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Jeunes gens, comment vous (com)portez-vous ?

Le 30 Déc 20

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À la lecture du dossier spécial que la revue Agora (1) consacre aux résultats du tout nouveau Baromètre santé jeune de l’Inpes, on se réjouit de la bonne santé globale des jeunes Français métropolitains et des atouts solides dont ils disposent pour la préserver. On passe aussi en revue leurs fragilités et les inégalités sociales auxquelles la génération des 15-30 ans paie un lourd tribu.

Premier constat : les jeunes Français métropolitains affichent un bon état de santé global. Certes, ils fument, boivent de l’alcool, dorment trop peu, sautent le petit-déjeuner ou fréquentent les fast-food, mais au terme du dernier check-up, le bilan est rassurant. Les 15-30 ans auraient même quelques longueurs d’avance sur leur aînés en ce qui concerne certains comportements favorables à la santé.

Cela ne veut pas dire que tout aille pour le mieux dans le meilleur des mondes et pour tout un chacun. Impossible de mettre tous les jeunes dans le même sac. Bien sûr, les situations individuelles sont hétérogènes, d’autant que la tranche d’âge considérée englobe des années singulières : l’adolescence, les débuts de la vie amoureuse, l’entrée dans la vie active, l’acquisition de son propre logement, l’autonomie financière… Des disparités s’expriment également en fonction de l’âge, du sexe, des conditions de vie, de la situation sociale ou géographique, et ce quelle que soit la thématique – alimentation, tabac, alcool, sommeil, usage d’internet pour la santé, contraception, etc.

Autant de nuances qui floutent le tableau et dessinent un panorama plus contrasté qu’il n’y paraît. La revue Agora aborde la santé des 15-30 ans sous l’angle des inégalités sociales. Elle leur consacre un dossier en six chapitres bâtis à partir des données issues du Baromètre santé jeunes 2010 de l’Institut national de prévention et d’éducation pour la santé (Inpes). Alcool, tabac, usages d’internet pour la santé, pratiques contraceptives, comportements alimentaires et conduites alimentaires perturbées : «Les jeunes qui subissent une situation sociale défavorable présentent globalement des indicateurs nettement plus dégradés que les autres», soulignent François Beck et Jean-Baptiste Richard de l’Inpes, qui signent l’introduction. Et de préciser : «Cette question est d’autant plus préoccupante dans le contexte actuel où la jeunesse se trouve exposée à des difficultés d’emploi et de logement.»

Jeune parmi les jeunes et parmi leurs aînés

Explorer les comportements de santé d’une population en s’appuyant sur ses déclarations est la méthode adoptée par l’Inpes pour tous ses baromètres santé. Celui consacré aux jeunes ne fait pas exception et exploite les réponses apportées par les jeunes eux-mêmes.

L’enquête, téléphonique, a été menée entre octobre 2009 et juillet 2010 auprès d’un échantillon représentatif global de quelque 27.653 personnes âgées de 15 à 85 ans. Parmi elles, 6.000 avaient moins de 30 ans. Telle est la plus-value de l’approche de l’Inpes : puiser les données sur la santé des jeunes au sein d’un recueil plus vaste, ce qui permet d’établir des comparaisons avec les autres âges de la vie. L’objectif est clair : comprendre en quoi le fait d’être jeune change le rapport à la santé et le regard porté sur celle-ci. L’exercice consiste donc à quantifier les pratiques des jeunes puis à distinguer celles qui reflètent des situations problématiques et celles qui relèvent naturellement de l’âge des possibles.

En matière d’usage d’internet pour la santé par exemple : quel est le profil des jeunes qui recherchent des informations santé sur internet ? Quelles thématiques les intéressent ? Quel impact a cette activité sur leurs comportements de santé ?

D’après le Baromètre, qui met dans le même sac les sites web, les blogs et les réseaux sociaux, 93% des 15-30 ans sont des internautes. Pour autant, plus de la moitié (52%) des 15-30 ans n’ont pas eu recours à Internet pour des questions de santé dans les 12 derniers mois. Parce qu’ils se sentent suffisamment informés autrement, ont préféré consulter un médecin ou se méfient des infos sur le net. Ou bien parce qu’ils n’y ont pas pensé (48%) ou que le sujet ne les intéresse pas (40%).

Du reste, la proportion d’ ‘internautes santé’ augmente avec l’âge: 39% des 15-19 ans, 50% des 20-25 ans et 55% des plus de 26 ans utilisent la toile pour rechercher des informations sur la santé. Au-delà de 30 ans, les chiffres diminuent progressivement. Dans cette catégorie d’internautes, les jeunes femmes sont plus nombreuses tandis que les employés et les ouvriers sont sous-représentés, chez les jeunes comme dans la population générale: une situation à l’image de l’attention portée aux questions de santé en général. Un état de détresse psychologique, une grossesse ou le fait d’être parent figurent également parmi les facteurs associés. Les maladies en général et la grippe en particulier arrivent en tête du classement des thèmes d’intérêt les plus cités (45% des sondés), suivis par la santé de la mère et de l’enfant (21%) et les comportements de santé (19%), les jeunes se distinguant des générations précédentes par un intérêt marqué pour ces deux dernières thématiques.

Une opportunité pour les acteurs du champ de la promotion de la santé et de la santé publique, estiment les auteurs (2). Conséquences de ces recherches santé en ligne : 15% des jeunes déclarent un changement d’attitude vis-à-vis de leur santé et 11,5% un impact sur la fréquence de leurs consultations chez le médecin, dans un sens ou dans l’autre: certains consultent plus souvent (4,9%), d’autres moins souvent (6,6%).

Enfin, l’information trouvée sur internet est jugée crédible par quatre internautes qui y ont recours sur cinq, quel que soit l’âge ou le sexe. «Ceux qui ont le moins confiance dans les informations trouvées sont aussi moins nombreux à déclarer modifier leur façon de s’occuper de leur santé à la suite de leurs recherches», soulignent logiquement les auteurs.

Les jeunes connaissent bien les repères du PNNS

Les comportements alimentaires des jeunes font eux aussi l’objet d’une analyse détaillée au prisme de ce qui fait la spécificité des jeunes par rapport à leurs aînés et avec la volonté de mettre en lumière les inégalités sociales. Cette fois-ci, l’échantillon de référence est celui du Baromètre santé nutrition 2008 qui démarre à 12 ans. L’enquête explore non seulement les consommations des diverses catégories de produits alimentaires mais aussi pour la première fois depuis que ce recueil a été mis en place, les connaissances nutritionnelles des jeunes, la distribution journalière de leurs repas et les lieux où ils les prennent.

Premier enseignement : les jeunes, toutes catégories socioprofessionnelles confondues, connaissent mieux les repères du Plan national nutrition santé (PNNS) que leurs aînés. Pour autant, la consommation de fruits et légumes, déjà faible dans la population générale, l’est encore plus chez les jeunes. «Ce paradoxe traduit notamment la difficulté à passer de l’information et de la connaissance au changement effectif de comportement (…). La réflexion sur l’environnement quotidien des jeunes apparaît ainsi cruciale», en déduisent Hélène Escalon et François Beck, co-auteurs de l’article. Toutes choses égales par ailleurs, les enfants d’ouvriers, d’employés, de chômeurs et les jeunes vivant dans des foyers à faible revenu sont ceux qui mangent le moins de fruits et légumes et de poisson. Cette catégorie est également celle qui consomme le plus de boissons sucrées, surtout entre 19 et 25 ans.

Les auteurs s’attardent par ailleurs sur le rôle du genre et les variations de comportements liées à l’âge. On apprend ainsi par exemple que les jeunes sont plus nombreux à sauter des repas avec l’avancée en âge, principalement le petit-déjeuner. Entre 16 et 25 ans, 15% font l’impasse sur lui, contre 9% entre 12 et 15 ans. Des proportions stables quelle que soit la catégorie socioprofessionnelle et au-dessus de celle établie pour les plus de 30 ans (4%).

Les jeunes filles ont par ailleurs une alimentation plus favorable à leur santé que celle des garçons et connaissent mieux qu’eux les repères nutritionnels (exception faite des féculents). En matière de comportement alimentaire en général, il apparaît que les différences de genre sont moins marquées chez les jeunes que chez leurs aînés. «La pression sociale à l’égard de la minceur, plus forte sur les femmes que sur les hommes, s’accroît probablement avec l’âge bien qu’elle soit déjà présente chez les adolescentes», avancent les auteurs en guise d’explication. «Les normes corporelles pèsent néanmoins aussi sur les garçons mais en ne mobilisant pas les mêmes registres, notamment celui de la culpabilité, très féminin. L’image d’Épinal ‘homme/énergie/sport’ perdure et pèse de façon différente sur les jeunes garçons

Où l’on reparle de l’idéal du corps mince

Le Baromètre santé jeunes 2010 s’intéresse par ailleurs aux conduites alimentaires perturbées. Ces données auraient pu faire l’objet d’un chapitre dans l’article sur les jeunes et l’alimentation; elles ont été traitées à part avec un objectif spécifique, à visée de prévention, que les auteurs expriment ainsi : «quantifier des troubles précliniques, en tant que signes annonciateurs de pathologies alimentaires avérées ou encore d’une détresse psychologique, voire d’une conduite suicidaire».

De fait, ils précisent qu’il ne s’agit pas seulement de repérer les troubles du comportement alimentaire qui font référence à un rapport à la nourriture devenu pathologique mais d’une palette de situations «allant de la préoccupation injustifiée à l’égard de son propre poids jusqu’à des affections psychiatriques majeures identifiées à l’aide de critères diagnostics précis». Leurs prévalences pourraient être élevées, notent-ils, mais les données manquent pour le vérifier et mesurer l’évolution de ces conduites.

D’où l’intérêt à l’occasion du Baromètre d’interroger les jeunes sur les épisodes de frénésie alimentaire, le fait de se faire vomir volontairement, manger en cachette ou redouter de commencer à manger par crainte de ne pas pouvoir s’arrêter. Quatre personnes sur cinq disent ne jamais avoir rencontré pareilles situations. C’était déjà le cas en 2005 lors du précédent Baromètre . Ceci étant, c’est entre 15 et 19 ans que ces conduites sont les plus fréquentes, notamment le fait de manger en cachette. Remarque des auteurs : «On peut d’ailleurs s’interroger sur le sens que revêt un tel comportement à un âge où la plupart des jeunes n’ont souvent pas la maîtrise de ce qui est dans leur assiette.» Il est en effet plus facile de manger à sa faim, ni plus ni moins, quand on décide soi-même des quantités et du contenu de son repas.

Les conduites alimentaires perturbées sont plus fréquentes chez les femmes avec un écart maximum entre les sexes à l’adolescence. La distinction est particulièrement marquée s’agissant de la peur de commencer à manger par crainte de perdre le contrôle (14,8% des femmes vs 6,5% des hommes).

«Cet indicateur montre combien la nourriture est une préoccupation importante chez les jeunes filles», soulignent les auteurs. Or la littérature rapporte qu’un décalage entre la réalité et les attentes concernant le poids, synonyme d’insatisfaction vis-à-vis de sa propre image, est susceptible d’entraîner une détresse psychologique. Qu’en est-il chez les jeunes Français ? Le Baromètre 2010 ne met pas en évidence de lien entre la corpulence déclarée et des pratiques alimentaires perturbées. Il indique en revanche que les jeunes en surpoids ou obèses sont ceux qui évoquent le plus la peur de manger trop.

Dans une moindre mesure, les facteurs sociaux se révèlent également importants dans la survenue des quatre conduites alimentaires étudiées. Les jeunes issus des milieux défavorisés déclarent ainsi plus souvent que les autres manger beaucoup sans parvenir à se contrôler, redouter de le faire ou manger en cachette. À l’inverse, se faire vomir est plus fréquent chez les enfants de cadres.

Somme toute, les auteurs voient dans le fait de redouter de manger un indicateur assez général permettant de repérer la pression sociale et psychologique qui s’exerce sur le contrôle de la nourriture et touche davantage les adolescentes, de condition modeste, urbaines et qui sont déjà en surpoids. Et insistent sur la nécessité d’encourager les actions éducatives visant à ‘désidéaliser’ la minceur.

Références

La santé des 15-30 ans / Une lecture du Baromètre santé, Agora débats/jeunesse n°63, Injep, 2013. Disponible par article via https://www.cairn.info.
Baromètre santé jeunes, Inpes, 2010.

(1) Agora débats/jeunesse, revue paraissant trois fois par an, éditée par par l’Institut national de la jeunesse et de l’éducation populaire (Injep). Internet: https://www.injep.fr.
(2) François Beck (Inpes), Viêt Nguyen-Thanh (Inpes), Jean-Baptiste Richard (Inpes) et Emilie Renahy (Centre for Research on Inner City Health/Keenan Research Centre, Toronto, Canada)

À l’écoute de la folie

Le 30 Déc 20

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À Télé-Accueil Bruxelles, la folie s’entend chaque jour au bout du fil. La santé mentale est au coeur de quatre appels sur dix: dépression, paranoïa, mélancolie, perversité, phobies, schizophrénie, délire, etc. Les références à la psychopathologie ne sont pas rares. Nous nous sommes arrêtés plus spécifiquement sur les appels où l’on perçoit des éléments de la psychose. Que viennent chercher au 107 ces appelants en souffrance psychique et qu’y trouvent-ils ? Quelle place aussi le service d’écoute leur accorde-t-il ?

L’Observatoire social de Télé-Accueil Bruxelles vient de terminer une recherche basée sur une centaine de récits d’appels relatés par les écoutants bénévoles, sur les statistiques de l’asbl et sur des rencontres avec des spécialistes en hôpital, en institution psychiatrique et en centre de santé mentale.

Premiers constats

La répétition

Tous les jours, à chaque permanence, toutes les heures, à peine raccroché parfois, le téléphone sonne à nouveau avec, au bout du fil, toujours la même personne. Le nombre de ces appelants réguliers, voire compulsifs et que nous appelons ‘les habitués’ ne cesse d’augmenter. Ces appels ne sont pas nécessairement longs, quelques minutes à peine parfois, au cours desquelles, souvent, ces appelants déroulent un contenu tout aussi répétitif.

Le diagnostic

Les écoutants n’ont pas à établir de diagnostic… Quelques appelants s’en chargent eux-mêmes. Certains nomment d’emblée leur trouble ou leur traitement, ils entament la conversation par un lapidaire «Je suis bipolaire» ou «Je prends de l’Haldol» . Quel est le sens de se présenter de cette manière ?

«Se nommer via sa pathologie peut donner de la consistance, voire une identité. Reste aux écoutants à entendre cet appel comme une demande de reconnaissance», dit Pascal Kayaert, directeur adjoint de Télé-Accueil Bruxelles.

L’absence de dialogue

Les appelants en souffrance psychique ont besoin d’un interlocuteur qui serve d’ancrage à leur discours; ils ont besoin d’une adresse. Télé-Accueil endosse ce rôle de ‘secrétaire’. Les appels de ce type peuvent incommoder les écoutants. Ils n’ont pas toujours la possibilité de placer un mot ! «Ces appelants semblent ne pas disposer du mode d’emploi pour entrer en relation avec l’autre. Appelants et écoutants ont comme des codes différents qui désarçonnent les uns et les autres», constate Myriam Machurot , formatrice à Télé-Accueil Bruxelles.

Une présence indéfectible

Plus de 58% des appelants vivent seuls. Le lien social est au coeur de 12% des appels en général et ce chiffre grimpe à 21% dans les appels de personnes en souffrance psychique. «Télé-Accueil peut faire office de point fixe dans l’univers d’un délirant. Celui-ci délire justement parce qu’il s’est trouvé sans repères suffisamment solides à un moment clé de sa vie. Pour certains, il suffit de savoir qu’en faisant le 107 quelqu’un va décrocher pour se sentir rassurés. Ils ne recherchent pas de longues discussions mais la confirmation que Télé-Accueil est toujours là, bien à sa place», dit une psychologue.

Quel message?

Que dégager de ces appels parfois envahissants, de ces propos parfois incohérents ? Les appelants parlent de leur souffrance mais le 107 peut être aussi un endroit où déverser la rage de ce qui les dépasse. Ces appels ne sont pas toujours exempts d’agressivité, de violence ou d’insultes, la problématique amenée est une mouvance sans direction. Certaines réactions peuvent enclencher des réponses explosives, les mots étant pris au pied de la lettre.

La certitude contenue dans le discours de l’appelant fait barrage au questionnement. «L’une des caractéristiques de certains appelants aux prises avec la psychose est la certitude psychotique», explique Myriam Machurot. «Un appelant est convaincu que tout ce qui est énoncé lui est personnellement adressé. Cela peut également se jouer dans le lien appelant/écoutant.» Un indice qui renvoie à nouveau l’écoutant à son rôle de secrétaire…

«Suis-je fou ?» Cette question existentielle est posée parfois de manière lancinante, obsédante comme les éléments qui la génèrent. Certaines personnes ont le sentiment que tout s’effondre en elles et autour d’elles. C’est le moment de la décompensation psychotique, moment particulièrement douloureux où l’appelant perd tous ses repères. Le sujet psychotique cherche à comprendre ce qui lui arrive. Il va réorganiser le monde selon une autre logique, le délire tente de redonner un sens à ce qui fait défaut.

Le choix du moment et de la posture

L’appelant choisit le moment de la parole et l’endroit d’où il parle. Il va jusqu’à choisir l’état dans lequel il appelle. La consommation d’alcool, d’anxiolytiques, de neuroleptiques ponctue en effet le quotidien de nombreux appelants.

Télé-Accueil, un psy comme un autre ? Nos statistiques montrent que sept appelants en souffrance psychique sur dix sont suivis par un thérapeute. Des appelants abordent également l’internement, les séjours à l’hôpital, les cures, la fréquentation de centres de jour…

Ceci pose la question de la place de Télé-Accueil dans leur parcours de soin. Est-ce un complément ? Selon un psychiatre, «le cadre est différent d’une thérapie avec des rendez-vous. C’est une question de moment, du moment de la crise. Les appelants ne s’attendent pas non plus à une interprétation, à une suite. C’est un endroit où déposer quelque chose, se plaindre sans qu’il y ait un retour.»

La peur de consulter n’est pas absente non plus. Un appel téléphonique n’est pas une confrontation, il permet une distance parfois nécessaire. Il permet aussi de s’entraîner à prendre la parole, à formuler ses pensées, à tirer des sentiments au clair. Des appelants s’en satisfont un temps, court ou long, d’autre franchiront ensuite le pas vers une confrontation physique, un face-à-face avec un thérapeute. Ils dépasseront le ‘tout, tout de suite’ en prenant un rendez-vous, qui fait déjà partie d’une autre démarche de soin.

Les effets du 107

Les appelants vont-ils mieux après un appel à Télé-Accueil ? Le contenu des propos chargés de désespoir et de difficultés diverses est parfois rude à entendre. Mais si appeler le 107 n’est pas sans effet, comme aucun suivi n’est instauré, il est difficile de l’évaluer.

«D’une certaine façon», dit un psychiatre, «le patient essaie de créer un processus de guérison qui ne passe pas par le biais du spécialiste qui sait mais par le biais de celui qui l’écoute car la parole est quelque chose que l’on adresse à soi autant qu’à l’autre: quand on parle, on s’écoute parler. En acceptant l’anonymat et le contrat de non-agir, la parole du patient est mise en valeur. Télé-Accueil n’essaie pas de soigner mais d’écouter. Il renforce d’une certaine façon le potentiel autoguérissant de la parole du patient.»

Le rapport de recherche complet est disponible sur https://www.tele-accueil-bruxelles.be/publications.php.Contact: Télé-Accueil Bruxelles. Tél.: 02 538 49 21 – Courriel: secretariat@tele-accueil-bruxelles.be

Conseil des résidents : la participation des seniors au ‘Val des Roses’

Le 30 Déc 20

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Pour beaucoup de personnes âgées, les homes sont les derniers lieux de vie. Ils y partagent leur quotidien avec d’autres résidents. Lorsque les gestes se font plus lents, les paroles plus hésitantes, la mémoire parfois vacillante, comment rester acteur dans ces espaces de vie commune pris en charge par des professionnels ? Le Conseil de résidents permet-il de prendre une place active et citoyenne ? Si oui, sous quelles modalités ?

Dans le cadre d’un appel à projet lancé par le CPAS de Forest à destination du home Val des Roses, le Centre Bruxellois de Promotion de la Santé (1) en partenariat avec Forest Quartier Santé, a tenté d’éclaircir ces questions et bien d’autres encore.

Présentation in vivo de ce processus de travail

Ce mois de juillet, la chaleur est plombante. À quatorze heures, le Val des Roses se réveille d’une sieste, d’un rêve, d’une pensée enfuie ou obsédante. Les téléviseurs restés allumés retrouvent leurs spectateurs. D’un pas alerte ou plus engourdi, certains s’acheminent vers le jardin inondé de soleil. Nous les suivons. Nous nous accordons, Melissa et moi, ces quelques jours pour interviewer individuellement les résidents du Val des Roses.

Le Val des Roses compte 160 résidents. Trois étages où se côtoient des personnes valides, moins valides ou invalides parfois aussi atteintes de la maladie d’Alzheimer. Ancien professeur, chanteuse, couturière, comptable, serveuse, les destins sont multiples et les conditions financières variées, les liens familiaux présents, inexistants, sereins ou tourmentés…

Nous sommes impatientes, un brin fébriles, de pouvoir les rencontrer personnellement et prendre le temps de les écouter. Avant cela, nous avons eu des réunions avec les familles, avec les membres du personnel et avec plusieurs résidents à la fois. Cela fait maintenant deux mois que nous arpentons régulièrement les couloirs de cette maison de repos. Nous commençons à trouver nos marques, à identifier les lieux.

L’appel à projet

Revenons brièvement en arrière. En novembre 2011, nous répondions à l’appel à projet lancé par le CPAS de Forest, dont l’objet était d’évaluer le fonctionnement de l’actuel Conseil des résidents et de proposer une méthodologie et un fonctionnement plus dynamique.

Travailler la question de la participation auprès des personnes âgées, nous l’avons déjà expérimenté dans le cadre de deux projets, notamment le carnet Relais en collaboration avec le Home Van Aa du CPAS d’Ixelles. Le sujet nous mobilise. Creuser et investiguer davantage cette approche participative nous décide à répondre rapidement à l’appel à projet. Nous proposons à Forest Quartier Santé, organisme de santé communautaire bien implanté dans sa commune d’y participer.

Dans cet appel à projet, nous souhaitons réaliser un diagnostic communautaire.

