécessités dans notre univers contemporain des marchandises soumises au pur jeu de la concurrence. Le déploiement du libéralisme total sans régulation, sans acteurs collectifs fédérant les sans voix et garantissant collectivement des solidarités protectrices des minorités constitue un risque majeur.
(9) Pour comprendre les médias, Paris-Tours, Mame-Seuil, 1968,110.
(10) O.c.,147.
(11) La Première conférence sur le leadership au sein des réseaux des 24-25 octobre 2005 à Halifax, Canada est très éclairante sur ces question. Voir https://www.fcrss.ca/reseaux .
(12) Luc Hincelin y a consacré trois fiches concrètes dans Contact Santé, juin 2005, 205, 12-19.
(13) Cet article produit dans le cadre du réseau de santé Canal-santé est une version augmentée d’un texte paru initialement dans LAHAYE Thierry (alii), Les réseaux santé, Bruxelles, Cocof, 2005, 112-118.

Promotion de la santé: de la théorie à la pratique… ou à quoi servent les déclarations solennelles de l’OMS?

Le 30 Déc 20

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1936, un anniversaire aussi important que discret

Savez-vous ce que l’on commémore, plutôt discrètement, en France depuis quelques semaines? Une période particulièrement féconde et particulièrement brève de notre histoire politique et sociale… Il y a 70 ans exactement, le Front populaire remportait les élections législatives. Le 4 juin 1936, Léon Blum formait son gouvernement. Il démissionnera un an plus tard pour de multiples raisons que je n’évoquerai pas ici.
J’ai choisi d’introduire mon exposé par ce rappel historique parce qu’à mon avis ces quelques mois ont permis à la France de faire un pas de géant dans le domaine de la promotion de la santé, 10 ans avant la création de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), un demi-siècle avant la rédaction de la Charte d’Ottawa.
Les congés payés, la semaine de travail de 40 heures, l’augmentation des salaires (plus importante pour les bas salaires), les délégués du personnel, les conventions collectives, la prolongation de la scolarité obligatoire jusqu’à 14 ans, la réforme de la Banque de France, la création de l’Office du blé avec rétablissement du pouvoir d’achat des agriculteurs, les grands travaux, la création de la SNCF, les billets à tarif réduit pour partir en vacances, les auberges de jeunesse…: les mesures se succédaient à un rythme effréné, portées par le gouvernement mais aussi par un mouvement social sans précédent. On a évalué à 2,5 millions le nombre de grévistes dès le début du mois de juin, à 9900 le nombre d’usines ou d’établissements occupés… Des grèves spontanées, festives, sortant souvent du cadre strictement syndical: on chante, on danse, on se déguise, on fait de la gymnastique…(1)
On ne peut pas douter que ces réformes aient eu un impact positif sur la santé de la population. Tous les ingrédients de la promotion de la santé y étaient: la volonté politique, la mobilisation populaire, la réduction des inégalités sociales, l’intersectorialité, l’éducation populaire et même… la participation des femmes aux prises de décisions puisque trois d’entre elles avaient été nommées ministres alors qu’elles n’étaient encore ni électrices ni éligibles! Cette parenthèse pacifique, de courte durée, aura incontestablement apporté à beaucoup un mieux-être physique, mental et social, une meilleure qualité de vie. D’ailleurs les jeunes ne s’y trompaient pas, qui chantaient:
«Hardi les gars! Voilà les 40 heures
Nous y gagnerons la force et la gaîté
Hardi les gars! Que la vie est meilleure
Au bon vent de la liberté»
.(2)

Les déclarations officielles, une saine lecture

A quoi servent les déclarations solennelles de l’OMS? Mon exposé comportera quatre parties. La première est finie: elle était consacrée au Front populaire. La seconde rendra compte d’une lecture naïve des déclarations solennelles de l’OMS relatives à la promotion de la santé. Lecture naïve parce que la conférencière que je suis ce soir n’est pas un grand nom de la santé publique, juste une petite personne, tombée dans la marmite de l’éducation pour la santé il y a 20 ans et qui essaye de surnager, désespérément optimiste. La troisième partie, qui aborde le sort que nos gouvernements font à la promotion de la santé, sera quelque peu déprimante. Pour finir je vous donnerai deux exemples de mes tentatives, très modestes, d’intégrer les principes de la promotion de la santé à ma pratique professionnelle.
Pour préparer cet exposé, j’ai donc lu et relu plusieurs fois: le Préambule à la constitution de l’OMS (New York, 1946), la Déclaration d’Alma-Ata (au Kazakhstan) sur les soins de santé primaire (1978), la Charte d’Ottawa (au Canada) pour la promotion de la santé (1986), les Recommandations d’Adélaïde (en Australie) sur les politiques pour la santé (1988), la Déclaration de Sundsvall (en Suède) sur les milieux favorables à la santé (1991), la Déclaration de Jakarta (en Indonésie) sur la promotion de la santé au 21e siècle (1997) et la Charte de Bangkok (en Thaïlande) pour la promotion de la santé à l’heure de la mondialisation (2005).
Premier constat, avant même d’avoir commencé à lire les textes: si vous aimez voyager, devenez expert aux conférences internationales de l’OMS. Deuxième constat, la première lecture est franchement ennuyeuse: c’est à la fois répétitif et plein de générosité, de bons sentiments, d’engagements pour la vie. On croirait parfois ces textes rédigés par des adolescents qui viennent de découvrir la faim dans le monde et les émois procurés par l’engagement collectif en faveur d’une grande cause.
Ces déclarations successives portent toutes sur la meilleure façon d’assurer à la population mondiale des conditions de vie favorables à la santé. Elles ont beaucoup de choses en commun, tant sur la forme que sur le fond, mais une lecture plus attentive montre que chacune adopte un éclairage différent, un peu comme les 18 versions de la cathédrale de Rouen peintes par Claude Monet, aux différentes heures du jour. La cathédrale est toujours la même, on en reconnaît les contours et pourtant, les ombres et les couleurs sont différentes sur chaque tableau. Il en est de même pour les déclarations solennelles de l’OMS, dont les tonalités évoluent au fil des ans.
Ce qui est commun sur la forme:
-on ne renie jamais les déclarations précédentes, on les rappelle en préambule et on affirme qu’on s’inscrit dans leur prolongement;
-on conclut toujours par un engagement solennel et un appel à l’action.
Ce qui est commun sur le fond:
-la santé est à la fois un droit fondamental de l’être humain et un bon investissement économique et social;
-les inégalités de santé entre les pays et à l’intérieur des pays sont inacceptables, les gouvernements doivent s’attacher à les réduire;
-l’amélioration et la protection de la santé d’une population passent nécessairement par la mobilisation de tous les secteurs de la vie politique, sociale et économique et par l’implication des citoyens.
Pour ce qui concerne les spécificités que j’ai relevées dans chaque déclaration, je ne vais pas vous les exposer en détail: ce serait fastidieux et sans grand intérêt. Je me contenterai d’évoquer la tonalité de chacune, telle que je l’ai perçue et d’en citer un ou deux extraits significatifs.
J’accorderai un traitement particulier à la Charte d’Ottawa pour trois raisons: c’est elle qui définit la promotion de la santé, c’est son vingtième anniversaire et, en plus, c’est ce que m’ont demandé les organisateurs de cette soirée.
Le préambule à la constitution de l’OMS est célèbre, ne serait-ce que par la définition qu’il donne de la santé, définition de 1946 que l’on trouve dans tous les dictionnaires, dans tous les mémoires d’étudiants et dont on critique le caractère utopique, statique et peu opérationnel dans la plupart des livres de santé publique: «La santé est un état de complet bien-être physique, mental et social, et ne consiste pas seulement en une absence de maladie et d’infirmité.»
Définition en phase avec son époque, à la sortie de la 2e guerre mondiale, à une période où les peuples avaient bien besoin de recommencer à rêver, à espérer des lendemains qui chantent…
En 1978, la déclaration d’Alma-Ata est entièrement consacrée aux soins de santé primaires. Ces soins sont alors présentés comme le moyen qui «donnera à tous les peuples du monde, d’ici l’an 2000, un niveau de santé leur permettant de mener une vie socialement et économiquement productive.» […] Ils comprennent au minimum:
-une éducation sur les méthodes de prévention et de lutte contre les principaux problèmes de santé;
-la promotion de bonnes conditions alimentaires et nutritionnelles;
-un approvisionnement suffisant en eau saine et des mesures d’assainissement de base;
-la protection maternelle et infantile y compris la planification familiale;
-la vaccination contre les grandes maladies infectieuses;
-la prévention et le contrôle des endémies locales;
-le traitement des maladies et lésions courantes;
-la fourniture de médicaments essentiels.
Ces soins doivent être «scientifiquement valables et socialement acceptables, universellement accessibles aux individus et aux familles, […] à un coût que la communauté et le pays puissent assumer.»
Bon, on a dépassé l’an 2000, je ne suis pas sûre que l’objectif ait été atteint… une autre utopie sans doute.