Il s’agit d’intégrer la parole des résidents mais aussi celle des différents acteurs gravitant directement ou indirectement autour des résidents. Notre démarche se veut qualitative : partir de la parole des résidents et de leurs besoins, sonder leur connaissance du Conseil, la représentation qu’ils s’en font, interroger le souhait de s’y impliquer ou pas… Nous envisageons ce diagnostic communautaire en plusieurs étapes : d’abord élaborer une grille de questions et puis expérimenter ces questions avec les résidents. Il s’agit de valoriser les compétences et ressources des résidents. Forest Quartier Santé est aussi engagé dans ce travail d’expérimentation.

L’étape suivante est la phase des entretiens avec les résidents, les familles, les professionnels par groupe focus et entretiens semi-directifs. Ensuite, nous analyserons les entretiens en collaboration avec les partenaires de terrain dont Forest Quartier Santé et ceux qui le souhaitent. Et cette analyse nous permettra, in fine, de faire des recommandations.

Des théories à la réalité

Soyons franches, si les étapes de travail sont bien claires pour nous, elles rendent nos interlocuteurs, les professionnels du home, perplexes. Leur assurer avec aplomb que nous ignorons quelle forme revêtira le Conseil des résidents et son fonctionnement ne leur semble pas rassurant. C’est en tout cas ce qu’il ressort de nos deux rencontres. Est-il difficile de mettre en pratique l’expérimentation de la participation ? Peut-être notre souci de transparence est-il un poids pour ces professionnels déjà bien absorbés par leur propre travail ? Nous comprenons que notre appel à constituer un petit comité de pilotage pour travailler les questions ne les enthousiasme pas.

Néanmoins, ces professionnels insistent sur l’importance de prendre en compte tous les résidents, en particuliers les discrets, ceux qui parlent peu, qui restent dans leurs chambres, les non valides car «ce sont souvent les mêmes que vous allez entendre dans un groupe» . Leur aide sera précieuse pour nous présenter à ces résidents. Ils nous diront quelques mots du Conseil des résidents où le sujet de prédilection tournait toujours autour de la cuisine, «les plats, ce qui plait ou pas; c’est bien normal d’ailleurs, les moments des repas prennent une grande place dans leur journée». Ce qui a amené à créer une commission spéciale cuisine.

Ici au home, le bouche-à-oreille fonctionne à une vitesse foudroyante ! Le petit groupe (trois personnes) avec lequel nous avions rendez-vous pour travailler à la présentation du projet aux autres résidents et aux familles se transforme en assemblée de vingt-deux personnes. Elles sont attablées, tasses de café posées, le regard curieux. Nous voilà coincées : nous sautons les étapes. Tour de table, présentation de chacun et puis on se lance. «Qu’est-ce qu’un Conseil des résidents idéal ?» Une question avec laquelle nous espérons dégager des pistes et tenter de dépasser les plaintes.

Très vite, une petite voix s’élève, «Il faudrait une bonne harmonie entre les résidents». Quelques ricanements, haussement d’épaules mais les langues se délient. En quelques secondes, tous parlent et il nous faut rétablir l’ordre et passer au patient «chacun à son tour». Du «j’ai rien à dire» au «il faut trouver les qualités de chacun» à «les autres quand ils ont une opinion, ils font tout pour la faire triompher», nous éclaircissons ce que chacun entend par harmonie.

Cette rencontre détonante nous permet de glaner une grande diversité de points de vue. Nous expérimentons aussi sur le vif combien l’aspect interrelationnel a une incidence sur le quotidien et peut avoir un impact sur le Conseil des résidents.

Et les familles…

Beaucoup de résidents ne sont pas ‘orphelins’ de leur famille, les liens avec celle-ci apparaissent souvent complexes. Si dans nos déambulations, nous rencontrons des habitués, une sœur, un mari, un fils… qui nous saluent, combien de résidents en attente de nouvelles des leurs ? Réunir les familles des différents résidents ne coule pas de source.

Cette après-midi, nous sommes à la cafétéria, façon petit bistrot donnant aussi sur le jardin. Irène et Élise sirotent leur boisson. À notre invitation, toutes deux se sont proposées pour animer avec nous la réunion ‘familles’. Une occasion pour elles de s’interroger sur la nécessité de mélanger les résidents et les familles dans le cadre d’un Conseil des résidents : «Beaucoup de résidents épargnent à leur famille leurs soucis, questions… En général, on n’a pas les mêmes préoccupations. Quand les familles sont là, on ne parle pas de la même manière mais bon… Ils pensent à notre bien-être, et à des tas de choses auxquelles on ne pense pas». La présence de membres des familles au sein du Conseil des résidents s’avère surtout cruciale pour représenter les patients invalides ou atteints d’Alzheimer.

Avec Élise et Irène, nous décidons de nous attacher à une question concrète et générale. «En tant que famille de résident, comment améliorer le Conseil des résidents?» Élise se chargera d’accueillir les familles et de les inviter à se présenter et Irène de lancer le débat. Nous serons là en qualité de modératrices.

Ce 24 mai à 18 heures, Irène et Élise sont prêtes. Quelques membres des familles seulement sont présents. On s’attardera principalement sur la question de la communication et nous déciderons ensemble d’envoyer un courrier signé par tous pour inciter un peu plus de familles à participer. Le président du CPAS, Monsieur Roberti est aussi convié. La deuxième réunion, avec davantage de familles, s’avèrera riche de propositions. Les résidents seront très peu prolixes. Nous les retiendrons ‘texto’ en termes de recommandations, en voici quelques-unes.

– Les familles ont exprimé le désir que lors des réunions du Conseil soient également présents un représentant de la direction du home et un représentant du comité de gestion (du CPAS). Il est aussi proposé que les chefs de services puissent être invités en fonction de l’ordre du jour. Les inviter est une manière de comprendre le mode de fonctionnement de la maison dans un objectif de compréhension et non de critique. Elles ont aussi demandé que le Conseil reste ouvert.

– Le Conseil des résidents aura plusieurs objectifs. Le premier est de dégager un espace de dialogue, de concertation. Le Conseil réalisera des propositions auprès des organes décisionnels du Val des Roses. Il s’agit de créer une dynamique qui puisse mettre à jour les différents besoins, de favoriser la communication et de s’interroger ensemble sur le bien-être des résidents et des travailleurs. Par les PV et les suivis, il est important de laisser une trace et de donner force aux diverses propositions.

– Il est proposé de créer une cellule de coordination émanant du Conseil des résidents qui aurait pour mission de préparer le Conseil (les ordres du jour, les suivis, les PV…) lors de réunions préparatoires et de jouer le rôle d’interface entre le Conseil des résidents et les différents organes décisionnels du home.

Les familles présentes aux réunions étaient au courant de l’existence du Conseil. Toutes avaient un avis bien tranché… Que pouvaient penser les autres ? Les interviews individuelles allaient nous éclairer.

Paroles individuelles

Nos passages fréquents au home, les diverses réunions avec les professionnels, résidents, familles, nos rencontres avec le directeur Monsieur Devillers nous permettent une meilleure appréhension du contexte dans lequel s’inscrit le Conseil des résidents. Nous avons interviewé avec Forest Quartier Santé vingt résidents et huit familles. Aucune des familles rencontrées ne connaissait le Conseil. Lorsqu’on leur a expliqué en quoi il consistait, elles trouvaient qu’il était important d’y intégrer les familles.

Pour les résidents, nous avons été soucieux d’intégrer des personnes valides, moins valides et non valides. Pour les résidents valides, nous nous sommes rendues dans le jardin, le petit salon bleu mais nous avons aussi arpenté les couloirs pour rencontrer les ‘promeneurs plus solitaires’.

Et nous voilà donc maintenant en face de J., résidente du home depuis quatre ans. Bien enfoncée dans le fauteuil bleu, son tricot en main, elle accepte de nous consacrer un moment pour discuter du Conseil des résidents : «Bon, j’y ai été deux fois, je n’y vais plus. Les résidents répondent à côté de la plaque et moi, ils me disent de me taire».

Une bénévole s’approche de nous «Un peu de café, mesdames ?» Les trois tasses posées sur la table, J. poursuit la conversation : «Je veux bien écouter les gens mais ce qu’ils disent ne m’intéresse pas». J. s’emporte et s’étrangle avec son café. Et nous voilà en train de lui tapoter le dos, prendre des serviettes, essuyer. Vite trouver un autre sujet de discussion pour l’apaiser. J. a manifestement le verbe fort et le sang chaud. Ses journées, elle les passe beaucoup à broder, tricoter, coudre. Ses ouvrages sont vendus et rapportent de l’argent à la caisse ‘sortie’ : «J’aime bien, je me sens utile de participer pour tout le monde» . Elle nous explique : «La vie tous ensemble n’est pas toujours facile car je n’en ai pas eu l’habitude. Cela a des inconvénients mais l’avantage, c’est de ne pas être seule».

S’il est plus évident d’aborder les résidents dans les espaces communs, nous hésitons à prendre contact avec les personnes en chambre. Mariem, l’animatrice, sera celle qui nous présentera. Petit coup bref à la porte : «Je peux entrer ?» Puis, après présentation de notre demande, elle nous fera signe d’entrer si celle-ci est acceptée. Certains résidents déclineront : pas en forme, pas envie, pas aujourd’hui.

Sur la terrasse, E. est abritée par un parasol. Oui, elle connait le Conseil des résidents, elle y va de temps à autre mais les sujets sont toujours les mêmes. E. relève les différences entre les résidents qui ne favorisent pas les complicités et connivences. «On n’a pas la même instruction

Vivre ensemble les différences

Les différences d’âges marquent des différences entre les résidents. Certains nous disent «Je ne vais pas au Conseil des résidents, c’est pour les jeunes». Les plus âgés restent aussi davantage dans leur chambre, plutôt solitaires «avant je connaissais des gens, maintenant, ils sont décédés, alors…» Et le monde semble se rétrécir…

Les résidents non valides que nous avons interviewés ne se disent pas intéressés par le Conseil des résidents. «Le Conseil des résidents ? Je ne sais plus, je reste dans ma chambre bien au chaud, tranquille

Nous croisons A. dans les couloirs, yeux bleus intenses, sourire doux et frondeur : «Le Conseil des résidents, l’important, c’est de faire ce qu’on a envie alors je laisse faire le Val des Roses. Chacun est libre, moi, j’aime d’être libre.» Une aide-soignante s’approche d’elle, lui tend la main : «Vous cherchez votre chambre ?» Les personnes atteintes d’Alzheimer et/ou de démence ne connaissent pas le Conseil des résidents ou si elles le connaissent, ne savent jamais quand il se déroule. Elles oublient les dates.

Certains résidents établissent aussi des clivages en fonction de leur situation financière : «Elle est toujours bien pomponnée, elle va chez le coiffeur tout le temps et elle n’offre un verre à personne, c’est une mijaurée.» Cette disparité suscite des jalousies de la part de certains et inversement une certaine condescendance des autres qui ne facilite pas les rapports entre résidents. La méfiance des uns et des autres n’incite pas à donner son avis.

Participer au quotidien ?

D’emblée, lorsqu’on aborde la question du Conseil des résidents, de sa connaissance ou non, les propos des habitants comme ceux des familles expriment des préoccupations concernant le quotidien des résidents et l’attention qu’on leur accorde. Ce sont, il nous semble, des préalables à leur participation comme à celle des membres des familles.

En effet, ces questions interpellent la place d’acteur des résidents, celle de leur bien-être au sein de leur espace de vie. Ces préoccupations relèvent de quatre thématiques : l’accueil (dont découle l’ambiance générale), les activités, les relations interpersonnelles, la communication.  De ces thématiques, nous relevons des pistes dont certaines sont émises par les résidents et/ou les familles.

– Les familles comme les résidents constatent que ces derniers sont bien accueillis par les professionnels. Cependant beaucoup de résidents relèvent la difficulté de s’intégrer au sein de la collectivité. L’accueil est-il seulement l’affaire de professionnels ? Les résidents peuvent-ils s’approprier cette question, la travailler et faire des propositions ?

– Comment un lieu collectif rassemblant des personnes âgées peut-il inviter à plus de convivialité ?

– Quelle peut être la contribution des résidents et des familles, des professionnels, de l’institution pour améliorer cette convivialité ? Certaines familles font des propositions dont celle d’ouvrir davantage le Val des Roses au quartier pas uniquement pour les résidents et les familles. Du coup, Forest Quartier Santé ne serait-il pas un bon relais ?

Lorsqu’on aborde le thème des activités, les réactions sont très diverses car elles expriment la variété des profils des personnes âgées. Les activités joueraient pour les résidents un vrai rôle intégrateur car l’oisiveté a un impact sur les relations entre les gens : «On cancane, ça passe le temps» . Plusieurs personnes suggèrent de faire appel aux compétences et talents des résidents afin de créer une ‘animation-rencontre ‘. Il reste que pour certains, il n’y a plus d’envie ni pour les animations, ni pour le collectif. Le droit de non participer est un élément à considérer.

Quant aux relations interpersonnelles, elles constituent un sujet intarissable. Les résidents mettent en avant les difficultés qu’impliquent le collectif, la vie en commun nécessite un certain respect des différences. La question des relations interpersonnelles n’est pas sans lien avec celle de l’accueil et des animations.

Nous présentons les résultats de nos démarches lors d’une réunion où sont rassemblés les résidents et quelques familles. Et les échanges porteront sur… les relations interpersonnelles. Le nécessaire ‘dire bonjour’ facilite la vie, le sourire, qui n’est pas de la familiarité, représente une marque d’attention simple. Reste à voir comment insuffler cet état d’esprit.

De ces échanges, nous proposons de réaliser une charte. Cette dernière, que nous rédigerons comme pièce à casser, reprend dix points favorisant les échanges entre résidents. Nous suggérons qu’elle soit débattue lors du prochain nouveau Conseil. Celui-ci sera désormais composé de résidents mais aussi de membres représentants des familles. Les thématiques identifiées pourront faire l’objet d’un travail au sein du Conseil.

Quant à nous, nous nous retirons. Et nous espérons que les paroles livrées et consignées de nos aîné(e)s feront leur chemin…

Cet article est une ‘version longue’ d’un texte paru dans Bruxelles Santé n°70, en juin 2013.

Interview de la présidente du Conseil des résidents

Irène Decant m’attend à la cafétéria. Élégante dans sa robe blanche gansée de rouge, la présidente du nouveau Conseil des résidents est prête à me recevoir.

Patricia Thiebaut : Qu’en est-il de la représentation de tous dans ce Conseil ?

Irène Decant : Nous sommes 15 membres. Il y a 7 résidents et 8 représentants de résidents atteints d’Alzheimer ou de lourds handicaps (ce sont les enfants ou les conjoints de ces personnes). Lors d’une réunion pour élire les membres, les résidents intéressés ont levé la main pour faire partie de ce Conseil. Des 7 résidents, cinq sont des femmes et tous sont valides. Pour ma part, je ne me suis pas présentée. C’est un membre d’une famille qui m’a poussée, alors comme je n’étais pas opposée…

Mon rôle dans ce Conseil est de faire en sorte que tout le monde parle. Le directeur est présent et souvent on l’interpelle donc, il répond aux questions, il explique…

Nous nous réunissons tous les trois mois et force est de constater que c’est trop peu. Nous survolons les points sans rien creuser. Chacun vient avec des tas de questions et de remarques et c’est très compliqué pour partager les temps de parole. Donc, nous allons rectifier le tir: ce sera une réunion par mois avec un thème commun pour tous. Cela permettra enfin à tout le monde de s’exprimer… et sur des sujets qui nous intéressent. Ensuite, nous organiserons des générales deux ou trois fois l’année.

P.T. : Certains au sein de ce Conseil ne s’expriment pas, ou pas assez selon vous ?

I.D. : On va dire que certains, essentiellement des membres des familles, ne laissent pas la parole aux résidents. Ils parlent bien et trop ! Enfin, ils sont très pris par les problèmes de santé de leurs parents, les difficultés qu’ils éprouvent dans le home. Et je ne parviens pas à leur couper la parole, c’est délicat. Alors je suis obligée d’imposer à la fin de la réunion un tour de table afin que les résidents puissent parler. Et à partir de ce moment, ils donnent leurs avis. Parmi les résidents élus, certains ne viennent plus, sans doute parce qu’ils ne voient pas l’intérêt de ce Conseil. Certains ne se sentent finalement pas à l’aise pour expliquer leur avis.

P.T. : Qu’avez-vous imaginé pour pallier cette difficulté ?

I.D. : Il nous semble qu’il faudrait scinder le groupe. Un Conseil pour les membres des familles et un autre pour nous les résidents qui ont d’autres préoccupations. Ainsi nous pourrons prendre le temps qu’il faut pour approfondir un sujet. À chaque fois qu’un thème sera abordé, on invitera les travailleurs concernés à participer au Conseil. Les personnes plus mobiles sont désireuses de plus de variété dans les animations. Cette question des animations, beaucoup des résidents valides en parlent et je dois ramener ce problème au Conseil.

P.T. : Une présidente soucieuse de toujours relayer les préoccupations des autres ?

I.D. : Oui, c’est ma fonction d’être vigilante sur ce point. Mais, il y a des tas de choses qui se règlent en dehors du Conseil. Je suis aussi la messagère des personnes plus timides ou en difficulté dans des conflits avec des personnes, que ce soient des résidents ou des membres du personnel. C’est un peu un rôle de médiation. Parfois ce n’est pas facile, je peux parfois me mettre à dos certains résidents. Mais attention, pour les points qui ne sont pas de mon ressort, je vais trouver l’infirmière en chef, le psychologue ou le directeur pour qu’ils prennent en charge le problème…
Oui, c’est passionnant pour moi d’avoir des responsabilités qui vont pouvoir améliorer la vie ici.

(1) Il s’agit de la nouvelle identité de l’ancien Centre local de promotion de la santé de Bruxelles.

Lancement du volet belge de l’étude NutriNet-Santé

Le 30 Déc 20

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L’étude NutriNet-Santé (https://www.etude-nutrinet-sante.be) est la plus grande étude nutritionnelle jamais lancée sur Internet dans le monde. Cette étude scientifique vise à mieux comprendre les relations entre la nutrition et la santé de la population. De nombreuses données suggèrent l’importance de la nutrition comme facteur de protection ou de risque des maladies non transmissibles les plus répandues dans le monde (certains cancers, maladies cardiovasculaires, obésité, diabète de type 2, dyslipidémies, hypertension artérielle…).

Des facteurs génétiques, biologiques et environnementaux interviennent dans l’apparition de ces maladies. Pour mettre en évidence le rôle spécifique des facteurs nutritionnels, il est indispensable de développer des ‘études de cohorte prospective’, portant sur de très grandes populations suivies pendant plusieurs années, et chez qui il est possible de mesurer de façon précise les apports alimentaires tout en prenant en compte d’autres déterminants tels que l’activité physique, la corpulence, l’usage du tabac, les antécédents familiaux, etc.

Aujourd’hui, l’usage d’Internet offre un accès simple à un très large échantillon de sujets volontaires et la possibilité de recueillir régulièrement de très nombreuses données collectables, stockables et traitables de façon automatisée.
L’étude NutriNet-Santé vise à terme à recruter 500.000 internautes européens francophones âgés de plus de 18 ans, les Nutrinautes, dont on espère que 60% participeront au projet pendant au moins 5 ans.

Cet ambitieux programme de recherche a été lancé en France en mai 2009, par l’Unité de Recherche en Épidémiologie Nutritionnelle (U557 Inserm/Inra/Cnam/Paris 13), et est dirigé par le Professeur Serge Hercberg (Programme national nutrition santé France). Après quatre ans de fonctionnement, près de 250.000 volontaires se sont inscrits au programme.

La Belgique francophone rejoint l’étude cette année avec l’ambition de recruter 50.000 internautes, ce qui représente un fameux défi. Ce recrutement, permanent, durera trois ans. L’opération se fait sous le patronage de la Ministre de la Santé de la Fédération Wallonie-Bruxelles, Fadila Laanan et est parrainée par Philippe Geluck. Elle a obtenu un (modeste) subside de la Loterie nationale et n’a pas de caractère commercial.

Le volet belge de l’étude est coordonné par le Professeur Jean Nève (ULB) et le Professeur Véronique Maindiaux (Institut Paul Lambin). Il a été lancé le 7 juin dernier en présence de Serge Hercberg, qui a réussi haut la main l’épreuve de reconnaissance d’un des fleurons de la confiserie nationale, le cuberdon!

Les tâches des nutrinautes

Pour participer à cette enquête, les volontaires, après s’être enregistrés, doivent remplir des questionnaires de base simples et confidentiels : données sociodémographiques et mode de vie, activité physique, anthropométrie (poids, taille…), état de santé. Et bien entendu, ils doivent aussi compléter une enquête alimentaire (3 enregistrements de leurs consommations sur 24 heures, 2 en semaine et 1 le week-end). En d’autres termes, l’inclusion dans la cohorte exige 2 heures de travail réparties sur 21 jours.

Les questionnaires alimentaires identifient le moment et le lieu de la prise alimentaire, les aliments concernés et les quantités ingérées. Ils demandent même au participant de confirmer qu’il n’a pas consommé un aliment lié en général à ceux qu’il a indiqués, aliment qu’il aurait omis de citer… Détail qui a son importance: la base de données des aliments et plats a été complétée en fonction des habitudes de consommation des Belges. On y trouvera donc l’américain préparé, les boulets sauce lapin, le ‘stoemp’, les pistolets du dimanche et le craquelin, et même les babelutes et le ‘vieux bruges’ ! Du beau boulot, dont les Nutrinautes français, de plus en friands de spécialités belges, pourront d’ailleurs aussi profiter…

Ensuite, les participants reçoivent chaque mois un courriel les informant de l’évolution de l’étude et doivent répondre 1 fois par an aux questionnaires de base. Une fois par mois maximum d’autres questionnaires sur des sujets liés à l’étude peuvent être proposés (problèmes de santé, approvisionnement alimentaire, qualité de vie, connaissances nutritionnelles, goûts et aversions, etc.).

NutriNet-Santé après 4 ans en France

246 696 volontaires à la date du 7 juin 2013.

Profil des Nutrinautes: 52,5% ont plus de 45 ans et 6,1 % moins de 25 ans; 77% de femmes; 61,2% ont un emploi, 17,1% sont en (pré)retraite et 6,4% sont chômeurs ou allocataires d’aides sociales; répartition géographique très proche de celle de la population générale française.

Les responsables de l’étude communiquent régulièrement à propos des infos engrangées. Ainsi, la consommation de sel est passée de 10g par jour en 2000 à 8,5g en 2012. Encourageant, surtout dans un pays où le lobby du sel de cuisine est intransigeant…

Cet outil permet aussi de recueillir facilement l’opinion du public sur des sujets d’actualité, comme par exemple la taxe soda instaurée en 2012 en France.

Site : https://www.etude-nutrinet-sante.be

En somme, les Nutrinautes seront de véritables acteurs de la recherche, leur participation fidèle à l’étude contribuera à améliorer des connaissances qui, espérons-le, aboutiront à une meilleure prévention de maladies chroniques telles le cancer, l’hypertension, le diabète et beaucoup d’autres.

Des indicateurs de performance en promotion de la santé

Le 30 Déc 20

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Quand on évoque la mesure de l’efficacité en promotion de la santé, c’est souvent de façon stéréotypée, par exemple en présentant quelques chiffres de comportements individuels tels que la consommation de tabac ou d’alcool. Ce sont évidemment des données intéressantes, mais elles sont loin de refléter la réalité complexe des multiples déterminants de la santé et des moyens (souvent non-médicaux) de peser sur eux dans un sens favorable à la santé publique.

En 2010, le Centre fédéral d’expertise des soins de santé (KCE) avait mené à bien un travail ambitieux sur des indicateurs de performance du système de santé belge (1) . Il a remis l’ouvrage sur le métier l’an dernier et publié voici quelques mois son deuxième rapport sur ce sujet (2). Dans sa démarche, le KCE a souhaité aller un peu plus loin et examiner la faisabilité d’intégrer au rapport final un plus grand nombre d’indicateurs spécifiques de performance en promotion de la santé. Nous avons rencontré les deux chevilles ouvrières de ce projet, Françoise Renard (Institut scientifique de santé publique) et France Vrijens (KCE).

Éducation Santé : Tout d’abord, pouvez-vous nous présenter les domaines que vous avez retenus pour mesurer la performance générale de notre système de santé ?

France Vrijens : Nous avons travaillé à partir d’un cadre conceptuel développé lors de la première phase du projet et qui avait pour but d’évaluer quatre domaines du système de santé: les soins préventifs (vaccination, dépistage, etc.), les soins curatifs (par exemple les soins dans les hôpitaux), les soins de longue durée (qui comprennent les soins aux personnes âgées dépendantes et aussi le secteur des soins de santé mentale) et enfin les soins aux personnes en fin de vie (principalement les soins palliatifs).

Françoise Renard : À ces quatre domaines de soins s’ajoute le domaine plus large de la promotion de la santé, processus qui vise comme vos lecteurs ne l’ignorent pas à «donner aux populations et aux individus les moyens d’assurer un plus grand contrôle sur leur santé, et d’améliorer celle-ci». Les stratégies sont variées, et les effets des actions se mesurent avec des indicateurs très diversifiés. Il peut s’agir d’effets proches des actions, tels que la mise en place de politiques favorisant la santé publique ou l’acquisition de compétences individuelles, ou d’effets plus éloignés comme l’amélioration de styles de vie liés à la santé ou encore, en bout de chaîne, l’amélioration de la santé.

E.S. : Combien d’indicateurs avez-vous retenus pour rendre cette mesure opérationnelle, et combien d’entre eux concernent-ils la promotion de la santé ?

F.R. : Au total 74 indicateurs ont été retenus, pour lesquels nous avons réussi à trouver des données. La promotion de la santé est bien représentée avec pas moins de 15 indicateurs, auxquels il faut ajouter 4 indicateurs globaux de l’état de santé tels que l’espérance de vie ou l’espérance de vie en bonne santé.

E.S. : La promotion de la santé est une compétence des communautés, et vos deux institutions ont un profil plutôt ‘fédéral’. Comment avez-vous fait pour obtenir la collaboration de la Vlaamse Gemeenschap et de la Fédération Wallonie-Bruxelles ?

F.V. : Le projet performance est en effet un projet réalisé par des instituts fédéraux (KCE, ISP, INAMI), mais une partie importante des domaines évalués relève des compétences des entités fédérées. Afin de garantir une bonne communication entre les différentes administrations, des réunions de suivi de projet ont été régulièrement organisées par l’INAMI tout au long du projet. Autour de la table étaient présents d’une part des représentants des institutions fédérales (le SPF Santé Publique, le SPF Sécurité Sociale, l’ISP, l’INAMI, le KCE ainsi qu’un membre du cabinet de Laurette Onkelinx ) ainsi que des représentants des entités fédérées (la Région wallonne, la Région de Bruxelles-Capitale, La Fédération Wallonie-Bruxelles, La Flandre et la Communauté Germanophone).

F.R. : Ces réunions ont pour but, entre autres, de favoriser l’appropriation des résultats de recherche au niveau politique. En effet, trop souvent, les résultats d’une recherche en santé publique restent dans les tiroirs par défaut d’un effort de communication vers les décideurs politiques.

E.S. : Déterminer 15 indicateurs de performance dans une matière par définition aussi vaste que la promotion de la santé, qui vise à prendre en compte un grand nombre de déterminants échappant au système de santé au sens commun du terme ressemble à une gageure, voire une mission impossible. J’imagine que le nombre d’indicateurs éligibles au départ était considérable. Comment vous y êtes-vous prises ?

F.R. : Nous avons effectué une recherche de littérature, partant de rapports nationaux ou internationaux sur la thématique, et en l’élargissant à une recherche de littérature indexée, le tout en étroite collaboration avec un groupe d’experts belges en promotion de la santé. Le résultat de cette recherche d’indicateurs a produit une longue liste de plus de 200 indicateurs, parmi lesquels il a fallu choisir….

Ensuite, nous avons suivi un processus en plusieurs étapes. Dans un premier temps, le panel d’experts et les chercheurs ont attribué un score de pertinence à chaque indicateur, dont les 36 plus intéressants ont été retenus. Nous avons gardé des indicateurs issus des différentes catégories du modèle de Don Nutbeam , afin de ne pas nous limiter aux indicateurs de styles de vie ou d’état de santé.
Dans l’étape suivante, nous avons poursuivi la sélection en attribuant un score pour d’autres critères: la validité, la fiabilité, l’interprétabilité des résultats et le potentiel d’action. La disponibilité des données a ensuite été prise en compte pour identifier des besoins en nouvelles données. Les 15 meilleurs indicateurs ont finalement été sélectionnés lors d’une réunion de consensus entre experts et équipe de recherche.

F.V. : Ce processus de sélection a été plus ou moins identique pour sélectionner des indicateurs dans les autres domaines. Ensuite, il a fallu enlever ou modifier certains indicateurs pour assurer la cohérence globale de l’ensemble du set d’indicateurs.

E.S. : Une fois les indicateurs définis, encore faut-il les confronter à des données pertinentes pour qu’ils soient vraiment utiles. Avez-vous eu la possibilité de vous livrer à des mesures pour tous les indicateurs retenus ?

F.R. : Non en effet, nous avons pris le parti de ne garder dans le set final que des indicateurs mesurables actuellement, et de faire des recommandations sur les données manquantes en promotion de la santé. Un exemple, la ‘littéracie en santé’ (health literacy), qui est la ‘capacité de trouver de l’information sur la santé, de la comprendre, l’évaluer et l’utiliser’ est un élément considéré comme de plus en plus fondamental pour la promotion de la santé. Il n’y a ce jour aucune donnée belge sur cet indicateur, alors que plusieurs de nos voisins européens en ont déjà récolté. Nous avons donc recommandé de commencer une collecte de données en Belgique pour cet indicateur.

Les indicateurs de performance en promotion de la santé

Voici les 15 indicateurs retenus :
• pourcentage d’adultes en surpoids ou obèses;
• pourcentage d’adultes obèses;
• moyenne de dents cariées, manquantes et obturées à l’âge de 12-14 ans;
• taux de diagnostic du VIH dans la population belge;
• pourcentage de fumeurs quotidiens âgés de plus de 15 ans;
• consommation d’alcool problématique chez les plus de 15 ans;
• surconsommation d’alcool chez les plus de 15 ans;
• consommation d’alcool ponctuelle immodérée chez les plus de 15 ans;
• pourcentage de gens consommant au moins 200 g de légumes et 2 fruits par jour;
• pourcentage de gens faisant au moins 30 minutes d’activité physique par jour;
• pourcentage dans la population des personnes bénéficiant d’un support social insuffisant;
• position de la Belgique sur une échelle d’évaluation des mesures anti-tabac ( Tobacco Control Scale );
• volume d’activité physique à l’école;
• communes développant des politiques de promotion de la santé;
• pourcentage d’établissements scolaires dotés d’une ‘équipe santé’.

Selon les auteurs eux-mêmes, ces 15 indicateurs ne donnent qu’une idée fragmentaire de la performance belge (niveau fédéral et entités fédérées) en promotion de la santé. Ils n’en constituent pas moins une étape intéressante pour un monitoring plus fin de l’efficacité de notre système de santé au sens large.

E.S. : Et maintenant, que va-t-il se passer ? Les Communautés se sont-elles engagées à mesurer régulièrement les indicateurs pour permettre un monitoring inédit de la promotion de la santé dans notre pays ?

F.V. : En ce qui concerne la collecte des données, en Flandre, beaucoup de données sont récoltées par le VIGEZ (Vlaams Instituut voor Gezondheidspromotie en Ziektepreventie) dans les milieux de vie (entreprises, écoles, communes). Ces enquêtes demandent beaucoup d’investissement, et actuellement il n’est pas prévu de les réaliser dans les deux autres régions.

F.R. : Pour l’indicateur ‘health literacy’, rien n’est prévu actuellement mais nous espérons que cette collecte verra bientôt le jour. D’autre part, nous sommes aussi réalistes en ce qui concerne la collecte de nouvelles données, c’est rarement une priorité en période de crise et d’ajustement budgétaire !

Vrijens F, Renard F, Jonckheer P, Van den Heede K, Desomer A, Van de Voorde C, Walckiers D, Dubois C, Camberlin C, Vlayen J, Van Oyen H, Léonard C, Meeus P. La performance du système de santé Belge Rapport 2012. Health Services Research (HSR). Bruxelles: Centre fédéral d’expertise des soins de santé (KCE). 2012.

KCE Report 196B. D/2012/10.273/111. Ce document est disponible en téléchargement sur le site du KCE, https://kce.fgov.be/fr/publication/report/la-performance-du-syst%C3%A8me-de-sant%C3%A9-belge-rapport-2012

(1) Vlayen J., Vanthomme K., Camberlin C., Piérart J., Walckiers D., Kohn L., Vinck I., Denis A., Meeus P., Van Oyen H., Leonard C. Un premier pas vers la mesure de la performance du système de soins de santé belge. Health Services Research (HSR). Bruxelles: Centre fédéral d’expertise des soins de santé, (KCE). 2010. KCE Reports 128B.
(2) Voir l’article ‘Un check-up du système de santé belge’, Éducation Santé n°287, mars 2013, https://www.educationsante.be/es/article.php?id=1563

France : le plan national nutrition santé 2011-2015

Le 30 Déc 20

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Sous le couvercle à mi-cuisson

Le 3e Plan national nutrition santé (PNNS) français a été lancé en 2011 pour une durée de 5 ans. Autrement dit, il s’est écoulé autant de temps qu’il n’en reste jusqu’à son échéance. La Société française de santé publique et 18 autres sociétés savantes, qui suivent l’affaire de près, organisaient en février dernier une journée d’échanges pour mesurer le chemin parcouru depuis 2 ans, souligner les efforts à poursuivre et pointer certaines omissions. Où l’on démontre une fois de plus les insuffisances des interventions unidirectionnelles et la multiplicité des leviers à actionner pour peser efficacement sur les comportements alimentaires et la pratique d’activité physique. Vous goûterez bien quelques bouchées prélevées lors des débats. L’intérêt de la Société française de santé publique (SFSP) pour l’action publique en matière de nutrition santé ne date pas d’hier. Pour preuve, l’association faisait partie en 2010 de la trentaine de sociétés savantes et d’experts à avoir planché sur la préparation du troisième Plan national nutrition santé (PNNS). Un travail dont ont été tirées 40 propositions remises aux pouvoirs publics alors en pleine réflexion sur les stratégies à adopter pour faire évoluer les pratiques alimentaires et d’activité physique des Français.

Certaines idées ont été reprises dans la version finale du Plan, d’autres pas. De l’eau a coulé sous les ponts depuis et le PNNS 2011-2015 suit son cours, déployé par bon nombre d’acteurs locaux, associatifs, institutionnels, de professionnels de santé et du social, d’universitaires, d’entreprises, etc. Ce sont ces parties prenantes que la SFSP et ses partenaires ont souhaité réunir le 21 février dernier à l’occasion d’un séminaire de travail intitulé ‘Le PNNS 2011-2015 à mi-chemin : réflexion des sociétés savantes et d’experts en nutrition’ auquel ont participé une centaine de personnes.

François Bourdillon , en sa qualité de président de la SFSP, a introduit les discussions en soulignant l’implication des villes labellisées EPODE (Ensemble prévenons l’obésité des enfants) au PNNS, des écoles et des Ateliers Santé Ville mobilisés pour promouvoir à leur échelle la nutrition santé. La chute de son laïus a fait mouche : «Je vous prie d’excuser l’absence de café d’accueil et la dureté des chaises. La crise n’épargne pas plus la santé publique que les autres. Il a fallu choisir entre organiser cette journée et acheter des viennoiseries.» Qu’on se rassure : personne n’a quitté sa place, pas même les plus déçus. Le distributeur de boissons chaudes installé dans le couloir a été pris d’assaut pendant les pauses. Et les chaises n’étaient finalement pas si inconfortables…

Autopsie d’une Europe sportive

Si c’était une compétition, ce serait un championnat qui mesure les 27 nations européennes les unes aux autres plutôt qu’une coupe au terme de laquelle il n’en reste qu’une. L’étude Eurobaromètre sport et activités physiques, commandée par la Direction générale pour l’éducation et la culture de la Commission européenne et publiée en 2010, a été imaginée pour savoir qui, quand, où, comment et pourquoi les citoyens des différents pays font de l’exercice.

Près de 27.000 personnes de plus de 15 ans ont été interrogées à l’automne 2009. Premier constat : 65% de la population dit pratiquer une activité physique et 40% un sport au moins une fois par semaine. Belle performance. La France et la Belgique se situent dans la moyenne, loin derrière les champions que sont les Pays-Bas et les pays nordiques. «Cependant, ajoutent les auteurs, 34% des répondants disent ne pratiquer une activité physique que rarement, voire jamais.»

Dans cette catégorie des abstinents, les personnes vivant seules sont surreprésentées, ainsi que celles ayant des difficultés financières et celles ayant quitté l’école avant 15 ans. De manière générale, si les hommes font plus de sport que les femmes, surtout chez les 15-24 ans, les Européennes se rattrapent sur l’activité physique, si bien qu’hommes et femmes font à peu près autant d’exercice. Dans la tranche d’âge des 40-54 ans toutefois, la population féminine est la plus active. Sans surprise, l’activité physique décroît avec l’âge et les étudiants sont plus nombreux à faire du sport que ceux qui ont terminé leurs études. L’enquête explore également les motivations qui animent les actifs. Près de 60% affirment vouloir améliorer leur santé. Autres raisons citées: être en meilleure forme (41%), se relaxer (39%), s’amuser (31%) voire, dans une moindre mesure, améliorer son image personnelle.

Au-delà de l’approche purement médicale

La première session de la journée visait à mettre en avant les dynamiques impulsées par l’actuel PNNS. Le Plan obésité (PO), lancé en 2010 pour 3 ans, en fait partie. Son président, le Pr Arnaud Basdevant, tout en insistant sur la qualité du dialogue entre associations de patients et professionnels de santé et après avoir salué l’amélioration de la prise en charge des enfants et des adultes non défavorisés, a partagé ses inquiétudes. «Que va-t-il se passer quand le programme arrivera à échéance à la fin de l’année ?»

Et de rappeler que la prévalence de l’obésité en France est de 15%, marquée par un important gradient social et une augmentation préoccupante du nombre de personnes âgées obèses. L’efficience et la solidarité ne sont pas au rendez-vous, juge le nutritionniste. «La médecine de l’obésité est encore trop réactive, pas assez proactive, et les personnes obèses font l’objet de fortes discriminations sociales, y compris dans le système de soins. Le maillage collectif va-t-il se construire dans les années à venir ? L’obésité est une maladie inscrite dans un processus dynamique, de la phase préclinique jusqu’à l’obésité compliquée puis chronique. Chirurgie, handicap, modes de vie… La prise en charge est complexe.» Et d’insister sur la nécessité de faire de la lutte contre les inégalités sociales et territoriales de santé la priorité absolue. «Il faut absolument aller au-delà de la seule approche médicale et mener plus d’expérimentations et de recherches dans la vie réelle

Vincent Alberti, président de Sport Santé Conseil et conseiller expert PNNS PO auprès du ministère de la santé, se félicite de la place qu’occupe désormais la promotion de l’activité physique et sportive dans les plans en faveur de la nutrition santé. «La lutte contre la sédentarité, la réduction du temps écran et la promotion de l’activité physique et sportive tiennent une place significative au sein de ces plans

David Communal, enseignant en activités physiques adaptées (APA), distingue trois niveaux d’activités physiques dans la vie quotidienne, dans la vie professionnelle et pendant les loisirs. «L’essentiel de l’activité physique et sportive se fait au travail, rappelle-t-il, prenant appui sur les données du Baromètre santé nutrition 2008 de l’Inpes. On mange tous les jours. Pour l’activité physique, il faudrait faire pareil.» Parmi les actions relevant de la promotion et de l’éducation pour la santé, il cite notamment un colloque sur le thème des mobilités actives programmé en septembre 2013, un guide destiné au Réseau Français des Villes Santé OMS, les appels à projets de type ICAPS (voir Éducation Santé de février 2013). L’activité physique a par ailleurs fait son entrée dans le champ de l’éducation thérapeutique du patient, en intégrant il y a peu le parcours de soins du patient obèse, dans les textes au moins. La formation universitaire des professionnels de santé d’une part, des professionnels du sport d’autre part, devrait également évoluer. Une convention entre doyens des facultés a été signée en 2012 à cet effet.

Qui dort dîne, cqfd

Dormir peu et mal augmente le risque d’obésité. Inversement, les personnes obèses souffrent plus que les autres de pathologies du sommeil comme le syndrome d’apnées du sommeil et l’hypoventilation. Tels sont les constats relayés par plusieurs sociétés savantes emmenées par la Société française de recherche et médecine du sommeil et sur lesquels se fondent leurs recommandations professionnelles sur le thème sommeil et obésité.

Voilà plusieurs années que des liens réciproques entre courte durée de sommeil et indice de masse corporelle élevé chez l’enfant comme chez l’adulte ont été mis au jour. L’explication est en partie physiologique: un sommeil écourté ou de piètre qualité perturbe la production de deux hormones clés dans le maintien de la balance énergétique de l’organisme, la leptine et la ghréline. La baisse de la quantité de leptine atténue la sensation de satiété et diminue la dépense énergétique tandis que l’augmentation du niveau de ghréline stimule l’appétit et réduit la dépense locomotrice.

Qui plus est, la dette de sommeil favorise le grignotage et devient un frein pour l’activité physique. Difficile alors de ne pas prendre de poids. Chez les personnes en surpoids, les graisses accumulées au niveau du cou et du ventre agissent sur la ventilation et favorisent la survenue de maladies respiratoires. La prévalence du syndrome d’apnée obstructive du sommeil par exemple et les risques associés tels que somnolence, hypertension et diabète de type 2, augmentent avec l’augmentation de l’indice de masse corporelle. Les études disponibles ne disent pas en revanche si les petits dormeurs constitutifs et ceux qui accumulent le manque de sommeil sont pareillement concernés.

L’évaluation des interventions faisant partie intégrante du PNNS, cette question aussi fait l’objet d’initiatives. L’une d’elle vise à faciliter la tache des promoteurs de projets en nutrition en mettant gratuitement à leur disposition un outil interactif qui permet de concevoir une évaluation adaptée aux objectifs et aux ressources mis en oeuvre. Les porteurs de projets y piochent, selon leurs besoins, des fiches pratiques, des indicateurs, des exemples d’évaluation.

«Le but est que chaque projet bénéficie d’une évaluation construite, adaptée, proportionnelle à son ampleur, utilisant des outils au maximum harmonisés afin d’améliorer à terme la qualité des interventions», affichent les concepteurs du site internet mis en ligne fin 2012 à l’adresse https://www.evaluation-nutrition.fr. La boîte de Pandore a été conçue à la demande des pouvoirs publics pour compléter un guide édité par la Fédération nationale des observatoires régionaux de santé (Fnors). Le site a été élaboré à l’École de santé publique de Nancy (Université de Lorraine).

Les dossiers du bas de la pile

Tout aussi fournie est la liste de ce que les organisateurs de la journée qualifient poliment d’oublis regrettables eu égard aux recommandations de la SFSP et de ses partenaires en 2010. La politique alcool notamment. Patrick Daimé, de l’Association nationale de prévention en alcoologie et addictologie (Anpaa), pointe le fait que celle-ci a été «à peine effleurée dans le PNNS dont les principes généraux s’appliquent pourtant en matière d’alcool».

La régulation de la publicité aux heures de grande écoute des enfants, qui nécessite une volonté politique, n’est toujours pas, elle non plus, à l’ordre du jour. Karine Gallopel-Morvan , chercheur en marketing social, a compilé les données de la littérature scientifique pour tenter de savoir si la publicité influence réellement les comportements et préférences alimentaires des enfants et le cas échéant, s’il est vraiment nécessaire de réguler la publicité ou si l’autodiscipline des industriels peut suffire.

«Sur le premier point», rapporte-t-elle, «les résultats convergent : la publicité est bel et bien un des facteurs explicatifs des comportements et préférences alimentaires des enfants. Ce n’est pas un hasard si Kraftfood, l’un des géants de l’agroalimentaire, a investi 230 millions d’euros dans la publicité en 2012 !» Quant à savoir s’il est nécessaire d’en passer par la réglementation pour limiter cette exposition, à l’instar de ce qui existe au Québec ou en Suède, les études montrent surtout que la stratégie alternative qui consiste à faire confiance aux industriels pour réguler leurs comportements publicitaires, comme c’est le cas en Espagne, aux États-Unis ou en Australie, n’est pas très efficace.

Le feu tricolore a le vent en poupe

Les Nutrinautes ont voté. À 80%, ces volontaires participant à l’étude NutriNet-Santé lancée en 2009 pour approcher les habitudes des Français en matière d’alimentation et d’activité physique, apprécient l’idée d’avoir un logo nutritionnel sur la face avant des emballages conditionnés.