Bref arrêt sur Ottawa

Nous en arrivons à la Charte d’Ottawa et à son sous-titre: « Vers une nouvelle santé publique ». D’emblée elle s’inscrit dans un mouvement, une dynamique. D’ailleurs elle définit la promotion de la santé comme le processus qui donne aux gens les moyens d’avoir plus de pouvoir sur leur santé et de l’améliorer. Et elle s’autorise à redéfinir la santé.
Plus exactement, elle apporte des précisions ou un mode d’emploi à la définition de 1946. Il est toujours question de «parvenir à un état de complet bien-être physique, mental et social» mais on nous dit comment faire. «L’individu ou le groupe doit pouvoir identifier et réaliser ses ambitions, satisfaire ses besoins et transformer son environnement ou s’y adapter.» On nous dit aussi qu’il n’y a pas que la santé dans la vie, que c’est juste une ressource bien commode au quotidien.
La Charte affirme d’abord que la santé exige un certain nombre de conditions et de ressources préalables: la paix, un logement, une éducation, de la nourriture, des revenus, un écosystème stable, des ressources durables, la justice sociale et l’équité. A première vue, on peut penser que la santé est plutôt mal partie si l’on ne s’occupe d’elle qu’après avoir réuni toutes ces conditions. A mon avis, cela veut dire au contraire que faire de la santé publique c’est s’occuper de cela, avant tout autre chose. Je parlerais donc plutôt de conditions premières que de conditions préalables.
Trois principes sont ensuite énoncés:
-la santé est un bon investissement car elle permet le développement social, économique et individuel. Et il faut arriver à en convaincre tout le monde.
-la promotion de la santé vise l’équité en matière de santé. J’y reviendrai.
-enfin, les conditions préalables (ou premières) et les objectifs de santé ne peuvent être atteints par le seul secteur sanitaire. La promotion de la santé exige l’action coordonnée de tous les intéressés: les gouvernements, les autorités locales, les différents secteurs de la société (sanitaires, sociaux, économiques), les associations, l’industrie, les médias…
Quant aux actions à mettre en œuvre pour promouvoir la santé, elles sont regroupées en cinq axes que j’ai l’habitude de résumer en cinq mots clés:
Politique : la promotion de la santé doit amener chaque responsable politique, à quelque niveau et dans quelque secteur qu’il intervienne, à prendre conscience des conséquences de ses décisions sur la santé de la population.
Environnement : il s’agit d’inciter chaque personne, chaque communauté, chaque région, chaque pays à préserver collectivement les ressources naturelles et à créer des relations et des conditions de vie et de travail favorables à la santé.
Démocratie : les communautés sont considérées comme capables de prendre en main leur destinée et d’assumer la responsabilité de leurs actions. Ce sont donc elles qui doivent choisir les priorités et prendre les décisions qui concernent leur santé.
Education pour la santé : il s’agit de permettre aux gens, à tous les âges, d’acquérir et de renforcer les aptitudes indispensables à la vie, notamment celles qui leur permettront de participer à une démarche de promotion de la santé.
Services de santé : il s’agit en fait de réorienter les services, de créer un système de soins qui serve au mieux les intérêts de la santé, qui s’inscrive dans une logique de promotion de la santé, qui respecte notamment la dimension culturelle et sociale des personnes, qui encourage et prenne en compte l’expression des individus et des groupes sur leurs attentes en matière de santé. Cela suppose d’orienter dans ce sens la formation des professionnels et la recherche.
Donc je résume: la Charte d’Ottawa, ce sont 2 définitions (la promotion de la santé et la santé) + 9 conditions premières + 3 principes (la santé comme agent de développement, l’équité et l’intersectorialité) + 5 axes de travail (politique, environnement, démocratie, éducation pour la santé et services de santé).
Après Ottawa, il y a eu les recommandations d’Adélaïde et la déclaration de Sundsvall, respectivement consacrées aux politiques pour la santé et aux milieux favorables à la santé, autrement dit aux deux premiers axes de la Charte d’Ottawa.
Les déclarations de Jakarta en 1997 puis de Bangkok en 2005 témoignent, quant à elles, des préoccupations grandissantes des experts de santé publique quant au processus de mondialisation de l’économie et à ses effets dévastateurs sur la santé des populations.
On y parle d’abord de la nécessité de s’adapter au 21e siècle et de trouver de nouvelles formes d’action. Puis le ton devient plus alarmiste: on évoque les «bouleversements sociaux, économiques et démographiques», on «exige la fermeté de l’action politique», on parle de «défendre la cause de la santé», «de réglementer et de légiférer», de «s’attaquer d’urgence aux problèmes de santé et aux inégalités».
Parallèlement le vocabulaire économique infiltre les déclarations: le secteur privé est associé aux débats, on parle d’investissement, de développement économique, de marchés financiers, de stratégies de commercialisation, de production, de marketing… L’idée d’une alliance mondiale pour la santé, déjà évoquée dans la Charte d’Ottawa, est reprise avec force.
L’impression générale qui se dégage de ces derniers textes est que la mondialisation de l’économie est une menace grave pour la santé mais que les hommes de bonne volonté, tous unis dans un même élan de fraternité, vont vaincre les forces du mal.
J’ai des doutes… «Si tous les gars du monde voulaient s’donner la main, alors on pourrait faire une ronde autour du monde… », écrivait le poète Paul Fort . Ne soyons pas naïfs: il y a bien là deux modèles de société qui s’opposent. Les principes de solidarité, de lutte contre les inégalités, de respect de la diversité des cultures, de protection de l’environnement, de participation des individus et des communautés aux prises de décisions, qui fondent une politique de promotion de la santé, ne sont pas favorables aux intérêts des grandes puissances économiques.

Où sont les femmes

?
Je vais terminer ma lecture des textes en m’intéressant à l’évolution du discours sur un point particulier: les femmes.
OMS 1946 , Alma Ata : On n’en parle pas.
Ottawa : la promotion de la santé «doit s’appliquer également aux hommes et aux femmes. […] Tous les partenaires, hommes ou femmes, doivent être considérés comme égaux.»
Adélaïde : un domaine d’action à part entière: «Les femmes sont en première ligne pour promouvoir la santé dans le monde et elles travaillent, la plupart du temps, sans rémunération ou pour un salaire minimal. Les réseaux et organisations de femmes sont des modèles pour l’organisation, la planification et la mise en œuvre des actions de promotion de la santé. Les décideurs et les institutions officielles devraient apprécier à leur juste valeur les réseaux de femmes et leur fournir un appui.»
Sundsvall : la Conférence évoque «la nécessité de reconnaître et d’utiliser les compétences et les connaissances des femmes dans tous les domaines, y compris ceux de la politique et de l’économie, pour mettre en place des infrastructures plus propices à des environnements favorables à la santé. Il faudrait reconnaître que les femmes ont de lourdes tâches et veiller à ce que les hommes assument leur part de ce fardeau. Il faudrait que les associations féminines communautaires aient les moyens d’intervenir plus énergiquement dans l’élaboration de politiques et de structures propres à promouvoir la santé.»
Jakarta : la «responsabilisation des femmes» est citée comme l’une des «conditions préalables à l’instauration de la santé».

Pauvre France

J’en arrive à la troisième partie de mon exposé dont je vous ai prévenus qu’elle ne serait pas gaie. En fait je voudrais revenir sur l’un des principes affichés par la Charte d’Ottawa, celui de l’équité: la promotion de la santé vise l’équité en matière de santé, son action a pour but de réduire les inégalités et de permettre à chacun de réaliser pleinement son potentiel de santé.
Qu’en est-il en France? La France est le pays d’Europe où les écarts de mortalité entre les différentes catégories professionnelles sont les plus élevés: les ouvriers peu ou pas qualifiés, âgés de 45 à 59 ans ont deux fois et demi plus de risques de mourir que les patrons, les cadres ou les professionnels libéraux du même âge (3).
Dans l’Atlas de la santé en France, publié récemment, on peut lire: « Quelle que soit la mesure du statut social ( niveau de revenu , profession , niveau d’éducation ), le niveau de santé se dégrade au fur et à mesure que l’on descend dans la hiérarchie sociale . […] Ces inégalités sont profondément ancrées dans la société française , caractérisée par des disparités plus fortes que dans le reste de l’Union européenne .» ( 4 )
En France, l’état de santé de la population est excellent… en moyenne, et il s’améliore chaque année. En France, les écarts de santé entre les riches et les pauvres sont les plus élevés d’Europe et ils se creusent un peu plus chaque année.
On sait que les causes de ces inégalités sont multiples et qu’elles trouvent principalement leur origine dans les conditions générales de vie et dans l’organisation de la société. On sait aussi que l’amélioration de l’état de santé d’une population n’est que minoritairement liée aux services de soins.
Or les politiques de santé menées en France se caractérisent de longue date par une polarisation sur les comportements individuels d’une part et sur l’accès au système de soins d’autre part (5).
Didier Fassin écrivait en mars 2004: « Depuis près de 50 ans , les écarts de mortalité entre les catégories extrêmes se maintiennent en France à un niveau particulièrement élevé . Malgré une progression considérable de la richesse nationale , malgré une amélioration importante de l’état de santé moyen et malgré une extension inédite de la couverture de l’assurance maladie , les différences d’espérance de vie ne se sont pas réduites .» ( 6 )
D’un côté, on améliore le système de soins et on s’applique à le rendre plus accessible, et cela coûte cher. De l’autre, on continue à produire des inégalités en ne prenant pas en compte les effets sur la santé de la population des politiques menées dans les autres domaines. Et pourtant on a signé la Charte d’Ottawa!
Un seul des 100 objectifs mentionnés dans la Loi de santé publique de 2004 est de «réduire les inégalités devant la maladie et la mort par une augmentation de l’espérance de vie des groupes confrontés aux situations précaires» mais il n’y a aucun indicateur chiffré en face de cet objectif car «sa quantification a pour préalable la production d’autres connaissances scientifiques». Si l’on voulait vraiment s’attaquer aux inégalités sociales de santé, il faudrait commencer par en faire un objectif général et le décliner, chiffres à l’appui, dans tous les domaines. D’autres pays l’ont fait.
Et pour atteindre un tel objectif, Jonathan Mann nous a clairement indiqué le chemin à suivre il y a près de dix ans. Il nous invitait à ne pas dissocier la promotion et la protection de la santé de la promotion et de la protection des droits de la personne.
Il attirait notre attention sur le fait que toute atteinte aux droits de la personne est préjudiciable à la santé et aussi que bon nombre d’actions de santé publique sont discriminatoires et portent donc atteinte aux droits de la personne. Pour se faire comprendre il citait plusieurs exemples. « La pratique de la santé publique , écrivait il , est lourdement touchée par le problème de la discrimination fortuite : comme dans les activités de communication qui postulent que toutes les populations sont atteintes de façon égale par un message unique exprimé dans le langage dominant et diffusé par la télévision ; […] ou comme lorsque les messages d’information sur le saturnisme infantile sont diffusés sans se préoccuper de l’existence de moyens financiers permettant d’écarter le danger . En fait , la discrimination fortuite est si répandue que toutes les politiques et tous les programmes de santé publique devraient être considérés comme discriminatoires jusqu’à preuve du contraire .» ( 7 )