Les auteurs de l’étude publiée en 2012 ont également voulu savoir quel type de logo recevrait le meilleur accueil de la part des consommateurs si les instances de santé publique décidaient de les utiliser pour fournir des informations sur la qualité nutritionnelle des produits alimentaires. Ils en ont testé 5 sur des emballages de soupe industrielle auprès de quelque 38763 adultes de la cohorte. Résultat : le feu tricolore multiple, qui délivre une information par catégorie de nutriments (sel, sucres ajoutés, matières grasses saturées) au travers d’une couleur (rouge, orange ou vert, de plus en plus positif), remporte la mise, loin devant les propositions simplifiées telles que la ‘coche’ verte ou le logo PNNS. Ceci étant, l’analyse montre également que le logo le mieux accepté par les personnes les moins favorisées économiquement et ayant un moindre niveau de connaissance nutritionnel, n’est pas le feu triple mais un visuel plus simple, qui attribue par exemple une couleur (vert, orange ou rouge) au produit.

Les Nutrinautes ont voté, certes. Les Français qui sillonnent les allées de leur magasin d’alimentation préféré verront-ils la chose du même oeil ? Ou la verront-ils tout court sur des emballages déjà chargés ou à l’ombre d’une offre promotionnelle ? Et quand bien même, lui accorderont-ils de l’importance ? Cela reste à voir.

Également montrées du doigt car au point mort : les négociations pour obtenir le remboursement par l’Assurance maladie des consultations de diététique dispensées en ambulatoire. Les représentants de la profession, soutenus par bon nombre de professionnels de santé impliqués dans le parcours de soins de patients aux prises avec diverses pathologies nécessitant des ajustements du comportement alimentaire, continuent leur action de lobbying auprès des pouvoirs publics.

Parmi les recommandations des sociétés savantes figurait aussi le souhait de rendre plus accessibles aux populations défavorisées les aliments de bonne qualité nutritionnelle et gustative. Discutée de longue date, la décision d’utiliser un logo nutritionnel pour aider les consommateurs à choisir leurs produits alimentaires en connaissance de cause de leurs qualités nutritionnelles n’est toujours pas tranchée. Nicole Darmon, directrice de recherche à l’Institut national de la recherche agronomique (INRA) et membre de la Société française de nutrition a fait le point sur les expériences menées ces deux dernières années pour évaluer la pertinence d’un tel dispositif. L’étude LABEL consistant à tester 7 types différents de logos apposés sur les emballages de denrées alimentaires montre, entre autres, que l’exposition à un label améliore globalement la qualité nutritionnelle du contenu des caddies.

Plus récemment, une expérimentation financée par la Direction générale de la santé a été mise en place dans un supermarché de Marseille. L’occasion de tester le comportement réel des consommateurs vis-à-vis d’un label baptisé Vita+ et affiché pendant 3 mois sur plusieurs catégories de produits de toutes marques sélectionnés pour leur bonne qualité nutritionnelle. L’analyse des résultats, actuellement en cours, dira si et comment le marquage des produits par ce label influence positivement le choix des consommateurs.

Effet de quartier et obésité

Antoine Flahault, actuellement professeur de santé publique à l’Université Paris-Descartes, a pris l’habitude de commenter sur son blog l’actualité de sa spécialité. Le 21 octobre 2011, voici ce qu’il écrivait : «Les habitants des quartiers très pauvres souffrent davantage d’obésité et de diabète que ceux de quartiers moins pauvres. Le quartier est-il un simple marqueur de pauvreté, ou bien joue-t-il un rôle causal dans la survenue de l’obésité ou du diabète dans la population? La question paraît presque absurde: ce n’est pas en faisant bouger un pauvre d’un quartier défavorisé vers un quartier plus favorisé que l’on va voir régresser son obésité ou son diabète! Eh bien, c’est justement ce qu’ont étudié Ludwig J et coll. qui rapportent les résultats d’un essai randomisé contrôlé publié dans le New England Journal of Medicine.»

Autrement dit, ces chercheurs ont exploré un hypothétique ‘effet de quartier’, ainsi nommé pour dire qu’’habiter un quartier donné influence les comportements individuels. L’étude américaine inclut 4498 femmes, toutes volontaires, vivant dans des quartiers urbains très pauvres. Entre 1994 et 1998, elles se sont vu proposer qui un soutien financier et humain pour déménager dans un quartier moins pauvre (groupe 1), qui un soutien financier pour déménager vers le quartier de son choix (groupe 2), qui rien du tout (groupe contrôle). Les auteurs ont ensuite revu ces personnes 10 à 15 ans plus tard. Alors que près de la moitié des participantes auxquelles une aide a été proposée a effectivement déménagé, ils ont constaté que la prévalence de l’obésité n’a pas bougé dans le groupe 2 mais a significativement diminué dans le groupe 1 par rapport au groupe contrôle.

Des résultats particulièrement intéressants pour qui veut la preuve que l’amélioration des conditions de vie et d’environnement des personnes influence leur état de santé. Reste maintenant à comprendre les mécanismes à l’oeuvre pour expliquer cet effet de quartier appliqué à l’obésité.

Ces messages que l’on connaît mais qu’on ne suit pas

Troisième mi-temps de la journée. Ceux qui ont déjeuné à l’extérieur n’ignorent plus qu’un tournage de film à gros budget est en cours dans le quartier. Un imposant camion rempli d’éléments de décor stationne sous nos fenêtres. Il se murmure que Kevin Costner fait partie du casting… On fait la queue devant le distributeur de boissons chaudes avant d’entrer dans la salle.

Les discussions reprennent, axées sur les inégalités sociales de santé. Le thème fait l’objet d’une table ronde qui réunit le pédiatre François-Marie Caron qui exerce en libéral dans la Somme, Zeina Mansour pour la Fédération nationale d’éducation et de promotion de la santé (Fnes), Monique Romon, professeur de nutrition et David Communal de l’association Prof’APA.

Monique Romon plante le décor : «On sait que la prévalence de l’obésité chez les 7-9 ans est très liée au statut social des parents et que l’adhésion au PNNS est moins bonne chez les catégories socioprofessionnelles inférieures: les messages nutritionnels sont connus d’eux mais moins suivis. Les déterminants du comportement alimentaire sont connus: l’environnement, les normes et représentations sociales, les freins individuels de nature économique, liés à l’estime de soi, aux perspectives d’avenir à court terme… C’est à ces différents niveaux qu’il faut agir pour motiver les gens au changement individuel et familial dans la durée. Et au plus près des populations, d’où le rôle essentiel des acteurs locaux.»

Oeuvrer pour développer une approche plurielle et en proximité autour de la nutrition est justement le coeur du propos de la Fnes. La Fédération déplore que le PNNS ait raté le coche pour inviter la population à adopter un rôle actif et participatif visant l’empowerment. Zeina Mansour : «Les seules compétences individuelles ne peuvent rien.» Et de rappeler son credo : «la préoccupation nutritionnelle doit intégrer toutes les politiques publiques.»

Tous sont d’accord pour dire que les inégalités sociales de santé s’installent dès la petite enfance. Le Dr Caron, membre de l’Association française de pédiatrie ambulatoire (AFPA), l’illustre : «Près de 80% des femmes cadres allaitent, contre 46% chez les ouvriers et encore moins dans certains territoires comme le mien.» Pour augmenter le nombre de femmes qui donnent le sein et la durée de l’allaitement, le pédiatre croit beaucoup à des initiatives comme l’‘Hôpital ami des bébés’, qui favorise l’accompagnement des parents autour de l’allaitement, ou les RéPPOP (réseaux de prévention et de prise en charge de l’obésité pédiatrique) qui existent dans plusieurs régions, là où ils sont financés. «Parce qu’elles se construisent pendant l’enfance, les inégalités sociales de santé ne sont pas une fatalité, à condition de se mobiliser et d’avoir des moyens pour le faire», conclut-il.

Prise de parole dans la salle. «Il y a un désert en prévention auprès de ceux qui travaillent beaucoup et gagnent peu. Ces catégories précaires que l’on voit peu. Comment agir pour augmenter leur niveau d’activité physique et améliorer leurs réflexes nutritionnels?» La remarque n’appelle pas vraiment réponse. Et pour cause : personne n’a de solution toute faite.

L’abécédaire du PNNS 2011-2015

Au-delà des 4 lettres de son acronyme, le Plan national nutrition santé a développé son propre alphabet pour asseoir sa philosophie et affirmer ses ambitions pour la période 2011-2015. Morceaux choisis.

N comme Nutrition

Celle que vise le PNNS est déterminante pour la santé. Elle inclut les domaines de l’alimentation et de l’activité physique dans leurs dimensions biologiques, symboliques et sociales. En matière de comportements alimentaires, le Plan considère les déterminants sociaux, culturels, économiques, sensoriels et cognitifs.

R comme Repères nutritionnels…
… et Reconduction

Le PNNS en cours est le troisième du genre, après celui lancé en 2001 et sa prolongation en 2006. En 2010, au moment de reconduire à nouveau le programme, il a été décidé de lui adjoindre un Plan obésité (PO) jusqu’en 2013 ainsi qu’un Programme national pour l’alimentation (PNA) qui court jusqu’en 2015.

E comme environnement

Le PNNS affiche son ambition de ne pas stigmatiser les seuls agissements individuels mais aussi de promouvoir des modifications de l’environnement alimentaire et physique, au motif qu’il conditionne fortement les comportements. «Créer un environnement nutritionnel global, facilitant un choix positif pour la santé des consommateurs» , est-il inscrit noir sur blanc dans les principes généraux du Plan.

A comme Axes stratégiques

Comme tout programme qui se respecte, le PNNS évolue en principe sur un chemin tout tracé, selon quatre directions qui sont autant d’objectifs à viser: lutter contre les inégalités sociales de santé, développer l’activité physique et sportive, dépister et prendre en charge les patients et enfin, promouvoir le PNNS lui-même. À ne pas confondre avec les leviers, stratégiques eux aussi, que sont la communication, l’information et l’éducation, l’amélioration de l’environnement, l’organisation du système de santé, la formation des acteurs impliqués et l’évaluation.

O comme Objectifs

Objectifs au pluriel car la logique du PNNS est la suivante: chaque axe stratégique est décliné en une série d’objectifs généraux et de sous-objectifs chiffrés. Plusieurs mesures, elles-mêmes subdivisées en actions, sont listées pour atteindre les buts fixés, à savoir: primo, réduire la prévalence de l’obésité et du surpoids dans la population (à noter que chez l’adulte, on se contentera d’essayer de stabiliser la prévalence de l’obésité); secundo, augmenter l’activité physique et diminuer la sédentarité à tous les âges; tertio, améliorer les pratiques alimentaires en visant notamment et en vrac une consommation accrue de fruits et de légumes, de folates chez les femmes enceintes ou de calcium dans certains groupes à risque, la diminution des apports en sel ou le recours plus fréquent à l’allaitement maternel. Quatrième et dernière cible du PNNS : la dénutrition et les troubles du comportement alimentaire. Le tout en 21 mesures et 45 actions.

L comme logo

Un sourire rouge en banane sur fond bleu. Le logo PNNS et ses déclinaisons constituent un élément central du dispositif de communication du Plan, destiné notamment à mettre en cohérence les nombreuses actions déployées dans des champs différents. Collectivités territoriales, associations, entreprises ou institutions qui arborent le logo PNNS font de ses objectifs les leurs et s’engagent à agir pour tenter de les atteindre. L’attribution de ce logo fait l’objet d’un cahier des charges révisé pour le PNNS 2011-2015.

10 bonnes raisons de ne pas faire régime

Le 30 Déc 20

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Le 24 mai dernier, l’asbl Question Santé a judicieusement exploité le bruit fait autour de la journée européenne contre l’obésité pour lancer une nouvelle campagne de sensibilisation dans le cadre de son projet ‘Voyons large’. Cette action vise à démystifier les ‘miracles’ des régimes en mettant en évidence les risques et dangers des pratiques amaigrissantes ainsi que la tyrannie de la minceur dans nos sociétés.

Pour appuyer son propos, Question Santé a aussi organisé le même jour un séminaire au cours duquel une vingtaine de participants d’horizons variés ont échangé sur des ‘Questions de (sur)poids. Comment agir? Avec qui? Pourquoi?’
Cette rencontre, ponctuée par l’expertise du Prof. Jean-Michel Lecerf, a permis un excellent remue-méninges sur le sujet, modéré par Bernadette Taeymans, directrice de l’asbl. Les participants, médecins, diététiciennes, journalistes de santé, tout en ayant un regard nuancé sur l’obésité, adhéraient sans difficulté au projet de déconstruction de la norme de minceur que notre société veut nous imposer en faisant violence à la nature humaine.

Les questions soulevées furent entre autres:

Alors qu’on parle beaucoup d’une «épidémie» d’obésité, quelle est la réalité du point de vue de la santé publique ?
La «lutte contre l’obésité» est‐elle une nécessité, et dans l’affirmative, quelles approches privilégier ?
Comment éviter de basculer dans la minceur à tout prix ?
Que penser des régimes comme solution aux problèmes de poids ? Quelles en sont les alternatives ?
Quels sont les axes à développer au niveau de la prévention et de la promotion de la santé ?

On pointera entre autres l’intervention de Marie-Claire Mozin, du Club européen des diététiciens de l’enfance, qui présenta une étude réalisée voici quelques années dans le cadre d’une quinzaine de la santé dans des écoles de Woluwé-Saint-Lambert (Bruxelles). La comparaison d’une classe expérimentale et d’une classe ‘témoin’ donnait un résultat encourageant: une rectification modeste des apports alimentaires sur une courte période montrait déjà une évolution staturo-pondérale positive chez les élèves de la classe expérimentale.

Après cette mise en bouche, Patrick Trefois, directeur scientifique de Question Santé présenta la nouvelle campagne, au titre quelque peu paradoxal de ’10 bonnes raisons pour ne pas faire régime’ (voir l’encadré avec l’argumentaire). Paradoxal et aussi provocateur, surtout au printemps, période de l’année très favorable au business de l’amaigrissement.

Il ne s’agit évidemment pas de faire passer le message qu’il y a 10 bonnes raisons de ne pas se préoccuper de son alimentation, mais de souligner que la plupart des régimes sont voués à l’échec et qu’il semble bien aujourd’hui que sans autre facteur de risque, les individus en léger surpoids ont une meilleure espérance de vie que les autres ! De quoi désoler bien des esprits chagrins…

Jean-Michel Lecerf eut quelques formules heureuses pour commenter le fait que le taux d’échec des régimes oscille entre… 80 et 95% : «Si certains régimes étaient des médicaments, ils n’auraient jamais obtenu d’autorisation de mise sur le marché», ou encore cette réplique tirée du film ‘Mince alors !’ : «Les régimes ne marchent pas, la preuve, il n’y a que les obèses qui en font !»

Voyons large

Ce projet a pour objectif de mettre en évidence les divers aspects de la thématique du surpoids de façon à éclairer le sujet dans sa globalité.
Après le premier volet lancé en 2012 sur le thème du rejet et de la discrimination vécus par de nombreuses personnes en surpoids et de leurs conséquences, la deuxième étape du projet, intitulée ’10 bonnes raisons de ne pas faire régime’, aborde la question des pratiques amaigrissantes, généralement présentées comme des solutions miracles alors qu’elles semblent pourtant présenter plus de risques que de bénéfices.

Les 10 bonnes raisons de ne pas faire régime

1. Ça ne marche pas !
Oubliez les ‘people’ et les régimes miracles censés vous faire perdre vos kilos superflus sans trop d’efforts en quelques semaines à peine. Dans la plupart des cas (80%) ces méthodes ne fonctionnent pas!

2. On n’écoute plus son corps
À force de réfléchir à ce qu’on peut manger et ce qu’on doit éviter pour respecter son régime, on en oublie d’écouter notre corps et ses signaux de faim ou de satiété. Or ces sensations sont nécessaires pour réguler notre alimentation et notre poids.

3. Plus on fait régime moins on s’aime
Comme les régimes échouent souvent, on se sent nul de ne pas y arriver et on finit par se trouver moche moralement… Pourtant on s’y remet, au risque de se retrouver une fois encore confronté à une déception.

4. Ça allège surtout le portefeuille
Les régimes sont un vrai business ! On ne compte plus le nombre de solutions proposées pour maigrir: produits ‘light’ à toutes les sauces, compléments alimentaires ‘miracles’, produits dérivés de différents régimes, livres de conseils en tous genres…

5. Ça rend obsédé
Quand on est au régime, on pense plus souvent à la nourriture, et cela peut même tourner à l’obsession. On se trouve alors confronté à plus de tentations qu’en temps normal, c’est-à-dire à plus de risques de ‘craquer’ et donc de prendre du poids…

6. Ça fait parfois manger plus !
On se frustre tellement avec la nourriture que toute une série de situations et d’émotions (joie, stress, déprime, fatigue, colère…) nous donnent une seule envie : bouffer !

7. Obsession chez les parents, déséquilibre chez les enfants
Les régimes, qu’ils soient suivis par les enfants ou par les parents, ont tendance à favoriser la prise de poids chez les jeunes.

8. C’est pas vraiment bon pour la santé
L’objectif d’un régime, c’est l’amaigrissement, pas la santé. Et beaucoup de régimes peuvent susciter des déséquilibres dans le corps, surtout s’ils sont pratiqués de manière sévère et/ou prolongée: déficit en vitamines, diminution de la masse osseuse, troubles du rythme cardiaque…

9. Y a pas de mal à avoir des rondeurs
La plupart des gens qui se sentent trop gros ne sont en fait pas en surpoids d’un point de vue médical, et encore moins obèses. La volonté de maigrir est souvent d’ordre esthétique: il faut correspondre à l’idéal de minceur valorisé dans nos sociétés.

10. Manger, c’est bon pour le moral
Au fond, vous le savez bien, hein ? Manger quelque chose de bon, ça détend, ça fait plaisir, ça réconforte. Surtout quand on partage un bon repas avec ceux qu’on aime.

Le site Internet de la campagne, https://www.voyonslarge.be interroge le regard que notre société pose sur les rondeurs et propose une série de références pour approfondir la réflexion. Un sondage express demande aux visiteurs du site s’ils ont déjà fait régime, jamais, parfois ou souvent : résultat implacable à défaut d’être surprenant !
Le site est complété par une page Facebook qui permet la diffusion régulière d’informations et invite les internautes à interagir, donner leur avis, partager des témoignages, etc.
Une vidéo de 10 minutes, réalisée en collaboration avec le Magic Land Théâtre, ironise à propos des régimes et de leur conséquence sur notre bien-être. Elle est visible sur le site de la campagne.

Le bon usage de la gestion des conflits

Le 30 Déc 20

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L’Université de Paix est une asbl, fondée en 1960 par Dominique Pire, reconnue comme organisation de jeunesse (catégorie service) par la Fédération Wallonie-Bruxelles.

Depuis plus de 25 ans, le travail de notre association est axé sur la gestion positive des conflits. Son objectif est la promotion de la paix par le dialogue . Centre de réflexion et de formation, l’Université de Paix contribue à faire connaître des moyens possibles pour prévenir la violence et y faire face, à l’école, dans la famille, dans le quartier, les institutions, le milieu du travail… Pour gérer efficacement les conflits, l’Université de Paix propose des formations ponctuelles (assertivité, écoute, médiation, etc.), des interventions et formations personnalisées (la formation d’enfants médiateurs…), des animations, des conférences, des journées pédagogiques, des formations longues, du matériel pédagogique.

Quel regard l’Université de Paix porte-t-elle sur l’expérience des CBE ?

Ce projet met en avant l’importance que revêt aux yeux des acteurs concernés (enseignants, élèves, direction, etc.) le besoin de projets clairs, partagés et réalistes. Nous avons constaté que la réalisation de petites actions rapidement visibles mobilise tous les acteurs scolaires. Notons également que la présence de la direction nous a semblé essentielle afin de soutenir les membres de l’équipe éducative.

Pour davantage d’efficience, il nous semble primordial de ne pas faire l’économie de l’ analyse des besoins du terrain et de la demande de la direction afin de faire émerger le projet. Soulignons également l’importance de clarifier les mandats des différents acteurs pour l’essor d’un projet dynamique et viable.

Aussi, un projet a d’autant plus de chance d’aboutir quand les motivations des acteurs sont prises en compte afin qu’ils soient autonomes et responsabilisés.

Implanter un projet peut générer des tensions. L’utilisation de nos outils de gestion de conflits s’est révélée être un plus pour le mener à bien. Car pour nous les conflits sont des opportunités, moteurs de changements et d’évolution de par la confrontation des idées et la manière de résoudre les différends. Nous démarrons généralement un projet avec des activités de cohésion de groupe. Nous utilisons une méthode active, participative et émancipatrice tout en respectant les personnes, les faits, les ressources et les limites de chacune d’entre elles.

Après ces quelques mois passés à côtoyer différents acteurs de l’école, quelques questions émergent sur leur réelle participation au sein de l’établissement : comment leur accorder une véritable place de la conception à la réalisation d’un projet mené à et/ou par l’école ? Quels moyens mettre en œuvre pour les inciter à y participer ? En quoi cette action peut alimenter le projet pédagogique de l’école ?

Cette expérience nous a permis de découvrir et de mieux appréhender les ‘coulisses’ des écoles , ce qui nous amènera à améliorer nos prochaines actions.

Université de Paix asbl, Bd du Nord 4, 5000 Namur. Tél.: 081 55 41 45. Courriel: info@universitedepaix.be. Internet: https://www.universitedepaix.org .

Les défis de ‘Se mettre à table’

Le 30 Déc 20

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Pour cette rentrée scolaire, ‘Se mettre à table’, un outil de concertation, est mis à la disposition des écoles qui souhaitent se lancer dans une réflexion collective et systémique pour améliorer l’alimentation à l’école. En effet après avoir enquêté sur la santé à l’école (1) et plus particulièrement la manière dont l’alimentation est abordée en classe et concrétisée dans les boîtes à tartines, les menus des cantines ou les distributeurs… une évidence s’imposait : il faut soutenir ceux qui, dans leur pratique quotidienne, se préoccupent d’assurer une meilleure alimentation pour tous à l’école, sans toujours y parvenir.

‘Se mettre à table’ propose donc de réunir différents acteurs scolaires autour d’une table pour mener une concertation collective. Partant des situations insatisfaisantes vécues dans l’école, l’outil présente une démarche découpée en huit étapes pour aboutir à la mise sur pied d’actions collectives, concertées et cohérentes en matière d’alimentation.

Un processus mis en abîme

Au regard des principes de la promotion de la santé, cet outil s’est construit autour de deux axes complémentaires : le premier concerne le nécessaire travail en intersectoriel incontournable quand on s’attaque aux déterminants de la santé et en particulier à l’alimentation. Le deuxième concerne la préoccupation pour la réduction des inégalités sociales de santé au travers de l’utilisation de l’outil et ses contenus: ce qui sur le plan scolaire peut se concrétiser par plus de travail collectif et de travail en équipe et plus d’exercice de la citoyenneté et de la capacité à être acteur de changement en faveur de la santé.