‘Ma’ promotion de la santé au quotidien

Et voici la quatrième et dernière partie de mon exposé: en quoi les principes de la promotion de la santé me sont utiles dans mon travail quotidien. Moi, mon secteur d’activité c’est l’éducation pour la santé, l’éducation thérapeutique, l’éducation du patient.
D’une façon générale, dire qu’on pratique l’éducation pour la santé dans une logique de promotion de la santé, c’est affirmer que l’on est attaché à certaines valeurs. En revanche, une simple référence à la prévention ne dit rien des valeurs que l’on entend défendre.
Se référer à la Charte d’Ottawa, c’est dire aussi que l’éducation pour la santé n’est pas dissociable des quatre autres axes de travail qu’elle préconise. Concrètement, quand il s’agit d’éducation du patient, c’est:
-au plan politique: concevoir des programmes qui prennent en compte et au besoin interpellent les politiques institutionnelles;
-au plan de l’environnement: aménager notre cadre d’exercice pour qu’il contribue non seulement à la qualité des soins mais aussi à l’autonomie des personnes qui viennent consulter ou qui sont hospitalisées;
-au plan de la démocratie: associer les patients à la conception, à la mise en œuvre et à l’évaluation des programmes;
-en ce qui concerne les services de santé: ne pas déléguer l’activité éducative à une catégorie de soignants mais au contraire favoriser l’implication de chacun dans une démarche éducative conçue collectivement.
En respectant ces principes, il me semble que l’on évite de tomber dans les pièges d’une éducation thérapeutique focalisée:
-sur l’observance: le but de l’éducation du patient n’est pas de rendre le patient plus obéissant!
-sur les apprentissages: «Le danger pour l’éducateur en santé, c’est de croire ou d’espérer que tout peut être objet d’un apprentissage alors que la mort, la souffrance ou l’échec sont simplement le lieu de l’accompagnement et de l’écoute.»(8) C’est aussi une façon de lutter contre notre désir ou notre illusion de toute puissance.
-sur la responsabilité individuelle: quel que soit leur comportement vis-à-vis des soins, quelles que soient leurs habitudes de vie, les personnes malades ne peuvent être tenues pour responsables de leur état de santé. Arrêtons de vouloir «responsabiliser» les patients: soyez responsable, faites ce que je vous dis! C’est contraire aux principes affichés dans la Charte d’Ottawa.(9)