Cette déclaration de principes faite, la mise au travail a démarré pour Cordes par l’identification des différentes asbl intervenant dans cet esprit dans les écoles, que ce soit de manière directe ou non. Ainsi, une collaboration s’est tissée entre neuf associations (2) pendant presque 3 ans pour co-construire un outil transdisciplinaire, qui aborde le thème de l’alimentation à l’école dans toutes ses dimensions et se fonde sur la concertation pour décider collectivement de changements en la matière.

Cet exercice fut l’occasion de croiser les regards, mutualiser les expériences mais surtout, pour être cohérent avec ces principes de promotion de la santé, il se devait de les appliquer dans le processus de construction de l’outil aussi bien que dans les propositions de fonctionnement qu’il allait offrir.

Vers l’intersectorialité

En amont, lors de la création de l’outil, les partenariats se sont concrétisés entre asbl issues de secteurs différents: la promotion de la santé, l’éducation à l’environnement et au développement durable, l’écologie politique et la citoyenneté, l’action interculturelle, l’alimentation…

Chaque asbl ayant sa propre expérience de travail avec le milieu scolaire, nous avons pu ébaucher un état des lieux de la situation et mettre en avant les problèmes majeurs en matière d’alimentation à l’école: l’aspect financer souvent utilisé comme unique argument pour faire des choix (traiteur, produits mis en vente dans les distributeurs et les petits magasins etc.); la multiplicité de projets parfois sans lien les uns avec les autres et le peu de changements structurels; le manque de corrélation entre les injonctions apprises en classe (pyramide alimentaire par exemple) et la réalité des menus, des repas, des boîtes à tartines, des collations; un grand nombre de projets avortés faute de moyens et de soutien; le focus didactique sur l’équilibre alimentaire et non sur les autres dimensions de l’alimentation…

Ce croisement de regards a donné une vision systémique et complexe de ce qui constitue l’alimentation. En effet, manger et faire à manger n’est pas un acte neutre. Pour s’attaquer à cette problématique, il fallait ouvrir le champ de réflexion, ne pas réduire l’alimentation à l’un ou l’autre de ses aspects mais au contraire, exploiter le thème sous toutes ses coutures, faire émerger les enjeux, analyser les pratiques, qu’elles soient environnementales, économiques, sanitaires, éducatives, écologiques, culturelles dans leurs dimensions individuelles et collectives.

Au vu des différents constats et de l’analyse des situations insatisfaisantes, il est évident que les améliorations ne peuvent pas être réglées par des solutions clés sur porte mais doivent être accompagnées d’une manière originale, particulière pour chaque école. L’objectif s’est donc centré sur la construction d’un outil s’adressant aux adultes éducateurs qui puisse accompagner les désirs de mieux être et mieux faire en matière d’alimentation à l’école… sans pour autant trop diriger, ni fournir de solutions préfabriquées, tout en suscitant des prises de décision collective pour faire participer chacun des acteurs concernés. Fameux programme !

Vers le collectif

Si l’intersectorialité et la transdisciplinarité se retrouvent dans l’analyse complexe de la situation, elles se retrouvent aussi par la diversité des acteurs mis en présence autour de la table tant pour l’étape de construction de l’outil (les associations) que dans la démarche de concertation qu’il propose. Et là encore deuxième mise en abîme, l’outil devait répondre au deuxième principe: favoriser la participation et soutenir un processus de prise de décision collective pour faire de chacun, quel que soit son rôle en lien avec l’alimentation à l’école, un facteur de réduction des inégalités.
La construction de l’outil a constitué une application de ce principe: dans un premier temps, nous avons donné à chacun l’occasion d’expliquer les constats qu’il avait été amené à faire, les lacunes, les manques qu’il avait pu observer dans le milieu scolaire en matière d’alimentation.

Assurant la coordination, Cordes a déployé une énergie certaine pour valoriser l’apport de ses partenaires. Au cours des trois années de collaboration, l’asbl n’a pas sollicité tout le monde de manière identique et égale mais plutôt de manière complémentaire… Un défi de taille que de donner une place à chacun, en fonction de ses envies, de ses attentes et de ses compétences…

Un défi d’autant plus important à relever que c’est une valeur que nous voulions transmettre par et dans l’outil. L’intérêt de soutenir la parole de tous est fondamental. En effet, nous posons un regard qui nous est propre sur le monde. Permettre à chacun de s’exprimer, c’est permettre de construire ensemble une réalité commune, forte des points de vue qui s’enrichissent mutuellement. Cela mène à construire ensemble une vision du monde qui soit au plus près de la réalité: complexe et nuancée.

De même, en aval, au niveau de la démarche proposée dans l’outil ‘Se mettre à table’, on retrouve le même souci de donner aux personnes concernées l’occasion de prendre leur place autour de la table, d’assurer par des moyens simples que tous aient la possibilité de s’exprimer avec leurs visions de la réalité et leurs souhaits en rapport avec l’alimentation à l’école.

‘Se mettre à table’ en 8 étapes

1. Chacun prend place autour de la table, se présente et découvre les autres convives. Les membres du groupe partagent leurs préoccupations et les informations en lien avec la question de l’alimentation à l’école.
2. Le groupe identifie une situation insatisfaisante à travailler en priorité.
3. On cerne le problème, on creuse la situation, on tente d’en extraire les éléments clés, on élargit la problématique…
4. Le groupe définit ensemble la finalité, le changement visé, les intentions du projet.
5. Les participants imaginent, en sous-groupes, des activités et des actions possibles pour mettre en œuvre ces changements.
6. Le groupe examine, en regard de la finalité, la pertinence de chaque proposition.
7. Le groupe élabore un ‘menu’ en planifiant les actions dans le temps et communique ce programme à l’ensemble de l’école.
8. Le groupe se cherche des alliés, des forces vives pour mettre en œuvre le programme d’action… et se lance!
Pour chaque étape, l’outil propose un matériel et une procédure spécifique pour organiser les débats et faciliter la communication au sein du groupe engagé et vers la communauté éducative.

En invitant autour de la table les enseignants, les parents, la direction, le pouvoir organisateur, le cuisinier, les encadrantes, les PMS-PSE, le personnel éducatif, administratif, technique et des représentants des élèves et autres invités par le groupe qui se met à table, l’outil cherche à valoriser chacun dans son rôle à partir de la place qu’il occupe dans l’école et de son lien avec l’alimentation des élèves au sens large; il soutient et légitime l’expression de ceux qui généralement ne sont pas sollicités et leur donne une place importante dans le processus de décision collective. Dans ce sens, la démarche proposée dans l’outil participe à la réduction des inégalités car celles-ci se font ressentir déjà au niveau de la parole et de l’écoute.

En effet, les questions présentes à toutes les étapes du processus de concertation proposé par l’outil garantissent l’expression de points de vue différents, la prise en compte des nombreux aspects qui peuvent régir et influencer une situation.

Les questions adressées aux acteurs ont été pensées pour valoriser les participants: elles sont simples, accessibles et incitatives… Ce sont majoritairement des questions ouvertes pour démarrer les échanges et mieux connaître le rôle de chacun en lien avec l’alimentation et la situation que le groupe choisira de traiter en priorité pour arriver à une décision collective susceptible d’améliorer l’alimentation.

Dès le début, les différents acteurs présents autour de la table sont donc invités à s’exprimer… et cela jusqu’à la fin du processus de concertation proposé dans l’outil. Chaque étape, chaque moment est une invitation à échanger, à dire et à reformuler. Si cet outil s’adresse principalement aux adultes, c’est par l’intermédiaire des enseignants et des pistes pédagogiques proposées que les élèves sont impliqués dans le processus. De même les propositions d’activités simples visent à amplifier la dynamique et faire participer davantage l’ensemble de l’école. Ces différents éléments contribuent selon nous à réduire les inégalités (de parole, d’information et de participation) en matière de santé à l’école qui peuvent avoir des retombées sur l’agir en société et au quotidien.

Construire un outil qui se base sur un processus participatif, de prise de décision collective et qui se fonde sur une approche systémique de l’alimentation tout en expérimentant ces caractéristiques méthodologiques tout au long de sa construction, voilà un des défis de la promotion de la santé que nous avons relevé avec nos partenaires.

Reste à voir dans quelle mesure il sera expérimenté par les acteurs de l’école qui se mettront autour de la table pour améliorer l’alimentation des élèves. Et bien entendu, cela nécessite un ingrédient incontournable, le temps. Temps de se rencontrer, d’échanger, temps pour décortiquer, temps pour ‘com-prendre’ les insatisfactions et les désirs de mieux faire. Puis temps pour imaginer ce qui sera réalisable. Afin d’accompagner ces différents temps, ‘Se mettre à table’ propose une progression balisée en 8 étapes (voir encadré). Chacune à sa manière constitue un pas dans la prise de décision collective.

Si l’outil in fine valorise chacun dans son rôle, en amont, nous avons effectivement dû passer par là. Ce que l’outil promeut se devait d’être appliqué aussi lors de son élaboration… pour un minimum de cohérence et d’honnêteté.

Pour plus de renseignements sur les ateliers d’expérimentation que nous organisons en collaboration avec les CLPS : Coordination Éducation & Santé CORDES asbl , Avenue Maréchal Joffre 75 1190 Bruxelles. Tél.: 02 538 23 73. Courriel: cordes@cordes-asbl.be. Site: https://www.cordesasbl.be

(1) Lire à ce sujet ‘La santé à l’école au travers des pratiques éducatives’, V. Vandermeersch, Éducation Santé n°261, novembre 2010, https://www.educationsante.be/es/article.php?id=1311
(2) Le CBAI, Cordes, COREN , Cultures et Santé, le Début des Haricots, Empreintes, Good Planet, Rencontre des Continents, le Réseau Idée.

Les discriminations des personnes séropositives sont toujours une réalité !

Le 30 Déc 20

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Malgré les évolutions thérapeutiques et les discours sur la «banalisation du sida», la première enquête quantitative sur les conditions de vie des personnes vivant avec le VIH/sida en Belgique francophone montre que les discriminations et la stigmatisation perdurent. Sous quelles formes et dans quels secteurs sont-elles les plus fréquentes? Comment estimer leur impact sur la qualité de vie des personnes séropositives ?

Présentation de l’enquête

L’idée de cette enquête vient d’un groupe de personnes séropositives, le GRECOS (Groupe de Réflexion et de Communication sur la Séropositivité) animé par la Plate-forme Prévention Sida, qui a constaté le manque criant de données quantitatives concernant leurs conditions de vie en Belgique. C’est pourquoi une enquête participative a été mise en place entre 2009 et 2012, sous la coordination de la Plate-forme Prévention Sida et de l’Observatoire du sida et des sexualités avec l’appui du Centre d’études sociologiques de l’Université Saint-Louis. Les premiers résultats ont été publiés fin 2012 et peuvent être consultés en ligne (1).

Réunissant 18 partenaires (centres de référence sida, hôpitaux et associations de prévention)(2), l’enquête a été proposée aux personnes séropositives majeures se faisant soigner et/ou résidant à Bruxelles ou en Wallonie. Un questionnaire était rempli de manière anonyme avec un enquêteur et s’articulait autour de quatre thèmes: la santé et le milieu médical, la vie sociale et professionnelle, la vie affective et sexuelle et les données générales (situation familiale, économique et administrative). Au final, 343 questionnaires ont été complétés.

Caractéristiques des répondants

L’échantillon est majoritairement constitué d’hommes (près de 52%), de personnes de plus de 40 ans (l’âge moyen est de 44 ans), ayant la nationalité belge (près de 54%) et se déclarant hétérosexuelles (66%). Signalons toutefois que plus de 47% des répondants citent également une nationalité africaine (3) et que plus d’un quart s’affirment homosexuels et 6% bisexuels.

Moins de la moitié d’entre eux (45%) exerce une activité professionnelle et près de 30% déclare des difficultés à assumer les soins de santé qui ne sont pas intégralement remboursés (4). De façon générale, les données font état d’une population certes hétérogène au niveau socio-économique, mais globalement précaire.

Discriminations dans le milieu médical

Premier lieu de maintien des discriminations : le milieu médical. Si cela peut paraître à première vue surprenant, il faut bien prendre en compte le fait que c’est un lieu où le statut sérologique d’une personne est généralement connu. Il faut également contrebalancer les résultats avec le soutien que les répondants disent obtenir de leur médecin principal, dont ils sont très satisfaits en grande majorité.

En fait, plus de 13% des personnes interrogées ont déjà connu un refus de soin en Belgique du fait de leur séropositivité. Les professions ou lieux les plus cités sont les dentistes, les accueils des hôpitaux et particulièrement les urgences, les infirmiers, les gynécologues et les ORL. En outre, 15% des répondants ont entendu des propos désobligeants de la part du personnel médical, plus de 21% ont déjà ressenti de la gêne et presque 13% ont appris que leur statut sérologique avait été révélé à leur insu à des tiers. Enfin, plus de 12% ont déjà subi un dépistage VIH obligatoire (sans en être informés et/ou sans leur accord préalable) en Belgique. Cette pratique concerne près de 23% des personnes sans ou peu diplômées.

Si ces résultats montrent que seule une petite minorité déclare avoir été discriminée ou avoir vu ses droits bafoués, il n’empêche que ces pratiques demeurent contraires à la déontologie médicale, voire sont illégales au regard de la loi anti-discrimination, de la loi sur les droits des patients ou de la loi interdisant le dépistage du VIH dans le cadre des relations de travail (5).

Discriminations dans la vie sociale et professionnelle

Dans le milieu professionnel, 6,5% des répondants ont connu des difficultés dans leur formation ou carrière professionnelle à cause de la révélation de leur séropositivité, sachant que plus de 58% ne l’ont pas révélée sur leur lieu de travail. Par ailleurs, près de 28% d’entre eux ont dû modifier, interrompre ou arrêter leur carrière à cause de leur état de santé.

Les chiffres sont encore plus alarmants concernant l’accès aux biens et services et, particulièrement, les assurances. 15,7% se sont vu refuser ou compliquer l’accès à des biens et services à cause de leur séropositivité, la majorité d’entre eux pour obtenir une assurance et le reste pour obtenir un prêt bancaire. En comptabilisant uniquement les répondants ayant révélé leur séropositivité en faisant leur demande, plus de 72% ont connu un accès refusé ou compliqué à ces assurances et prêts et seuls 27% ont pu y accéder sans encombre. La question délicate de l’accès aux contrats privés d’assurance maladie a fait l’objet d’une mobilisation du Centre pour l’égalité des chances et la lutte contre le racisme et a donné lieu à des lois provisoires protégeant l’ensemble des personnes atteintes de maladie chronique, lois faisant aujourd’hui l’objet de négociations.

L’un des problèmes majeurs auquel se confronte la lutte contre les discriminations (quel que soit le motif invoqué) est le manque de connaissance de la loi. L’enquête le confirme amplement puisque plus de 85% des répondants ne connaissent pas de loi pouvant les protéger. En outre, parmi ceux ayant été discriminés dans leur vie sociale ou professionnelle du fait de leur séropositivité, 85,7% n’ont rien fait et seuls 14% se sont renseignés sur leurs droits et/ou ont contacté le Centre pour l’égalité des chances.

Impact sur la vie privée et l’estime de soi

Même les personnes n’ayant pas été discriminées ont intériorisé le risque de pouvoir l’être et anticipent donc ce traitement différentiel en se mettant elles-mêmes à l’écart. Ainsi, presque la moitié des répondants a déjà renoncé à quelque chose par peur d’être discriminée du fait de sa séropositivité. Parmi eux, un tiers a renoncé à une relation affective et/ou sexuelle, presque 15% à souscrire à une assurance ou à un prêt et presque 14% à postuler un emploi ou une formation.

Concernant les relations affectives et sexuelles, un quart des répondants dit avoir connu une rupture de relation avec un partenaire à cause de la séropositivité. De plus, presque 30% ont connu une situation où leur statut sérologique a été révélé sans leur accord dans leur milieu social, familial et professionnel en Belgique. Ce taux monte à plus de 67% chez les personnes déclarant d’importantes difficultés financières! Certains préfèrent alors renoncer définitivement à leur vie sexuelle à cause de leur diagnostic : cette situation concerne 18% des répondants et plus d’un quart des femmes…

Enfin, le stigmate ressenti est encore fort puisque presque la moitié des personnes interrogées s’est déjà sentie honteuse d’avoir le VIH et un tiers dit se sentir coupable. Il faut toutefois souligner qu’une partie (certes minoritaire) des répondants échappe à ce poids du stigmate, déclare un excellent moral et réussit à assumer son statut dans son entourage.

Et donc ? Faire respecter les droits !

En conclusion, bien qu’une majorité de répondants dit ne pas avoir été discriminée, les différences de traitement et la stigmatisation perdurent. D’une part, les discriminations semblent prendre des formes indirectes, voilées ou euphémisées : on constate davantage de gêne ressentie que des refus de soins dans le milieu médical, plus de blocages de carrière que de licenciements dans le milieu du travail, plus de propos désobligeants ou maladroits que d’exclusions dans la vie sociale. D’autre part, plusieurs répondants anticipent ces discriminations et cette stigmatisation et mettent en place des stratégies de révélation de leur statut uniquement aux personnes estimées de confiance et/ou des stratégies d’auto-exclusion.

Par ailleurs, l’enquête rend compte d’une très forte corrélation entre la situation socio-économique (diplôme, niveau de revenu, difficultés financières) et son impact sur la vie avec le VIH. Les répondants en situation précaire sont davantage que les autres exposés aux discriminations, déclarent plus un mauvais moral ou encore le sentiment de honte d’être séropositif.

Ainsi, bien que l’histoire de la lutte contre le sida ait mis en avant l’orientation sexuelle et la nationalité des personnes touchées, il ne faudrait surtout pas oublier ou sous-estimer la dimension socio-économique. En ce sens, le VIH ne fait qu’accentuer les inégalités sociales de santé.

Nous conclurons donc en rappelant l’importance du soutien médical et social et de la lutte contre la ‘sérophobie’ et les discriminations pour véritablement arriver à une normalisation de l’infection à VIH. La politique de santé doit ainsi plus que jamais s’ancrer dans une politique respectueuse des droits humains et dans une politique d’égalité face à la santé, à l’emploi et aux droits sociaux.

(1) https://centres.fusl.ac.be/OBSERVATOIRE/document/Nouveau_site/documents/pub/2012-enquete-conditionsdevie.pdf
(2) 4 Centres de référence sida (CHU Saint Pierre, CHU Liège, CHU Érasme, CHU Charleroi), 6 hôpitaux (CHIR Edith Cavell, CHR de Namur, CHU Ambroise Paré de Mons, CH Peltzer – La Tourelle de Verviers, CH Iris Sud – site d’Ixelles, Grands Hôpitaux de Charleroi), 8 associations (Coordination Provinciale Sida Assuétudes de Namur, Service Éducation pour la Santé de Huy-Waremme et Service des Soins de Santé Prisons du SPF-Justice, Topaz, Lhiving, Siréas/Sid’Aids-Migrants, Ex æquo, Nyampinga, Warning-Bruxelles).
(3) Plusieurs nationalités pouvaient être citées.
(4) Seul le traitement antirétroviral est remboursé à 100%. Il arrive cependant que d’autres soins ou médicaments soient nécessaires, notamment pour pallier les effets secondaires des traitements.
(5) Respectivement les lois du 10 mai 2007, du 22 août 2002 et du 28 janvier 2003.

La participation des élèves comme levier du bien-être ?

Le 30 Déc 20

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En tant que Service de Jeunesse spécialisé dans l’éducation relative à l’environnement, Empreintes reconnait les Jeunes comme des experts de leur cadre de vie. Pour qu’ils deviennent des citoyens responsables, actifs, critiques et solidaires, Empreintes souhaite renforcer leurs capacités à prendre par eux-mêmes les meilleures décisions pour eux-mêmes et leur environnement.

Dans le cadre du dispositif-pilote Cellules bien-être, Empreintes a donc proposé aux acteurs scolaires qu’elle accompagnait de s’interroger sur la participation des élèves aux réflexions et aux actions stimulant le bien-être au sein de l’établissement scolaire.

Les réussites des écoles dans leur projet ont été engrangées en surmontant quelques obstacles que nous voudrions ici mettre en exergue. Une première difficulté rencontrée par les acteurs scolaires est qu’à l’entame du projet, les ‘structures participatives’ et les ‘Conseils d’élèves’ prescrits par le décret ‘renforcement de l’éducation à la citoyenneté’ (2007) ne préexistaient que rarement dans les écoles et étaient donc encore à inventer. Il s’est ensuite avéré que la mise en place effective et le développement de ces Conseils nécessitaient de dépasser des freins de différentes natures: des freins organisationnels par exemple, quand des Conseils d’élèves se tiennent durant la pause de midi, ce qui occasionne un manque de temps pour mener la séance jusqu’à son terme et la nécessité que les enseignants prennent sur leur temps de pause; des freins cognitifs aussi, car les enseignants se sentent parfois peu compétents pour gérer ces Conseils et faire face aux situations délicates qui se présentent immanquablement; des freins culturels et identitaires enfin, quand certains enseignants donnent peu de suites au Conseil ou s’y opposent, notamment parce qu’ils ressentent cette structure comme une remise en cause de leur autorité.

Convaincus que la participation active des élèves constitue un levier important (voire indispensable) pour améliorer leur bien-être et les éduquer à une citoyenneté critique et responsable, Empreintes s’interroge sur les politiques qui pourraient la favoriser à l’avenir.

Pourquoi ne pas mettre l’accent sur les structures participatives (Conseils d’élèves, etc.) et la pédagogie institutionnelle en formation initiale et continue des enseignants et des directeurs ?

Comment favoriser les partenariats entre les écoles et les organisations qui peuvent les outiller en matière de participation des élèves (par exemple Jeune & Citoyen, Comité des Élèves Francophones, CRECCIDE, etc.) ou de mise en œuvre d’une pédagogie institutionnelle ( Changements pour l’Égalité, Mouvement des Institutions et des Écoles Citoyennes , etc.) ?

Ne faudrait-il pas préciser (par une circulaire ou une modification du décret ‘renforcement de l’éducation à la citoyenneté’) le cadre organisationnel des Conseils d’élèves : octroyer du temps aux acteurs scolaires pour les organiser et les animer, les inscrire dans la grille horaire des élèves ?

Empreintes asbl, Mundo N, rue Nanon 98, 5000 Namur. Tél.: 081 390 660. Fax: 081 390 661. Courriel: info@empreintesasbl.be. Internet: https://www.empreintesasbl.be .

Considérer la personne dans sa globalité, l’éducation dans sa continuité

Le 30 Déc 20

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Les CEMEA (Centres d’Entraînement aux Méthodes d’Éducation Active – Mouvement d’Éducation Nouvelle) proposent des actions de formation ou d’accompagnement fondées sur l’expérimentation personnelle et l’appropriation active des connaissances pour favoriser l’émancipation. C’est dans cette perspective que nous avons opéré des accompagnements de projets Cellule bien-être.

Au départ, les établissements scolaires avaient des compréhensions et des niveaux d’appropriation du projet de natures très différentes : des attentes plus ou moins précises, des structures s’apparentant relativement aux objectifs possibles d’une Cellule bien-être… Nous avons choisi de travailler au départ de l’existant, des compétences propres à chaque équipe dans sa dimension collective, tout en considérant les forces en présence et en recherchant celles qui manquaient parfois.

Les moyens développés visaient à révéler, dans le souci d’une appropriation collective, l’existant et ainsi à participer à la connaissance et la reconnaissance des acteurs de terrain, de même qu’à mettre en œuvre des démarches participatives.

Dans certains cas, nous avons mis en lien des personnes qui ne se connaissaient parfois que très peu et qui avaient une connaissance parcellaire des missions et fonctions des autres. Dans d’autres cas, nous avons d’abord dû interroger les obstacles dans la mobilisation avant d’aller plus loin.

Nous avons observé et tenté de dégager ce qui compose des lignes de force pour un mieux-être dans les établissements au départ d’une démarche réflexive, alliant pratique professionnelle et prise de recul.
Il a souvent été question de temps pour ‘faire collectif’ et permettre un engagement durable.

Par ailleurs, nous avons constaté que l’École a ses contraintes organisationnelles et institutionnelles conjuguées aux divers décrets qui, par leur caractère ‘désincarné’, fragilisent les enseignants dans leur rôle, les directions dans leur légitimité d’action, de même que les élèves dans leur vécu scolaire.

La ‘forme scolaire’ (répartition par âge, tests normés sur les savoirs pour passer d’une année à l’autre…) nous semble avoir pour effet de rigidifier le rythme que l’enfant se voit contraint d’adopter dans ses apprentissages sous peine de redoublement.

Nous avons aussi souvent constaté que les rôles des protagonistes de l’école sont de plus en plus flous…
Ces quelques éléments questionnent les conditions nécessaires pour que l’école puisse être un lieu de vie et d’expérimentation. Ils plaident aussi pour assurer cohérence et continuité en rassemblant les acteurs et actrices de l’école pour en faire une équipe…

La question du bien-être dans les écoles serait finalement plutôt la conséquence d’un fonctionnement serein (donc ses effets) plutôt qu’un objectif; l’école est tiraillée entre reproduction sociale et volonté d’émancipation. Le bien-être doit en résulter. Ni être une condition, ni un objectif. Mais plutôt une réalité.

CEMEA, avenue de la porte de Hal 39/3, 1060 Bruxelles. Tél.: 02 543 05 90. Fax: 02 543 05 99. Courriel: education-permanente@cemea.be. Internet: https://www.cemea.be.

L’accompagnement du dispositif pilote Cellule bien-être : un pas vers plus d’intersectorialité

Le 30 Déc 20

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Un dispositif innovant et ouvert

Depuis les années nonante, de nombreuses initiatives de promotion de la santé à l’école se sont développées en Communauté française de Belgique. Nombre d’entre elles tentent d’intégrer des actions sur les contenus d’enseignement, sur les apprentissages informels produits par la fréquentation de l’école pendant et en dehors des cours, sur les modes de vie induits par l’environnement matériel et organisationnel, sur le climat scolaire.

Ces initiatives étaient généralement portées par des instances situées hors du champ de l’enseignement, notamment dans le cadre de projets financés par le secteur de la santé. En mars 2011 par contre, un dispositif pilote appelé Cellule bien-être (CBE) est promu simultanément par les ministères de l’Enseignement, de la Santé, de la Jeunesse et de l’Aide à la jeunesse de la Fédération Wallonie-Bruxelles.

Le dispositif pilote s’étalait sur deux années scolaires (2011-2012 et 2012-2013) et concerne 80 établissements volontaires de tous niveaux, tous réseaux d’enseignement et tous types (maternel et primaire, secondaire général et qualifiant, ordinaire et spécialisé). La liberté est laissée à chaque école de développer son projet en fonction de ses propres priorités et de son contexte, de ses ressources et contraintes. Les 80 écoles participantes sont réparties en deux groupes : 56 écoles A ont bénéficié d’un accompagnement méthodologique du dispositif sur deux ans, 24 écoles B n’ont pas souhaité bénéficier d’un accompagnement organisé par le dispositif, mais ont été invitées à participer aux rencontres collectives entre établissements et sont parties prenantes de l’évaluation.

Si ce dispositif s’inscrit dans la continuité philosophique et théorique des approches intégrées couramment employées en promotion de la santé à l’école, l’association des trois cabinets ministériels dans la mise en place du dispositif et l’organisation multi-niveau de celui-ci sont inédites. Est innovante aussi la volonté de laisser ce dispositif très ouvert afin de faire émerger, sans idée préconçue, des points de repères et des procédures dont les acteurs institutionnels pourront s’inspirer pour favoriser une dissémination progressive des Cellules bien-être.

Une évaluation pour faire émerger des repères pour le futur

Dans le numéro 283 d’Éducation Santé, Noémie Hubin et Gaëtan Absil (SCPS APES-ULg) ont présenté la démarche et les méthodes d’évaluation utilisées pour faire surgir et construire ces points de repères collectivement, de façon inductive et itérative. Un premier rapport d’évaluation intermédiaire ‘EvalCBE.1′ (1) est consacré à la présentation et aux premières analyses de la mise en œuvre du dispositif au niveau local. Il donne une image des initiatives développées par les établissements scolaires au cours de la première année et une première analyse des processus à l’œuvre au niveau local.

Il propose une série d’hypothèses à approfondir au cours de la deuxième année, dans les lieux de réflexions collectifs prévus par le dispositif. On relève ainsi des questionnements dans les domaines suivants :

– comment institutionnaliser une telle cellule au sein des établissements, quels sont les modes d’organisation adoptés, les acteurs impliqués, les liens noués avec d’autres structures de concertation au sein de l’école ou en dehors de celle-ci, les éléments qui facilitent ou limitent la mise en place et la continuité d’une cellule? Dans quelle mesure la préoccupation pour le bien-être prend-elle place dans une vision partagée et élargie des missions éducatives de l’école ?

– quelles stratégies sont développées pour faciliter l’intégration et la cohérence des initiatives autour du bien-être de la communauté scolaire (élèves et adultes) ? En effet, la culture d’établissement est à la fois le fondement et la conséquence de cette recherche de cohérence, les thématiques diverses liées au bien-être se complètent et s’enchevêtrent, elles nécessitent d’utiliser des ressources externes très diversifiées, elles mobilisent des approches collectives et individuelles.

– comment s’organisent et s’échelonnent les collaborations sur lesquelles s’appuyer pour développer une cellule bien-être ou des projets autour du bien-être ? Comment s’appuyer sur des ressources externes tout en laissant la main aux établissements scolaires ? Comment distinguer et faire exister dans la cohérence divers types de collaborations externes: le CPMS et le SPSE, des services qui accompagnent sur le long cours pour soutenir l’institutionnalisation d’une CBE; des organismes qui soutiennent un projet thématique depuis sa construction jusqu’à son évaluation; des acteurs qui apportent de façon ponctuelle (mais parfois récurrente) le soutien de leur expertise auprès des élèves ou des adultes de l’école; des acteurs ou services de la communauté locale, etc.

Un dispositif multi niveaux favorisant l’intersectorialité (2)

Concrètement le déploiement du dispositif est soutenu par l’accompagnement méthodologique des écoles, par une mobilisation des partenaires locaux, dont les SPSE et CPMS, ainsi que par des réflexions collectives à l’étage territorial et à l’échelon global.

L’accompagnement individualisé des CBE a été préféré à une formation systématique de leurs membres et vise, entre autres, à aider les CBE à identifier les ressources internes et les services ‘extérieurs’ auxquels faire appel, à construire les solutions pour faire face aux difficultés rencontrées dans la mise au point d’une dynamique autour du bien-être. Cet accompagnement est assuré par une quinzaine de personnes appartenant à six services issus de différents secteurs: l’éducation permanente, la jeunesse, l’aide à la jeunesse, le développement durable et la promotion de la santé : CEMEA, FPS Hainaut, Empreintes, Université de paix, Synergie, et Repères. Chacun des services accompagne 9 ou 10 écoles. Sur les deux années, les CBE se sont réunies 8 fois en moyenne avec leur accompagnateur, sans compter les contacts téléphoniques ou par mail.

L’accompagnement méthodologique est complété par des ‘journées territoriales’ organisées deux fois par an pour favoriser les échanges entre les établissements plus proches géographiquement. (Hainaut 1, Hainaut et Brabant wallon, Namur et Luxembourg, Liège, Bruxelles). Quatre journées ont été organisées dans chacun des cinq territoires: en janvier 2012, mai 2012, novembre 2012 et mars 2013. Chacune de ces quatre séries de journées a rassemblé une centaine de participants issus des Cellules bien-être. Septante pourcent des établissements ont ainsi participé à 3 ou 4 journées, trois établissements seulement n’ont participé à aucune des journées.

À l’échelle plus globale de la Fédération Wallonie-Bruxelles, des rencontres entre les différents services d’accompagnement sont régulièrement organisées: elles ont pour but de préparer les journées territoriales, mais aussi d’organiser la collecte d’informations sur les initiatives mises en place dans les écoles et enfin de construire collectivement des analyses des processus de développement des CBE.

Quatre assemblées stratégiques ont été organisées rassemblant des acteurs institutionnels de différents secteurs d’activité concernés par le bien-être à l’école, notamment échanger sur ce qui, dans le premier rapport d’évaluation, fait écho aux repères et pratiques de leur secteur d’activité.

Enfin, le dispositif est géré par un Comité opérationnel où siègent des représentants des ministères impliqués et des administrations correspondantes ainsi que l’APES-ULg, chargée de l’accompagnement et de l’évaluation du dispositif au niveau global.

Ainsi, aussi bien au niveau de sa mise en œuvre que de son évaluation, le dispositif est pensé comme une organisation favorisant les apprentissages de tous les acteurs impliqués en contact les uns avec les autres. La volonté interministérielle d’ouverture s’est aussi manifestée en associant à tous les niveaux des acteurs de diverses appartenances sectorielles. L’opportunité est ainsi offerte d’un réel travail plurisectoriel, tout en affirmant la place centrale des acteurs scolaires dans la promotion de la santé et du bien-être à l’école. Cette volonté de favoriser la plurisectorialité s’impose au vu de la variété des thématiques et des intervenants associés à la notion de bien-être en milieu scolaire.

Les processus d’appui aux établissements tout comme les autres repères issus de ces deux ans d’expérience seront présentés dans le rapport ‘EvalCBE.2’ qui sera diffusé fin octobre 2013 (3)auprès des acteurs du dispositif à tous les étages, puis commenté et approfondi par ceux-ci lors d’une ‘journée d’envol’ le 4 novembre.

On y abordera notamment les atouts et contraintes du travail plurisectoriel qui constitue un défi d’autant plus difficile à relever que l’on se rapproche du niveau global du dispositif. Bien que complexe, ce travail est précieux car il est source d’une diversification des regards sur les conditions internes et externes de la promotion du bien-être pour les enfants et les jeunes, mais aussi pour leurs éducateurs et enseignants. C’est pour ouvrir cette perspective que nous avons proposé aux services d’accompagnement de partager avec les lecteurs d’Éducation Santé un morceau de leur expérience de collaboration avec les écoles participantes. Quatre services issus d’autres secteurs que la Santé et l’Enseignement ont répondu à cet appel et ont accepté de braquer le projecteur sur une des facettes qui les a particulièrement interpellés dans l’accompagnement des Cellules bien-être. Nous les en remercions.

Contact: Isabelle Polain, chargée de mission ‘Cellule bien-être’, DGEO, rue Adolphe Lavallée 1, 1080 Bruxelles. Courriel: isabelle.polain@cfwb.be.

(1) Disponible à l’adresse suivante ( https://www.enseignement.be/index.php?page=26753&navi;=3375 ). On y trouve aussi la liste des établissements participants, la composition du comité opérationnel et de l’assemblée stratégique, et enfin des récits de leur expérience par les Cellules bien-être .
(2) Si l’intersectorialité est le but à atteindre, supposant des objectifs communs, des cadres de référence co-construits, très souvent les réalisations en sont encore aux prémices, cherchant comment mieux comprendre et faire coexister les cadres de référence des uns et des autres et s’enrichir réciproquement. Nous utiliserons donc aussi, dans ce texte, le terme ‘pluri-sectoriel’.
(3) Cet article a été rédigé le 3 octobre (ndlr)

Construire un espace de confiance à l’école

Le 30 Déc 20

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Synergie est un service d’intervention et de recherche qui soutient la formation continuée des travailleurs du social. La lecture et les questionnements que nous avons du dispositif CBE sont fortement marqués par ce que nous sommes, par ce qui fonde la pratique dans notre institution. Nous en exposons ici quelques points saillants.

Tout d’abord, au niveau institutionnel, Synergie est un des 5 services de formation agréés dans le cadre du décret de 1991 relatif à l’Aide à la Jeunesse. Contrairement au secteur scolaire, la réflexion en équipe fait partie intégrante de la pratique professionnelle des travailleurs de ce secteur et la supervision en est une modalité de formation usuelle.
Ensuite, nous avons une position propre par rapport au savoir et à la question de l’expertise: l’intervenant n’est pas sans ‘savoir’ mais son travail permanent est de pouvoir faire usage de son savoir sans que celui-ci soit, par lui ou les participants, transformé en outil de pouvoir ou d’injonction.

Enfin, notre méthodologie d’intervention permet qu’à chaque fois qu’il y a une supervision ou un accompagnement, ce n’est pas un individu qui est aux prises directement avec une équipe ou une école mais bien un accompagnateur ou un intervenant qui lui-même se réfère à une institution, à un tiers. Ces positions sont soutenues par le travail collectif et le partage entre collègues des expériences et pratiques de terrain diversifiées.

Rencontrer des acteurs différents de ceux que l’on côtoie habituellement mais néanmoins aux prises avec le même public ‘jeune’ a enrichi notre regard sur une réalité de terrain à laquelle nous sommes particulièrement attentifs et cela n’a pas manqué d’accroître notre sensibilité aux préoccupations du secteur scolaire. Le travail dans lequel nous nous sommes engagés pendant deux années nous a ouvert également à une réflexion sur la signification de la notion d’ ‘équipe’ qui ne prend tout son sens que si elle s’accompagne d’une possibilité de mise au travail collective dans un espace de confiance où la réflexivité est possible. Est-ce réellement le cas dans les écoles ? Avec le recul, nous pensons qu’un des enjeux du projet aura été de tenter de construire cet espace.

Enfin, le projet CBE nous a mis en contact régulier avec d’autres services d’accompagnement, ce qui fut pour nous l’occasion d’une confrontation à différentes déclinaisons de cette pratique et a abouti à un questionnement de nos repères habituels. Cette diversité nous a amenés à réfléchir quant à notre spécificité et à l’expliciter tant pour nous-mêmes que pour les autres. Nous avons ainsi été amenés à préciser davantage ce que recouvre pour nous la pratique de l’accompagnement.

Pour conclure, nous avons tenté, pendant ces deux années, de créer les conditions suffisantes afin que chaque école puisse entamer ou poursuivre un travail d’équipe de manière à s’approprier le projet et définir ses propres objectifs, dans une double perspective d’autonomisation et de pérennisation.

Synergie, avenue de Cortenbergh 83, 1000 Bruxelles. Tél.: 02 534 36 16. Fax: 02 534 78 29. Courriel: synergie.asbl@skynet.be. Internet: https://www.synergieasbl.net.

L’implication des parties prenantes

Le 30 Déc 20

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La raison d’être du KCE est de contribuer à l’organisation et au financement de soins de santé de qualité, rationnels et efficaces à travers la production de rapports, d’évaluations et de recommandations de bonnes pratiques qui soient scientifiquement fondées, et ‘evidence-based’ chaque fois que c’est possible. Mais la meilleure méthodologie, la démarche scientifique la plus élaborée, l’évidence la plus convaincante seront sans effet si elles aboutissent à un résultat qui ne tient pas compte de la réalité du terrain. Exactement comme la plus vigoureuse des plantes ne poussera pas si ses racines ne plongent pas dans le terreau auquel on la destine.

C’est pour cette raison que le KCE souhaite évoluer vers une implication croissante des stakeholders, c’est-à-dire des parties prenantes directement concernées par son travail. «Si nous voulons obtenir un impact», souligne Raf Mertens, directeur général du KCE, «il faut que notre produit s’articule avec les attentes des stakeholders, qu’il tienne compte de la manière dont on conçoit les problèmes sur le terrain et des réponses qui y sont attendues, qui sont souvent différentes des nôtres parce que nous partons de paradigmes différents.»

Faire évoluer les esprits

En réalité, le KCE implique déjà depuis longtemps les parties prenantes dans ses études, puisque chacune d’entre elles doit recevoir l’aval de son conseil d’administration, lui-même représentatif des principaux acteurs de notre système de santé belge. Mais cette représentation, pour savamment équilibrée qu’elle soit, reste générale et ne porte pas sur les aspects spécifiques des questions abordées dans les différentes études.

Par ailleurs, chaque étude fait l’objet d’une ou plusieurs consultations d’experts externes qui sont eux-mêmes souvent en position de stakeholder. Il arrive également que des groupements professionnels soient invités à participer à certaines études. Exemple : la consultation d’un groupe de gynécologues et de sages-femmes lors de l’élaboration des recommandations de bonnes pratiques relatives à l’accouchement normal.

Mais pour un organisme qui place l’indépendance et l’impartialité au sommet de ses valeurs, il pourrait paraître contradictoire d’ouvrir systématiquement sa réflexion à d’autres intervenants, forcément porteurs d’intérêts particuliers. Il fallait donc faire évoluer les esprits – tant parmi les parties prenantes que parmi les experts du KCE eux-mêmes – et affiner les méthodes de prise en compte des parties prenantes.

Le KCE a donc mis à son agenda une étude approfondie des méthodes, enjeux, bonnes pratiques et facteurs de succès d’une implication plus systématique des parties prenantes. Cette réflexion a impliqué l’ensemble des chercheurs du KCE, à travers des groupes focalisés, pour identifier les méthodologies à utiliser, mais aussi pour explorer leurs réticences et recueillir leurs suggestions. Le tout menant à un rapport publié début 2012, intitulé ‘Le stakeholder involvement dans les processus du KCE’. «Nous avons fait du ‘stakeholder involvement’ au sein même du processus de notre étude sur ce sujet», explique Christian Léonard, directeur général adjoint au KCE et coauteur dudit rapport. «Cela signifie que nous voulons que l’ensemble de nos experts se reconnaissent dans cette approche, c’est-à-dire qu’ils soient d’accord sur le principe et compétents dans les procédures. Ce travail a été complété par des fiches techniques qui nous permettront de travailler de manière systématique et robuste sur le plan scientifique (voir l’encadré).»

Cinq objectifs stratégiques

Une des premières conséquences de ce travail méthodologique au sein du KCE a été de définir des objectifs clairs : pourquoi impliquer les parties prenantes ? Quel résultat veut-on obtenir ? Car il ne suffit pas de les inviter à participer à l’une ou l’autre réunion; il faut que les règles du jeu soient claires, de même que les résultats attendus de chaque étape du processus. Cela implique de recourir à des méthodes de concertation différentes, selon des calendriers précis, en fonction de l’objectif poursuivi. Voici ces objectifs.

Rendre le sujet tangible

Les experts du KCE maîtrisent parfaitement les méthodologies qu’ils mettent en oeuvre, mais les domaines dans lesquels ils sont amenés à investiguer sont fort variés. Avant de s’embarquer dans un projet, il leur est donc indispensable de se familiariser avec le sujet, de percevoir la réalité de terrain telle qu’elle est vécue par les patients et/ou les prestataires.

C’est ainsi que l’expert qui va rendre visite à un patient sous oxygène à domicile aura de cette modalité thérapeutique une vision beaucoup plus concrète. De même que pour toutes les études de ‘health technology assessment’, son analyse gagnera en pertinence s’il se rend sur place afin de mieux comprendre comment le clinicien pratique un cathétérisme cardiaque, ou comment fonctionne un nouvel implant, au-delà de ce qu’en disent les prospectus du fabricant. Ces contacts permettront aussi une identification plus réaliste des coûts et des effets à prendre en compte pour la conception de modèles coût-efficacité.

Fixer la portée exacte des questions auxquelles on veut répondre

Pour que l’étude apporte une valeur ajoutée, il faut être certain qu’elle porte bien sur les questions les plus pertinentes : s’attaque-t-on au bon problème, met-on vraiment le doigt là où le bât blesse ? Il est utile, voire indispensable, de consulter les parties prenantes pour bien saisir les enjeux des problèmes abordés, pour creuser les motivations profondes et les éventuelles résistances et bien sûr pour identifier les implications financières. Mais approcher ces questions de manière transparente et participative, en concertation franche avec les acteurs de terrain, aidera aussi à donner aux résultats finaux une meilleure assise. Un exemple récent, cité par Christian Léonard, concerne le dépistage du cancer du sein : «Une concertation de type Delphi nous a permis de cerner les questions les plus ‘brûlantes’, et d’évacuer celles sur lesquelles tout le monde était d’accord depuis longtemps».

Créer l’adhésion autour du projet de recherche

Les méthodologies que le KCE met en oeuvre dans ses recherches sont éprouvées et bien maîtrisées par les experts internes. Mais pour autant, tous les stakeholders appelés à participer à un projet sont-ils bien informés et d’accord sur la manière dont l’étude va être menée ? Mieux vaut tirer cette question au clair avant de débuter, au risque, sinon, de voir les parties prenantes remettre les résultats en question au terme de tout le processus. Est-on, par exemple, d’accord sur l’échantillonnage d’une enquête planifiée et sur la formulation des questions qui seront posées, ou encore, peut-on se rallier au choix des bases de données qui seront analysées ?

Il est également essentiel de bien vérifier que tous les stakeholders, qu’ils soient directement ou indirectement concernés, ont été inclus dans ce tour de piste. Cette identification des parties prenantes répond également à des méthodologies précises. Le KCE dispose déjà d’une solide base de données des parties prenantes, mais ce travail de longue haleine doit encore et toujours être amélioré.