Expérience afghane

Autre exemple tiré de ma pratique professionnelle: il y un an, j’ai été amenée à séjourner trois semaines en Afghanistan pour évaluer des centres d’éducation pour la santé implantés dans trois écoles et lycées de filles par l’association Afghanistan libre . Ce sont de très gros établissements qui accueillent les jeunes filles du cours préparatoire à la terminale. Dans chaque école, une éducatrice pour la santé afghane a été formée et recrutée: elle assure des cours à toutes les élèves et aussi aux mamans qui viennent plusieurs fois par semaine à l’école pour cela.
Je trouvais cette mission difficile, je n’étais pas sûre d’être à la hauteur. Alors je me suis accrochée très fort aux principes de la promotion de la santé en me disant que c’étaient eux qui devaient guider mon travail. Je ne vais pas tout vous raconter dans le détail seulement vous lire quelques extraits du rapport d’évaluation que j’ai rédigé, pour illustrer en quoi la Charte d’Ottawa m’a aidée à réfléchir.(10)
L’une des questions auxquelles j’essayais de répondre était: les centres d’éducation pour la santé mis en place dans les écoles répondent-ils à un besoin?
« La lecture des rapports sur la santé de la population afghane , les orientations politiques du Ministère de la santé , les propos des éducatrices pour la santé et du personnel des centres de santé et des hôpitaux , les attentes exprimées par les jeunes filles et les mères nous confortent dans l’idée que l’éducation pour la santé en milieu scolaire correspond bien à un besoin .
La question qui reste en suspens est celle de savoir s’il s’agit d’une priorité . Quelles sont actuellement les actions qui permettraient d’améliorer le plus rapidement , le plus significativement et le plus durablement la santé de la population ? La construction de routes ? L’adduction d’eau dans les habitations ? L’alphabétisation de la population ? Où se situe l’éducation pour la santé dans l’ordre des priorités ?
On peut sans doute admettre que l’éducation pour la santé n’est pas une priorité en soi mais plutôt une mesure d’accompagnement des autres modalités d’intervention , une condition de leur mise en œuvre et de leur efficacité . A ce titre seulement elle devient une priorité .
[…]
On peut aussi concevoir l’éducation pour la santé des femmes comme un support de leur émancipation , comme un premier pas vers un engagement citoyen . Il est socialement acceptable que les femmes se réunissent pour parler de la santé : si elles découvrent à cette occasion qu’elles peuvent influer sur le cours de leur vie et de celle des autres , cette expérience leur donnera confiance en elles mêmes et peut être l’envie de s’impliquer dans d’autres domaines pour améliorer leurs conditions d’existence .
Dans l’une des écoles , après avoir pendant plusieurs mois participé aux séances d’éducation pour la santé , les femmes réclament maintenant d’apprendre à lire dans l’espoir de mieux se faire entendre et de sortir de la pauvreté . Dans ce cas , la justification de l’éducation pour la santé ne repose pas directement sur tel ou tel objectif de santé publique mais sur un objectif préalable d’évolution du statut de la femme . Cela suppose alors des méthodes d’éducation pour la santé adaptées à cet objectif reformulé . Et l’évolution du statut de la femme s’accompagnera d’une amélioration de la santé de la population »
Une autre question de l’évaluation concernait les effets potentiellement négatifs du programme:
« Le programme d’éducation pour la santé est figé : le contenu , les méthodes et les outils pédagogiques paraissent immuables , quasiment identiques dans toutes les classes . Basé sur la répétition de messages pré établis , il n’a pas la capacité intrinsèque d’évoluer . La routine risque fort d’engendrer l’ennui . Les éducatrices pour la santé disent elles mêmes qu’elles ont du mal à intéresser les élèves des grandes classes .
L’expression des élèves et des femmes est individuelle . Le déroulement des séances permet des échanges mais ceux ci se déroulent presque toujours entre l’éducatrice pour la santé et l’une des personnes du groupe , sous la forme de questions / réponses . L’éducatrice pour la santé est considérée comme la seule détentrice d’un savoir . On lui a appris à dire aux élèves et aux femmes ce qu’elles doivent faire . On ne lui a pas appris à aider celles ci à analyser leurs conditions d’existence puis à chercher collectivement les moyens de les améliorer .
La conception de la santé véhiculée par le programme est très médicale . Il s’agit essentiellement de prévenir les maladies en se conformant aux conseils des médecins , et de recourir suffisamment tôt aux soins . Cela risque de renforcer la déférence et la dépendance des femmes vis à vis des professionnels de santé plutôt que de promouvoir leur autonomie .
Le programme ne prend pas suffisamment en compte l’environnement dans lequel il s’inscrit :
on observe au sein de l’école des conditions et des habitudes d’hygiène qui ne correspondent pas aux messages véhiculés dans les séances d’éducation pour la santé ;
la contribution de ce programme à la politique de développement , son rôle spécifique dans les systèmes de soins et d’éducation n’ont pas été précisés : cela explique notamment la difficulté qu’ont les Centres d’éducation pour la santé à installer une véritable collaboration avec les structures de soins alentour
Dans les recommandations, j’ai notamment écrit:
« Pour l’instant , le programme d’éducation pour la santé est construit autour des habitudes qu’on veut faire acquérir à la population . Il est centré sur les messages :
des messages de prévention ont été choisis , par exemple : il faut se laver les mains après être allé aux toilettes , il faut éviter que les mouches se déposent sur la nourriture ou il faut réhydrater un bébé qui a la diarrhée ;
des supports pédagogiques ont été créés pour faire comprendre ces messages aux femmes et aux jeunes filles ;
l’éducatrice pour la santé répète et fait répéter inlassablement les messages dans le but que la population apprenne puis adopte les habitudes conseillées .
La mise en place de ce dispositif a permis de créer une dynamique et une motivation forte au sein de la communauté : les femmes et les jeunes filles que nous avons rencontrées ont soif d’apprendre et veulent aller plus loin . Elles suggèrent de diversifier et d’approfondir leurs connaissances relatives à la santé , aux maladies et à la contraception . Elles veulent devenir encore plus savantes .
Si l’on se contente d’ajouter de nouveaux messages à la liste et de les transmettre de la même manière , on n’évitera pas les effets négatifs décrits précédemment .
Il faut maintenant adopter une démarche participative , c’est à dire construire le programme autour des préoccupations des femmes et des jeunes filles . Il s’agit de les aider à prendre collectivement des initiatives susceptibles d’améliorer leurs conditions d’existence et par là même de promouvoir leur santé :
-analyser, avec elles, les facteurs qui concourent et ceux qui font obstacle à la santé et au bien-être de leur communauté;
identifier , avec elles , ceux sur lesquels on peut agir ;
fixer , avec elles , des objectifs concrets de changement ;
convenir , avec elles , des méthodes qui permettront d’atteindre ces objectifs ;
mobiliser , avec elles , les moyens nécessaires ;
faire ce qu’on a décidé ;
vérifier l’atteinte des objectifs , réajuster , recommencer
Les actions qui résulteront de cette démarche pourront être de nature extrêmement variable : recherche d’informations , aménagement de l’environnement , démarche auprès de responsables institutionnels ou politiques , etc . »

Je conclurai comme j’ai commencé, en citant Léon Blum, la dernière phrase de son dernier éditorial: « Je le crois parce que je l’espère
La promotion de la santé, j’y crois parce que je l’espère.
Brigitte Sandrin Berthon , Médecin de santé publique, Comité régional d’éducation pour la santé du Languedoc-Roussillon
Cet article reproduit le texte de la conférence inaugurale de la 3e Université d’été francophone de santé publique, donnée à Besançon le 2 juillet 2006. (1) Soudais M. Front populaire: un moment d’exception . Politis, 27 avril 2006, n° 899.
(2) Le front populaire . Historia mensuel, mai 2006, n° 713.
(3) Kunst AE., Groenhof F., Mackenbach JP. Inégalités sociales de mortalité prématurée: la France comparée aux autres pays européens . In Les inégalités sociales de santé. Paris Editions La Découverte/Inserm, 2000, pp. 53-68.
(4) Rican S., Salem G., Kürzinger ML. Déterminants de santé. Conditions de vie . In Atlas de la santé en France, Volume 2, Comportements et maladies. Paris, John Libbey Eurotext, 2006, pp 25-27.
(5) Ridde V. Une analyse comparative entre le Canada, le Québec et le France: l’importance des rapports sociaux et politiques eu égard aux déterminants et aux inégalités de la santé . Recherches sociographiques, 2004, XLV, 2, pp. 343-364.
(6) Fassin D. Santé: les lois de l’inégalité . Mouvements, 2004, n° 32.
(7) Mann J. Santé publique: éthique et droits de la personne . Santé publique, 1998, volume 10, n° 3, pp. 239-250.
(8) Longneaux JM. Bien gérer sa santé? Education santé, 1994, n° 90, pp. 4-6.
(9) Sandrin-Berthon B. Le regard d’une éducatrice pour la santé . In Comité régional d’éducation pour la santé du Languedoc-Roussillon. Développer les offres régionales de formation en éducation du patient. Actes du séminaire. 2004, pp. 41-46.
(10) Sandrin-Berthon B. Rapport sur l’évaluation des centres des centres d’éducation pour la santé. Hannaba, Paghman mai-juin 2005. Afghanistan libre, rapport non publié.

Promotion de la santé ou promotion des ventes?

Le 30 Déc 20

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Qui ne glorifierait la promotion de la santé? Mais cela fait parfois penser à une satire publicitaire des Monty Python, «Ayez de l’argent». On y voyait un homme au volant d’un bolide, habillé comme un dandy, couvert de femmes, distribuant des billets à tire-larigot. Ayez de l’argent et vous serez comme lui!
La promotion de la santé a parfois ce tort d’enfoncer des portes ouvertes, ce qu’on pourrait caricaturer également sous le slogan «Soyez en bonne santé»!

L’objectivité

Nous sommes envahis par les conseils: évitez ceci, prenez cela. Ces conseils sont souvent des… publicités, dont les seuls bénéfices iront à des promoteurs qui n’ont rien à voir avec la promotion de la santé. Comment séparer le bon grain de l’ivraie? Comment s’y retrouver dans les messages que l’on peut lire dans les magazines féminins, dans les «magazines de santé», dans les revues de pharmacies, dans le «Journal du médecin» (qui en fait est écrit de A à Z par les firmes pharmaceutiques), les revues de mutuelles, les messages de votre supermarché (ah le light, le sans sucre, les ferments lactiques…)?
Il apparaît indispensable de toujours prendre du recul et d’au moins se dire: d’où vient ce message? L’information est-elle libre ou dirigée? À qui profite-t-elle? Quelle objectivité puis-je accorder à ces informations?

Les conseilleurs ne sont pas les payeurs

On promeut l’accès aux soins pour tous, mais pour certains, la santé est un luxe qu’ils ne se permettent pas. Des besoins primaires tels se chauffer, se loger, manger prennent parfois déjà 80% de leur budget…
De plus, et cela est vrai pour tout le monde, on ne change pas de style de vie comme on change de chemise. Le poids des manques sociaux, culturels, matériels est là et il ne suffit pas de simplement informer sur les comportements à risque comme l’alcool, le tabac ou l’alimentation peu adaptée. Il en est de même du cadre de vie, de l’environnement.

Les changements

L’individu seul ne peut tout changer. Les initiatives, les solutions doivent être plus globales. Et si l’on pense à la promotion de la santé dans d’autres pays que le nôtre, que dire alors de la latitude de l’individu dans la prise en charge de sa santé quand il vit par exemple en Afrique?
Dans un monde basé sur la logique du profit, la mondialisation vise plus les échanges commerciaux que les politiques sanitaires. Quelle place est laissée aux changements favorables à la santé de tout un chacun? Puisse-t-on associer à la mondialisation des progrès sanitaires dans les pays moins favorisés, des progrès qui ne soient pas seulement des progrès d’extension de marché. Peut-être la mondialisation nous donnera-t-elle ainsi à l’avenir une meilleure image d’elle…

Hier à la télévision

Revenons chez nous. Hier, j’ai vu à la télévision les messages publicitaires suivants:
«Nouveau: Silan aromathérapie», ou comment se soigner en lessivant…
Dans une autre pub, on ridiculise une personne en train de pousser péniblement une charrue pour cultiver des légumes. Puis on glorifie une maman qui prend si bien en charge sa marmaille: non seulement elle a du temps à lui consacrer, mais elle lui fournit un potage en boîte «plein de santé».
Et enfin ce papy qui fait découvrir le goût des bonnes choses à ses petits-enfants en «préparant» en deux coups de cuiller à pot un gâteau tout fait, une poudre chocolatée, du lait et hop… la saveur d’antan… Merci papy!

La santé est notre préoccupation à tous, mais attention, elle est devenue un marché. Soyons vigilants. En même temps, ne jetons pas l’enfant avec l’eau du bain. Il ne s’agit pas de se boucher les oreilles. Nous avons tous beaucoup à apprendre pour mieux prendre en charge notre santé. Et en tant qu’association de patients, nous avons aussi beaucoup à dire!
Claude Sterckx , Président de la Ligue des usagers des services de santé, LUSS asbl
Cet article est une version légèrement modifiée d’un texte paru dans Le Chaînon, le bulletin de liaison de la Ligue des usagers des services de santé, n° 3, 1er trimestre 2006

Ottawa-Bangkok: un aller simple?

Le 30 Déc 20

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En août 2005, s’est passé un évènement très important pour nous, usagers des services de santé. Lequel me demanderez-vous (1)? La sixième conférence mondiale sur le promotion de la santé a eu lieu, qui a donné naissance à la Charte de Bangkok , baptisée du nom de la ville où elle a été signée le 11 août 2005, en Thaïlande.
Le lieu n’est pas anodin. De nombreuses voix s’étaient élevées contre la Charte d’Ottawa, première charte mondiale officielle en promotion de la santé, celle-ci étant considérée comme la Charte des pays riches. Le nom de cette nouvelle charte est donc hautement symbolique. Mais ne nous emballons pas, avant d’aborder les chartes elles-mêmes et leur processus de création, il est intéressant de se pencher sur ce qu’est la promotion de la santé. Nicole Maréchal , alors Ministre de l’Aide à la Jeunesse et de la Santé de la Communauté française, nous avait rappelé la belle définition du décret de 1997 lors de notre colloque de 2003:
«Le processus qui vise à permettre à l’individu et à la collectivité d’agir sur les facteurs déterminants de la santé et, ce faisant, d’améliorer celle-ci, en privilégiant l’engagement de la population dans une prise en charge collective et solidaire de la vie quotidienne, alliant choix personnel et responsabilité sociale. La promotion de la santé vise à améliorer le bien-être de la population en mobilisant de façon concertée l’ensemble des politiques publiques.»
La promotion de la santé tente de nous permettre d’agir a priori sur notre état de santé et ce qui le détermine en nous donnant, par exemple, des conseils sur la façon de manger sainement, des comportements risqués à éviter… Elle essaie de nous faire réfléchir sur les actes de notre vie quotidienne et d’en retirer les conséquences positives ou négatives sur notre santé. La promotion de la santé vise à ce que tout un chacun ait accès à une santé de qualité et que celle-ci soit au centre de toutes les préoccupations politiques ou autres.