Viser des résultats clairs et des recommandations réalistes

Veiller à ce que le produit final des études soit réaliste et acceptable sur le terrain, c’est le travail essentiel du conseil d’administration du KCE. Mais cela ne suffit pas. C’est en impliquant les parties prenantes de la conception jusqu’à l’aboutissement de l’étude que l’on rend possible la prise en compte de leurs différents points de vue et l’articulation de ceux-ci avec les résultats et recommandations propres du KCE. La consultation des parties prenantes permet également de veiller à ce que les recommandations émises soient réalistes en termes de faisabilité, si pas de manière immédiate, au moins dans le long terme. Ainsi par exemple, les médecins généralistes ont participé à l’élaboration de recommandations relatives à la prévention et à la prise en charge du burn-out qui touche les membres de leur profession.

Trouver des canaux de communications et des relais efficaces

La dissémination des résultats reste la dernière étape de chaque publication, mais non la moindre. Car que vaut la meilleure étude si elle reste au fond des tiroirs ? En établissant dès le départ un partenariat ouvert et transparent avec les parties prenantes, on accroît les chances que celles-ci s’approprient le travail final et s’en fassent les avocats sur le terrain. C’est parfois même littéralement dans le choix des mots employés que cela se joue, comme dans l’exemple déjà cité des recommandations de bonnes pratiques de l’accouchement normal, où des sages-femmes ont été conviées à participer à la rédaction d’une version en langage ‘grand public’, accessible à toutes les femmes enceintes quel que soit leur niveau d’éducation.

Apprentissage mutuel

Ces cinq objectifs opérationnels sont également une traduction des valeurs fondamentales qui sous-tendent l’esprit de travail au sein du KCE, à savoir le respect, la transparence, l’objectivité, la modestie et la curiosité. En effet, impliquer dans le travail d’une recherche ceux qui seront les premiers concernés par son résultat relève du respect le plus élémentaire. Qu’il s’agisse d’experts professionnels ou de patients – experts d’expérience – on part du point de vue selon lequel leur savoir pourra toujours compléter de manière utile celui du chercheur du KCE.

Ce respect des opinions exprimées par les parties prenantes ne veut pas dire pour autant que celles-ci seront nécessairement mises en balance avec les évidences recueillies dans la littérature scientifique internationale. Il s’agit là d’une règle du jeu intangible qui doit être très explicitement signifiée et argumentée dès le départ à tous les participants.

Les parties prenantes ont par définition des liens d’intérêt avec le sujet sur lequel le KCE les consulte. Cela risque-t-il de déforcer ou d’infléchir les conclusions d’un rapport ? Non si les questions à propos desquelles elles sont consultées restent bien délimitées aux cinq objectifs énumérés ci-dessus et si la transparence et l’objectivité restent des valeurs cardinales dans le travail mené avec elles. Cela signifie que, chaque fois que c’est possible, les diverses opinions seront entendues, prises en compte et restituées dans le rapport final sans filtrage ni interprétation subjective. Le cas échéant, les controverses seront mises à plat. Mais les parties prenantes doivent également comprendre que le rôle des experts du KCE est de prendre de la distance par rapport à ces préférences exprimées, de les articuler avec les évidences existantes, et de tirer leurs conclusions en toute objectivité.

À côté des parties prenantes, le KCE continue à consulter des experts externes au sujet des questions purement scientifiques liées à ses études. Bien sûr, ces derniers sont aussi souvent de facto des stakeholders. La question des conflits d’intérêts se profile dès lors aussi en toile de fond de ces discussions, et ce d’une manière tout à fait différente de celle des discussions avec les parties prenantes interrogées en tant que telles. Sur ce point, le KCE reste serein, car sa position est clairement définie depuis longtemps, comme l’explique Raf Mertens : «Nous savons pertinemment bien que les experts les plus reconnus dans leur domaine sont également ceux qui sont approchés par l’industrie pour être des précurseurs dans la mise en oeuvre des innovations. Il est donc évident que l’on n’évitera jamais les conflits d’intérêt; ils sont omniprésents. C’est pourquoi nous avons choisi, plutôt que de les éviter, de les afficher en toute transparence, dans chaque rapport. Les règles du jeu sont claires pour tout le monde: nous attendons des experts externes qu’ils restent dans leur rôle d’experts et que leurs affirmations soient étayées par des données publiées.»

Enfin, la modestie et la curiosité, deux qualités essentielles pour un chercheur, sont également convoquées. Le KCE ne peut prétendre détenir la réponse définitive à toutes les questions qu’il doit traiter. C’est donc dans un esprit d’ouverture et de transdisciplinarité que chaque chercheur aborde les visions divergentes qu’il rencontre. Ce qui ne peut d’ailleurs que le mener à comprendre de façon plus nuancée les enjeux de ses interlocuteurs.

Co-construction

Le degré d’implication des parties prenantes peut être très variable selon les sujets envisagés. Entre simplement informer le stakeholder, écouter ses opinions, discuter avec les différentes parties prenantes séparément, s’engager dans une discussion commune avec tous les stakeholders, et co-construire le projet en véritables partenaires, la gradation est importante.

La co-construction, le degré le plus abouti d’implication, peut être illustrée par l’étude du KCE sur la prévention et la prise en charge du burn-out des médecins généralistes. Ainsi, l’habituelle revue systématique de la littérature scientifique et des exemples étrangers a été doublée d’une étude qualitative par entretiens en face à face avec 40 médecins généralistes belges qui avaient vécu ou vivaient un burn-out . Ensuite, les pistes d’action identifiées par les chercheurs ont été soumises, via une étude Delphi, à un panel de généralistes actifs sur le terrain, pour tester leur acceptabilité et leur priorité. Sur base de tout cela, des fiches de recommandations ont été élaborées par l’équipe de recherche, et soumises à un panel d’experts et de parties prenantes au cours d’une journée d’atelier de discussion. C’est donc en tenant compte de ces différents apports spécifiques, injectés à chaque étage de cette étude complexe, que la liste des recommandations finales a été formulée.

Cette approche en co-construction est particulièrement utile dans les domaines où il y a peu d’évidence et qui sont souvent ceux qui relèvent davantage de choix de société. «Par exemple», précise Raf Mertens, «dire qu’il faut sortir les patients psychiatriques des institutions, c’est typiquement un choix de société, beaucoup plus qu’une recommandation basée sur les preuves selon l’evidence-based medicine. Il ne revient pas au KCE de faire ce genre de choix; ce sont les stakeholders – représentant la société – qui doivent les porter. Ce qui n’empêche pas le KCE de mettre sa méthodologie scientifique au service du débat. C’est ainsi que toute une série de choix de société ou d’organisation des soins (primauté de la première ligne de soins, continuité des soins, organisation des soins autour du patient…) se cristallisent dans notre travail, mais ne pourraient advenir sans l’implication des stakeholders. À nous de mieux développer nos méthodes pour capter cette réalité sociologique dans toute sa richesse et sa complexité. Ensuite se pose la question de savoir comment on fait pour les mettre en oeuvre, et là il existe des données scientifiques: on sait par exemple que telle approche fonctionne mieux que telle autre. À ce stade, le KCE peut procéder scientifiquement et mobiliser ses méthodes scientifiques plus classiques».

Citoyens et patients

Les patients sont des parties prenantes particulières car ils sont les ‘destinataires’ finaux des soins et ils sont représentés de manière très hétérogène. Ils sont donc très fortement concernés par les études du KCE mais il n’est pas toujours aisé d’identifier les personnes qu’il faut impliquer afin que le ‘patient représentatif’ puisse faire entendre sa voix.

Une première distinction fondamentale doit être faite entre les patients au sens restreint du terme, et les citoyens-patients, consommateurs potentiels de soins, qui n’ont pas d’intérêts spécifiques, mais qui sont attentifs à l’usage qui est fait des ressources financières collectives, alimentées par leurs cotisations sociales et leurs impôts. Des intérêts parfois diamétralement opposés.

Les patients eux-mêmes peuvent intervenir à titre individuel ou via des associations de patients. Certaines de ces associations sont très professionnelles, d’autres moins. Étant constituées par des individus personnellement touchés par un problème de santé, leurs attentes sont à la mesure de la souffrance qu’ils vivent, et donc difficiles à rencontrer. Elles peuvent parfois aussi faire l’objet d’une instrumentalisation au profit d’autres intérêts qui les dépassent.

La consultation des patients sur les questions relatives à la santé publique et à l’organisation des soins est une idée assez neuve chez nous, quand on compare à ce qui se fait dans les pays voisins. «Les procédures de consultation des citoyens anglais, français et allemands, même si elles sont très différentes entre elles, sont pour nous des sources d’inspiration. Bien sûr, nous savons que nous n’aurons probablement jamais les moyens de mettre en place des processus aussi complexes. Néanmoins, nous sommes conscients que nous devrons, à l’avenir, aller beaucoup plus loin que ce que nous faisons à l’heure actuelle», reconnaît Raf Mertens. Sans compter que cela exigera des moyens supplémentaires et… du temps. Un temps qui est déjà souvent très minuté dans les plannings d’études. Il faudra en tenir compte.

Le KCE a notamment sondé les attentes et les perceptions des citoyens lors de ses rapports sur les médecines alternatives, ce qui a débouché sur un tableau assez nuancé de la situation. «Encore une fois», insiste Christian Léonard, «il faut bien comprendre que nous n’avons pas demandé aux citoyens s’il fallait rembourser l’homéopathie, car cette décision ne nous appartient pas. Mais nos recommandations ont quand même tenu compte du degré de satisfaction des patients qui disent que les pratiques parallèles leur offrent souvent une écoute riche de leurs plaintes et une prise en charge grâce à laquelle ils se sentent différemment respectés et considérés. Nous n’avons donc pas écrit qu’il fallait les refuser en bloc. En revanche, nous avons émis des précautions relatives à la formation des praticiens et à leur encadrement légal afin de ne pas mettre en péril la sécurité des patients. Quant à la question du remboursement, pour une question de cohérence, nous avons déclaré y être défavorables étant donné qu’il n’y a effectivement pas de preuves de leur efficacité qui satisfassent à nos critères scientifiques.»

«La volonté d’impliquer de plus en plus les stakeholders dans les études du KCE relève d’une évolution dans notre culture d’entreprise, dans le sens où nous voulons aussi par là renforcer notre implication sociétale», concluent les deux directeurs. «C’est pour nous une manière de nous mouiller, de ne pas rester dans une tour d’ivoire, ce que l’on a pu nous reprocher au début de notre existence.»

Le KCE évolue donc vers une implication de plus en plus marquée dans les questions de société, évolution qui sera probablement encore renforcée lorsque sera mis en place le futur Institut pour garantir des réponses concertées aux grands défis en soins de santé, qui basera lui aussi ses décisions sur les travaux du KCE.

Ce texte est extrait du Rapport annuel 2011 du KCE et reproduit avec son aimable autorisation.

KCE, Centre administratif Botanique, Door Building, Bd du jardin botanique 55, 1000 Bruxelles. Courriel : info@kce.fgov.be. Internet : https://www.kce.fgov.be

Du bon usage des méthodes qualitatives

L’implication des parties prenantes n’est pas une méthode de recherche qualitative (MRQ), mais plutôt un but en soi, auquel l’utilisation des MRQ peut contribuer positivement. Le KCE a produit l’an dernier un rapport sur ce sujet.
Dans sa première partie, ce rapport explique en quoi la recherche qualitative peut contribuer à comprendre des concepts tels que la ‘santé’, la ‘maladie’ ou encore les ‘soins de santé efficaces’. La seconde partie, plus pratique, décrit quelques méthodes régulièrement utilisées au KCE : entretiens individuels semi-structurés, groupes focalisés, l’observation directe et la méthode Delphi (méthode de consultation d’experts). Chacune de ces méthodes est décrite en termes de: définition, pertinence d’utilisation, forces et faiblesses, planning, modalité de collecte de données, échantillon, ressources humaines nécessaires, aspects pratiques, analyse, rapportage des résultats, critères de qualité, exemples de rapports du KCE utilisant cette méthode.

Kohn L, Christiaens W. L’utilisation des méthodes qualitatives dans les études du KCE. Method. Bruxelles: Centre fédéral d’expertise des soins de santé (KCE). 2012. KCE Report 187B. D/2012/10.273/67. Ce document est disponible en anglais en téléchargement sur le site du KCE.

Développer l’esprit critique des jeunes vis-à-vis de l’influence des publicités sur leur santé : pourquoi et comment ?

Le 30 Déc 20

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Les jeunes sont une cible marketing privilégiée des industriels, notamment pour des produits peu recommandés pour leur santé. Développer leur esprit critique vis-à-vis des publicités est donc un enjeu de santé publique. Pour autant, très peu d’outils d’éducation pour la santé sont développés sur ce sujet. Dans une étude récente visant à mieux connaître les stratégies marketing adressées aux jeunes, notre objectif était de déterminer les éléments à prendre en compte afin de réaliser un outil capable de développer leur esprit critique face à la publicité. Dans cet article nous présentons les principaux résultats de cette étude.

Pourquoi développer l’esprit critique des jeunes quant à l’impact des publicités sur leur santé ?

Les Industries (agroalimentaire, multimédia, alcool et tabac) n’hésitent pas à utiliser des stratégies variées pour transformer leurs cibles marketing que sont les enfants et les adolescents en prescripteurs d’achat.
Pour atteindre leur but, les marques s’efforcent notamment de décoder les styles et effets de mode les plus efficaces pour vendre leurs produits aux jeunes consommateurs. Les publicitaires développent ainsi des stratégies de persuasion très habiles qui s’appuient sur des mécanismes affectifs et cognitifs (plaisir, contrôle, éveil, sympathie, sérieux, fantaisie, humour) (1-2-3).

Souvent, des moyens détournés sont utilisés pour tenter de faire adhérer une partie de la population à un mode de vie et de l’associer à un produit ou à une marque (4). À titre d’exemple, les industries du tabac et de l’alcool utilisent des techniques de placement de produits dans les films destinés aux jeunes, les associent à leurs stars préférées, ou encore font la promotion d’un effet mode ou collector (paquets collector, produits aromatisés, boissons de type premix…) (5-6-7). Le rôle de la publicité dans les choix alimentaires des jeunes est aujourd’hui clairement démontré. Un rapport britannique (8) a analysé une centaine d’études sur la publicité alimentaire destinée aux enfants. Il montre que celle-ci a un effet sur les enfants, en particulier dans les domaines des préférences alimentaires, des comportements d’achat et de consommation. Plus récemment, un rapport américain (9) insiste sur la forte influence des spots télévisés sur les comportements alimentaires des enfants.

En recherchant l’adhésion des enfants et des adolescents aux idéaux proposés, les marques tentent de les placer en position de prescripteurs d’achat, ce que les professionnels du marketing appellent désormais le «Pester Power» (10). Ce pouvoir de prescription, c’est-à-dire, d’influence sur les choix d’achat de la famille intéresse particulièrement les industriels et les professionnels du marketing et ce, d’autant plus que l’enfant est un agent économique à part entière. Il influence le budget familial en sollicitant ses parents ou en utilisant son propre argent de poche. D’après de récentes estimations, l’argent de poche représente à lui seul une enveloppe d’un potentiel d’achat compris entre 1,5 et 3 milliards d’euros par an en France (11) !

Ainsi, le marché de la publicité à destination des enfants représente un véritable enjeu pour les annonceurs. La télévision reste le média par excellence auquel le jeune enfant est le plus exposé. Même si plus tard, l’adolescent multiplie les expériences médiatiques, la place de la télévision n’en demeure pas moins importante (12). La publicité ne peut être distinguée de la télévision. Elle en fait partie intégrante. C’est elle qui la finance. Chaque année, quelques 50 000 spots spécifiquement «ciblés jeunes» sont diffusés sur les chaînes françaises au cours des émissions qui leur sont destinées. Ce matraquage publicitaire est repris sur les affiches apposées sur le mobilier urbain, dans la presse jeunesse, à la radio, au cinéma, sur internet et même sur les téléphones portables.

Au regard de ces différents éléments, il semble important de développer l’esprit critique des enfants et des jeunes face aux influences publicitaires. Véritable enjeu éducatif (13), ce travail reste pourtant une exception, surtout en milieu scolaire (14).

Comment développer l’esprit critique des jeunes vis-à-vis des publicités ?

En nous basant sur les recommandations en éducation à la santé en milieu scolaire, nous avons choisi de développer un outil ludo-éducatif (15) intitulé «Mitraillage publicitaire». Pour ce faire, une équipe pluridisciplinaire composée de professionnels de la santé (médecins, animateurs en prévention, spécialistes en éducation pour la santé), de chercheurs en psychologie sociale et cognitive, de spécialistes en communication et marketing et d’enseignants a réalisé une revue de la littérature à partir de laquelle un travail d’enquêtes approfondies a été mené auprès de 255 enfants et jeunes de 8 à 25 ans.

Cette étude nous a permis d’identifier les éléments à prendre en compte pour élaborer un outil dont l’objectif est de développer l’esprit critique des jeunes vis-à-vis des publicités. Les résultats sont présentés ci-après.

Prendre en compte les techniques susceptibles d’attirer l’attention des enfants sur les messages publicitaires

Pour faire comprendre aux jeunes quelles sont les techniques des publicitaires, il est important de les aider à repérer les méthodes de manipulation utilisées pour leur plaire et favoriser la mémorisation des marques.

Une étude menée en 2010 (16) a répertorié les principales techniques susceptibles d’attirer l’attention des enfants sur les messages publicitaires. Ces techniques sont réparties selon les quatre dimensions suivantes :
– la dimension affective et identitaire qui mise sur l’importance d’appartenir à un groupe ou d’adhérer à une représentation (présence visuelle d’un personnage issu de la marque, d’une vedette, d’un animal ou d’un élément animé particulier, présence d’un ou plusieurs enfants et/ou parents, etc.);
– l’écoute attentive qui attire l’attention et optimise l’écoute (présence ou absence de musique, slogan, durée du message publicitaire, prime à l’achat, etc.);
– la charge émotive qui repose sur des émotions agréables que la publicité suscite ou encore sur le spectacle qu’elle offre (intrigue publicitaire, utilisation de l’humour et d’éléments de spectacle visuel, etc.);
– la dimension esthétique ou signalétique qui permettent d’identifier rapidement le produit ou la marque (utilisation de couleurs, présentation visuelle du produit et de l’emballage, présentation auditive du produit ou de la marque, etc.).

Par exemple, une première enquête réalisée auprès de 140 jeunes âgés de plus de 10 ans nous a permis de constater que les publicités préférées des jeunes étaient celles qui utilisaient l’humour, particulièrement efficace, ou celles faites pour une marque déjà appréciée est reconnue comme étant «à la mode».

Identifier les valeurs publicitaires spécifiques utilisées pour les jeunes

Les publicitaires utilisent des leviers spécifiques pour capter l’attention des jeunes. Ils reposent sur des valeurs importantes à leurs yeux ou tiennent compte de leurs aspirations. Les principales valeurs identifiées sont: la nouveauté, l’originalité, le luxe, le confort de vie sociale, l’image («être cool, à la mode»), l’interdit, la rébellion, la liberté, l’évasion, l’exotisme, le bonheur, la convivialité, la famille, la tendresse, l’affection, la fidélité, la confiance, le symbole, le rêve, l’authenticité, la simplicité, la superpuissance, le héros, l’humour, la séduction, la sensualité, le plaisir, le dynamisme , la vitalité, la santé et la sécurité.

Parmi les différentes publicités destinées aux jeunes, il est possible de choisir celles qui utilisent ces leviers. En s’appuyant sur 3 ou 4 extraits de publicités sélectionnées préalablement, l’activité pédagogique a pour objectif de permettre aux jeunes d’apprendre à les identifier et par la suite de les repérer plus facilement.

Cibler les supports publicitaires spécifiques pour les enfants et les jeunes pour rendre compte de leur diversité

Les industriels utilisent plusieurs supports publicitaires pour faire connaitre leurs marques et leurs produits. Il peut s’agir de la télévision, de la radio, du cinéma (avec placement de produits), de l’affichage sur le mobilier urbain, d’objets publicitaires divers, d’Internet et des réseaux sociaux, de la téléphonie mobile, de la presse écrite (les magazines, les journaux), ou encore de prospectus.

Compte tenu de l’évolution de la technologie, la littérature actuelle recommande de porter une attention particulière aux supports suivants: la téléphonie mobile, Internet et les réseaux sociaux. Dans notre enquête, la télévision reste cependant le support publicitaire signalé comme étant le plus attractif.

Pour réaliser un outil éducatif ouvert à toutes les stratégies possibles, il convient d’utiliser des exemples provenant de divers supports. Ceci est d’autant plus important qu’il peut exister des limitations ou des interdictions de publicités selon les supports (par exemple: l’interdiction et/ou la restriction de la publicité pour l’alcool ou le tabac (*1)).

Tenir compte du cadre juridique lié à la diffusion de publicité

L’aspect juridique est un élément très important dont il faut tenir compte lors de la construction d’un outil sur les publicités.
En France par exemple, la PROCIREP (Société civile des producteurs de cinéma et de télévision) veille à la diffusion des œuvres audiovisuelles qui nécessitent d’obtenir l’autorisation des ayants droit. Il est cependant autorisé de diffuser des extraits librement (art L.211-3 du Code de la Propriété Intellectuelle) s’ils sont très courts et accessoires. Ces données législatives ne sont valables que dans le cadre de la recherche ou de l’enseignement.

Proposer une version «socio-écologique» de l’outil

Pour optimiser le transfert à la vie réelle des connaissances et compétences apprises par les jeunes à partir de l’outil pédagogique, il est recommandé d’utiliser une approche dite «socio-écologique». Autrement dit, il s’agit de construire un outil qui soit le plus proche possible de la vie quotidienne des jeunes.

Pour un outil dont la vocation est d’éduquer les enfants à l’influence publicitaire, il est possible de sélectionner des extraits de publicités récentes et actuelles. Parce que les publicités évoluent très rapidement, des actualisations sont nécessaires pour tenir compte des saisons et des évènements (par exemple: Noël, fête des mères, rentrée scolaire…). Cette nécessité de mise à jour régulière de l’outil quant à son contenu (les extraits choisis) requiert de le concevoir avec une structure souple et facile à réactualiser.

Pour optimiser l’adéquation entre l’outil et les jeunes auxquels il est destiné, il est par ailleurs recommandé de les faire participer à sa création. Par exemple, ils peuvent être sollicités et impliqués dans la phase de sélection des publicités qui seront par la suite intégrées à l’outil.

Adapter l’outil au milieu scolaire

Pour optimiser l’utilisation d’un outil «en routine» dans les établissements scolaires, il est indispensable de veiller à la faisabilité de son utilisation dans le cadre scolaire et donc de tenir compte de plusieurs facteurs comme: le nombre de participants (groupe classe ou demi-classe), la durée, le matériel utilisé. Il est également nécessaire que l’animation pédagogique puisse être assurée par les enseignants dans le cadre de leurs compétences et de leurs champs disciplinaires respectifs.