Le Canada: un précurseur

La promotion de la santé n’a pas toujours été à l’ordre du jour. Ce n’est qu’en 1974 qu’un pays commence vraiment à se pencher activement sur le sujet. Le Canada publie, cette année-là, un texte intitulé Nouvelle perspective de la santé des Canadiens . Ce document est une première et ouvre des perspectives très importantes pour la suite. Les Canadiens pointent en effet du doigt l’importance des facteurs hors système de soins sur la santé. Quatre domaines particuliers sont mis en avant: la biologie humaine, le style de vie, l’environnement et les services de santé.
Au moment de la publication du document, c’est le style de vie qui est particulièrement étudié et cela à cause du lien entre l’état de santé et les comportements à risque. Au Canada, commencent donc à fleurir de nombreux programmes et campagnes de sensibilisation et d’éducation relatifs à la façon de vivre (nourriture, tabac, boisson…). Des lois et réglementations sont également mises en place. C’est dire l’importance que ce document a sur le peuple canadien.
Les chercheurs canadiens se penchent ensuite sur l’environnement et l’importance des conditions structurelles de vie (pauvreté, précarité, discriminations,…) et de l’environnement géographique sur la santé. Les Villes-Santé voient alors le jour (nous en avons également en Belgique, Liège en est un exemple).
L’Organisation mondiale de la santé lance alors sa Stratégie de la santé pour tous , prélude à la première conférence internationale pour la promotion de la santé, qui se déroule comme de juste à Ottawa, au Canada. On est en 1986, année de naissance de la Charte d’Ottawa .

D’Ottawa à Bangkok

La Charte d’Ottawa énumère les conditions fondamentales de santé telles que paix, hébergement, revenu… et reconnaît la nécessité d’une action coordonnée entre de nombreux secteurs. Elle est traduite en plus de 40 langues et sert de référence mondiale en matière de promotion de la santé. Elle définit cinq domaines d’action primordiaux:
-élaboration de politiques de santé;
-création d’environnements favorables;
-renforcement de l’action communautaire;
-acquisition d’aptitudes individuelles;
-réorientation des services de santé.
Cette approche permet un travail en réseau plus efficace et la mise en place de projets « visant à créer des environnements favorables à la santé » notamment en renforçant les projets Villes-Santé et en mettant en place des Lieux de travail-Santé, Hôpitaux-Santé… Fini donc le concept qui consistait à seulement s’intéresser à la santé globale d’une population (nous parlons bien d’état de santé avéré), la Charte d’Ottawa permet de se pencher sur les facteurs qui déterminent l’état de santé et « de consolider le potentiel de bonne santé » plutôt que de se focaliser sur des problèmes déjà existants. C’était une petite révolution.
Après la conférence d’Ottawa, bien d’autres ont suivi:
Adélaïde (1988): les participants y ont essentiellement réaffirmé les fondements de la Charte d’Ottawa et l’importance d’une pratique en réseau en appelant les gouvernements à « promouvoir la santé en liant entre elles les politiques économiques sociales et sanitaires ».
Sundsvall (1991): cette conférence s’est surtout penchée sur les liens entre santé et environnement (instruction, alimentation et nutrition, logement et habitat, travail, transport et protection sociale).
Jakarta (1997): cette conférence a confirmé les déclarations faites auparavant et a réaffirmé l’importance de « placer la promotion de la santé au cœur du développement sanitaire ».
Mexico (2000): ici, les participants se sont en particulier penchés sur les déterminants de la santé « relatifs aux populations économiquement et socialement défavorisées ».
Ces quatre conférences n’ont pas produit de charte, uniquement des déclarations et des recommandations. Cependant en 2000, on peut déjà noter les tendances qui vont nous amener à Bangkok. L’attention aux pays défavorisés que soulignait déjà la conférence de Mexico est particulièrement mise en avant à Bangkok d’une part par le choix du lieu et d’autre part par le désir de publier une nouvelle charte qui, elle, représenterait l’ensemble des pays du monde et pas seulement les pays «riches».

La Charte de Bangkok

19 ans après Ottawa, voici donc Bangkok. La charte définit selon l’OMS « les principaux enjeux à traiter et les actions et engagements qui seront nécessaires pour s’occuper des déterminants de la santé dans un monde globalisé , en faisant appel aux nombreux acteurs et parties intéressés qui ont un rôle critique à jouer pour parvenir à la santé pour tous ».
Elle s’attarde entre autres sur les défis à relever en matière de maladies transmissibles et de maladies chroniques mais aussi sur le poids de la mondialisation et ses effets sur la santé.
Elle introduit surtout une idée complètement nouvelle: la collaboration entre gouvernements, organisations internationales, société civile et secteur privé selon trois principes:
-veiller à ce que la promotion de la santé ait une place centrale dans le développement mondial;
-veiller à ce qu’elle fasse partie des responsabilités essentielles des gouvernements et des bonnes pratiques des entreprises;
-veiller à ce qu’elle soit l’un des centres d’intérêt des initiatives des communautés et de la société civile.
La charte d’Ottawa avait déjà permis de construire des politiques sanitaires au niveau mondial, national et local notamment en ce qui concerne la lutte anti-tabac. Cependant, d’importantes disparités entre les pays développés et ceux en voie de développement, spécialement en ce qui concerne l’espérance de vie, sont apparues aux yeux des chercheurs. Entre certains pays, il existe une différence de 48 années d’espérance de vie! Un des objectifs de la Charte de Bangkok est de lutter et de faire évoluer les stratégies de promotion de la santé pour diminuer les inégalités, tout cela en favorisant le partenariat entre les différents acteurs.
On le constate la Charte de Bangkok se base essentiellement sur un partenariat efficace entre différents acteurs, la nouveauté étant l’introduction du partenaire privé (par exemple les firmes agroalimentaires et pharmaceutiques).

Les loups dans la bergerie?

Ce dernier point pose évidemment de nombreuses questions. Nous avons tous ou presque un avis sur les intérêts de telles firmes en promotion de la santé. Une firme agroalimentaire ou pharmaceutique reste avant tout une entreprise avec des intérêts commerciaux. Les personnes dirigeant ces sociétés ne sont pas des philanthropes mais bien des chefs d’entreprises avec tout ce que cela engendre comme objectifs financiers.
N’y a t-il pas là comme une dissonance? Ne risque-t-on pas de voir surgir des politiques sanitaires plus basées sur l’argent qu’elles vont rapporter que sur leur réel intérêt pour le public? Un exemple: certaines sociétés commercialisent des produits laitiers dits «bons pour la santé». En s’associant à des campagnes de promotion pour une bonne alimentation, elles ont la possibilité de mettre leurs produits en avant et ainsi de récolter une publicité positive qui aura certainement un effet dopant sur les ventes.
D’ailleurs lors des discussions préalables à l’écriture de la Charte, on pouvait déjà sentir le poids des multinationales, certaines recommandations étant passées sous silence comme l’effacement de la dette du Tiers-Monde ou le réajustement du prix des matières premières, les deux étant étroitement liés. Déjà donc, le secteur privé joue un rôle de muselière et empêche le vote de mesures essentielles pour le bon respect des objectifs de la charte. Il y a là comme un non-sens. Aurions-nous tellement besoin de leurs apports financiers?
D’un autre côté, ces industries ont les moyens financiers de mettre sur pied des campagnes à grande échelle. Peut-on se permettre de se priver d’un partenaire ayant les moyens de développer ces actions? La promotion de la santé peut-elle passer par n’importe quels canaux du moment qu’on mesure une incidence positive sur l’état de santé des populations visées? Et comment mesurer ces incidences positives? Voilà plusieurs questions qu’il est intéressant de se poser.
Mais la Charte de Bangkok n’a pas soulevé que ces questions-là. Tous les acteurs mondiaux actifs en promotion de la santé ne la jugeaient pas indispensable, les principes de la Charte d’Ottawa n’étant toujours pas solidement implantés dans tous les pays. La réponse à cet argument, je vous la donnais au début de cet article: Ottawa était considéré comme la charte des pays industrialisés! Il en fallait donc d’urgence une deuxième plus ouverte au climat actuel de développement durable et de marché équitable. Tout un symbole!
Toutes ces données aboutissent à un document estimé non-abouti que certains qualifieraient de document intermédiaire à retravailler par chaque région.

Du travail, encore

On s’en rend compte, la promotion de la santé est un domaine essentiel, vaste et dangereusement délicat. La Charte de Bangkok ne répond pas aux attentes de tous les participants de cette sixième conférence et en effraie beaucoup d’autres par les nouveaux partenariats qu’elle implique. Saura-t-elle grandir et s’affirmer comme telle? Deviendra-t-elle une référence à la manière d’Ottawa? Se perdra-t-elle dans le tourbillon des multinationales et des enjeux financiers?
Le trajet d’Ottawa à Bangkok n’est donc pas si simple que cela. Reste à espérer qu’en route, on n’y perde pas l’essentiel, notre santé!
Carine Serano , Ligue des usagers des services de santé, LUSS asbl
Adresse de la LUSS: avenue Sergent Vrithoff 123, 5000 Namur. Tél.: 081 74 44 28. Fax: 081 74 47 25. Courriel: luss@luss.be. Internet: https://www.luss.be .
Cet article est une version légèrement modifiée d’un texte paru dans Le Chaînon, le bulletin de liaison de la Ligue des usagers des services de santé, n° 3, 1er trimestre 2006

Nous renvoyons nos lecteurs à la présentation de la charte dans le n° 208 d’Education Santé, janvier 2006 (ndlr)

L’hépatite C en Belgique. Comment améliorer le dépistage et la prévention?

Le 30 Déc 20

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Comment améliorer le dépistage et la prévention?

L’hépatite C est un problème majeur de santé publique à travers le monde. Il y aurait environ 170 millions de personnes infectées par le virus de l’hépatite C (VHC), soit environ 3 % de la population.
En Belgique, la prévalence de l’hépatite C est d’environ 1%.
La transmission du virus se fait essentiellement par voie sanguine. L’injection de drogue par voie intraveineuse est actuellement le mode de contamination le plus fréquent et environ 80% des personnes toxicomanes par voie intraveineuse sont contaminées.
Le dépistage de l’ensemble de la population est coûteux et peu rentable. Il n’existe pas de vaccin contre l’hépatite C. Mais on peut actuellement guérir de la maladie. Un traitement efficace est disponible en Belgique depuis 2002. Il est basé sur la thérapie combinée interféron pégylé et ribavirine.
En Belgique, l’hépatite C relève des compétences des Ministres fédéral, communautaire et régional. Mais les mesures nécessaires à la prévention, au dépistage et à la prise en charge de cette maladie ne sont pas très structurées. Depuis quelques années, on a pu se rendre compte à travers la presse d’un certain nombre de revendications de patients et d’interpellations adressées aux décideurs politiques.
Concernant l’information des Belges, une enquête avait été menée en janvier 2004 auprès d’un groupe représentatif de 1000 Belges de plus de 15 ans (1). Cette enquête visait à évaluer la connaissance et les perceptions des Belges à l’égard de cette infection. Les résultats suivants ont été mis en évidence:
– plus d’un Belge sur deux ne connaît pas l’hépatite C;
– la grande majorité des Belges ignore ou sous-estime sa prévalence: seuls 12% l’estiment à 1/100;
– 45% des Belges pensent qu’il existe un vaccin permettant de prévenir l’hépatite C;
– 1 Belge sur 6 ignore que l’on peut guérir de l’hépatite C;
– 72% des Belges perçoivent l’hépatite C comme une maladie très et moyennement grave;
– 6 Belges sur 10 ignorent le mode de transmission de VHC;
– informés de la gravité et de la fréquence de l’hépatite C, 89% des Belges pensent que le gouvernement devrait lancer des campagnes de dépistage et d’information, comme c’est le cas dans de nombreux autres pays occidentaux.
En mai 2005, le Cabinet de la Ministre de l’enfance, de l’aide à la jeunesse et de la santé en Communauté française de Belgique a mandaté l’Unité RESO de l’UCL pour réaliser un état des lieux des données épidémiologiques et des recommandations récentes en termes de prise en charge des patients infectés par le virus de l’hépatite C. Outre la documentation de ces aspects, le présent dossier vise également à faire le point sur les stratégies de dépistage et de prévention préconisées par les experts belges et étrangers.
RENARD F., AUTIER M., DOUMONT D., L’hépatite C en Belgique. Comment améliorer le dépistage et la prévention?, UCL RESO, Bruxelles, juin 2005, (Série de dossiers techniques; réf.: 05-34), 27 pages.

Les dossiers techniques sont consultables sur le site https://www.md.ucl.ac.be/entites/esp/reso . Ils peuvent aussi être commandés à l’adresse suivante: UCL, Faculté de médecine – Ecole de santé publique, Unité d’éducation pour la santé RESO, avenue Mounier 50, 1200 Bruxelles.
Contact: Mme Dominique Doumont, tél. 02 764 50 76, courriel: dominique.doumont@reso.ucl.ac.be.
(1) Enquête menée par l’INRA à la demande de Schering-Plough.