Il est conseillé que cet outil puisse s’intégrer aux programmes scolaires. Par exemple, en France, l’outil s’inscrit dans 4 des 7 piliers du socle commun de connaissances et de compétences que tout élève doit savoir et maîtriser à la fin de la scolarité obligatoire: la maîtrise de la langue française, les principaux éléments de mathématiques et la culture scientifique et technologique, les compétences sociales et civiques, l’autonomie et l’initiative.

Renforcer l’éducation à la santé par l’éducation à la consommation et à la citoyenneté

Un outil qui traite des publicités devrait permettre de faire le lien entre la société, la consommation et les comportements de santé. L’enjeu est triple puisqu’il s’agit d’éduquer à la consommation, à la citoyenneté et à la santé. L’étude que nous avons menée a permis de constater que les enfants et les adolescents sont capables de décrypter les enjeux publicitaires et de citer leurs influences sur les comportements d’achat. Par contre, ils ont des difficultés pour établir une relation entre leurs comportements d’achats et leur santé. Parce que ce lien décisif entre la publicité et la santé reste difficile à faire, il constitue un enjeu majeur dans la conception de l’outil et son animation.

En bref…

Cette étude a permis d’identifier les éléments à prendre en compte lors de l’élaboration d’un outil visant à aider les jeunes à repérer les stratégies marketing et à comprendre l’effet de la publicité sur leurs comportements d’achat.
Afin de développer encore davantage l’esprit analytique et critique des jeunes vis-à-vis de l’influence publicitaire, les relations entre l’éducation à la citoyenneté, à la consommation et à la santé méritent d’être renforcées.

(*1) Code de la santé publique, art. L. 3323-2 et s. et R. 3323-1 (modifié par l’ordonnance n°2010-18 du 7 janvier 2010 – art. 3) et art. L. 3511-3 et s. (modifié par la loi n°2010-1658 du 29 décembre 2010 – art. 73 (V))

Références bibliographiques

(1) Brown S. P., Homer P. M. et Inman, J. A meta-analysis of relationships between ad-evoked feelings and advertising responses, Journal of Marketing Research, 1998, 35, 114-126.
(2) De Barnier V., Le rôle des émotions sur l’attitude envers la marque (Ab): pour une médiation totale de l’attitude envers le message (Aad), Recherches et Applications Marketing, 2002, 17, 3, 81-99.
(3) Blanc, N., & Daudon, C. L’humour, une stratégie de communication efficace en publicité? In N. Blanc & J. Vidal (Éds.), Publicité et psychologie 2009, p. 71-106. Paris: Éditions InPress.
(4) Marcotte JF. Le marketing social et la manipulation des comportements, Esprit critique, vol.02, no.09, Septembre 2000.
(5) Pierce J.P, Choi Won S, Gilpin E.A, et al. Tobacco industry promotion of cigarettes and adolescent smoking. JAMA. 1998;279(7):511-515
(6) Snyder L.B, Fleming Milici F, Slater M, Sun H, Strizhakova Y. Effects of alcohol advertising exposure on drinking among youth. Arch Pediatr Adolesc Med. 2006; 160:18-24
(7) Shifrin D.L, Brown A, Dreyer B.P, Ginsburg K.R, Milteer R.M, Nelson K.G, Ann Mulligan D. Children, Adolescents, and advertising. American Academy of Pediatrics 2006; 118; 2563-2569.
(8) Hastings G, et al. Review of research on the effects of food promotion to children. Final report prepared for the Food Standarts Agency. 2003.
(9) Institute of Medicine. Food marketing to children and youth: threat or opportunity? The national Academy Press, Washington DC 2006, https://www.nap.edu
(10) Vandercammen M., L’enfant prescripteur. Comment les marques utilisent le marketing générationnel. CRIOC. Mars 2005.16 p.
(11) Bernes C., Loisel JP. Vulnérabilité et responsabilité des jeunes en matière de consommation. Éléments d’analyse et de réflexion pour l’éducation à la consommation. INC Hebdo, n° 1393; 3-9 juillet 2006
(12) Dagnaud M. Enfants, consommation et publicité télévisée. Collection Les études de La documentation française, 2007, 108 p
(13) Pechmann C et L. Wang. Effects of Indirectly and Directly Competing Reference Group Messages and Persuasion Knowledge: Implications for Educational Placements, Journal of Marketing Research, 2010, february, 134-145.
(14) Rodhain A. «Essai de compréhension de la relation entre l’enfant et la marque dans le contexte scolaire». Thèse: Université Montpellier II Sciences et Techniques du Languedoc, 2003
(15) Musset M., Thibert R. Quelles relations entre jeu et apprentissages à l’école? Une question renouvelée. Dossier d’actualité de la VST, n° 48 – Octobre 2009.
(16) Laperrière JP., Renaud L., Des Rivières-Pigeon C. «3.3 Les stratégies qui plaisent aux jeunes: une présence accrue sur les chaînes jeunesse » in Lise Renaud (dir.). Les médias et la santé: de l’émergence à l’appropriation des normes sociales , Coll. «Santé et société», Québec, Presses de l’Université́ du Québec, 2010, p. 163-172.

Un peu d’animation, cela fait du bien !

Le 30 Déc 20

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Alain Douiller à Bruxelles le 29 octobre 2013

Après Dominique Maricq en 2009, Bernard Goudet en 2010 et Patrick Peretti-Watel en 2011, Éducation Santé accueillera cette année Alain Douiller à l’occasion de la récente parution de son ouvrage (écrit à plusieurs mains) ‘25 techniques d’animation pour promouvoir la santé’ (1).

Le mardi 29 octobre prochain, Alain Douiller sera donc parmi nous pour une journée en deux temps qui promet d’être passionnante.
Directeur du Comité départemental d’éducation pour la santé du Vaucluse, situé à Avignon (https://www.codes84.fr ), il développe des projets, forme des acteurs et anime des groupes en promotion de la santé depuis plus de 20 ans. De 1998 à 2002, il a été rédacteur en chef de la revue du Comité français d’éducation pour la santé (maintenant INPES), Santé de l’Homme . En 2006, il a cosigné le guide d’aide à la rédaction en promotion de la santé «Écrire en santé publique» publié par la Société française de santé publique. Il vient de sortir cette année avec Claire Belisle et une vingtaine de professionnels de l‘éducation pour la santé de la Région Provence Côte d’Azur ‘Photolangage jeunes et alimentation – Pour penser ce que manger veut dire’ chez Chronique sociale.

Les partenaires fidèles d’Éducation Santé pour cet événement sont l’asbl Question Santé (https://www.questionsante.org )(2) et le FARES.

Atelier du 29/10 matin (accueil à partir de 9h30)

Un atelier d’une durée d’environ 2h30 de 10h à 12h30 autour de la place des actions de proximité et des animations dans le contexte actuel de travail des associations. Ce contexte est caractérisé par une certaine incertitude quant à leurs missions, leurs moyens humains et financiers, leur avenir d’une manière générale. On pourra s’interroger également sur l’évaluation des actions, son utilité, ses pièges aussi…
Animation : Question Santé. Rôle de l’invité: Alain Douiller nous proposera un regard en miroir de sa longue expérience de cette question en France.
L’inscription est gratuite et indispensable. Une réflexion préalable sera demandée aux participants.Si cet atelier vous intéresse, vous pouvez d’ores et déjà vous inscrire par courriel adressé à info@questionsante.org. Ne tardez pas car le nombre de places est limité à 20 personnes.

Conférence du 29/10 après-midi (accueil à partir de 14h30)

Dans sa conférence , de 15h à 16h30, Alain Douiller plantera le décor en trois temps :
– présentation de la structure dans laquelle il travaille et de l’organisation de la promotion de la santé en France. Préparez vos mouchoirs: il nous promet quelques larmes en comparant la situation française à celle que nous connaissons pour le moment en Fédération Wallonie-Bruxelles… La comparaison entre un comité départemental et un CLPS devrait être très intéressante!
– le contexte des formations aux techniques d’animation à l’origine de l’ouvrage (dans le cadre d’un pôle de compétences financé par l’INPES);
– son investissement personnel dans ce domaine depuis des années, motivé par la faiblesse des publications dans le champ de l’animation en promotion de la santé.
Il appuiera son exposé sur quelques rappels théoriques et surtout sur des exemples concrets tirés de son livre.

L’inscription est gratuite et obligatoire.Si cette conférence vous intéresse, vous pouvez d’ores et déjà vous inscrire exclusivement par courriel adressé à info@questionsante.org. Ne tardez pas, car le nombre de places est limité. Une confirmation de votre inscription vous sera demandée vers la mi-septembre.

La conférence sera suivie par le verre de l’amitié et une séance de dédicaces.
Ces deux activités auront lieu dans l’auditorium du FARES, rue de la Concorde 56, 1050 Bruxelles.

25 techniques d’animation pour promouvoir la santé

Animez un jour une séance de groupe de promotion de la santé: vous comprendrez que l’exercice ne s’improvise pas et remercierez les auteurs de ce guide de vous livrer sur un plateau les clés d’une intervention réussie…
Le titre n’est peut-être pas très sexy mais il est explicite. De fait, cet ouvrage est avant tout un guide pratique pour les intervenants en promotion de la santé, publié par la jeune maison d’édition Le Coudrier , dans sa collection Outils pour la santé publique. Son auteur principal, Alain Douiller, dirige actuellement le Comité d’éducation pour la santé du Vaucluse.

Ses six complices d’écriture sont également formateurs en éducation et promotion de la santé. «Pour concevoir cet ouvrage», expliquent-ils, «nous avons dans un premier temps recensé toutes les techniques d’animation que nous avions expérimentées, comme animateurs ou participants. Puis nous avons sélectionné celles qui nous sont apparues les plus opérantes et les plus utiles: celles dont nous nous servons réellement et que nous nous sentons prêts à recommander.»

Point d’exhaustivité donc mais le label ‘testé et approuvé’ pour les 25 techniques retenues (26 en réalité). Chacune fait l’objet d’une fiche détaillée, très concrète, reprenant toujours les mêmes items choisis pour leur intérêt pratique.

Rassemblées au coeur du livre, ces pages offrent une vue synthétique, donc précieuse, des outils à disposition, de leur intérêt, de ce qu’on peut en attendre, du public concerné, des moyens et conditions nécessaires au bon déroulement de la séance, des précautions à prendre, etc. Les habitués des séances de promotion de la santé retrouveront certainement de vieilles connaissances, les redécouvriront parfois, tandis que les novices puiseront un tas d’idées pour concevoir leurs premières interventions. Fidèles à leur souci de faire court et d’être utiles aux intervenants, les auteurs livrent deux tableaux supplémentaires. L’un référencie les techniques en fonction des objectifs d’animation poursuivis. L’autre liste les objectifs accessibles à partir de chaque technique.
(extrait de la présentation de l’ouvrage par Anne Le Pennec dans Éducation Santé 286, février 2013)

25 techniques d’animation pour promouvoir la santé, Alain Douiller et coll., Éd. Le Coudrier, 2012. 191 pages.
Le livre n’est pas facile à trouver en Belgique. Nous en tenons quelques exemplaires à votre disposition au prix de 31,5 euros frais d’envoi compris. Vous pouvez adresser votre commande à education.sante@mc.be.

(1) Voir l’article d’Anne Le Pennec ’25 techniques d’animation pour promouvoir la santé’ dans notre numéro de février (https://www.educationsante.be/es/article.php?id=1559 ).
(2) Question Santé co-organise ces deux moments de réflexion dans le cadre de ses activités ‘santé’ et ‘éducation permanente’ pour la Communauté française et de ses activités ‘santé’ pour la COCOF de la Région de Bruxelles-Capitale.

La Fédération Wallonie-Bruxelles et les attitudes saines

Le 30 Déc 20

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La Ministre de la Culture, de l’Audiovisuel, de la Santé et de l’Égalité des chances, a fait le point sur les initiatives qu’elle soutient en matière d’attitudes saines à l’occasion de la journée européenne contre l’obésité du 24 mai dernier. Voici de larges extraits de son intervention (les titres sont de la rédaction).

Données et actions en milieu scolaire

Les résultats de la dernière enquête sur les comportements de santé des jeunes en âge scolaire, couramment dénommée ‘HBSC’ (Health Behaviour of School-aged Children), ont été publiés et diffusés au mois de mars (1). Il s’agit d’une source d’information très intéressante notamment parce qu’elle est réalisée régulièrement depuis l’année 1986 et qu’elle est effectuée dans de nombreux pays. Elle permet donc une analyse dans le temps et dans l’espace.
Sur les plans de l’alimentation, de la surcharge pondérale et de l’image de soi, trois critères de préoccupation dans ma politique de promotion des attitudes saines, les résultats de l’enquête montrent que les jeunes sont plus enclins à manger quotidiennement des fruits et des légumes. Au niveau international, les adolescents en Fédération Wallonie-Bruxelles font partie des plus grands consommateurs de fruits et de légumes.

En 2010, un jeune sur sept présente une surcharge pondérale. Cette proportion, qui reste relativement stable depuis 1994, est inférieure à la moyenne des autres pays participants à l’étude HBSC, aussi bien parmi les jeunes de 11 ans que parmi ceux de 13 et de 15 ans.

L’image de soi varie en fonction du statut pondéral. La proportion de jeunes qui se trouvent ‘comme il faut’ est plus élevée parmi les jeunes qui ne sont pas en surpoids et ce tant chez les garçons que chez les filles. Toutefois, on observe que les adolescentes portent un regard plus critique sur leur propre corps que les garçons. En effet, 40,8% des adolescentes qui ne sont pas en surpoids se considèrent comme ‘un peu ou beaucoup trop grosses’ et 48,5% se trouvent ‘comme il faut’, alors que chez les garçons ils sont respectivement 17,1% et 59,8%.

Bien qu’il reste encore du pain sur la planche, ces résultats traduisent une situation moins catastrophique que celle qui est souvent décrite par les médias. Ils traduisent les efforts de tous les opérateurs et de tous les professionnels de la santé, à l’origine de cette stabilisation.

La problématique de l’obésité et sa prise en compte dans les politiques de la Fédération Wallonie-Bruxelles n’est pas nouvelle. De nombreuses initiatives ont vu le jour ces dix dernières années. Je pense notamment aux travaux sur les distributeurs de soda, le programme ‘lait’ ou ‘fruit’, les actions ‘soupe’ à l’école, les fontaines à eau, l’augmentation du nombre d’heures d’activités physiques, les projets menés par les écoles elles-mêmes.

Plus récemment, en collaboration avec l’État fédéral et mes collègues de l’Enseignement et de l’Enfance, j’ai mis à disposition un Cahier spécial des charges de référence en matière d’alimentation saine et savoureuse pour les écoles et les centres de vacances (2).

Actuellement, je peux vous donner quelques éléments relatifs aux formations proposées pour accompagner son utilisation.

Douze modules de trois journées de formation ont été réalisés, ce qui représente 98 personnes de 60 institutions différentes. Ces personnes sont essentiellement des cuisiniers, des comptables et des économes. Les écoles sont les institutions les plus demandeuses mais on trouve aussi des centres sportifs, des internats, des centres de vacances, une crèche, un pouvoir organisateur provincial, un fournisseur et deux asbl actives en matière de prévention. Au niveau géographique, il y a clairement une demande plus importante dans les provinces du Hainaut et de Liège.

Seize accompagnements individuels sont prévus pour cette année. Il s’agit d’accompagnements personnalisés qui visent à répondre aux besoins particuliers des établissements. Ils ont pour but d’apporter une compréhension technique des principes nutritionnels, un soutien pour une adaptation éventuelle du cahier spécial des charges, une aide pour évaluer les offres des soumissionnaires. À ce jour, onze structures ont formulé une demande.

Par rapport à une diffusion plus large du cahier spécial des charges, je suis évidemment favorable à ce qu’il soit utilisé par un maximum de structures collectives qui accueillent des enfants et des jeunes.

Si ma collègue en charge de la Jeunesse et de l’Aide à la Jeunesse souhaite une diffusion du cahier spécial des charges dans les structures relevant de ses compétences, je l’adapterai pour prendre en compte l’ensemble des repas journaliers qui sont servis dans les structures d’aide à la jeunesse.

Toutefois, j’insiste sur la nécessité de le promouvoir et de prendre des mesures afin qu’il soit utilisé comme une référence pour les collectivités concernées. Ceci étant, mon administration a diffusé le cahier des charges auprès de la direction générale du sport en charge des centres sportifs de l’ADEPS, et auprès de la direction générale de l’Aide à la Jeunesse, en charge notamment des institutions de protection de la jeunesse et de différents centres d’accueil et d’hébergement.

De nombreuses autres initiatives

En matière d’initiatives récentes, je citerai aussi l’appel à projets communaux de promotion de la santé qui a permis, sur une période de trois années, de subventionner le nombre impressionnant de 102 projets relatifs à l’alimentation saine, thématique de santé que j’estime prioritaire. Ceci montre l’intérêt et les besoins en la matière.

Ensuite, je soutiens plusieurs opérateurs spécialisés.

  • Le projet de l’asbl ‘CORDES’ (Coordination Éducation Santé asbl) produit et diffuse des outils pédagogiques dans les écoles afin de promouvoir une alimentation équilibrée.
  • Le projet de l’asbl ‘Promotion santé et médecine générale’ a pour objectif de développer une approche préventive chez les médecins généralistes. Ce travail préventif est axé notamment sur le dépistage des facteurs de risque comme le diabète, l’obésité et l’hypertension.
  • L’asbl ‘Cultures & Santé’ effectue, quant à elle, un travail de promotion de la santé avec des publics précarisés.
  • Le ‘Réseau Santé Diabète’ au sein des Marolles développe une approche pluridisciplinaire de cette problématique, également mise en évidence dans le travail de la Maison médicale Galilée.
  • Je soutiens également la campagne de sensibilisation ‘0-5-30 (3), une combinaison gagnante pour votre santé’ de l’Association des provinces wallonnes dans le cadre des espaces gratuits radiodiffusés réservés à des messages de promotion de la santé.

Je souhaite aussi rappeler le rôle des services PSE et des centres PMS de la Fédération Wallonie-Bruxelles en matière de promotion de la santé et plus particulièrement de dépistage du surpoids. À chaque bilan de santé, l’enfant est pesé et mesuré. Lorsqu’un problème de surpoids est détecté, la médecine scolaire en informe les parents. Les services PSE développent également des projets de promotion des attitudes saines dans les établissements scolaires via notamment les projets de service.

Il est certain que prévenir le surpoids est une stratégie pertinente quand on connaît les difficultés rencontrées pour réduire le poids chez des personnes obèses. Cependant, des auteurs soulignent que la réduction des discriminations liées au poids est tout aussi importante que la réduction de l’indice de masse corporelle. En effet, ils soulignent que les effets néfastes des stigmatisations de l’enfant pourraient sans doute s’avérer aussi délétères pour son bien-être que son excès de poids.

En juin 2012, l’asbl Question Santé que je finance sur un budget de promotion de la santé mais aussi sur un budget d’éducation permanente, a lancé la campagne ‘Voyons large’ de sensibilisation contre la discrimination liée au surpoids. Cette campagne, en partenariat avec le Centre pour l’égalité des chances et la lutte contre le racisme, a pour but d’attirer l’attention sur la stigmatisation et la discrimination liées à la corpulence et de lutter ainsi contre les préjugés et les stéréotypes négatifs qui sont véhiculés sur les personnes rondes. Cette campagne est prolongée et amplifiée cette année. Elle peut être consultée sur le site https://www.voyonslarge.be.

Dans le cadre de mes compétences audiovisuelles, j’accorde une place importante à l’éducation aux médias. En effet, la publicité occupe une place importante dans notre vie quotidienne. Elle évolue constamment, utilisant notamment les nouvelles technologies. Il est donc indispensable de décoder les stratégies publicitaires et de former les jeunes à en faire l’analyse. C’est pourquoi, le Conseil de l’éducation aux médias a publié un document pédagogique pour les enseignants, en collaboration avec le centre de ressources Média Animation intitulé ‘Comprendre la publicité’. Il a pour objectif l’acquisition et la maîtrise d’outils d’analyse permettant aux élèves de développer un regard critique sur les messages publicitaires.

Je citerai aussi l’organisation du symposium du 3 mai dernier organisé par l’Académie Royale de Médecine de Belgique sur le thème de l’excès de poids chez l’enfant. Les exposés concernaient essentiellement des aspects de prise en charge du surpoids sur le plan thérapeutique. Les orateurs ont rappelé combien il est primordial d’adopter une approche multifactorielle prenant en compte l’ensemble des déterminants physiques et psychologiques du patient lors des traitements. Ils ont également souligné qu’il est indispensable de mobiliser l’ensemble du noyau familial entourant l’enfant lors de la prise en charge de l’obésité.

Il ne me semble pas pertinent de vouloir coordonner l’ensemble des initiatives qui sont prises. Je pense qu’il est intéressant que des initiatives puissent voir le jour spontanément et répondre à des préoccupations locales, nourrir des réflexions et des pratiques. Ceci ne signifie pas pour autant qu’aucune concertation n’est nécessaire. Lorsqu’elle s’avère utile, au sein d’un même Gouvernement ou entre les différents Gouvernements, les dispositifs de concertation sont activés. Cela a été le cas pour la production et la diffusion du cahier spécial des charges ‘Alimentation saine et savoureuse’ ou pour le Plan national nutrition santé (PNNS) qui a fait l’objet de plusieurs examens en Conférence interministérielle de santé publique puisque, comme vous le savez, l’accord de réforme institutionnelle prévoit qu’il soit transféré aux Communautés.

Conclusion

L’approche en promotion de la santé prend en considération l’ensemble des déterminants sociaux, économiques, de formation, pour agir sur la santé et plus particulièrement sur les inégalités sociales de santé.

Ainsi, les opérateurs de promotion de la santé visent à améliorer les aptitudes individuelles, les connaissances, l’esprit critique, le développement de compétences et un certain changement d’environnement. C’est un travail difficile et de longue haleine à développer au quotidien.

L’ensemble des projets que je viens de citer montre combien j’accorde de l’importance à la problématique des attitudes saines et que les actions qui sont menées s’adressent à un public cible bien plus large que les enfants et les jeunes.

Quant à savoir si toutes les initiatives que je soutiens sont suffisantes, il est certain que je préfèrerais pouvoir les multiplier. Mais vous connaissez comme moi le contexte budgétaire…

(1) Éducation Santé y reviendra très prochainement.
(2) Voir C. De Bock, ‘Que mange-t-on ce midi à la cantine scolaire?’, Éducation Santé n° 285, pages 10 et 11.
(3) Voir l’article de Luc Berghmans ‘0-5-30, trois chiffres à retenir pour votre santé’, Éducation Santé n° 290, juin 2013, pages 17 et 18.